142 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [11 janvier 1791. | sion de 15 millions, la multiplication de la division des signes devienne un véritable embrouillamini. Il y aura des pièces de 24, de 30, de 15, de 12, de 6 sous et ainsi de suite. (Murmures.) Messieurs, si votre parti est pris de ne pas m’entendre, je me retire; mais je dénonce votre opération; elle est mauvaise, vous vous en repentirez. M. Bclzais-Courménil. Vous adopterez sans doute une nouvelle inscription et une empreinte plus nationales; vous reconnaîtrez qu’il est utile de multiplier à l’infini les signes de la liberté. (On applaudit.) Mais si vous changez la légende et l’empreinte, il est presque indispensable d’adopter une nouvelle division; en fabriquant des pièces de 15 et 30 sous, vous ferez un grand pas vers la division décimale tant désirée. M. Martineau. Je m’oppose de toutes mes forces à ce qu’on décrète des pièces de 30 et de 15 sols et j’en donne deux raisons. La première vient de vous être énoncée par M. de Virieu; la seconde estqu’ayant le pauvre en vue vous trouverez dans vos 15 millions un pins grand nombre de pièces de 12 et de 24 sois que de 15 et de 30 sols. Un membre : Je demande la question préalable sur l’amendement de M. de Virieu. (La question préalable est adoptée.) Les articles 3, 4, 5, 6 et 7 sont successivement mis aux voix et décrétés dans la forme suivante : Art. 3. « Cette monnaie sera divisée en pièces de 30 sols et de 15 sols, et il en sera fait pour 7,500,000 livres de chaque espèce. Art. 4. « La valeur de chaque pièce sera exprimée sur l’empreinte. Art. 5. « L’Assemblée nationale invite le3 artistes à proposer le modèle d’une nouvelle empreinte, et elle charge son comité des monnaies de lui rendre compte de leur travail dans la quinzaine. Art. 6. « Il lui présentera, dans le même délai, ses vues sur la légende qu’il convient de substituer aux anciennes, et sur les moyens d’éviter les abus qui pourraient s’introduire* dans cette fabrication. Art. 7. (. Les divisions actuelles de l’écu en menue monnaie d’argent, et la monnaie de billon qui existent dans la circulation, continueront d’avoir cours, comme par le passé, jusqu’à ce qu’il en soit autrement ordonné; mais il n’en pourra être fabriqué d’autres. » Un membre : Dans l’article 8 du projet de décret actuellement en discussion, il est dit qu’il sera fabriqué de la monnaie de trois deniers; je crois que celte monnaie est inutile, même pour l’aumône, car on donnera à un pauvre deux liards au lieu d’un. Un membre : Le piéopinant ne connaît point les besoins des pays pauvres. Dans ma province les liards sont aussi nécessaires que les sous le sont à Paris. M. de Virieu. De Démission d’une petite monnaie dépend, dans les pays pauvres, la diminution du prix des denrées. M. |Le Coutenlx de Cantcleu. Le besoin de la petite monnaie est proportionné au nombre des pauvres, des ouvriers, des manufactures. A itouen, il se fabriquait annuellement une quantité considérable de monnaie, et elle ne suffisait pas au be-oin des manufactures, Je demande en outre, par amendement, qu’il ne puisse être frappé de monnaie de cuivre avec du métal laminé et taillé en pays étranger. (L’amendement de M. Le Couteulx est adopté.) L’article 8 est décrété comme suit : Art. 8. « Il sera fabriqué de la monnaie de cuivre de 12, 6 et 3 deniers ; elle ne pourra être frappée sur des dans démêlai laminés et taillés dans les pays étrangers. » Un membre : Je demande, par amendement à l’article 9, que la fabrication de la monnaie de cuivre soit limitée à un million. (La question préalable est demandée sur cet amendement et adoptée.) L’article 9 est décrété en ces termes : Art. 9. « Il en sera incessamment fabriqué pour un million, ensuite pour 100,000 livres par mois; et la fabrication sera continuée ou suspendue par décret de l’Assemblée nationale, suivant les besoins de chaque département. » M. l’abbé Saurine. Quand on vous dit, dans l’article 10, que la fabrication sera faite à la taille actuelle, on entend que sur une livre pesant de cuivre on fera 42 gros sous, ou, ce qui revient au même, 21 au marc. La loi cepeudant fixe la taille à 20 au marc, uu 40 à la livre; mais il est d’usage de permettre aux directeurs des monnaies de la porter à 42; et cette permission, on l’appelle remède, appellation bizarre, qui n’est pas la seule dont le langage monétaire soit embrouillé. En général, ces pi étendus remèdes ne sont que des appâts de plus pour exciter à la fraude. Quel que soit le bénéfice ordinaire, la cupidité une fois réveillée tend toujours à l’agrandir. Celui des directeurs est pourtant assez considérable pour qu’ils dussent s’eu contenter. Un calcul fort simple, à la portée de tout le monde, va vous mettre en état d’en juger. Observons, en passant, qu’il y a des directeurs qui ont taillé et taillent encore clandestinement jusqu’à 24 au marc ou 48 à la livre. Le plus beau cuivre se vend 10 à 12 sous le marc, selon le cours du commerce. Les directeurs des mon nuies achètent, pour le roi, le cuivre purifié, travaillé, réduit en flaons, c’est-à-dire en ronds, prêts à recevoir l’empreinte du monnayage, de 13 à 14 sous le marc, et ils ont, à leur profit, une remise assez considérable, quand ils en prennent une certaine quantité. L' s frais de cette dernière opération leur reviennent à moins de 15 deniers par marc. Le droit de sei-gneuriage, qu’ils payaient au roi, est 8 deniers par marc, ce qui fait, pour ces deux objets, moins de 23 deniers, total du prix d’achat et des [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [11 janvier 1791. J {43 frais, 15 à 16 sous. Si vous comptez la remise, ce sera tout au plus 15 sous par marc. En se tenant fidèlement à la loi, et au remède dont ils doivent compte, et donnant ce même marc au public pour 21 sous, ils gagnent 5 sous par marc. S’ils fraudent le remède, ce qui arrive souvent et facilement, ils gagnent 6 sous; s’ils taillent à 24, ils gagnent 9 sous. Dans le premier cas, le bénéfice des directeurs, est 25 0/0; dans le second cas, 30 0/0 ; et dans le troisième, 45 0/0. Ce calcul est clair et incontestable . Il est également évident que la proposition, qui vous a été faite ici par M. de Mirabeau, de faire fabriquer pour 83 millions de cette monnaie de cuivre, un million par département, il est évident, dis-je, que cette motion, si vous l’udoptL z, procurerait au moins 20,750,000 livres, de bénéfice net, aux directeurs qui feraient la fabrication ; car à 5 sous par marc, le bénéfice est toujours le quart de la totalité de la somme fabriquée, comme à 9 sous, c’est près de la moitié. Mais ne parlons que des 4 millions qu’un des avis du comité doit vous proposer. Le bénéfice énorme d’un million, qui en sera le résultat, il dépendra de vous, Messieurs, de le tourner au profit de la nation, sans faire d’injustice à personne, sans nuire à la chose, en ajoutant même à sa célérité et à sa perfection. Le moyen facile vous en sera présenté par voire comité des monnaies, dès qu’il sera temps. On Ta déjà pratiqué plus d’une fois avec avantage. J imagine que vous ne vous laisserez pas entraîner par les qualifications vagues et injurieuses que vous avez entendu lancer ici contre tous les entrepreneurs quelconques. Ces sortes d’arguments, toujours odieux aux âmes honnêtes, ne sauraient prouver autre chose que la passion, ou la légèreté indiscrète de celui qui parle; ce sera à vous à juger qui méritera la préférence, ou ceux qui chercheront à gagner un million sur quatre, aux dépens de la nation, ou ceux qui voudront que la nation elle-même le gagne. Je viens aux amendements. En supposant que vous voudrez faire, à peu près comme par le passé, établir un bénéfice sur cette fabrication, pour que les sous nouveaux n’aient pas un poids et un volume trop éloignés de ceux qui circulent aujourd’hui, je demande : 1° Que le remède d’un sou par marc soit supprimé, et qu’ainsi la taille soit réduite à 40 à la livre, conformément à la loi existante, au lieu de 42, conformément à l’usage abusif. Il me parait qu’un bénéfice de plus de 5 sous par marc, qui porterait l’impôt sur cette monnaie au detà de 25 0/0, serait presque ridicule. O 1 doit regarder d’ailleurs, comme un avantage, l’exacte observation de la loi, et le retranchement d’un abus qui affaiblit la monnaie, et l’éloigne encore plus de sa véritable valeur ; 2° je propose de faire frapper une modique quantité de sous, avec les sous-divisions convenables, à la taille de 15 au marc, ou 30 à la livre, et une autre partie à 10 au marc, ou vingt à la livre. A 30 à la livre, il n’y aurait ni bénéfice, ni perte, tous léserais se trouveraient couverts. A 20 à la livre, qui est ordinairement le prix du bon cuivre dans le commerce, les pièces auraient précisément leur valeur intrinsèque, de manière que, s’il arrivait un engorgement, lorsque les écus seront revenus dans la circulation, ceux qui ne pourraient s’en défaire comme monnaie, s’en déferaient sans perte, en les vendant au poids. Mais cette taille de 20 à la livre, qui rappelle l’ancien et véritable compte, suppose que le Trésor public ferait les frais de la fabrication, lesquels, pour 600 francs de cette monnaie, seraient une bagatelle. Le but de ces derniers amendements est de procurer au public des objets de comparaison, et de les mettre à portée de manifester son opinion, avec connaissance de cause, sur le choix de ces différentes tailles, pour les fabrications à venir. La monnaie de cuivre, à valeur intrinsèque, qui vous a déjà été proposée par M. l’évêque d’Autun, et qui pourra l’être encore aux législatures prochaines par d’autres citoyens éclairés et bien intentionnés, peut n’être pas préférée dans le moment actuel, vu la longue habitude qui domine, vu la disproportion d’une telle monnaie, en poids et en volume, avec la grande quantité de celle qui circule aujourd’hui, vu enfin qu’elle 11’intéresse point le commerce extérieur, n’étant guère employée qu’aux petits détails de l’intérieur. Ce fut pourtant la monnaie des anciens, c’est encore celle de quelques pays. (Jq autre but de mon amendement est de faire que la première empreinte nationale 11e commence pas par se souiller d’un mensonge, en attestant que telle pièce vaut ce qu’elle ne vaut pas réellement; car, qu’on ne dise pas que la valeur des monnaies est purement conventionnelle : cela est vrai pour la valeur qu’on leur attribue au-dessus de la valeur intrinsèque ou commerciale. Cet excès de valeur, appelée numéraire , est borné à certains lieux et à certains temps, et s’auéantit à l’approche d’autres temps et d’autres lieux. Par exemple, le sou actuel, valant numérairement, c’est-à-dire conventionnellement, 12 deniers, ne vaudra que la moitié, lorsqu’il y aura engorgement, lorsqu’on ordonnera une fabrication différente, et toutes les fois qu’il approchera des pays étrangers. Il sera réduit alors à la valeur que lui dominât sa pureté, son poids et le cours du commerce. C’est ce qui arrive à toutes les monnaies, meme à celles d’or et d’argent. L’empreinte ne peut être exactement vraie, que quand elle l’est pour tous les temps et pour tous les lieux, quand la valeur qu’elle atteste est partout la même, aux variations du commerce près. De là naît le grand principe monétaire , si respecté des anciens, suiü encore aujourd’hui par la plus habile, comme la plus puissante des nations commerçantes, V égalité entre la valeur numéraire et la valeur intrinsèque , mais ce n’est pas de quoi il s’agit aujourd’hui. Je demande seulement que les premiers fruits du premier poinçon national présentent la vérité dans toute sou exactitude, soit pmr l’honneur de l’empreinle, soit pour mettre l’opinion publique à portée de se former à cet égard. L’opinion publique, c’est-à-dire le jugement du public éclairé, devant servir de guide à toutes les opérations de ce genre, comme de toute autre, il est essentiel de lui montrer des points d’appui, qui puissent fixer l’imagination et la garantir des incertitudes et des erreurs. L’article 10 est décrété dans les termes suivants : Art. 10. « Les pièces de 12 deniers seront faites à la taille de vingt au marc, celles de 6 et 3 deniers dans la même propo. lion. » M. ILosig demande, par amendement à l’article 11, que lu moitié de la fabrication de la