ARCHIVES PARLEMENTAIRES. feq août 1791.] ANNEXE [Assemblée nationale.1 Art. 5. « Les citoyens mandataires nommés par les districts seront tenus de se rassembler dans la ville où le Corps législatif tiendra ses séances, le 40e jour au plus tard, à partir deeelui de l’avènement du roi mineur au trône, et ils y formeront l’assemblée électorale qui procédera à la nomination du régent. » (Adopté.) Art. G. « L’élection du régent sera faite au scrutin individuel et à Ja pluralité absolue des suffrages. » (Adopté.) M. Démennler, rapporteur , fait lecture de l’article 7, ainsi conçu : « L’assemblée électorale ne pourra s’occuper que de l’élection, et se séparera aussitôt qu’elle sera terminée. Tout autre acte qu’elle entreprendrait de faire est déclaré inconstitutionnel et de nul effet. » Un membre observe qu’il serait plus clair de dire que l’assemblée se séparera « aussitôt que l’élection sera terminée ». (Cet amendement est adopté.) En conséquence, l’article est mis aux voix dans les termes suivants : Art. 7. « L’assemblée électorale ne pourra s’occuper que de l’élection, et se séparera aussitôt que l’élection sera terminée. « Tout autre acte qu’elle entreprendrait de faire est déclaré inconstitutionnel et de nul effet. » (Adopté.) M. Démeunier, rapporteur , donne lecture de l’article 8, ainsi conçu : « L’assemblée électorale fera adresser, par son président, le procès-verbal de l’élection au Corps législatif, qui, après avoir vérifié la régularité de l’élection, la fera publier dans tout le royaume par une proclamation. » Un membre observe qu’il faut substituer le mot « présenter » au mot « adresser » qui est employé dans l’article. (Cet amendement est adopté.) En conséquence, l’article est mis aux voix dans les termes suivants : Art. 8. « L’assemblée électorale fera présenter, par son président, le procès-verbal de l’élection au Corps législatif, qui, après avoir vérifié la régularité de l’élection, la fera publier dans tout le royaume par une proclamation. » (Adopté.) M. Démeuuier, rapporteur. Il nous reste, Messieurs, à vous présenter un projet de décret sur la manière dont l’acte constitutionnel sera présenté au roi; nous vous apporterons lundi prochain ce projet. Il sera précédé de celui qui concerne le pouvoir constituant et les conventions nationales. Immédiatement après on fera la relue de l’acte constitutionnel, on classera les articles, on examinera même s’il n’y a rien à y ajouter et enfin, vous aurez terminé la Constitution. M. le Président lève la séance à trois heures. A LA SÉANCE DE L’ASSEMBLÉE NATIONALE DU SAMEDI 27 AOUT 1791, AU MATIN. Opinion de M. d’ALllarde, député du département de la Nièvre , sur l'éligibilité à l'électorat. « Nota. — L’Assemblée nationale, qui a écouté avec la plus grande patience l’opinion de M. Rew-bell, qu’elle ne partageait pas, ainterrompu celle-ci, dont elle adoptait les principes, et qui a pour objet de réfuter M. Rewbell. « Ce fait montre , à la fois , combien l’Assemblée respecte la liberté des opinions, et que la justesse de son jugement ne peut être ni influencée, ni même éclairée aujourd’hui, autrement que par sa propre sagesse. « Mais il est utile que le publiG connaisse les raisons que l’Assemblée n’a pas besoin qu’on lui développe. » (Note de l'opinant.) Messieurs, Le comité de révision, en vous proposant de déplacer la barrière posée à l’éligibilité, a voulu rendre à des droits imprescriptibles leur plénitude, mais de manière pourtant que l’exercice de ces droits fût conciliable avec l’intérêt de la société. Cet intérêt, la première sollicitude du législateur, commandait des précautions politiques. Il fallait, pour obtenir une représentation vraiment nationale, la restreindre à ses purs éléments. Mais, ici, la précision devenait difficile ; l’exaltation des principes conduisit à l’établissement du marc d’argent. On crut que, par respect pour l’intérêt social, il n’en fallait point avoir pour des droits inviolables ; on oublia que c’est précisément dans la conservation de ces droits que réside éminemment l’intérêt social. Le principe était intrinsèquement juste ; l’application ne le fut pas; il s’agit de redresser cette application, que l’insurrection de l’opinion publique a depuis longtemps repoussée. Si ces nouvelles conditions d’éligibilité vous eussent d’abord été proposées ; si au moment de la discussion sur le marc d’argent, un orateur l’eût interrompue par cette grande ouverture ; s’il vous eût dit : Vous voulez respecter les droits individuels, ils seront respectés ; et vous craignez de compromettre l’intérêt social , cessez de craindre, il ne sera pas compromis ; certes, il eût rallié alors des opinions ennemies, tous les esprits se fussent précipités au-devant de cette opinion mitoyenne. Que devenaient donc ces objections tirées des circonstances où* nous sommes? Ce qui est bien en soi, ne l’est-il pas indépendamment des circonstances ? Ce qui fut mal hier, ne l’est-il pas encore aujourd’hui? Les principes sont immuables. Et pourquoi relever le colosse renversé par la raison, réédifier ce qu’on voulait détruire, ressusciter un droit irn-politique, duquel on avait provoqué l’acte consommé, l’anéantissement. Voyez, comme ne pouvant renverser la base inébranlable du principe, on l’a attaqué hors de lui-même. On a été jusqu’à regarder l’existence du marc d’argent comme partie intégrante de la Constitution. On vous disait ; Gardez-vous d’épurer la Constitution. Il vous est interdit de mieux faire. Jetez sur ses défauts le voile d’un respect idolâtre. �52 (Assemblée nationale.) ARCHIVES PÂRLÈMENTAlRËS. (27 août 1791. Vous ne pouvez pas la changer. Eh, quoi ! rattacher des détails aux principes sur lesquels elle repose, était-ce la changer ? C’était, au contraire, rétablir l’uniformité interrompue, c’était coordonner les parties au tout, c’était faire un ensemble cohérent d’un ensemble défectueux. L’architecte qui dépose et replace une pierre a-t-il pour cela changé l’édifice? On chercha à s’armer contre ce système de ses suites. Ici, des considérations imposantes vinrent suspendre le jugement. On vous traçait les classes agricoles oubliées ; on vous peignait le fléau d’une nouvelle aristocratie , s’étendant comme un vaste orage sur les campagnes. Alors le scrupule devint un besoin pour l’Assemblée, et le doute un devoir. Un trait de lumière a dissipé ces nuages. On a senti qu’il fallait mettre les droits politiques hors de la versatilité des systèmes de finances ; ce n’est pas à la Constitution qu’il convient de se traîner sur les points tracés par le mode d’impositions; il faut, au contraire, que ce dernier système replie sa marche sur celle de la Constitution. Le comité de la révision nous a donné le grand exemple d’avoir et de corriger des fautes. Mais, d’ailleurs, en marquant le degré d’éligibilité. des fermiers, non par la base de la contribution, mais par la base du revenu évalué d’après le prix de leur exploitation, l’objection est dissoute et se neutralise. Après avoir ainsi éliminé les objections qui embariassaient l’abord de la question, rappelons-la à ses véritables termes; examinons : 1° si la société a le droit d’imposer des conditions d’éligibilité; 2° si, en ayant le droit, elle y a intéiôt; proposition qui se lie avec la première, et l’en déduit nécessairement ; 3° si les condi ions proposées sont conformes à cet intérêt. La société, sans doute, n’a pas le droit d’imposer des conditions d’égibilité en ce sens que chacun est accessible à concourir à la représentation nationale. En effet, le souverain se prouvant par cette représentation, et chaque individu étant portion du souverain, il suit de là que nul ne i eut être privé de participer à l’acte qui constitue éminemment cette souveraineté. On ne peut pas à la fois en reconnaître et en dénier le titre. Ce titre n’est pas écrit de main d’homme, mais de celle de la nature. Il faudrait pour l’obtenir, déchirer les premières clauses du pacte social. Mais ne confondons point ce simple degré d’éligibilité avec le degré composé; sachons distinguer la faculté que donne le premier, d’avec la faculté que confère le second. Dans un grand Empire , l’élection doit être médiate ; alors ce que le peuple ne peut faire par lui-même, il le fait faire par des dépositaires de ses droits. Son choix ratifie le leur, d nomme par leur voix. Mais cette opération naît-elle de la nature ou de l’ordre social ? E-t-ce la première ou le dernier'qui a établi cette échelle? Définissons l’électorat. C’est la faculté de réunir, dans un seul suffrage, le poids de plusieurs, autrement c’est la faculté conférée à quelques hommes d’exercer, en une circonstance déterminée, les droits de tous. Or, cette prérogative de cumuler des droits divisés, d’avoir seul celui de plusieurs; cette pré ogative, dis-je, peut-elle être un droit naturel? Tout droit que donne la nature, est un, égal, partiel. Il se compte par tête. Cette cumulation de droits, qui forme l’essence de l’électorat, est donc une œuvre artificielle, qui doit toute son existence à l’ordre social. Il suit de là, que, conféré par la société, il lui est soumis, et c’est ainsi qu’il devient sujet de l’intérêt social. C’est une fonction publique qui prend ses rapports dans l’utilité générale. Je viens à examiner si l’intérêt de la société commande des conditions. C’est, en d’autres termes, examiner s’il importe à la société d’être bien gouvernée. En effet, tous les anneaux de la chaîne du gouvernement et du bonheur public aboutissent à l’électorat ; je vois, dans une de ces mains, le choix du pouvoir législatif; dans l’autre, le choix du pouvoir judiciaire; il tient en quelque sorte la balance où sont pesées les destinées de l’Empire. C’est dans ces considérations que tous les peuples ont puisé cette sévérité, pour ne pas dire cette exagération de prémunissement dont ils ont hérissé les voies de l'élection. Ils ont pu, sans doute, se tromper dans le choix de ces précautions, mais non dans le moiif. Je vais citer des faits que je n’approuve pas, mais dont le rapprochement contrastera avec la peinture brillante qu’on vous étala du gouvernement d’Athènes et de Rome. Un homme, dont le nom fut de quelque poids en législation, Solon , après avoir partagé le peuple d’Athènes en 4 classes, ne permit de choisir les magistrats que dans les 3 premières, composées des citovéns les plus aisés. Cette loi fut en vigueur jusqu’au moment où Aristide mérita le nom de juste par son abrogation. On connaît la distinction de Plebs romana et de Populus romanus. A Rome les centuries étaient combinées de manière que la dernière centurie, qui comprenait la classe nombreuse des indigents, ne formait qu'une subdivision de 193, et se trouvait neutralisée de fait ; on n’accordait pas même, j’emprunte les expressions de Rousseau, on n’accor-dait pas même à la populace dont elle était composée, l’honneur de porter les armes pour la patrie. Il fallait avoir des foyers pour obtenir le droit de les défendre. Eu Amérique, en Angleterre, la même défiance fit élever les mêmes barrières. Je tire de ces faits une conséquence que l’on ne peut contester. La hauteur seule de l’intérêt social a pu, dans ces circonstances, pousser des Républiques à cette espèce de forfaiture envers les droits naturels. Des politiques en ont donné une raison. Ils disaient que les rapports de moralité, de propriété étaient créés parle droit politique, car il n’existe, disaient-ils, à parler strictement, aucun droit dans la nature, sinon la loi de la force et de l’appétit. Ils en concluaient que c’était au droit politique à régler seul des rapports auxquels il donnait l’existence. Je ne m’embarquerai pas dans cette discussion; il me suffit d’avoir prouvé que l’intérêt social dépend essentiellement des moyens de précaution adaptés au mode d’éligibilité. Il me reste à prouver que les moyens qui vous sont proposés sont les plus favorables à cet intérêt. La corruption est le fléau des élections ; cette maladie politique a travaillé presque tous les Empires. Elle prend sa source tantôt dans l'immoralité, tantôt dans l’ignorance, et ces deux vices sont attachés aux deux extrémités de la chaîne sociale, à l’opulence, à la misère. L’homme, dans le premier de ces états, est toujours corrompu; dans le second, il est près de l’être ; l’instruction, ce fanal des aclions publiques est né- [Assemblée nationale.J ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [27 août 1791.J 753 cessairement négligée par un homme occupé des soins immenses d’une grande fortune. Ges lumières sont encore plus reculées de celui qui traîne sa vie dans la dernière pauvreté. C’est dans la prompte vénalité de ces deux classes que les usurpateurs ont forgé les armes de la tyrannie. L’or de Philippe était plus puissant que l’éloquence de Démosthène; il enchaînait à la fois les orateurs et le peuple. A Rome, le trafic des suffrages était un revenu. Un roi numide disait : J’achèterai Rome. Eh, quoi ! si la liberté n’a pu totalement épurer le caractère populaire dans les Républiques et sur un sol qu’elle vivifiait, en attendrons-nous davantage chez un peuple longtemps malade du despotisme, où les traces de l’immoralité qui le suit sont encore profondes, où l’ancien ordre de choses a laissé dans les esprits des levains d’ignorance et de barbarie dont les ferments peuvent avoir encore une éruption dangereuse? Une dernière observation m’a frappé. L’enthousiasme est le mobile puissant qui entraîne et précipite une certaine classe bornée tout entière au soin d’être, au travail de vivre ; elle n’a pas le temps de réfléchir ; or, je ne connais rien de si dangereux en fait d’élection que la séduction de l’enthousiasme. L’homme vertueux n’intrigue point, ne flatte pas le peuple ; or, qui ne flatte pas n’est guère choisi par lui. Alors même la vertu conduit quelquefois les Phocions au supplice. C’est donc dans un état mitoyen qu’il faut chercher moins de vices : il ne parlicipe ni à la séduction d’une haute fortune, ni aux suggestions de la misère; ils ont précisément à la chose, ni trop, ni trop peu d’intérêt. S’ils en avaient trop, ils l’ordonneraient plutôt pour eux que pour les autres. S’ils en avaient trop peu, ils seraient prêts à l’ordonner plutôt pour quelques citoyens que pour tous. C’est, d�ailleurs, donner un nouvel aliment à l’industrie, c’est en favoriser le développement, c’est commencer à détruire la misère que de présenter aux citoyens une considération accordée au seul travail. En effet, en établissant pour l’électorat une base qui peut devenir accessible à tous, vous en verrez beaucoup s’élancer vers cette faculté par des efforts qui tourneront au profit de la société. Quel homme peut aujourd’hui se dire : il m’est impossible d’acquérir un revenu de 180 livres! Nul homme ne peut donc se croire précisément exclu de l’électorat, puisque les conditions imposées peuvent un jour devenir abordables pour lui. Je crois avoir fixé précédemment la limite qui séparait le degré de l’éligibilité commun à tous, d’avec celui qui est particulier à quelques-uns, et comment l’un était de droit naturel et l’autre de droit politique. Je conclus, en appuyant la proposition du comité ; elle ne peut exciter que les réclamations de deux classes ; des mendiants et de ceux qui ont fait de l’anarchie leur patrimoine. ASSEMBLÉE NATIONALE. PRÉSIDENCE DE M. VICTOR DE BROGLIE. Séance du samedi 27 août 1791, au soir (1). La séance est ouverte à six heures du soir. M. Château-Renaud, secrétaire, fait lecture des adresses suivantes : Adresses de félicitation , adhésion et dévouement de la commune de Villemeux, district de Dreux ; des sociétés des amis de la Constitution séant à Paquemoust, à Pons , département de la Charente , et à Juliette, département de la Drôme. Adresses des citoyens actifs du canton de Belle - ville , district de Villefranche ; de la commune de Saint-Cirque-d' Aigon, district d'Albi-, de celle de de Saint-Germain-en-Viry, département de la Nièvre. Adresses des sociétés des amis de la Constitution . séant à Aleth, à Vihiers, à Coulié , département de la Vienne ; à Duravel , district de Ca-hors ; à Versoy, à Fleurence, département du Gers ; à Sainte-Colombe , département de l'Aude , à Sault, département des Basses-Alpes ; à Etain , département de la Meuse ; à Oloron , département des Basses-Pyrénées ; à Foix , et des gardes nationales d’Abrechew Hier, qui adhèrent avec une admiration respectueuse à tous les décrets île l’Assemblée nationale, et notamment à celui du 15 juillet dernier, qui a consacré l’inviolabilité du roi et maintenu le gouvernement monarchique. Adresse des citoyens de la section du Louvre, qui supplient l’Assemblée de prohiber la vente du numéraire et d’ordonner une prompte émission de petits assignats de 5 livres, et de petite monnaie en quantité suffisante pour les pressants besoins du commerce. Adresse du sieur Fredoz, citoyen d’Agde, qui offre la somme de 100 livres sur le capital de son office de procureur du roi en l’amirauté d’Agde, pour être employée à la défense des frontières. Adresse des citoyens de la ville d’Orléans, qui demandent individuellement que les membres du Corps législatif qui protesteront contre ses décrets soient flétris par la loi. Adresse des municipalités de Colmey, district de Longwy, et de Sainte-Radegonde de Sard, département de la Vendée, qui font une pétition d’armes. Adresse de la municipalité d’Auvillar, contenant le procès-verbal de prestation de serment faite par M. Desparhès, lieutenant-général des armées françaises, commandant en chef la 20° division militaire, dans le département de Lot-et-Garonne. Adresse de M. Maure aîné, citoyen d'Auxerre, qui fait hommage à l’Assemblée d’un discours patriotique qu’il a prononcé dans la société des amis de la Constitution de cette ville, le 14 du présent mois. lre Série. T. XXIX. (i) Cetle séance est incomplète au Moniteur , 48