259 [États gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVÉS PARLEMENTAIRES. Bastidoime sont priés de faire valoir, dans l’assemblée du bailliage d’Aix, les plaintes et doléances qui suivent : Art. Ier. Abolition, de toute nobilité de terre qui, dans la suite, pourrait servir à l’exemption des impôts ; sinon abolie, qu’elle ne soit qu’ honorifique comme la noblesse personnelle, et une obligation de payer le tribut avec plus de générosité. Art. 2. Que Sa Majesté , pour que toute idée d’exemption ne revive pluss soit suppliée de n’en plus accorder , même en en tenant compte aux communautés ou provinces. Art. 3. Qu’il n’y ait qu’une seule et môme forme de lever l’impôt sur toutes les terres de la province, crainte que le moindre reste de distinction amène insensiblement à l’exemption abusive. Art. 4. Gomme toute juridiction tient à la puissance exécutrice qui appartient exclusivement à l’Etat, anéantissement de la propriété de la juridiction féodale. Art. 5. Abolition de toute levée publique, soit en grains ou en argent, autres que celles consenties par la nation, pour les besoins. Art. 6. La d'une, qui n’est pas une propriété de l’Eglise , mais une espèce d’imposition pour la nourriture de ceux qui administrent les sacrements, sera abolie; les communautés chargées de nommer leurs pasteurs; sinon supprimée, que la manière de la lever , et sa quotité réduite à un taux relatif à la seule nourriture et entretien des ministres nécessaires, soient égales pour toute la province. Art. 7. La nourriture étant une charge des communautés , que les administrateurs des hôpitaux soient élus par le conseil de ville, et le compte du trésorier entendu par des auditeurs nommés dans le même conseil. Art. 8. Le code civil et criminel réformé. Art. 9. Tous les tribunaux inutiles et onéreux réformés et même supprimés. Art. 10. Attribution à ceux des arrondissements de souveraineté jusqu’au concurrent d’une somme déterminée. Art. 11. Abrogation de toutes lettres attentatoires à la liberté des citoyens , et la faculté à ceux-ci , de quelque ordre qu’ils soient, de concourir pour tous les emplois militaires , bénéfices et charges attributives de noblesse, et d’y réclamer surtout contre la vénalité des offices. Art. 12. L’abolition de tous droits de circulation dans l’intérieur du royaume, et notamment le re-culement des bureaux de traite dans les frontières. Art. 13. La convocation générale des trois ordres de la province , pour former ou réformer la constitution du pays. Art. 14. Qu’il sera permis aux communes de se nommer un syndic avec entrée et voix délibérative aux Etats provinciaux. Art. 15. L’amovibilité de la présidence et de tous les membres ayant entrée auxdits Etats. Art. 16. Exclusion des magistrats et de tous officiers attachés au fisc, des Etats particuliers de la province. Art. 17. La désunion de la procure du pays, du consulat de la ville d’Aix. Art. 18. Admission des gentilshommes non possesseurs de fiefs et du clergé du second ordre. Art. 19. L’égalité des voix pour l’ordre du tiers contre celles des deux premiers ordres, tant dans les Etats que dans la commission intermédiaire , et surtout l’égalité des contributions pour toutes charges royales et locales, sans exemption aucune , et nonobstant toutes possessions ou privilèges quelconques. [Sénéchaussée d’Aix. j Art. 20. L’impression annuelle des comptes de la province, dont envoi sera fait dahs chaque communauté toutes les années; et que la répartition des secours que le Roi accorde au pays, ensemble de l’imposition de 15 livres par feu, affectée à la haute Provence, sera faite dans le sein des Etats et par eux arrêtée. Art. 21. Le conseil déclare se référer, pour tous les autres objets, soit généraux pour le royaume, soit particuliers pour cette pqpvinco, au cahier général qui sera dressé dans Rassemblée du bailliage, Signé BlaCâz, lieutenant de juge ; J. Vacher maire, et FauQUETTE, greffier . CAHIER Des doléances de la communauté de la Bastidonne de Sanerie , au diosèse d'Aïx en Provence (1). Sire, Le manants et habitants du lieu delà Bastidonne de Sanerie ont l’honneur d’exposer très-humble-ment à Votre Majesté qu’ils habitent le village le plus surchargé de Provence, et son territoire le plus mauvais. Les terres et les vignes sont, la majeure partie, soumises à un droit de taxe du huitième du produit, et l’autre partie à un cens annuel en blé. Les particuliers sont encore soumis au droit de corvée envers leur seigneur; et la communauté soumise depuis peu à payer un detni-lod de dix en dix ans des biens qu’elle possède. Les charges ne sont pas égales en Provence ; et elles se trouvent encore augmentées par des droits de lods que les particuliers payent à raison du sixième de la valeur des biens qu’ils achètent ; à l’entretien d’une fontaine qui exige les réparations les plus dispendieuses, et de laquelle le seigneur s’approprie les versures des eaux, quoiqu’il n’ait ni jardin ni domaine pour pouvoir les y conduire. Ce ne sont pas là, Sire, toutes les charges qui accablent vos fidèles sujets de la Bastidonne. Il en est qui ne sont ni moins fortes, ni moins pesantes. 11 n’existe, en Provence, aucun village qui n’ait des moulins à farine, et la Bastidonnen’en afpoint. Le seigneur oblige ses vassaux d’aller moudre leurs grains à ceux de la Tour-d’Aigues, lieu dis-sant d’une lieue : de façon que le misérable cultivateur, qui n’a d’autres secours que celui de sa bêche, est obligé de quitter son travail, d’aller, de venir, et de retourner parfois, plusieurs jours, pour pouvoir transporter son blé en farine. 11 n’y a qu’un four à cuire le pain : il appartient à la communauté par les titres les plus solennels; et le seigneur veut s’approprier le droit de fournage. Cette contestation est, depuis environ vingt années, pendante à notre parlement de Grenoble. Comme encore le droit de taxe sur tous les fruits qui se perçoivent-dans la partie du terroir qui n’est soumise qu’à une cense. De là, il arrive que n’y ayant point, en ce village, de boulanger, le misérable vassal qui n’a pu faire moudre son grain, pressé parla faim, est obligé d’aller chercher du pain aux endroits circonvoisins. Les gens du seigneur, ou les fermiers lui en trouvent en route, ils le lui prennent, et lui décernent une amende. De plus, il arrive très-souvent que, obligés de courir avec un fusil sur les bêtes fauves pour sauver leurs bestiaux, ils se voient décerner des décrets de prise au corps par les officiers du seigneur, qui est alors juge et partie dans un pays (1) Nous publions ce cahier d’après un manuscrit des Archives de l'Empire. 960 [États gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Sénéchaussée d’Aix.] où le gibier leur porte le plus grand préjudice pour ronger les blés et les arbres oliviers. En un mot, ce village est si fort surchargé, que, depuis quelques années, nombre de citoyens, étant à même d’abandonner leur biens au seigneur, ne pouvant, de leur produit , retirer de quoi se nourrir et payer les charges, ils ont eu le bonheur d’acquérir des biens hermes de la communauté de Perthuis, les ont défrichés, et porté les pailles de leurs blés au village. Le seigneur les a empêchés de porter dans ces mêmes lieux la paille réduite en fumier, qu’ils y avaient récoltée. Enfin, la dîme de notre terroir appartenait aux chanoines de Valence ; ils l’abandonnèrent pour être déchargés du payement du curé, secondaire clerc, matière, etc. Depuis cette époque les curés n’avaient voulu l’accepter, et la communauté était obligée de ne pas fournir au déficit ; et elle serait dans la même position si elle n’avait obligé le sieur curé actuel de s’en contenter pour sa portion congrue. De sorte que depuis, il n’y a plus de vicaire dans un lieu où la population a augmenté considérablement. Toutes les charges sont certainement bien pesantes ; et la mortalité générale de nos oliviers, seule ressource qui nous restait pour payer les mêmes charges, nous est enlevée. Il ne nous reste plus, Sire, que de réclamer de votre auguste bienveillance de recevoir nos très-humbles et très-respectueuses doléances, et supplier votre justice de nous mettre à l’instar des autres villages de Provence; et nous ne cesserons de prier l’Etre suprême pour la durée des jours du plus grand de tous les monarques. Signé Rougier; Pourret; Sylvestre; Rey ; Es-cariot ; Girard; Querel ; Rey; Moure; Ferrât; Giniet; Gelus, et Gérard, lieutenant déjugé, vi-guier. CAHIER De plaintes, doléances et remontrances de la communauté de Baudinard , viguerie de Baijol , séné-chaussé d'Aix, faites au conseil municipal de la communauté dudit Baudinard, assemblé dans la maison de ville dudit lieu , le 22 mars 1789; en suite des ordres de Sa Majesté, portés par les lettres données à Versailles , le 2 du courant mois de mars , pour la convocation et tenue des Etats généraux , et de l’ordonnance de M. le lieutenant général en la sénéchaussée générale de Provence séant à Aix (1). Il n’est guère possible de mettre sous les yeux du gouvernement tous les objets de charges de cette communauté ; nous nous bornerons à les exposer sommairement. Les inégalités qui régnent dans la répartition des charges de cette province aggravent notre situation. Il est démontré que la haute Provence paye le quart de ses revenus, tandis que le grand nombre des communautés de la basse Provence ne payent qu’un vingtième et même un trentième de leurs revenus ; indépendamment qu’elles jouissent d’un plus beau sol, elles ont des ressources que nous n’avons pas; la crainte d’être prolixe ne me permet pas d’entrer dans de plus grands détails; nos besoins sont connus de tous les bons citoyens, avec lesquels nous nous joignons pour demander à notre auguste souverain : L’égalité des charges et contributions, tant royales que locales, sans exception aucune et non-(1) Nous publions ce cahier d’après un manuscrit des Archives de l’Empire. nonobstant toutes possessions ou privilèges quelconques. La communauté de Baudinard est affouagée un feu et un douzième. La totalité du cadastre est portée à 46,378 livres 6 sous. L’imposition que la communauté fait annuellement pour acquitter les charges royales, provinciales, celles de la viguerie, et celles de la communauté en particulier, est d’un sou sur chaque franc cadastral ; ce qui produit 2,318 livres 18 sous. Lesbiens traitables du seigneur, qui sont portés à 13,021 livres y sont compris. Néanmoins, par une transaction qui fut passée, le 9 juin 1699, par-devant maître Bourges, notaire de ce lieu, entre le seigneur et la communauté, il est dit que la communauté prélèvera annuellement audit seigneurie tiers du montant de la taille de ces biens roturiers, en sorte que le seigneur ne paye annuellement que 434 livres 6 sous, tandis qu’en suivant l’imposition commune, il en payerait 851 livres ( nota que le seigneur ne possédait à l’époque de ladite transaction qu’environ un tiers de ceux qu’il possède aujourd’hui). Les habitants de cette communauté payent audit seigneur un droit sur les grains, appelé taxe, qu’il perçoit sur les grains et légumes qu’ils perçoivent dans leurs terres. Il n’y a qu’une espèce de légume, appelée garoutte, qui en soit exceptée. La taxe se perçoit sur le taux d’un quatorzième ; suivant l’esprit de la sentence arbitrale qui fut rendue le 10 mars 1426, le seigneur n’a pas le droit de taxer les sous des moutons ; aujourd’hui il taxe tout. Chaque habitant est encore soumis envers ledit seigneur de lui payer un droit annuel appelé boage et service : lequel est fixé à deux passaux avoine, vieille mesure, et 4 sous argent pour chaque habitant. Et ceux qui ont un bœuf, ou un mulet, ou une jument, en payent trois passaux et 6 sous argent ; et s’ils ont une charrue, ils sont obligés d’en payer quatre passaux, toujours vieille mesure, et 8 sous argent. Le four de ce lieu est banal : il appartient au seigneur ; et les habitants, pour faire cuire leur pain, payent le droit de fournage sur le prix d’un trentième. La communauté paye encore annuellement audit seigneur une pension féodale de 5 livres 14 sous, qualifiée droit d’albergue, puits et forge. Une autre pension féodale, aussi annuellement de 50 livres, dont les motifs sont relatés dans une transaction qui fut passée, le 17 mars 1664, par-devant maître Augier, notaire à Aix, entre le seigneur et la communauté. Troisièmement, une autre pension, féodale à laquelle la communauté est encore obligée, en faveur dudit seigneur, de huit charges de blé bon marchand et de recette facultative à la communauté de convertir le blé en argent sur le pied des rapports du troisième marché du mois de décembre des villes de Riez et d’Aups, au choix dudit seigneur, suivant la transaction du 23 août 1760, notaire Pelloquin, à Baudinard. Les habitants payent le droit de lods audit seigneur de toutes les ventes qui se font des biens situés dans le terroir; la communauté demande l’abolition du droit de lods et treizais, et du retrait féodal. Us payent la dîme de tous les grains, vins et agneaux sur le pied du treize ; demandent encore la suppression de la dîme, et que chaque communauté payerait ses prêtres et vicaires, et du casuel, comme étant scandalisée, et tendant au mépris de la religion et de ses ministres. Dans la terre de Baudiiwd, il y a des bois de