230 [Assemblée nationale.] ARCHIVÉS PARLEMENTAIRES. [15 juin 1790. moire est signé.) Le mémoire tie l’est pas, mais il était joint à une lettre d’eûvoi qui est signée. M. de Laehéze. Il n'est pas de la dignité de l’Assemblée de souffrir la lecture d'une pièce anonyme. Qui vous assurera de la vérité des faits qui y sont constatés ? M. l’abbé Maury. Si les faits énoncés étaient soutenus par des preuves, on ne demanderait pas la preuve des faits. (Quelques minutes se passent dans le tumulte.) L’Assemblée décide que M. le rapporteur sera entendu jusqu’à la fin, sans être interrompu. M.deMacaye. Faits dont la preuve est offerte: 1° Complot fait pour exclure les protestants de la municipalité, et, pour cet effet, discours incendiaires dans les églises. M. l’abbé Maury. Je né connais point d'accu-sations sans accusateurs. M. le comte de Fancigny-Lucioge. Je demande que M. le rapporteur soit mis à l’ordre. Il ne peut rapporter que des pièces probantes, et c'est un libelle qu’il nous lit. M. lie Chapelier. Si on continue d’empêcher la lecture, je prouverai que la pièce doit être lue. M. de Macaye. Assemblées nocturnes dans les pénitents et autres; distribution d’argent et de listes par dès prêtres et autres personnes à eux affidées. 2* Exhortations par des prêtres et autres à des particuliers, pour ne pas faire leur déclaration pour la contribution patriotique, en disant qu’il n’y avait que des sots qui en faisaient; que c’était autant de perdu; que la banqueroute était inévitable, et que les députés à l’Assemblée nationale dévoraient les revenus de l’Etat. M. le comte de Faucigny. Il est bien singulier qu’on nous dise tant de sottises, et que nous le souffrions. M. de Macaye. 3° Discours séditieux d’un prêtre, disant que la contre-révolution était inévitable, et que pour l’effectuer il fallait du sang, et qui excitait, pour cet effet, les catholiques à rechercher querelle aux protestants. 4° Sollicitations faites par un notable pour engager les femmes à s’attrouper devant l’église des Capucins, pour s’opposer à l’inventaire du mobilier de la maison religieuse. 5° Assemblées secrètes de plusieurs légionnaires, un capitaine ayant dit qu’il était temps de faire tous les efforts possibles pour détruire l’Assemblée nationale, et que, pour cet effet, il fallait employer toutes les forces. 6° Fabrication de fourches par M. Coeffet, serrurier, par ordre de M. Froment, capitaine de l’une des compagnies de la légion, qui ies a enfermées dans un moulin à huile. 7° Gris par des gens en cocarde blanche, devant la maison du maire, le dimanche 2 mai ; qu’ils ne quitteraient les cocardes blanches que quand elles seraient rougies du sang des protestants. 8° Ledit jour dimanche� sur le Cours, un nommé Fleury fut assomme à coups de crosse de fusil par des gens en cocardes blanches, les officiers municipaux présents ; le maire relève ledit Fleury, etordenne aux valets de ville de le conduire en prison, laissant les assaillants impunis. Le public indigne enlève le malheureux des mains des valets de ville. ( Il s’élève de grands murmures .) M. le baron de Marguerites, député à l’Assemblée nationale, et maire de Nîmes, se rend à la barre et demande la parole. M. le comte de Faucigny. Je dénonce lé rapporteur aü comité des recherches. M.le comte de Mirabeau demande la parole sur une question d’ordre. L’Assemblée décide qu’il sera entendu. M. le comte de Mirabeau. Messieurs, je me serais bien gardé4 d’interrompre le rapporteur, si, contre toute discipline, il ne l’avait déjà été avec un acharnement qui ne peut être vaincu qu’en posant la question d’une autre manière ; je demande s’il peut y avoir quelque espèce de raison à exiger que le comité des recherches ne puisse présenter qu’une pièce signée lorsqu’elle n’est que l’initiative de l’information; comme si le rapporteur était libre dans son choix, le vous demande s’il n’aurait pas prévariqué, s’il se réservait particulièrement telle ou telle pièce 2 Je vous demande si l’Assemblée n’est pas juge de leur validité, si le comité n’a pas été institué pour ces sortes d’informations, malheureusement si nécessaires? Les faits sont vrais ou ils sont faux; s’ils sont vrais, comme certaine crainte, certaine opiniâtreté, certain tumulte nous donnent droit de le présumer, ils ne peuvent être connus qu’en laissant achever paisiblement l’énonciation et développer leur information. S’ils sont faux, qu’en redoute-t-on? Quel étrange scrupule pourrait en arrêter la lecture au milieu des libelles qui nous environnent ? M. Duval d’Epremesnil. Je crois rêver en entendant de pareils principes dans la tribune. . M. le comte de Mirabeau. J’espère n'être l’objet d’aucun rêve lorsque je demande une chose aussi simple que la lecture d’ün rapport commencé. Qu’il me soit permis de saisir cette occasion pour dire qu’il est impossible de donner quelque dignité à cette Assemblée Sans qu’elle ait établi une échelle des degrés de peines pour sa police intérieure. Je réclame l’exécution d’un décret sans lequel des intérêts privés donnent à cette Assemblée un air de tumulte tout à fait indigne d’elle. (L’Assemblée décide qu’il lui sera présenté dimanche un règlement de police par des commissaires nommés à cet effet.) M. Duval d’Fprémesnil. Je demande la parole pour répondre à M. de Mirabeau. M. Rewbelï. Je demande qu'on rappelle à l’ordre M. Duval d’Ëprèmesnil, qui, au mépris de nos décrets, ne porte pas le deuil de Francklin. (Toute la partie gauche se lève et demande la continuation du rapport.) M. Duval d’Fprémesnil. Ou demande que je ne sois pas entendu ; c’est une motion ; je veux être entendu sur cette motion. L’Assemblée décide que M» Duval d’Eprémesnil sera entendu. [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [15 juin 1790.] 231 M. Duval d’Eprémesntl. Je n’abuserai pas des moments de l’Assemblée. M. de Mirabeau a réduit la question dont il s’agit à une question d'ordre, et a prétendu qu’on devait entendre le rapport de la pièce comme étant l’initiative de l’information ; ceci est absolument contraire aux principes de la liberté et à ceux de M. de Mirabeau lui-même. L’histoire d’aucun peuple ne fournit point de pareils exemples; les délations anonymes ne peuvent être produites que par des fripons et acceptées que par des tyrans. M. de Mirabeau nous a parlé de libelles ; il y en a, en effet, beaucoup qui viennent de Paris. M. de Mirabeau lui-même a été calomnié dans quelques-uns ; je lui demande s’il trouverait digne d’une assemblée législative, qui alors se transforme en juge, qu’on lût dans cette assemblée toutes les horreurs calomnieuses qu’on répand contre lui, et qu’elles devinssent le sujet d’une délibération. Je crois aussi parler comme un homme libre. Un délateur qui voudrait en même temps servir de témoin n’aurait pas d’autre voie à prendre. Il en résulte que, contre les principes de la liberté et contre les principes de M. de Mirabeau, cette forme tendrait à admettre des accusations anonymes et des dépositions mendiées. Je demande formellement que cette pièce ne soit pas lue. M. le comte de Faucigny. En admettant les principes de M. de Mirabeau, on ne serait pas libre même après la prise de la Bastille. M. le comte de Mirabeau. M. Duval d’E-prémesnil n’a pas dit, ce me semble, un mot relatif à mon opinion et à la question. (De bruyants murmures se font entendre de la partie droite). Si cette assertion se jugeait par les éclats dont on fait retentir cette salle, il semblerait que je n’ai parlé que d’une délation. J’atteste tout ce qui est impartial que voici ce que j’ai dit : « Dans la série des pièces que présente votre comité, il s’en trouve une qui n’est pas signée. » Cette pièce n’est pas la dénonciation ; c’est un arrêté, une demande quelconque. (Le bruit recommence dans la partie droite). Lorsqu’on parle au milieu de feux qui se croisent avec tant de rapidité, il est bien heureux de n’avoir que des choses très faciles à dire. On me demande si les faits consignés dans la pièce dont il s’agit sont vrais ; je réponds que c’est ce qu’il s’agit de déterminer par l’information ; on me dit encore : eh bien ! lisez-la ! Ce n’était pas la peine de m’interrompre, c’est ce que je demande depuis longtemps. Le comité des recherches ne peut être soumis aux formes méthodiques d’un tribunal ordinaire. La pièce est jointe à une lettre d’envoi signée; nulle difficulté, elle doit êlre lue. M. de Menon. Il s’agit seulement de savoir si à la pièce était jointe à une lettre d’envoi signée. M. de Lachèze. Que le comité des recherches se rende responsable au moins, afin qu’on puisse le prendre à partie. M. Voidel. Depuis une heure on se débat pour savoir si on lira la pièce relative aux troubles très avérés de Nîmes. Le comité ne l’a point présentée comme anonyme, mais jointe à une adresse qui l’accompagnait et qui était signée. Fût-elle anonyme, on devrait encore la lire. Il y a eu de grands désordres, il s’agit d’en connaître les instigateurs. Le comité ne demande pas qu’on informe nominativement sur telle ou telle personne, mais sur tel ou tel fait. (Plusieurs membres de la partie droite s'écrient : C’est la honte de l’Assemblée nationale que ce comité des recherches !) Votre comité ne se dissimule pas qu’aux yeux de certaines personnes son existence est un délit social ; mais, quoi qu’il en soit, il remnlira son devoir. Si, par exemple, on lui donnait avis nue le salut de l’Etat est en danger, et qu’il refusât de vous en donner avis, sous prétexte que les annonces seraient anonymes, je vous le demande, ne serait-il pas criminel, et ne le jugeriez-vous pas ainsi ? Toute la partie gauche se lève et demande à grands cris que le rapport soit continué sans interruption. L’Assemblée le décide ainsi. M. de Macaye continue son rapport : 9° Le dimanche 2 mai, la compagnie du n°31, qui avait déjeuné chez le maire, et dont la majeure partie s’était livrée à des excès sur le Cours, fut requise par le maire pour faire la garde et la patrouille de nuit, quoique ce ne fût pas son tour de service. 10° Le lundi 3 mai, à huit heures du matin, il y eut à l’hôtel de ville un attroupement d’environ deux cents personnes en cocardes blanches; un protestant ayant passé, ceux qui étaient au balcon, où il y avait un officier municipal, crièrent : Tue, tue ! Aussitôt ceux qui se trouvaient devant la porte tombèrent sur ce particulier, qui fut sauvé par l’intrépidité du sieur Castanet, plâtrier. Le sieur Alet et le sieur François Ribe furent chassés de l’hôtel de ville en présence du maire. Dans la rue et devant la porte de l’hôtel de ville, des travailleurs disaient : « Ferons-nous feu? » Une femme leur observe : « Vous devriez avoir du respect pour M. le maire (il était présent) »; aussitôt celui-ci répondit: « Qu’on fasse retirer cette femme. > 11° Le même jour 3 mai, à six heures du soir, il y avait à la place des Récollets un attrou pâment de gens à cocardes blanches, armés de fusils et de sabres. Le maire et le sieur de Com-bières, notable, précédés de deux valets de ville, survinrent; des coups de fusil furent tirés, des coups de sabre donnés au sieur Manipe fils : le maire et le notable présents se retirèrent. 12° Le lendemain, 4, les officiers municipaux se transportèrent chez les sieurs Armand et Ma-rignan, qui, la veille, avaient été assaillis à coups de pierre ; ceux-ci voulurent leur raconter ce qui s’était passé; le maire leur dit d’un ton menaçant5: « On ne vous demande pas cela. » 13° Le même jour, au soir, M. le maire dit chez M. d’Augier, juge-mage, en présence de plusieurs personnes : « Ne sait-on pas que si le maire avait reçü une êgratignure, cent des plus notables et des plus riches de la ville auraient été massacrés à l’instant sans qu’il en échappât un seul ? d 14° La nuit du 5 au 6, le procureur de la commune introduisit chez lui plus de deux cents hommes armés qui y passèrent la nuit. 15° Le dimanche 9 mai, un frère capucin, du couvent de Nîmes, distribua un imprimé intitulé Nouvelles de Paris, et dont un exemplaire est ici joint, à un officier municipal de la commune de Rodessan, lieu voisin de Nîmes, et à un autre particulier. Je vais actuellement, Messieurs, vous faire lec-