SÉANCE DU 23 THERMIDOR AN II (10 AOÛT 1794) - N° 92 433 lorsque le tyran l’a proposée. Mais, avant cette loi, le tribunal étoit la terreur des fripons, des intrigans et des aristocrates, je demande qu’il soit simplement rappelle à son organisation primitive, qu’on se contente de rétablir la loi du 10 mars, portée avec sagesse, après avoir été discutée pendant plusieurs jours. Parce que le dictateur a voulu nous faire outrepasser les mesures révolutionnaires, faut-il substituer aux bonnes loix un codicille énorme qui ne fera que faciliter l’évasion des traîtres ? Souvenez-vous que vous venez d’abattre des contre-révolutionnaires en bonnet rouge, et que l’aristocratie triomphe toujours, quand le masque même du patriotisme est coupable. Je me résume et je conclus à ce que la loi du 22 prairial soit rapportée, et que les loix antérieures soient remises en vigueur (1). BENTABOLE se plaint de ce qu’on s’élève avec une sorte de pétulance contre un décret préparé avec maturité, et discuté dans le sein de la Convention avec la solemnité la plus imposante; il demande que les membres qui se plaignent paroissent à la tribune, qu’ils y exposent leurs raisons avec liberté. Où sont, s’écrie RUAMPS, les pétulans que tu attaques ? Où étois-tu, lorsque je sonnois le tocsin contre la loi détestable du 22 prairial ? N’étois-tu pas aussi du nombre de ceux qui courboient la tête sous le despotisme de l’idole ? Eh bien c’est moi qui sonne encore le tocsin contre la loi du 22 thermidor : la première étoit le signal d’un carnage, et celle-ci, un codicille hérissé de chicane et de longueurs, imaginées pour laisser respirer l’aristocratie. [Il se manifeste quelque agitation dans le sein de l’assemblée. On traite BENTABOLE d’intrigant; les débats s’échauffent]. Le rapporteur oppose à RUAMPS et à DUHEM les longues discussions qui ont préparé dans les comités réunis la rédaction du décret, et les débats solemnels qui ont déterminé l’assentiment de l’assemblée (2). MERLIN (de Douai) : Assurément les membres qui réclament n’ont pas connaissance de la manière dont le décret a été rendu; il a été discuté par la Convention entière pendant deux séances, et il était le fruit des délibérations des trois comités réunis de salut public, de sûreté générale et de législation, pendant un jour et trois nuits entières. On ne peut pas dire que ce soit là une loi extorquée. De plus, je défie de citer dans cette nouvelle loi rien qui ne soit, ou tiré textuellement, ou calqué sur les lois du tribunal révolutionnaire, tel qu’il existait avant la loi du 22 prairial. Nous avons rappelé ces lois et nous les avons réunies en un code, afin de prévenir les abus qui s’introduisirent depuis. Il n’y a pas un mot dans le décret qui ne soit dans (1) J. S. -Culottes, n° 543 (cette gazette ne mentionne pas Ruamps et fait entamer la discussion par Duhem, de même que les journaux suivants : Moniteur (réimpr.), XXI, 447; Débats , n° 689, 395; Ann. R.F., n° 252; F.S.P., n° 402; M.U., XLII, 380; J. Perlet, n° 687; J. Sablier, n° 1 491; Rép., n° 234; J. Mont., n° 103). (2) J. Paris, n° 589. cet esprit. J’interpelle le témoignage de tous ceux qui ont assisté au tribunal révolutionnaire, il y a plus de 4 mois, dans un temps où il remplissait dans son entier le vœu de la justice nationale; alors il suivait les mêmes principes, la même marche que vous venez d’adopter dans son organisation nouvelle. [Tout ce que nous avons ajouté se borne aux dispositions des jurés]. Plusieurs voix demandent l’ordre du jour. CHARLIER reprend son observation précédente; il demande que l’assemblée y statue et détermine un temps au-delà duquel les débats ne peuvent être prolongés. DUHEM : Avant de prononcer sur cette proposition particulière, je demande que la proposition générale que j’ai faite soit mise aux voix. Merlin a dit que la loi nouvelle était tirée mot à mot, et que ses dispositions étaient calquées sur l’esprit de l’ancienne; en ce cas, qu’on rappelle cette loi elle-même. Mais ici on est venu entraver le mouvement révolutionnaire par une multitude de formalités qui tiennent à l’institution des jurés, et qui ne sont admissibles que dans les tribunaux criminels ordinaires. L’organisation de l’ancien tribunal révolutionnaire avait atteint ce point de perfection qui, sans dépasser ce qu’exigeait l’intérêt de l’innocence accusée, ne restait pas en-deça de l’énergie que nécessite la salut de la République. Je demande donc que la Convention, en rapportant le décret du 22 prairial, relatif au tribunal révolutionnaire, décrète que ce tribunal jugera conformément aux lois antérieures. Plusieurs membres : L’ordre du jour ! L’ordre du jour est écarté. Elie LACOSTE reproduit la proposition de DUHEM. Il demande que les nouveaux juges et jurés nommés par le tribunal révolutionnaire entrent en exercice sur-le-champ, et suivent les lois rendues pour ce tribunal antérieurement à celle du 22 prairial (1). Après discussion, la Convention décrète que le tribunal révolutionnaire entrera sans délai en activité, et jugera conformément aux lois révolutionnaires antérieures au décret du 22 prairial (2). BOURDON (de l’Oise) rappelle à la Convention que l’article inséré dans la loi du 22 thermidor sur la question intentionnelle ne se trouve dans aucune des loix antérieures à celle du 22 prairial, et demande que cet article soit conservé (3). Sur la proposition d’un membre [BOURDON (de l’Oise)], la Convention nationale décrète que les jurés au tribunal révolutionnaire, en déclarant les faits, seront tenus de déclarer l’intention dans laquelle ils ont été commis (4). (1) Moniteur ( réimpr.), XXI, 448.; Débats, n° 689, 395-396. (2) P.-V., XLIII, 161. Décret n° 10 336. Rapporteur: Duhem, selon C* II 20. La minute est de la main d’Elie Lacoste (C 311, pl. 1 227, p. 19). (3) J. Paris, n° 589; M.U., XLII, 380; J.S. -Culottes, n° 543. (4) P.-V., XLIII, 161. Décret n° 10 337. Minute de la main de Bourdon de l’Oise. 28 SÉANCE DU 23 THERMIDOR AN II (10 AOÛT 1794) - N° 92 433 lorsque le tyran l’a proposée. Mais, avant cette loi, le tribunal étoit la terreur des fripons, des intrigans et des aristocrates, je demande qu’il soit simplement rappelle à son organisation primitive, qu’on se contente de rétablir la loi du 10 mars, portée avec sagesse, après avoir été discutée pendant plusieurs jours. Parce que le dictateur a voulu nous faire outrepasser les mesures révolutionnaires, faut-il substituer aux bonnes loix un codicille énorme qui ne fera que faciliter l’évasion des traîtres ? Souvenez-vous que vous venez d’abattre des contre-révolutionnaires en bonnet rouge, et que l’aristocratie triomphe toujours, quand le masque même du patriotisme est coupable. Je me résume et je conclus à ce que la loi du 22 prairial soit rapportée, et que les loix antérieures soient remises en vigueur (1). BENTABOLE se plaint de ce qu’on s’élève avec une sorte de pétulance contre un décret préparé avec maturité, et discuté dans le sein de la Convention avec la solemnité la plus imposante; il demande que les membres qui se plaignent paroissent à la tribune, qu’ils y exposent leurs raisons avec liberté. Où sont, s’écrie RUAMPS, les pétulans que tu attaques ? Où étois-tu, lorsque je sonnois le tocsin contre la loi détestable du 22 prairial ? N’étois-tu pas aussi du nombre de ceux qui courboient la tête sous le despotisme de l’idole ? Eh bien c’est moi qui sonne encore le tocsin contre la loi du 22 thermidor : la première étoit le signal d’un carnage, et celle-ci, un codicille hérissé de chicane et de longueurs, imaginées pour laisser respirer l’aristocratie. [Il se manifeste quelque agitation dans le sein de l’assemblée. On traite BENTABOLE d’intrigant; les débats s’échauffent]. Le rapporteur oppose à RUAMPS et à DUHEM les longues discussions qui ont préparé dans les comités réunis la rédaction du décret, et les débats solemnels qui ont déterminé l’assentiment de l’assemblée (2). MERLIN (de Douai) : Assurément les membres qui réclament n’ont pas connaissance de la manière dont le décret a été rendu; il a été discuté par la Convention entière pendant deux séances, et il était le fruit des délibérations des trois comités réunis de salut public, de sûreté générale et de législation, pendant un jour et trois nuits entières. On ne peut pas dire que ce soit là une loi extorquée. De plus, je défie de citer dans cette nouvelle loi rien qui ne soit, ou tiré textuellement, ou calqué sur les lois du tribunal révolutionnaire, tel qu’il existait avant la loi du 22 prairial. Nous avons rappelé ces lois et nous les avons réunies en un code, afin de prévenir les abus qui s’introduisirent depuis. Il n’y a pas un mot dans le décret qui ne soit dans (1) J. S. -Culottes, n° 543 (cette gazette ne mentionne pas Ruamps et fait entamer la discussion par Duhem, de même que les journaux suivants : Moniteur (réimpr.), XXI, 447; Débats , n° 689, 395; Ann. R.F., n° 252; F.S.P., n° 402; M.U., XLII, 380; J. Perlet, n° 687; J. Sablier, n° 1 491; Rép., n° 234; J. Mont., n° 103). (2) J. Paris, n° 589. cet esprit. J’interpelle le témoignage de tous ceux qui ont assisté au tribunal révolutionnaire, il y a plus de 4 mois, dans un temps où il remplissait dans son entier le vœu de la justice nationale; alors il suivait les mêmes principes, la même marche que vous venez d’adopter dans son organisation nouvelle. [Tout ce que nous avons ajouté se borne aux dispositions des jurés]. Plusieurs voix demandent l’ordre du jour. CHARLIER reprend son observation précédente; il demande que l’assemblée y statue et détermine un temps au-delà duquel les débats ne peuvent être prolongés. DUHEM : Avant de prononcer sur cette proposition particulière, je demande que la proposition générale que j’ai faite soit mise aux voix. Merlin a dit que la loi nouvelle était tirée mot à mot, et que ses dispositions étaient calquées sur l’esprit de l’ancienne; en ce cas, qu’on rappelle cette loi elle-même. Mais ici on est venu entraver le mouvement révolutionnaire par une multitude de formalités qui tiennent à l’institution des jurés, et qui ne sont admissibles que dans les tribunaux criminels ordinaires. L’organisation de l’ancien tribunal révolutionnaire avait atteint ce point de perfection qui, sans dépasser ce qu’exigeait l’intérêt de l’innocence accusée, ne restait pas en-deça de l’énergie que nécessite la salut de la République. Je demande donc que la Convention, en rapportant le décret du 22 prairial, relatif au tribunal révolutionnaire, décrète que ce tribunal jugera conformément aux lois antérieures. Plusieurs membres : L’ordre du jour ! L’ordre du jour est écarté. Elie LACOSTE reproduit la proposition de DUHEM. Il demande que les nouveaux juges et jurés nommés par le tribunal révolutionnaire entrent en exercice sur-le-champ, et suivent les lois rendues pour ce tribunal antérieurement à celle du 22 prairial (1). Après discussion, la Convention décrète que le tribunal révolutionnaire entrera sans délai en activité, et jugera conformément aux lois révolutionnaires antérieures au décret du 22 prairial (2). BOURDON (de l’Oise) rappelle à la Convention que l’article inséré dans la loi du 22 thermidor sur la question intentionnelle ne se trouve dans aucune des loix antérieures à celle du 22 prairial, et demande que cet article soit conservé (3). Sur la proposition d’un membre [BOURDON (de l’Oise)], la Convention nationale décrète que les jurés au tribunal révolutionnaire, en déclarant les faits, seront tenus de déclarer l’intention dans laquelle ils ont été commis (4). (1) Moniteur ( réimpr.), XXI, 448.; Débats, n° 689, 395-396. (2) P.-V., XLIII, 161. Décret n° 10 336. Rapporteur: Duhem, selon C* II 20. La minute est de la main d’Elie Lacoste (C 311, pl. 1 227, p. 19). (3) J. Paris, n° 589; M.U., XLII, 380; J.S. -Culottes, n° 543. (4) P.-V., XLIII, 161. Décret n° 10 337. Minute de la main de Bourdon de l’Oise. 28