[Assemblée nationale.] ARCHIVES BARLKMENTAUfcES. [5 mai 1791.) MS qui tend à les séparer esl contraire à la liberté et à la prospérité oationale. La pétition sur les petits assignats, qui a été lue à l’Assemblée par ML. Pétion, annonce qu’on u’a pas embrassé crasses bonne heure la mesure des assiguals dans l'étendue auelle doit avoir et dans les détails que la nature des choses exigeait. Le ministre des finances occui é de trop d’objets ne peut pas observer les besoins de la circulation et suivre avec une attention journalière les mouvements de notre numéraire et en prévenir l’Assemblée nationale. Nous n’avons pas pu examiner cette multitude de causes qui se prêtent secours les unes aux autres, et qui déjouent toutes les spéculations par lesquelles nous voudrions fixer dans le royaume, au service de la circulation, quelques portions d’or ou d’argent. Nous aurions appris que, s’il est un moyen de faire naître quelque abondance dans l’or et l’argent, c'est de nous en passer, et toutes nos mesures se seraient depuis longtemps dirigées vers ce moyeu; puisque au fond, il ne s’agissait que de suppléer au numéraire réel par un numéraire plus réel encore. Et qu’on ne nous dise pas que notre Constitution achevée, et les contributions des citoyens mises en pleine recette, nous verrons subitement les métaux rentrer dans la circulation. Ces promesses ne reposent que sur des notions vagues; elles ressemblent à ces espérances toujours trompées et toujours renaissantes d’un ministre qui n’a pas pu s’élever à la hauteur des circonstances dès l’instant qu’il a fallu sortir des routes où nos linances se sont perdues. Voici ce qui seul étant certain doit nous diriger. Nous avons des biens nationaux que nulle force ne peut nous ravir, ou bien elle nous ravirait toute autre source, quelle qu’elle soit, d’où nous pourrons tirer les sommes nécessaires aux besoins publics. La confiance dans la possession de ces biens est assurée; nous voyons par ceux qui les recherchent et par le prix que Ton y met, u’on ne redoute contre la possession actuelle e ces biens aucun événement, fùt-il même contraire à la liberté ; car enfin le despotisme aurait ses besoins, pour le moins, aussi considérables que les nôtres. De ces vérités il en résulte une autre non moins évidente, c’est que nous avons incontestablement une monnaie territoriale, et que cette monnaie ne peut souffrir de discrédit que par notre propre faute ou par de mauvaises intentions. Pour prévenir le premier inconvénient et pour combattre les mauvaises intentions avec plus de de succès qu’on ne l’a fait jusqu’à présent, il est nécessaire de créer une commission composée de membres qui n’aient point à défendre les opinions et les procédés par lesquels l’Assemblée a été dirigée jusqu’à présent, et que cette commission appelle dans son sein les personnes qui sur les assignats et sur les monnaies ont montré une instruction et une prévoyance auxquelles nous sommes forcés aujourd’hui de rendre justice. La commission que je propose d’établir serait chargée de diriger et de surveiller l’exéccrtion et la meilleure distribution des petits assignats ; elle ferait exécuter une fabrication de monnaie nationale en quantité suffisante pour concourir avec les petits assignats. Il lui serait enjoint de veiller 4 la perfection des assignats et à celle de la monnaie nationale, de prendre de telles mesures qu’on ne vît plus le scandale dont nous avons été témoins. 11 est incroyable qu’on n’ait pas pourvu 4 ce que les citoyens, sans distinction, pussent obtenir de petits assignats contre des gros jusqu’à ce que les petits aient été entièrement épuisés; il ne l’est pas moins que la même précaution n’ait pas été prise pour les principale? villes dm royaume. La commission dont j’ai parlé se ferait rendre un compte exact et détaillé de toutes les opérations faites depuis le départ de M. Necker, pour se procurer du numéraire effectif, afin de faire à l’Assemblée nationale le3 rapports nécessaires pour l’éclairer sur une opération, devenue aujourd’hui si importante. Ainsi regardant notre monnaie territoriale comme ne pouvant pas nous être ravie, comme étant la seule qui puisse résister à cette multitude de causes et d’effets dans lesquels l’esprit le plue exercé s’embarrasse ; je conclus à tous les moyens qui rendront les assignats plus immédiatement utiles à la classe pauvre et laborieuse ; en conséquence, j’adopte les quatre premiers articles du décret présenté par M. Rabaud, en observant. 1° Que des assignats de 20 et de 10 livres présentant un secours plus prompt, il sera incessamment formé des assignats de 20, de 10 et 5 livre?, en exigeant que ces derniers soient au moins dans une quantité égale à celle des deux autres prises ensemble, cvest-à-dire que pour deux assignat?, l’un de 20 et l’autre de 10 livres, il y en ait six de 5 livres. 2° Je propose par amendement qu’il soit nommé une commission de quatre personnes chargée de surveiller l’exécution du décret, et d’instruire l’Assemblée de tout ce qui concerne l’état actuel des métaux précieux, et de lui soumettre une opinion sur le système qu’il convient d’embrasser sur cet important objet. 3° Je demande enfin que l’Assemblée ne cesse de presser la fabrication d’une monnaie de billon, qui, destinée à secourir le pauvre, puisse subvenir à tous ses besoins. (Applaudissements.) Un de MM. les secrétaires. Monsieur le Président me charge Messieurs, de vous donner lecture d’une lettre du ministre de l'intérieur ; la voici : « Monsieur le Président, « Les motifs exprimés dans la lettre que M. Huber a écrite au comité des finances de l’Assemblée nationale, l’ayant déterminé à remettre au roi sa démission de la place de commissaire de la trésorerie (1), Sa Majesté m’a chargé de (i) Lettre adressée par M. Huber, à M. le président du comité des finances, motivant sa démission de la place de commissaire de la trésorerie. Paris, le 5 mai 1791. « Monsieur le Président, « Appelé, sans aucune sollicitation, et par le choix libre du ministre du roi, à remplir une des six places de commissaire de la trésorerie, il fallait, pour accepter un poste de celte importance, que j’eusse, comme il l’avait lui -même, la parfaite conscience de ma pureté; il fallait, sans prévoir que j’en serais requis, être prêt à en donner des preuves ; et quelles preuves pins fortes pouvais-je présenter que celles qui résultent do cours ae la grande moitié de ma vie, employée i mériter, obtenir et conserver l’estime publique dans te lieu où j’ai vécu? Fort de cette armure, je n’ai balancé à me livrer au travail imposant qui m’était offert, qu 'autant de temps qu’il fallait pour en apercevoir la vaste étendue, et j'ai eu le courage de quitter pou une tâche effrayante, le bonheur tranquille d’une situation ignorée. « A peine placé sur le grand théâtre de la nation, j’ai été attaqué avec toute la violence de la passion la plus «die u se, celle de L’intérêt personnel nui déguùw [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIS*. [5 mai i*91.| faire connaître à l’Assemblée nationale qu’elle a nommé IL de La Fontaine pour le remplacer. « Je suis, etc... Signé : de LESSART ». IL Baznt. le demande la parole sur cette lettre. Plusieurs membres : Non ! Non ! à une autre séance I La suite de la discussion sur la création de petits assignats est reprise. M. de C'ussy. Messieurs, il n’est aucun de nous qui ne puisse aisément se convaincre que, si la disette de numéraire, qui nous afflige, doit exciter nos vives sollicitudes, ce n’est pas en saisissant inconsidérément les premiers moyens sous la voile de l’iutérét public. Personne ne s’y est trompé, et je puis avec confiance livrer mes délateurs à leur réputation et à la justice du public. « Cependant, monsieur le Président, on ne m’en a as moins imposé l’obligation de me justifier devant auguste tribunal de la nation. Renvoyé à cet effet au comité des finances, j’ai prévenu son vœu en envoyant chercher à Londres des pièces légales et authentiques pleinement justificatives du choix du ministre; je lui devais cet hommage. Ces pièces prouvent que si, dans ma première jeunesse, j’eus un intérêt tics momentané dans une maison de commerce qui, pendant mon cloi-nement de l’Angleterre, fut spoliée par un associé infi-cle, que si mon nom même fut pour quelques instants compromis par l’abus qu’il en fit en mon absence; elles prouvent aussi que, porté moi-même créancier sur les livres assermentés de cette maison, et considéré comme tel par tous les autres créanciers, je fus déchargé authentiquement par eux de tous les engagements où mon nom avait été surpris, et légalement justifié, par les tribunaux d’Angleterre, de toutes les conséquences d’une responsabilité que je n’avais pas exercéo un seul instant, et sans doute personne ne contestera que les tribunaux anglais ne soient seuls compétents pour prononcer, condamner et absoudre sur des faits arrivés en Angleterre. « J’ai mis sous les yeux de MM. du comité des finances, des pièces importantes, je les ai accompagnées de preuves authentiques d’une existence distinguée dans le commerce à Londres, postérieurement à l'époque que je viens d’analyser. « Enfin, j’ai prouvé, par une attestation signée de l’avocat général d’Angleterre, du lord-maire et des membres du Parlement représentant la cité de Londres, quo si, au lieu de la France, la Grande-Bretagne eût été ma patrie, j’y jouirais saus aucune exception de tous les droits accordés par la constitution aux Anglais nés, nommément du droit d’ètre éligible à toutes les laces dépendant du gouvernement, ainsi qu’à celles e la législature dans la Chambre des communes; et, certes, quels que soient les progrès que la France ait faits vers sa nouvelle destinée, il est encore permis de penser que sur les grands principes des droits de l’homme, de la justice, do l’honneur bien défini et des vrais intérêts commerciaux, l’Angleterre ne le cède à aucune nation. « Que me reste-t-il faire, monsieur le Président? dois-je être justifié deux fois ? le jugement solennel d’un tribuual souverainement compétent, jugement qui est le sceau de mon honneur sera-t-il soumis, peut-il même être soumis par moi au jugement d’un autre tribunal souverain, mais étranger au fait sur lequel la déclaration a porté, ainsi qu’au pays où ce fait s'est passé il y a vingt ans? «Quel est donc l’objet pour lequel je risquerais ainsi de compromettre an seul instant une réputation sans reproche? Eh! dans quel moment encore soumettrais-je au moindre hasard nn intérêt si grand pour moi? Se-Tait-ce pendant la durée de ces nuages menaçants, à l’ombre desquels se forment des cabales redoutables et souvent toutes puissantes? Non, toute la sécurité avec nui nous sont offerts pour y suppléer, que nous devons espérer de faire cesser les calamité» qui nous pressent. Nous savons tous que, depuis plusieurs années, la balance du commerce a tourné à notre désavantage, parce que nous avons fait avec nos voisins un traité ruineux ; et que, depuis cetle époque, un goût immodéré pour 1� productions de l’industrie étrangère, a fait languir et déserter nos ateliers nationaux, parce qu’il a faLlu solder avec notre numéraire une partie de nos jouissances de luxe et de nos subsistances de premier besoin; parce que, débiteurs envers l’étranger des énormes intérêts d’une grande partie de nos emprunts, il a fallu lui payer des rentes*. lui rembourser des capitaux considérables. Mais ces opérations onéreuses, et cependaot indispensables, n’ont pas enlevé à la France 2 milliards d’espèces circulantes, qui naguèresviviüaient son industrie. laquelle ie porterais ma cau'e déjà jugée aux tribunaux de l’Europe entière, et de préférence à ceux de la France calmée; toute la profonde confiance que j’ai dans la justice du comité des finances, ne m’empêche pas d’apercevoir au dehors est de bien apprécier la marche active de la cabale et de l’intrigue, ni de reconnaître le pouvoir dos méchants, pouvoir d’autant plus dangereux, que pour acquérir sur des arbitres intègres, l’influence dont ils ont besoin, ils savent prendre les formes mêmes de la justice et de la raison. « Eh! quand j’aurai obtenu d’un tribunal éclairé, comme je l’obtiendrai, la justice qui m’est due par un jugement confirmatif de celui qu’ont prononcé les lois d’Angleterre et l’opinion publique, qu’en résultera-t-ü pour moi? Il en résultera la possession orageuse de la place qui m’a été donnée, que je n’ai acceptée qu’en hésitant, et que je n’ensse continué à remplir qu’autant qu’elle eût été entourée pour moi de l’encouragement public. « C’est celte place, monsieur le Président, et non mon prétendu démérite, qui a formé contre moi une odieuse conjuration; cette place est véritablement la proie qui fixe au-dessus de ma tête le vol des vautours. Qu’ils se raniment donc ceux que ma nomination avait écartés. La voix publique et l’intégrité du ministre sauront bien repousser ceux qui en sont indignes. « Mon vœu est rempli, j’ai justifié le choix distingué dont Sa Majesté m’avait honoré; j’ai justifié l’estime publique dont j’ai joui jusqu’à présent, et je la conserverai, car je la mérite. « Incapable, par la mesure de mes forces, de les partager entre les devoirs de cette place éminente et les combats que j’aurais à soutenir contre l’envie et la calomnie, je viens de faire ce que j’ai dû différer jusqu’apres ma justification. J’ai remis ma démission au roi, et cessant d’ètre en butte aux envieux et à l’intrigue, je pourrai continuer sans obstacle à contribuer do mes faibles efforts au bien public. « Signe : Huber. » Lettre du ministre du département de l'intérieur à M. Huber. Paris, le 5 mai 1TM. a Monsieur le Président, a J’ai mis sous les yeux du roi. Monsieur, la lettre Sar laquelle vous me demandez de faire agréer à 9a ajesté votre démission de la place de commissaire de la trésorerie. J’ai en même temps remis à Sa Majesté la copie de la lettre que vous avez écrite au comité des finances de l'Assemblée nationale. Sa Majesté l'a lue avec autant d’attention que d’intérêt, et elle a regretté sincèrement, pour la chose publique, les connaissances et les talents qu’elle avait espéré que vous emploieriez à la servir. Au surplus, le roi qui rend une justice entière à vos sentiments et à vos qualités personnelles, m’a chargé de vous transmettre le témoignage de sa bienveillance et de vous assurer qu’il désirerait trouver l’occasion de vous en donner des preuves. « Sigmé : de Lessjurt. »