SÉANCE DU 13 VENTÔSE AN H (3 MARS 1794) - N° 38 23 Faites-vous respecter en prononçant avec fierté la destinée du peuple français. Vengez le peuple de douze cens ans de forfaits contre ses pères. On trompe les peuples de l’Europe sur ce qui se passe chez nous. On travestit vos discussions, mais on ne travestit point les lois fortes ; elles pénètrent tout-à-coup les pays étrangers, comme l’éclair inextinguible. Que l’Europe apprenne que vous ne voulez plus un malheureux ni un oppresseur sur le territoire français ; que cet exemple fructifie sur la terre, qu’il y propage l’amour des vertus et le bonheur. Le bonheur est une idée neuve en Europe ! (1) . (Ce discours a souvent été interrompu par des vifs applaudissements) (2). SAINT-JUST lit un projet de décret et la Convention l’adopte en ces termes : » La Convention nationale, sur le rapport des comités de salut public et de sûreté générale réunis, décrète : (3) . Art I. — » Toutes les communes de la République dresseront un état des patriotes indigens qu’elles renferment, avec leurs noms, leur âge, leur profession, le nombre et l’âge de leurs en-fans. Les directoires du district feront parve-(1) Broch. imp. par ordre de la Conv., in-8°, 3 p. (ADxvm A62. BJV., 8° Le38 717, Le38 718, Le38 719 : rapport ajouté à celui du 8 vent). Reproduit dans Mon., XIX, 611; Débats, n° 530, p. 183; Bln, 13 vent.; J. univ., n° 1562; Audit, nat., n° 528; F.S.P., n° 244; J. Mont., n° 111. Mention dans M.U., XXXVII, 222. (2) Une fin de rapport qui ne correspond pas à ce que dit Saint-Just et qui semble de l’écriture de Barère figure au recto du projet de décret qui est de la même écriture (C 292, pl. 952, p. 35). En voici le texte : ...«Proscrivez ce qui reste de la monarchie, réformez les spectacles où l’on va pour de l’argent, changez-les en fêtes données au peuple ; pressez l’instruction publique, le code civile (sic), les institutions militaires; que les lois pénales frappent sur les Magistrats et non sur le Peuple; ce principe est le gage de la Liberté; accélérez l’exécution du décret du 8, que le Comité de Sûreté générale extirpe tous les scélérats qui infestent cet empire et détercent (sic) les Patriotes, que les conspirateurs soient jour et nuit poursuivis, que les Sociétés populaires jugent tous les coupables qui sont dans leur sein et les trament dans les tribunaux et la liberté commence son règne. (Add. en marge, puis supprimée : « Lycurgue punit de mort un enfant qui étouffe un moineau et parmi nous, les crimes qui étouffent la patrie sont impunis). Vos comités m’ont chargé de vous présenter le décret suivant : (suit le texte du décret voté par la Convention avec les modifications qui y ont été apportées au cours de la discussion). Le texte publié au Bin, comporte les variantes suivantes : «Le 1er paragr. est identique à celui que nous donnons. Le 2e est rédigé ainsi : « C’est le moyen d’affermir la révolution que de la faire tourner au profit de ceux qui la soutiennent, et à la ruine de ceux qui la combattent. » Au 4e paragr. le B<n met lui aussi « et d’en être entraîné. » Au 5B paragr. les mots « d’ici » se trouvent également au Bin. Au 6e paragr. le Bin écrit : on travestit nos discussions et non vos. (3) Modifications par rapport à la minute : les deux premières lignes servant de préambule ont été ajoutées au cours de la discussion. L’écriture n’est pas celle du texte initial. nir, dans le plus bref délai, ces états au comité de salut public (1) . Art. II. — » Lorsque le comité de salut public aura reçu ces états, il fera un rapport sur les moyens d’indemniser tous les malheureux avec les biens des ennemis de la révolution, selon le tableau que le comité de sûreté générale lui en aura présenté, et qui sera rendu public (2). Art. III. — » En conséquence le comité de sûreté générale donnera des ordres précis à tous les comités de surveillance de la République, pour que, dans un délai qu’il fixera à chaque district selon son éloignement, ces comités lui fassent passer respectivement les noms, la conduite de tous les détenus depuis le premier mai 1789. Il en sera de même de ceux qui seront détenus par la suite (3) . Art. IV. — Le comité de sûreté générale jo'n-dra une instruction au présent décret pour en faciliter l’exécution » (4) (5) . La Convention adopte ce décret au milieu des applaudissements (6) . (1) Art. 1er, 2e ligne, on a remplacé « des pauvres et des malheureux » par « des patriotes indigens » et ajouté, après le mot « renferment », « avec leurs noms, leur âge, leur profession, le nombre et l’âge de leurs enfans ». (2) Art. II. On s’est borné à ajouter à la fin : « et qui sera rendu public. » (3) L’art. III a été divisé en deux ; la Ire partie a été votée sans modification, sauf aux trois dernières lignes où l’on a ajouté, après « fassent passer », le mot « respectivement » et, après 1789, la phrase : « Il en sera de même de ceux qui seront détenus par la suite. » La seconde partie, dans le texte original, était libellée ainsi : « Les Membres des Comités de surveillance répondent de leur inxacti-tude à remplir ce devoir, et en cas de retard ou de molesse (sic) seront dénoncés à la Convention Nationale par son Comité de Sûreté générale. » On l’a remplacée par : « Les membres des comités de surveillance qui seraient convaincus d’indulgence envers un ennemi de la révolution, et d’injustice envers un patriote seront sévèrement punis. » Cependant malgré les ratures qui indiquent des difficultés de rédaction, ce second texte a été, lui aussi, complètement barré pour y substituer l’art. IV tel qu’il figure au procès-verbal et dont les termes sont beaucoup plus prudents. (4) Un article V, d’abord partiellement supprimé, a finalement disparu. Il disait : « Les Comités d’instruction publique, de commerce et de législation examineront les institutions proposées dans le Rapport du Comité de Salut public, sur l’éducation, sur les spectacles, sur les manufactures, et les lois pénales, les mœurs pesant sur les fonctionnaires et non sur le peuple, et en feront leur rapport. » C’est après avoir supprimé la partie relative « aux lois pénales et aux mœurs pesant sur les fonctionnaires et non sur le peuple », que la Convention a supprimé complètement cet article. (5) P.V., XXXm, 423. Minute non signée (C 292, pl. 952, p. 351, 352, 35®). Le décret ne figure pas au reg. et la minute porte en marge « Expédié », sans signature. Reproduit dans Mon., XIX, 611; Débats, n° 530, p. 184; J. Sablier, n° 1176; Audit. no.t., n° 527; Rép., n° 74; C. univ., 14 vent.; J. Fr., n° 526; Batave, n° 382; Ann. pari., n° 428; Mess, soir, n° 563; J. Paris, n° 428; C. Eg., n° 563. (6) Débats, no 530, p. 184.