[Convention nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES, j ” *L 91 Cette proposition est décrétée en ces termes : (Suit le texte du décret que nous avons inséré ■ci-dessus d’après le procès-verbal .) Dubois-Crancé. Je demande que ce décret ait un effet rétroactif pour ceux qui se trouve-xaîent dans les cas précités par Couthon. Cette motion est adoptée. Après avoir entendu le rapport d'un membre du comité de législation [Oudot, rapporteur (1)], la Convention nationale rend le décret suivant : « La Convention nationale, après avoir en¬ tendu le rapport de son comité de législation sur la pétition du citoyen Préverand, tendant à de¬ mander l’interprétation de l’article 4 du para¬ graphe 3 de la loi relative au divorce, « Considérant que la disposition de cette loi est claire, et que la demande formée par une femme pour obtenir le divorce ne suspend pas l’exercice des droits de son mari tant que subsiste le ma¬ riage; considérant qu’en aucun cas le mari ne peut être autorisé à disposer des biens de la com¬ munauté en fraude, et au préjudice de sa femme, « Passe à l’ordre du jour. « Le présent décret ne sera pas imprimé (2). » Suit la pétition du citoyen Preverand (3). « Paris, ce 6 frimaire, l’au II de la Répu¬ blique une et indivisible. « Citoyens représentants du peuple. « L’Assemblée législative a donné à la nation “une loi sage, conforme à la nature, depuis long¬ temps demandée par la philosophie et qui doit avoir une utile et profonde influence sur les mœurs de notre nation : la loi sur le divorce, belle dans son principe, présentant clarté et précision . « Cependant l’intérêt qui voit tout sous un faux jour, et l’esprit de chicane qui se plait à tout obscurcir, ont déjà élevé des doutes sur l’esprit et le sens de quelques-uns des articles -de cette loi. L’article 4 du § 3 surtout (particuliè¬ rement dans les pays de droit écrit où les prin¬ cipes sur la communauté de biens sont moins familiers), donne lieu à des difficultés impor¬ tantes, déjà soumises aux tribunaux. « Cet article porte : « De quelque manière que « le divorce ait lieu, les époux divorcés seront « réglés par rapport à la communauté qui a « existé entre eux, soit par la loi, soit par la « Convention, comme si l’un des deux était « décédé. » « Il est évident, par cette disposition, que la loi considère le divorce à l’époque où il a lieu, à l’époque où l’officier public dissout le lien du mariage. « Cependant des femmes ont prétendu que, du jour de la déclaration de leur intention de divorcer, leurs maris n’avaient pu changer (1) D’après la minute du décret qui se trouve aux Archives nationales, carton C 282, dossier 791. (2) Procès-verbaux de la Convention, t. 27, p. 49. (3) Archives nationales, Dm 249, dossier P. l’état de la communauté, vendre ni hypothéquer sans leur consentement. « Législateurs, il importe de prévenir cette difficulté qui déjà prépare un nouvel aliment à la dévorante chicane que vous avez tant à cœur d’anéantir; un mot ajouté à la loi prévien¬ dra mille procès, source de discorde dans les familles, et devient un bienfait pour tout un peuple. « L’éclaircissement que j’ose provoquer aura encore l’avantage d’empêcher qu’il ne s’intro¬ duise une diversité dans la jurisprudence, bien contraire à ce système d’unité que vous avez établi, système politiquement et moralement si utile. « Preverand. » Sur la proposition d’un membre [Couthon (JL)], et après une mûre discussion, le décret suivant est rendu : « La Convention nationale décrète, en principe, que les biens appartenant aux pères et mères qui ont des enfants mineurs émigrés, sont séquestrés et mis, dès ce moment, sous la main de la na¬ tion. Elle décrète pareillement que les biens des pères et mères dont les enfants majeurs sont émi¬ grés, seront également séquestrés et mis sous la main de la nation jusqu’à ce que les pères et mères aient prouvé qu’ils ont agi activement et de tout leur pouvoir pour empêcher l’émigration, et renvoie aux comités de Salut public et de légis¬ lation, réunis, pour présenter la rédaction et le mode d’exécution (2). » Compte rendu du Journal des Débats et des Décrets (3). Danton. Les comités de Salut public et de sû¬ reté générale s’attacheront à examiner le décret que vous venez de rendre et à en déduire les conséquences. (Le décret relatif à l’arrestation (1) D’après la minute du décret qui existe aux Archives nationales, carton G 282, dossier 791. (2) Procès-verbaux de la Convention, t. 27, p. 50. (3) Journal des Débats et des Décrets, frimaire an II, n° 445, p. 243. D’autre part, le Moniteur universel [n° 79 du 19 frimaire an II (lundi 9 décembre 1793), p. 320, col. 2], le Mercure universel [18 frimaire an II (dimanche 8 décembre 1793), p. 287, col. 2], Y Auditeur national [n° 443 du 19 frimaire an II (lundi 9 décembre 1793), p. 5) et le Journal de la Montagne [n° 326 du 19e jour du 3e mois de l’an II (lundi 9 décembre 1793), p. 206, col. 1] rendent compte de la motion de Danton dans les termes suivants : i. Compte rendu du Moniteur universel. Danton. Il faut nous convaincre d’une vérité politique, c’est que parmi les personnes arrêtées, il en est de trois classes : les uns qui méritent la mort, un grand nombre dont la République doit s’assurer, et quelques-uns sans doute qu’on peut relaxer sans danger pour elle. Mais il vaudrait mieux, au lieu d’affaiblir le ressort révolutionnaire, lui donner plus de nerf et de vigueur. Avant que nous en venions à des mesures combinées, je demande un décret révo¬ lutionnaire que je crois instant. J’ai eu, pendant ma convalescence, la preuve que des aristocrates, des nobles extrêmement riches, qui ont leurs fils chez l’étranger, se trouvent seulement arrêtés comme 92 [Convention nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES, j ” décembre*??® des gens suspects rendu sur la motion de Couthon.) Jusqu’à présent, observez que ce décret ne juge rien. Tous les comités révolutionnaires préten¬ dront avoir appliqué la loi. Mais voici où nous devons en venir. Il faut convenir d’une grande vérité politique. Les détenus se divisent en trois classes bien distinctes : l’une renferme ceux qui doivent être suspects, et jouissent d’une fortune qu’il est juste de faire servir à la défense de la liberté qu’ils ont compromise. Je demande que vous décrétiez que tout individu qui a des fils émigrés, et qui ne prouvera pas qu’il a été ardent patriote et qu’il a fait tout au monde pour empêcher leur émigration, ne soit plus que pensionnaire de l’Etat, et que tous ses biens soient acquis à la République. Couthon. Je demande à faire une simple obser¬ vation. La proposition de Danton est juste; car tout individu qui avait des enfants impubères, de¬ puis émigrés, a eu assez de puissance pour s’opposer à cette émigration. Je demande donc que les biens de ceux dont les enfants sont émigrés avant leur majorité, soient dès l’instant acquis à la Répu¬ blique; et qu’à l’égard de ceux dont les fils étaient majeurs et ont pu user, malgré leurs parents, de leurs droits, la République ne s’assure de leurs biens qu’après leur avoir donné la faculté de prouver qu’ils ont fait tout ce qui dépendait d’eux pour empêcher l’émigration de ces enfants. La proposition de Danton est décrétée, et le mode d’exécution renvoyé à la rédaction du comité de Salut public. IL Compte rendu du Mercure universel. Danton. N’arrêtons pas les mouvements révolu¬ tionnaires, mais observons qu’il est deux classes de détenus, les uns qui méritent la mort, les autres qui doivent être sous la main de la nation, et une troisième classe qui n’ont eu que l’erreur d’un mo¬ ment et qui doivent être relâchés. Mais dans la seconde classe il est des aristocrates qui ont fait un calcul; ils ont fait émigrer l’un de leurs enfants et ont conservé l’autre afin de le sau¬ ver, quelle que fût l’issue des événements. Je demande que tous les pères et mères, qui ne prouveront pas avoir fait tout ce qui dépendait d’eux pour empêcher leurs enfants d’émigrer, leurs biens soient déclarés acquis à la nation. (Décrété.) Sur la proposition de Danton, qui déclare qu’il n’a pas entendu que la totalité des biens d’un père, ayant plusieurs enfants qui ne sont pas tous émi¬ grés, soient compris en totalité dans la confiscation, l’Assemblée renvoie la totalité des questions à son comité de Salut public pour la rédaction définitive. III. Compte rendu de l 'Auditeur national. Dans la séance d’hier (celle du 17 frimaire), Dan¬ ton, en parlant sur la motion de Couthon, relative¬ ment à l’arrestation des citoyens non littéralement compris dans la loi du 17 septembre, sur les gens suspects, représenta que parmi ces gens suspects détenus, il y en avait beaucoup qui avaient pris des arrangements pour se tirer d’affaire en cas que la contre-révolution arrivât selon leur vœu. Ces espèces de conspirateurs ont fait émigrer leurs en¬ fants pour porter les armes contre la patrie et leur ont fait passer des fonds pour soutenir la rébel¬ lion. Danton demanda que les biens de tout individu ayant des enfants émigrés, et qui ne prouverait pas avoir fait tout ce qui était en son pouvoir pour empêcher cette émigration, fussent confisqués au profit de la République. frappés de mort ; l’autre, ceux sur qui le fer natio¬ nal doit rester suspendu jusqu’à la paix; la troisième enfin, ceux qui ont été victimes de quelques erreurs, et vers qui l’on demande aujourd’hui que se porte notre sollicitude. Je ne décide rien, car je crois que le décret que vous avez rendu n’est que provisoire; mais il est un principe que nous ne saurions trop répéter, et dont nous ne saurions trop nous pénétrer : c’est qu’il vaudrait toujours mieux outrer l’ac¬ tion révolutionnaire que la ralentir. Voilà, selon moi, quel doit être l’esprit de tout vrai républi¬ cain. Nous partirons donc de cette base, lorsqu’il faudra discuter la question au fond. Pénétré comme je le suis de cette idée, que nous devons craindre surtout de laisser débander l’arc révolutionnaire qui est tendu contre nos ennemis, je viens vous proposer un décret révo¬ lutionnaire. Un grand nombre de gens suspeots ont fait un calcul que je vous dénonce. Us ont fait émigrer leurs enfants pour s’assurer une prétendue indulgence auprès des ennemis de la liberté, dans le cas où ils triompheraient. Je pose en principe que celui qui ne justifiera pas qu’il a fait tous ses efforts pour empêcher ses enfants d’émigrer, n’a plus de droits qu’à recevoir du pain, et que tous ses biens sont acquis à la nation En appuyant cette proposition, Couthon de¬ manda que dans le cas où les enfants émigrés n’au¬ raient pas atteint leur majorité, les biens des pères et mères qui par leur seule autorité auraient pu, s’ils eussent voulu, empêcher cette émigration, fussent dès ce moment séquestrés et mis sous la main de la nation. Ces propositions, décrétées, ont été reproduites aujourd’hui pour la rédaction. Le comité de Salut public est chargé de présenter le mode d’exécution. IV. Compte rendu du Journal de la Montagne. Danton. Il faut distinguer trois classes d’hommes suspects. La première de gens qui méritent d’être frappés du glaive de la loi; la seconde, de ceux sur la tête desquels on doit le suspendre jusqu’à la paix; la troisième, de ceux qui ont été incarcérés par erreur. Vous venez de vous occuper des der¬ niers, je dois appeler votre attention sur ceux de la seconde classe. Ils vous font des dons patriotiques pour vous intéresser à leur conservation, et, dans le même temps, ils entretiennent à grands frais leurs fils chez nos ennemis, afin de se ménager une res¬ source en cas de contre-révolution. Nous sommes à un point où il faudrait plutôt outrer les mesures révolutionnaires que les affaiblir, et je crois qu’on ne doit à cette espèce d’êtres qu’une pension ali¬ mentaire, et que nous avons le droit de leur ôter les moyens de soutenir la guerre contre nous. En conséquence, je propose de décréter que les biens des pères et mères, dont les enfants sont émigrés, et qui n’ont pas fait tous leurs efforts pour les en empêcher, sont dès ce moment acquis à la Répu¬ blique, et qu’il leur sera fourni seulement les sommes nécessaires à leur nourriture. (Adopté.) Couthon veut que l’on distingue les enfants majeurs et les enfants mineurs. Il pense que les parents ont eu assez d’empire sur l’esprit de ceux-ci, pour les déterminer à rester avec eux, s’ils l’avaient réellement voulu. Il demande que leurs biens, sans information, soient confisqués. Moyse Bayle est d’avis d’envelopper dans la même loi tous ceux qui sont maintenant renfermés dans Toulon. Ges propositions sont renvoyées au comité de Salut public. (Convention nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES, j � 1793 pour servir à la guerre de la liberté. J’ai eu pen¬ dant ma convalescence des preuves matérielles du fait que je vous dénonce. Des ci-devant nobles très riches, et dont les enfants ont émigré, sont seulement arrêtés comme suspects. Il est temps de leur arracher ce qu’ils doivent à la nation. Je demande que vous décrétiez le prin¬ cipe que j’ai posé. Je propose d’ailleurs le renvoi au comité de Salut public, qui se concertera avec celui de sûreté générale pour la rédaction de cette loi, pour proposer tout ce qui y sera relatif et pour en assurer l’exécution. Couthon. Je fais une observation qui sera la base d’un article additionnel. La proposition de Danton est juste. Je pense que, dès ce moment, la République doit mettre la main sur les biens de ceux dont les enfants impubères ont émigré, parce que la puissance paternelle, qu’ils exer¬ çaient sur eux suffisait pour empêcher leur émigration. A l’égard de ceux dont les enfants majeurs avaient le libre exercice de leur volonté, je de¬ mande que l’on confisque également leurs biens ; mais seulement lorsqu’ils ne pourront pas prou¬ ver qu’ils se sont opposés de toutes leurs forces à cette émigration. Vous voyez la distinction que j’établis ; je demande que vous la consacriez. Un membre demande qu’on mette dans la même classe les parents de ceux qui ont pris la route de Toulon et qui se proposent de secon¬ der nos ennemis. Danton. Je demande le renvoi de toutes les propositions au comité. Cambon. Il y aurait un grand principe à poser. Déclarons émigrés tous ceux qui sont sur le terri¬ toire envahi par les rebelles, comme nous l’avons fait pour ceux qui sont restés dans le pays qui est tombé au pouvoir de l’ennemi. Alors vous leur appliquerez toutes les lois relatives aux émigrés. Bourdon ( de l’Oise ) s’oppose à l’admission des pétitionnaires (la députation de la commune d’ Amboise) parce qu’ils composent une autorité constituée, et que la loi défend aux autorités constituées de faire des pétitions. Rewbell rappelle que la loi dont Bourdon argumente fut faite par l’Assemblée Consti¬ tuante. Mais il faut bien, ajoute Rewbell, que cette loi soit tombée en désuétude, car chaque jour vous admettez à votre barre le conseil géné¬ ral de la commune de Paris et l’administration du déparoemem. Si l’on veut faire une loi, je le veux bien : mais nous ne pouvons blâmer ce que nous avons toléré jusqu’à ce jour. Je demande l’ordre du jour. Danton. La loi dont Bourdon a excipé est antérieure à la Révolution, et nous sommes en révolution. Si la motion de Bourdon était adop¬ tée, vous écarteriez de vous des autorisés qui peuvent vous faire des dénonciations graves. J e demande formellement que les pétitionnaires aient les honneurs de la séance. On demande le renvoi de toutes les proposi¬ tions au comité de Salut public ; il est décrété. 93 Sur la proposition de divers membres et des comités qu’ils concernent, les décrets suivants sont rendus : « Sur la proposition d’un membre, tendant à ce que la faculté d’évincer les fermiers des biens nationaux fût accordée aux acquéreurs adjudi¬ cataires, à la charge d’entretenir les baux exis¬ tants lors des ventes, « La Convention nationale passe à l’ordre du jour (1). » Compte rendu du Journal des Débats et des Décrets (2). La discussion s’engage relativement aux ac¬ quéreurs et aux fermiers de domaines nationaux. Les propositions qui sont faites sont renvoyées au comité des domaines. « Sur la proposition d’un membre [Thuriot(3)] tendant à ce qu’il fût établi un mode qui mît le comité de sûreté générale dans la possibilité de statuer plus promptement sur les arrestations faites par les comités de surveillance; « La Convention nationale renvoie à ses co¬ mités de Salut public et de sûreté générale réunis, qui sont chargés d’en faire incessamment leur rapport à la Convention nationale (4). » « La Convention nationale, après avoir en¬ tendu son comité de législation [Pépin, rappor¬ teur (5)], sur la pétition des citoyens Guery, Rou-lard et Ducognet, tendant à ce que les créanciers des maisons religieuses ne puissent saisir les pen¬ sions des religieux, pour dettes contractées en 1790, qu’après avoir épuisé les revenus de la même année, et à ce que les religieux ne puis¬ sent être poursuivis solidairement, mais seule¬ ment pour leur part et portion desdites dettes, passe sur le tout à l’ordre du jour (6). » « La Convention nationale, après avoir en¬ tendu le rapport de ses comités d’agriculture et de commerce {Villers, rapporteur (7)] sur la pétition des citoyens Jaquemard et Bénard, re¬ lativement au brevet d’invention accordé au ci¬ toyen Olivier pour la fabrication du minium , casse et annule l’arrêté pris sur cet objet par le conseil exécutif, le 26 juin dernier (vieux style), comme contraire à l’article 16 de la loi du 30 dé¬ cembre 1790 (vieux style) (8). » (1) Procès-verbaux de la Convention, t. 27, p. 50. (2) Journal des Débals et des Décrets (frimaire an II, n° 445, p. 243). (3) D’après les journaux de l’époque. (4) Procès-verbaux de la Convention, t. 27, p. 50. (5) D’après la minute du décret qui se trouve aux Archives nationales, carton C 282, dossier 791. (6) Procès-verbaux de la Convention, t. 27, p. 51. (7) D’après la minute du décret qui existe aux Archives nationales, carton G 282, dossier 791. (8) Procès-verbaux de la Convention , t. 27, p. 51.