[31 décembre 1789.J 57 [Assemblée nationale. J ARCHIVES PARLEMENTAIRES. répandre ces sentiments, et elle reçoit avec plaisir les hommages et les vœux que vous venez lui présenter. « L’Assemblée vous permet d’assister a la séance. » Les dames qui composent la députation sont : Mme Dupré, du marché Saint-Paul, Fille Reine d’Hongrie, du marché d’Aguesseau, Femme Doré, de la Halle, Fille Gerty, du marché des Quinze-Vingts, Louison Chably, du faubourg Saint-Antoine, Marie Françoise Salinon, du faubourg Saint-Antoine, Femme Pelletier, do la Halle, Femme Lamy, du marché d’Aguesseau, M. le Président. L’ordre du jour rappelle une affaire qui intéresse la caisse d’escompte et le district des Cordeliers. Il s’agit de l’arrestation de lingots , faite par le district des Cordeliers. M. Püaurlssart prend la parole. Il se plaint de la conduite du district relativement à un fait qui retarde les opérations de la Monnaie de Limoges , et il demande un décret qui ordonne que les matières saisies soient rendues. M. Charles de Cameth. Ce n’est là qu’un fait de police qui doit être dénoncé aux représentants de la commune ; les plaintes portées contre le district des Cordeliers ne peuvent jeter de la défaveur contre un district qui a tant fait pour la liberté. Je rendrai toujours justice à la ville de Paris, à qui la France doit sa liberté , ainsi qu’aux districts qui la composent. Je crois que le district est comptable des sommes arrêtées ; mais je sais aussi que l’on doit être tranquille sur le dépôt confié à des mains aussi pures que celles du district des Cordeliers , et j’ose répondre de tout ce qu’il y a dans la voiture. Sans défendre tout ce qu’il y a d’exagéré sur la surveillance du district, je pense dire à tous les amis de la liberté que cette surveillance a été favorable à la révolution. Je demande que M. le président fasse des démarches pour que les matières d’argent soient rendues. M. de Rochebrune demande que l’on prenne des mesures pour que de pareils abus ne soient plus commis à l’avenir. M. le Coutenlx. J’observe que les administrateurs de la caisse d’escompte se sont adressés aux représentants de la commune. Le district a pu être alarmé par ce qu’il a entendu dire ici de l’exportation de l’argent ; le zèle le plus pur peut être égaré. J’envisage la circulation de l’argent dans le royaume comme aussi nécessaire que la circulation des grains ; elle tend à acquitter la dette de la capitale, et à subvenir aux besoins du royaume; consacrez donc ce principe d’une saine administration, que la circulation de l’argent doit être libre dans le royaume. Quant aux métaux arrêtés par le district� et que la caisse d’escomple a fait venir de Hollande et d’Espagne , la Monnaie de Paris ne suffit point à là fonte d’argenterie qu’on y apporte, elle a été obligée d’envoyer à celle de Limoges. Je dë-mande que l’affaire soit renvoyée aux représentants de la commune ou au comité de police, et que M. le président soit autorisé d’écrire que la circulation des espèces est libre dans l’intérieur du royaume. M. Barnave. L’Assemblée autorisa à l’archevêché un règlement de police qui donne à la commune le droit de prononcer sur les affaires des districts . Si un directeur quelconque des Mo n-naies avait à se plaindre, il aurait épuisé les tribunaux avant de venir au pouvoir législatif; nous n’avons point de privilège sur les autres citoyens ; il faut donc suivre le cours naturel de la justice; d’ailleurs, la commune de Paris est saisie de la connaissance de cette affaire; ainsi je demande la question préalable. On la met aux voix ; elle est adoptée. M. de Menou, au nom du comité militaire , lit différentes lettres adressées à ce comité au sujet d’une expression échappée à M. JDubois de Grancé , relativement à l’armée. Nous les trancrivons. Lettre des soldats du régiment d’ Armagnac à leurs officiers. « Messieurs, nous, bas officiers, caporaux, grenadiers, chasseurs et soldats du régiment d’Àr-magnac, nous nous adressons à vous, pour vous témoigner notre juste sensibilité des expressions peu mesurées et humiliantes pour tout soldat français, qui n’a jamais eu que l’honneur pour guide , expressions énoncées dans le plan constitutionnel de l’armée , proposé par M. Dubois de Grancé à l’Assemblée nationale. Après avoir parlé de la conscriplion militaire: — « Comment incorporer, dit-il, cette milice avec notre armée , si cette armée n’est pas citoyenne, si elle n’est pas purgée de tous les vices qui l’ont infectée jusqu’ici ? Est-il un patriotisme qui tienne à l’horreur de la corruption des mœurs ? Est-il un père de famille qui ne frémisse d’abandonner son fils , non aux hasards de la guerre, mais au milieu d’une foule de brigands inconnus, mille fois plus dangereux ?» « Ayant eu l’honneur, Messieurs, de faire toute la dernière guerre sous vus ordres, pleins de confiance en vous , d’après l’estime que vous nous avez toujours témoigné , nous vous prions de réclamer pour nous la justice qui nous est due. Signé par tous les sergents, caporaux , grenadiers , chasseurs et soldats au régiment d’ Armagnac. Lettre des officiers du régiment d' Armagnac au Roi. «Sire, pleins de confiance dans vos bontés pour tous les sujets de votre royaume ,nousosons faire parvenir à Votre Majesté les plaintes des bas-officiers, caporaux, grenadiers, chasseurs et soldats de votre régiment d’Armagnac, que nous n’avons pu refuser d’entendre, et qui nous ont témoigné respectueusement combien ils étaient affectés des expressions peu mesurées de M. Dubois de Grancé, dont ils ont eu connaissance par les papiers publics ; nous les avons approuvés , après nous être assurés qu’elles étaient conçues de même dans son plan. Cette démarche de leurs subordonnés est. une nouvelle preuve de leur délicatesse; qualité précieuse dans ceux dont notre gloire dépend , et qui, par une bonne conduite dans nos campagnes d’Amérique, et dans 58 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [31 décembre 1789.] la circonstance présente, ont mérité notre attachement. « Nous avons l’honneur d’adresser àM. le comte de la Tour-du-Pin, l’exposé de nos plaintes contre M. Dubois de Crancé, en le suppliant de faire connaître à l’Assemblée nationale que nous nous réunissons à MM. le duc de Monteynard, le vicomte de Mirabeau et de Juigné, pour demander que M. Dubois de Crancé fasse une réparation authentique à toute l’armée. « Nous sommes avec respect, etc. Signé : les officiers du régiment d’ Armagnac. » Lettre des officiers du régiment d1 Armagnac, à M. le comte dé la Tour-du-Pin, ministre de la guerre. « Monseigneur, par tout ce qui est émané de vous depuis que vous êtes au ministère, vous nous avez prouvé l'intérêt que vous prenez aux militaires français : nous osons donc vous faire parvenir directement les plaintes fondées des bas-officiers, caporaux, grenadiers, chasseurs et soldats du régiment d’Armagnac, que nous n’avons pas cru pouvoir refuser d’entendre, d’autant que oar leur bonne conduite en Amérique, et dans ' a circonstance présente, ils ont mérité notre attachement : cette nouvelle preuve de leur délicatesse est précieuse dans ceux dont notre gloire dépend. Le soldat français ne devant jamais être humilié, nous osons vous supplier de faire connaître à l’Assemblée nationale que nous nous réunissons à MM. le duc de Monteynard, le vicomte de Mirabeau et de Juigné, pour demander que M. Dubois de Crancé fasse une réparation authentique à toute l’armée. « Signé : les officiers du régiment d' Armagnac. Lettre des officiers du régiment d’Auvergne à l'Assemblée nationale. « Nosseigneurs, nous vous demandons justice du mémoire lu dans une de vos séances, par M. Dubois de Crancé; l’esprit de système peut égarer, l’ignorance peut entraîner dans des erreurs, la méchanceté seule enfante des calomnies. Tout excuse un zèle même indiscret, rien ne peut affaiblirl’atrocité d’inculpations fausses et odieuses; le mépris pour l’ouvrage et l’auteur n’est pas une vengeance suffisante; l’offense est publique, la réparation doit l’être : vous vous la devez à vous-mêmes, vous la devez à la nation, à l’armée; l’honneur du soldat demande vengeance: oui, l’honneur! ce mot n’est point chimérique; et ces êtres éphémères qu’on vous a dépeints comme de vils brigands, le rebut de la nation, la lie du peuple, le connaissent; bien plus, fis le pratiquent. Si le militaire, semblable à tous les corps très-nombreux, voit dans son sein desindividus qui, en déshonorant leur état, souillent l’habit qu’ils portent, ces individus sont en trop petit nombre, pour que quelques exemples isolés puissent donner lieu à des imputations générales, aussi graves que fausses, et l’attention avec laquelle on a soin de tout temps de se purger des mauvais sujets, soit par les refus de les recevoir, soit en chassant ceux qui s’étaient déshonorés aux yeux de leurs camarades, prouve l’intérêt et le désir qu’on avait de ce tenir pur. « Qui le sait mieux que nous. Nosseigneurs ? A portée de voir de près le soldat, de l’apprécier et de l’étudier par la confiance qu’il a généralement en son officier, nous l’avons vu, même dans ces temps malheureux, où l’on s’efforcait de persuader qu’une discipline sévère pouvait tenir lieu de point d’honneur; nous l’avons vu n’être dirigé que par ce seul principe. Et dans des circonstances où toutes les lois réduites au silence semblaient annoncer l’impunité, où l’on semblait ne chercher qu’à l’égarer, qui a pu le contenir? qui a pu le maintenir dans des bornes que tout paraissait l’engager à franchir ? qui a pu faire régner l’ordre, la discipline et le respect pour des ordonnances qui avaient été abrogées, et qui ne sont encore même remplacées par aucune loi? Ce problème n’est pas difficile à résoudre pour quiconque connaît le soldat français; l’honneur était sa loi, il a été le frein qui l’a retenu. Le respect pour ses chefs, l’attachement à ses officiers, sa confiance en eux, l’idée qu’il se faisait du nom de soldat, tout ce que ce titre lui imposait, voilà ce qui a dirigé les soldats du régiment d’Auvergne; voilà ce qui les a retenus. Nous devons donc à la vérité l’hommage que nous lui rendons, en affirmant que l’honneur, seule base de la discipline, même dans ces temps où on avait voulu y substituer un autre mobile, n’a jamais cessé d’animer le militaire. Nous devons à nos soldats l’assurance publique de la fausseté de ce qu’a avancé M. de Crancé, quant à leurs sentiments et quant à leur composition. La plus grande partie d’entre eux, et l’on peut dire la totalité, est prise dans les laboureurs, dans les artisans honnêtes, ou même dans des classes plus relevées, jamais dans le rebut de la société. Cette justice, nous la leur rendons, et nous nous contenterons d’observer, quant à la verge de fer, seut moyen, selon l’auteur, de mener l’armée, que la discipline sévère fait des esclaves, que l’honneur et l’amour de la patrie font seuls les soldats français; enfin, nous nous devons à nous-mêmes de repousser la calomnie, qui cherche, en les flétrissant, à nous flétrir nous-mêmes; car la classe des officiers deviendrait la plus vile, si elle n’était destinée qu’à gouverner des brigands , et notre honneur est si étroitement lié au leur, qu’on ne peut attaquer l’un sans outrager l’autre. Quoique convaincus que des faussetés entassées, ouvrage de la mauvaise foi et de l’ignorance absolue, n’aient pu faire sur l’esprit du public, et encore moins sur le vôtre, aucune impression, nous n’en réclamons pas moins votre justice ; nous demandons que le calomniateur rétracte les mensonges dont il a fait retentir des voûtes destinées à ne recevoir que l’expression de la vérité ; et pleins de confiance dans votre équité et la justice de votre demande, « Nous sommes avec un profond respect; Nosseigneurs, de Bois-Joly, Terssac, Richard, la Tredière, la Grândinière, Rua de Fongatte, Lajant, Fontelle, Gonidec de Olraissan, Rickleg, Bel-fond, Bord, de Chanvallon, de Peyrass, de Micon, Chambellan, de la Reynie, de Guerrisse. » M. de Menou, après avoir fait lecture de cette dernière lettre, lit celle que M. Dubois de Crancé a adressée à tous les bas officiers et soldats des régiments composant l’armée française. La voici : « Messieurs, je ne croyais pas, lorsque j’ai pro-