360 [Assemblée nationale.) ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [26 mars 1790.] point ici pour stipuler ni les intérêts des rois, ni ceux deses ministres, mais seulement ceux du peuple. Je vous conjure enfin de ne pas oublier qu’une assemblée constituante qui se permettrait d’enfreindre les décrets constitutionnels qu’elle aurait elle-même rendus, manquerait le but pour lequel elle aurait été convoquée, et détruirait son propre ouvrage. Je pense qu’il n’y a pas lieu à délibérer sur la proposition qui vous a été faite de la part du roi. M. laicas. J’observe à l’Assemblée que lorsque j’aidit qu’il y avait lieu à délibérer, je n’ai point prétendu appuyer la demande du roi, mais seulement rappeler à l’Assemblée qu’elle avait décrété hier qu’elle délibérerait aujourd’hui sur cette demande. Je me suis réservé de dire mes opinions sur le fond de la question, comme un bon citoyen doit les dire. M. Démeunier. Sans doute, il serait inconstitutionnel d’adopter la proposition du roi; mais il me semble qu’il ne serait pas sage de répondre à une demande du roi par un il n'y a pas lieu à délibérer. Un honorable membre a dit qu’on ne pouvait s’occuper de la demande du roi que lorsque la motion expresse en aura été faite par un membre de cette Assemblée. Il avait vraisemblablement oublié que l’Assemblée avait voulu s’occuper de cet objet, puisqu’elle avait chargé sou comité des finances d’examiner la première demande qui en a'été faite parle, ministre ; il avait encore oublié que l’Assemblée avait décrété hier qu’elle délibérerait aujourd’hui. Je repète, Messieurs, qu’il serait affreux de dire aujourd'hui qu’il n’y a pas .lieu à délibérer. Je pense que l’Assemblée doit dire qu’après avoir examiné de nouveau les motifs qui l’avaient déterminée à décréter qu’aucun de ses membres ne pourrait accepter, pendant la session, des places dans aucune partie de l’administration, elle s’écarte à regret du vœu que Sa Majesté a manifesté ; qu’à lui seul appartient le droit de nommer ses ministres et de former un bureau de trésorerie, s’il le juge convenable. M. le marquis deSillery. Les ennemis delà Révolution sont encore assez mal intentionnés pour vouloir rendre l’Assemblée responsable des événements, si elle revenait sur ses décrets. Si on a lieu d’être surpris, c’est qu’on ait osé soupçonner de légèreté le Corps législatif, et que, par unedeces contradictions, au moins apparente, le premier ministre des finances ait proposé un décret dont une des dispositions tend à nommer quatre membres de l’Assemblée pour correspondre avec le bureau de trésorerie que le roi formera.... (Des murmures empêchent l'orateur de continuer et de développer sa pensée.) M. Barnave. Avant de traiter le fond de la proposition du ministre des finances, il est indispensable de faire une digression sur la forme, les motifs et l’occasion de la délibération actuelle. Il est une première maxime, c’est que la personne du roi est sacrée et inviolable, et qu’il doit obtenir de tous le plus profond, le plus constant respect. Or, le respect peut être plus ou moins altéré par la manière dont le vœu du roi est discuté ou suivi. La forme employée dans l’affaire présente tend à mettre l’ initiative dans la main du roi, ce qui est contraire à vos décrets : elle peut aussi compromettre le respect dû à Sa Majesté. Si la personne est réputée inviolable, elle est censée agir d’après un conseil et par celui d’un homme responsable ; donc, en admettant qu’en puisse se servir de son nom seul, on élude cette responsabilité. Quant au fond de la proposition relative au concert direct à établir entre l’administration des finances et l’Assemblée nationale, elle est contraire aux décrets de l’Assemblée et aux principes généraux qu’elle a publiés. Elle est de plus inutile par les usages établis et par la correspondance nécessaire qui subsiste entre le ministre et le comité'des finances. D’ailleurs, le ministre n'a-t-il pas été accueilli toutes les fois qu’il a désiré de se présenter à l’Assemblée, et ne le sera-t-il pas toujours? Tout autre plan serait inutile et nuisible à la responsabilité. Lorsque vous avez rejeté la motion de M. de Mirabeau, vous avez pensé que les ministres ne pouvaient être introduits dans une Assemblée constituante; vous avez laissé la question entière pour une autre législature. Quand la constitution sera faite, on pourra peut-être les associer à l’Assemblée nationale ; mais il serait dangereux de les introduire avant celte époque. Ce n’est pas dans de nouvelles mesures, mais par l’exécution de celles déjà prises que vous pouvez faire le bien. M. Démeunier propose le décret suivant: « L’Assemblée nationale, après avoir entendu la lecture du mémoire du premier ministre des finances, et le rapport de son comité des finances, voulant donner une preuve de sa déférence, ainsi qu.e de son amour et de son respect pour la persoune de Sa Majesté, a examiné de nouveau les motifs qui ont déterminé ses décrets des 7 novembre et 26 janvier derniers, et elle a déclaré y persister. « Elle charge, de plus, son président, de se retirer auprès du roi pour lui exprimer les regrets qu’elle a eus de ne pouvoir se rendre aux désirs de Sa Majesté. » M. le comte de Mirabeau. 11 est, à mon avis, un motif beaucoup plus pressant d’envoyer votre président pardevers le roi; c’est de représenter et demander à Sa Majesté que nulle proposition de sa part ne puisse être présentée à cette Assemblée sans le contreseing d’un ministre, la forme contraire étant destructive de la responsabilité que le roi lui-même a adoptée. M. Carat l’aîné. Je combats l’amendement de M. le comte de Mirabeau, et je Je combats, vos décrets constitutionnels à la main. Le roi peut, avez-vous dit, inviter l’Assemblée nationale à prendre en considération tel ou tel objet; mais Ja proposition des lois appartient exclusivement à la nation. Les ministres, avez-vous dit encore, sont responsables chacun dans leur déparlement; mais aucun ordre du pouvoir exécutif ne pourra être exécuté s’il n’est signé du roi et contresigné par un secrétaire du département. Ici, Messieurs, observez que l’article ne porte pas que les propositions du roi seront contresignées par un ministre; il serait même ridicule de l’avoir exigé; il résulterait de là que vous auriez interdit toute correspondance personnelle entre le roi et vous; et j’interroge vos cœurs, j’interroge vos principes : avez-vous jamais voulu éloigner la confiance du roi? Et si d’ailleurs le roi était trompé, quel autre moyen auriez-vous pour eu être instruits, que sa correspondance? Je conclus à ce que, sans s’arrêter à l’amendement proposé par M. le comte de Mirabeau, on passe à l’ordre du jour. M. le comte de Mirabeau. Je demande au (Assemblée nationale.) ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [26 mars 1790. préopinant si, de ce que l’article 18, qu’il atteste, porte qu’aucun ordre du roi ne sera exécuté sans le contreseing du ministre, il en tire cette conséquence, que les messages ne sont pas compris dans cet article? Je lui demande s’il a pensé que les messages ne devaient avoir aucune espèce de législation; je demande si le roi jouit de la faveur précieuse et purement idéale de V inviolabilité individuelle, s’il ne doit pas toujours apparaître un conseil au garant de ses propositions; je demande enfin ce qu’a voulu dire le préopinant, lorsqu’il a dit que le roi pouvait être trompé, et que, sous ce rapport, il pouvait être intéressant de recevoir ses lettres sans le contreseing d’aucun ministre : si l’on suppose cette obsession ministérielle; si l’on en suppose, dis-je, l’existence et la possibilité, cette obsession n’inter-ceptera-t-elle pas les billets? et puis, s’il arrive qu’une fois, une seule fois, le roi vous écrive d’après lui-même, combien de fois aussi les ministres ne seront-ils pas les solliciteurs, les instigateurs, les auteurs de ses lettres? Sans doute, il est commode pour ceux qui se sont engagés dans un labyrinthe de difficultés, qu’on leur montre le fil pour en sortir ; mais c’est à eux à nous le montrer, s’ils le connaissent, et qu’ils ne croient pas qu’on le leur tendra pour leur intérêt particulier. Je conclus à ce que le président soit chargé de représenter directement au roi que l’initiative est anticonstitutionnelle et absolument contraire à tous les décrets de l’Assemblée nationale. (Le discours de M. de Mirabeau est applaudi par une grande partie de la salle; une autre partie demande la discussion de son amendement.) M. Démeunier. Lorsque j’ai proposé ma motion, je n’ai pas voulu éloigner l’Assemblée de l’ordre de travail qu’elle s’est prescrit pour au-S' urd’hui ; je pense que l’amendement de M. de irabeau est susceptible d’une longue discussion, et cette discussion ne peut être faite aujourd’hui, parce que les finances nous appellent. Je retire donc ma motion principale, et je demande qu’on passe à l’ordre du jour. (L’Assemblée consultée décide qu’elle reprend la suite de son ordre du jour.) M. le Président. L’Assemblée passe à la discussion du projet de décret concernant la contribution patriotique du quart des revenus. M. Dupont (de Nemours). Le projette décret est parfaitement inutile; il est contraire aux précédents décrets; il est inutile, puisque ce ne sera pas par la contribution patriotique qu’on assurera la dépense de 1791 ; ce sera en mettant les besoins extraordinaires au niveau des ressources ordinaires : il est contraire à vos décrets, puisqu’il établit une espèce d’inquisition dans les fortunes, et que vous avez arrêté qu’on ne rechercherait les contribuables en aucune manière ; il n’y a donc pas lieu à délibérer. M. de Robespierre. Le décret proposé ne me paraît pas propre à produire l’effet qu’on en attend; il faut chercher la véritable cause du défaut de déclarations. Je ne puis être de l’avis du premier ministre, qui accuse le patriotisme des citoyens : ce patriotisme existe; il a seulement été ralenti par les erreurs dans lesquelles on a jetélepeuple, et par les moyens qu’on a pris pour lui persuader que la banqueroute était possible, et que la contre-révolution l’était aussi. (M. de Robespierre entre dans de très grands détails.) Voilà les manœuvres 861 qui ont arrêté l’essor du patriotisme ; faites cesser les inquiétudes, le patriotisme reprendra toute son énergie, et l’on viendra en foule offrir une contribution qu’ou croira alors ne pouvoir jamais être inutile à la liberté. M. le Chevalier d’Aubergeon de Marinai». La longue éloquence de M. de Robespierre ne m’a pas du tout converti : le projet de décret me paraît très nécessaire ; je demande qu’il soit adopté avec les amendements qu’on présentera article par article. M. Rœderer. Le projet de décret est 'diamétralement opposé à deux autres décrets ; vous avez demandé flne contribution volontaire; vous avez voulu qu’il ne fût fait aucune poursuite, et l’on vous propose aujourd’hui d’en faire une contribution forcée, et d’autoriser les municipalités à faire des poursuites..... (M. Rœderer développe ces idées, conclut qu’il n’y a lieu à délibérer, et propose subsidiairement de faire imprimer et afficher, dans le lieu des élections, pendant dix années, la liste des contribuables.) M. Dubois de Crancé. C’est d’après des nouvelles des villes commerçantes, que le comité de finances a cru nécessaire de réformer la clause de l’impression des listes; les députés extraordinaires du commerce et des manufactures sont venus hier demander le rétablissement de cet article. Les motifs de l’opinion du comité des finances cessant, il a abandonné son opinion. En proposant les moyens qui lui paraissaient convenables pour assurer la contribution patriotique, il n’a point accusé le patriotisme des citoyens, mais les circonstances; il persiste dans le premier article. En chargeant les municipalités d’assurer les perceptions, il n’a pas entendu vous faire approuver des moyens inquisitoriaux; il est sûr que, dans le délai accordé, nul citoyen ne refusera son secours à la patrie ; mais il n’a pas cru qu’on pût qualifier d’inquisition des précautions sollicitées pour le salut public, et qu’une aussi grande considération doit faire regarder comme des actes de justice. Rien, dans les mesures proposées, n’était imprudent ou trop rigoureux; les municipalités n’étaient autorisées à taxer que sous la surveillance des directoires de districts, et la taxe ne pouvait devenir obligatoire que d’après la décision du directoire de département. M. le marquis de F iimel-Montségur. Puisque chacun fait son observation, je vais faire ïa mienne. Il court dans les campagnes des papiers incendiaires à 2 sous, dont l’objet est d’égarer le peuple. Il faut détruire ces erreurs pour rétablir ta confiance, et c’est la confiance qui peut remplir le Trésor public. Je demande l’ajournement, la rédaction d’une adresse pour engager le peuple à payer, et la proposition d’une loi sur la liberté de la presse. M. Rœderer. Il serait convenable de charger les districts et les départements d’indiquer les moyens qu’ils jugeront nécessaires pour rendre plus productive la contribution patriotique. M. le comte de Créey. Adoptons tous les movens qui n’auront rien de coactif; employons surtout la persuasion, dans un temps où nous doutons encore du succès de nos travaux... (Ce succès est certain ! s’écrie une partie de l’Assemblée.) Ce n’eet pas nous, c’est le peuple... ( Une