[Convention nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAMES, j � décembre 1793 343 qui nous avaient été légués nous resteraient; quel va être le sort de nos enfants d’après votre loi”? » Mais, citoyens, les cadets ne sont-ils pas mariés, et leurs enfants n’ont-ils pas droit à votre justice? Voici une mesure que je vous propose, vous la renverrez à l’examen du comité si vous le jugez nécessaire. Vous avez décrété que telles donations seraient valables; eh bien, rapportez ce décret, et dites que les partages se feront en raison du nombre des enfants, par ce moyen les célibataires seuls seront punis. La Convention décrète qu’elle ne soumettra pas à un nouvel examen le principe de l’égalité des partages. Suit le texte du rapport de Berlier et du projet de décret relatif aux successions présenté par lui t d'après le document imprimé (1). Rapport présenté au nom du comité de LÉGISLATION SUR L’EXÉCUTION DE LA LOI DU 5 BRUMAIRE RELATIVE AUX SUCCESSIONS, par Berlier, député du département de la Côte-d’Or. (Imprimé par ordre du même comité.) Nota. Cet écrit pourra paraître long au pre¬ mier aspect, mais il fallait répondre à des mil¬ liers de pétitions et prévenir des milliers de procès. Quand on veut maintenir l’harmonie sociale, il ne faut pas de demi-lois ; et si cette vérité ne peut être contredite, c’est surtout en cette ma¬ tière. Rapport sur V exécution de la loi du 5 brumaire relative aux successions. Citoyens, Votre loi du 5 brumaire, basée sur les prin¬ cipes éternels de la justice et de l’égalité, a trouvé des détracteurs; pouvait-il en être au¬ trement? En faisant le bien général, elle bles¬ sait les intérêts particuliers. Quelques âmes froides et égoïstes ont pré¬ tendu qu’elle donnait ouverture à un effet ré¬ troactif, prohibé par les lois fondamentales de l’Etat. Eh quoi ! la mémorable époque de notre régé¬ nération politique n’est-elle donc pas devenue aussi celle où nos institutions civiles durent prendre un nouveau caractère, et faisons-nous autre chose aujourd’hui que de donner un juste développement aux principes qui furent pro¬ clamés, le 14 juillet 1789, par le peuple français, vainqueur de la tyrannie et des abus? Combien ont, depuis cette époque, plus par¬ ticulièrement blessé l’ordre tracé par la nature, parce qu’ils se complaisaient dans nos anciennes institutions, et craignaient le jour de la justice ! combien y ont dérogé pour punir leurs héritiers naturels d’avoir mieux valu qu’eux ! Que l’ouvrage des passions disparaisse donc (1) Bibliothèque nationale : 90 pages in-8° Le38, n° 642. Bibliothèque de la Chambre des Députés ; Collection Portiez (de l'Oise I, t. 64, n" 1. et cède enfin la place à cette distribution que là main de la nature a tracée elle-même; c’est la Société régénérée en 1789, qui réclame ses droits depuis cette époque, et qui respecte assez l’har¬ monie générale pour tirer un voile sur les effets antérieurs de quinze siècles d’erreurs et de pré¬ jugés. Mais, en posant ce grand principe, il en est un autre bien puissant dans l’ordre politique, et qui n’a point échappé à votre sollicitude. Les intérêts de l’indigent furent toujours sa¬ crés pour vous, et déjà vous avez senti et dé¬ crété qu’à leur égard, le principe de la distribu¬ tion naturelle devait être modifié. Quand est-ce, en effet, que la nature fut bles¬ sée? Lorsqu’ en s’écartant de la ligne qu’elle tra¬ çait, on ne le fit que pour porter la fortune là où elle était déjà, effet trop fréquent de nos mœurs anciennes, créées et entretenues par nos bizarres institutions. Cependant, et même dans ces temps de cor¬ ruption, il se trouvait des êtres humains et sen¬ sibles, quelquefois ce fut l’indigent qui fut gra¬ tifié. De telles dispositions pourraient-elles être, sans injustice, indéfiniment frappées par la loi nouvelle? Non, sans doute; et si, en général, la nature distribue mieux que les hommes, s’il faut en conséquence la leur proposer à l’avenir pour règle invariable de leurs dispositions, n’oublions pas qu’il s’agit en ce moment de celles dont l’effet était échu avant la loi, et qui doivent trouver en elle le juste appui que le corps social réclame en faveur de ses membres peu fortunés. C’est ainsi, citoyens, que vous avez tracé la route à votre comité, en lui renvoyant le soin de vous présenter ses vues sur le mode d’exécu¬ tion de la loi du 5 brumaire, travail qu’il vient aujourd’hui vous soumettre par mon organe. Dépositaire exact des grands principes que vous avez décrétés, fidèle à la loi de la nature, et non moins attentif aux intérêts de la plus touchante portion de la société, votre comité ne s’est point arrêté à tout ce qui ne lui a offert que déclamations vagues contre la loi que vous avez rendue; si quelques individus en souffrent et s’en plaignent, un plus grand nombre y applau dira, lors surtout qu’elle sera complète, et l’in¬ térêt général se trouvera ainsi d’accord avec la justice et la raison. Mais, parmi les réclamations nombreuses qui sont venues de tous les points de la République, il en est sans doute qui portent un grand carac¬ tère, et qui méritent toute votre attention. Il y aura des ambiguïtés à faire disparaître, et des additions à faire, car nous devons au peuple des lois claires et complètes. Il y aura aussi des mesures d’exécution à combiner, mesures sans lesquelles la meilleure loi n’offrirait qu’une théorie stérile et funeste. Tels sont les points divers que votre comité s’est proposé de remplir; et, pour atteindre à ce but, ü a pensé qu’il convenait de reprendre la loi article par article, en appliquant à chacun les explications ou additions qui pourront lui convenir. Cette discussion, comme on le conçoit à l’avance, ne sera point ornée de fleurs; et con¬ traint de se traîner sur de pénibles détails, votre comité n’en appelle que plus spécialement votre attention sur une matière qui intéresse aussi essentiellement la société entière, dont le bon¬ heur est votre vœu et doit être votre ouvrage