[Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [29 octobre 1790.] 106 mande, au contraire, que 22,786 livres, et se propose d’en livrer la totalité au 1er janvier. Nous avons pensé qu’il méritait la préférence. Des députés du commerce de Strasbourg nous ont représenté qu’il serait nécessaire que les sommes qui sont écrites en toutes lettres sur les asssignats le soient aussi en chiffres, en faveur de ceux qui ne savent pas lire. M. Gatteaü, graveur en médailles, dont les talents sont Connus, est celui que nous avons cru devoir charger de la gravure. Tous les frais comptés, chaque assignat ne reviendra qu’à 18 deniers au moment où on le livrera à la caisse de l’extraordinaire. (M. de Montesquiou présente un projet de décret conforme aux dispositions contenues dans son rapport.) M. Charles de Lameth. La question qui nous est soumise est de la plus grande importance; elle mérite d’être discutée contradictoirement. La méfiance est au nombre de nos devoirs, et quel que soit le temps que l’on emploie à la discussion, on aurait beaucoup gagné si l’on venait à bout de rendre la contre-foçon impossible. Il est venu chez moi, ce matin, un artiste nommé M. Vouelf, qui m’a paru avoir beaucoup réfléchi sur la question de la fabrication ; il m’a communiqué un projet auquel je sais que M. de Montesquiou lui-même a donné des éloges ; il me semblé qu’il rendrait la contrefaçon impossible. M. de Montesqnfou. M. de Lameth a vu une fois l’artiste intelligent dont il vient de nous parler, et moi je l’ai vu vingt. Il se présente tous les jours environ vingt artistes ou ouvriers au comité, qui ont tous des moyens nouveaux, mais surtout inimitables ; celui dont parle M. de Lameth est à la tête d’une manufacture de polyty-page dans laquelle il imprime des gilets et des toiles. Pour voir si tous les modèles qu’on lui présentait étaient inimitables, le comité a pensé qu’il fallait essayer de les faire imiter, et il est arrivé que dans la matinée même on lésa contrefaits de manière à ce que celui qui les avait fournis ne les reconnaissait plus. M. de Mirabeau. Je ne demande la parole que pour réclamer l’ajournement. Je ferai seulement une petite observation, c’est qu’il y a à l’imprimerie royale des caractères italiques dont les poinçons et les matrices, existant depuis cent ans, ont des signes auxquels il est impossible de se méprendre. Que M. Anisson ait fait une proposition ridicule, que M. Didot en ait fait une désintéressée, ce n'est pas là mon affaire. Je ne dirai pas même comme cet Espagnol, qui, fort laid et fort pauvre, refusait une fille fort riche et fort belle, en disant : Je n’en veux pas, il y a quelque chose là-dessous. Je me borne à dire : examinons; car c’est toujours une bonne chose que d’examiner. Je demande donc que les commissaires, nommés par l’Assemblée, soient chargés d’examiner tout ce qui est relatif à la fabrication des assignats. M. Martineau. Soit que vous adoptiez le projet du comité, soit que vous le rejetiez, dous avons dans cette Assemblée deux imprimeurs-libraires dont le mérite est connu; je demande qu’ils soient adjoints aux commissaires, pour surveiller la fabrication des assignats. (Cette proposition est adoptée.) (Le projet de décret, présenté par M* de Montesquiou, est ajourné.) On fait la lecture d’une lettre de M.LaTour-du-Pin à M. le président; elle est ainsi conçue : « J’ai l’honneur de vous adresser copie d’une. lettre qui m’a été écrite par M. de Bouillé, pour me rendre compte de la conduite extrêmement blâmable quia été tenue à Belfort par le colonel, le major, et deux officiers du régiment de Royal-Liégeois, ainsi que par un officier des hussards de Lauzun. Je m’empresse de rendre compte à l’Assemblée nationale que, d’après celui que j’ai rendu au roi de la lettre de M. de Bouillé, Sa Majesté, eu apprenant la punition provisoire que cet officier général a jugé à propos d’ordonner, d’un mois d’arrêt, a décidé que ces officiers seraient mis pour six semaines en prison, et que le colonel y resterait deux mois. J’ai déjà fait passer, en conséquence, à M. de Bouillé les ordres de Sa Majesté, et sur la demande du comité des rapports, j’y ai fait parvenir une semblable copie de la lettre de M. de Bouillé. Je suis, etc. » Lettre de M. de Bouillé. « En arrivant aujourd’hui à Belfort, j’ai été informé qu’à la suite d’un repas de corps quelques officiers des régiments de Royal-Liégeois et de Lauzun-hussards, en garnison dans cette vil te, se sont portés, sans doute dans l’ivresse, à des excès punissables, et qui sont déduits dans tin procès-verbal que la municipalité m’a communiqué. « J’ai pris sur-le-champ tous les renseignements nécessaires; il en résulte que Royai-Lié-geois est le plus coupable; mais c’est le moindre nombre. Le corps de délit consiste dans des pro-- pos qui m’ont paru assez graves pour m’engager à sévir rigoureusement. J’ai mis aux arrêts M. Latour, colonel de Royal-Liégeois; M. Grem-steins, major du même régiment et deux officiers du même corps, ainsi qu’un de Lauzun; ils resteront détenus jusqu’à ce que le roi ait prononcé sur leur sort. Je fais partir demain le régiment Royal-Liégeois pour l’envoyer momentanément à Sarrebourg, d’où il se rendra àBitche. Dans trois ou quatre jours, le régiment de Lauzun partira aussi de Belfort pour Brisach. J’ai cru devoir faire un exemple aussi sévère pour imposer aux troupes, et les empêcher désormais de contrevenir aux lois et de sortir des bornes qui leur seront prescrites. Je dois ajouter que les officiers et soldats des deux régiments se plaignent que, depuis qu’ils sont à Belfort, ils ont été provoqués par quelques habitants d’une manière insultante, et qu’on leur a notamment reproché d’avoir servi à l’expédition de Nancy. J’ajouterai encore qu’en descendant de voiture on m’a remis une lettre anonyme, très injurieuse, dans laquelle on me fait les mêmes reproches ; j’y suis insensible, parce que je n’ai agi dans cette malheureuse expédition que pour l’exécution des lois et des décrets de l’Assemblée nationale. Je ne parlerais pas de cette lettre si elle ne prouvait qu’il existe quelques mauvais esprits dans cette ville, et que les plaintes des deux régiments peuvent être fondées à certains égards » (L’Assemblée ordonne le renvoi de cette lettre à à ses comités réunis de rapports et militaire.) M. le Président fait part à l’Assemblée de la mort de M. Jeannet-d’Arly, député de Troyes, négociant à Arcis-sur-Aube, décédé hier en soù domicile, rue Croix-des-Petits-Champs, hôtel du Perron, L’inhumation aura lieu aujourd’hui à Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. ]29 octobre 1790.] sept heures du soir, dans la paroisse Saint-Eusta-che. M. Basquiat, député, absent depuis le 2 de ce mois, par congé de l’Assemblée, annonce qu’il reprend sa place dans la présente séance. M. de Montesquieu, au nom des commissaires réunis, des finances et d’aliénation, fait un rapport sur l'ordre de liquidation et de remboursement de la dette publique (1). Messieurs, vous avez décrété, le 29 septembre, que la dette non constituée de l’Etat et la dette constituée du ci-devant clergé seraient remboursées en assignats-monnaie. Vous avez ordonné le lendemain aux comités des finances et d’aliénation de vous présenter l’ensemble des dispositions qui devaient préparer l’exécution de votre décret. Les commissaires de vos comités se sont réunis pour remplir leur mission. C’est leur travail que j’ai l’honneur de vous présenter. Vous avez borné à 800 millions l’émission simultanée des assignats, destinés à acquitter successivement une dette de 1,900 millions. Vous vous proposez, sans doute, d’employer ces 800 millions aux premiers remboursements qu’il sera possible d’effectuer, afin de faire cesser une partie des intérêts que la nation paye; vous chercherez ensuite, dans l’accélération des ventes, les moyens de retirer des assignats pour vous mettre en état d’exécuter de nouveaux remboursements; vous espérez ainsi parvenir à rendre une justice égaie à tous vos créanciers. Une difficulté se présente à nous dès notre premier pas. On vous a rendu compte de la situation du Trésor public. Des retards considérables dans plusieurs perceptions y laissent un vide que vous ne pouvez vous dispenser de remplir. Déjà vous avez pris sur les fonds de la caisse de l'extraordinaire, la somme nécessaire au service de ce mois. Les mêmes causes vous détermineront vraisemblablement au même parti pour les deux autres mois de cette année, et les dépenses publiques absorberont une portion considérable des sommes que vous aviez destinées à l’extinction de la dette. La nécessité est impérieuse; il faut y céder sans doute, mais nous avons lieu d’espérer que la sagesse et la célérité de vos dispositions pour l’établissement de l’impôt, et surtout pour son exact payement, rétabliront l’ordre dans les recettes, et fermeront le gouffre dans lequel va s’engloutir la principale ressource de l’Etat. Cet objet est digne de toute la sollicitude de l’Assemblée nationale. Sans revenus publics, . il ne peut y avoir ni empire ni liberté. Le succès de la Révolution est intimement lié à la régularité des perceptions, et c’est par la fidélité avec laquelle on acquittera les charges publiques, que se feront reconnaître désormais les bons citoyens, les vrais amis de la Constitution. Nous devons cependant vous observer que les fonds demandés par le Trésor public à la caisse de l’extraordinaire ne sont que le remplacement des revenus dont la perception éprouve, il est vrai, des retards, mais n’est pas abandonnée. La caisse de l’extraordinaire, en y suppléant, doit avoir sa reprise sur ces mêmes revenus, dont la rentrée éventuelle se fera tôt ou tard. Vous ordonnerez, sans doute, qu’en échange de ces fonds le Trésor public lui délaisse tous ses droits sur (1) Le Moniteur s’est borné à insérer le projet de décret. 107 les diverses recettes arriérées. Cette disposition rentre dans les principes d’ordre que vous avez. constamment suivis. Elle est nécessaire pour rassurer les créanciers de l’Etat qui ont été l’objet de votre décret du 29 septembre dernier, et à qui toute disposition contraire enlèverait le gage que vous leur avez destiné. Vous achèverez de les satisfaire, et vous remplirez toute justice, en ordonnant qu’au moyen des avances que vous faites au Trésor public, le payement des rentes de l’année entière 1790 soit ouvert dès le mois de janvier 1791, et terminé dans les six premiers mois, pour être ensuite continué à jour. G’estalors que l’on sentira la différence des principes d’une administration nationale, et de ceux qui ont dirigé le Trésor public dans ce temps où le moindre embarras était un prétexte suffisant pour éluder les engagements les plus sacrés. Au moyen du revirement de partie que nous vous proposons, vous vous écarterez peu, dans l’exécution, des calculs qui vous ont déterminés dans le principe; alors nous serons moins effrayés des 132 millions qui vous sont demandés pour cette année. Nous vous proposerons même d’étendre vos vues de prudence jusqu’à une réserve de 200 millions, tant pour la tin de 1790 que pour le commencement de 1791, mais avec la condition expresse du remplacement. Suivant cette disposition, vous ne pourrez plus compter que sur un emploi prochain de 600 millions en remboursements, et c’est de cette base que nous allons partir. Nous avons déjà mis sous vos yeux l’état détaillé de tous les objets dont vous avez décrété le remboursement successif. Il nous reste à vous faire connaître ceux auxquels vous pouvez appliquer le premier effet de vos dispositions. 11 s’agit moins de savoir ce qui serait préférable, que ce qui sera possible; car votre intention ne peut être de continuer des payements d’intérêts, tandis que vous laisseriez sans emploi les fonds destinés à vous libérer. Atténuer promptement le poids des charges publiques, distribuer promptement d’abondants moyens d’acquérir, voilà les deux principaux objets que vous ne perdrez jamais de vue. Nos fonctions se bornent donc aujourd’hui à vous indiquer : 1° Les dettes échues et exigibles; 2° La mesure probable des sommes nécessaires pour acquitter les objets dont la liquidation est indispensable et peut être terminée d’ici à quelques mois; 3° Les dettes non échues que vous pouvez rembourser au défaut des autres, et que l’intérêt public vous sollicite d’éteindre ; 4° Les dispositions que vous pouvez appliquer à tout ce qui ne sera pas compris dans votre prochain remboursement. C’est sur ce dernier objet que nous allons fixer vos premiers regards. Vous allez, sans doute, statuer sur l’ordre et sur l’activité qu’il importe de donner à toutes les liquidations. En chargerez-vous le pouvoir exécutif, sous l’inspection de vos différents comités, ou vos comités seuls en seront-ils spécialement chargés? dans ce dernier cas, ferez-vous entre eux la distribution du travail, suivant la division des objets qui leur seront confiés? L’Assemblée aura à prononcer sur ce point, et il est pressant qu’elle se détermine. Mais quelle que soit sa décision, l’opération des liquidateurs ne peut être que successive, et son résultat doit ramener tous ceux qui aurontèté liquidés, à l’état uniforme de créanciers reconnus, ayant droit à un remboursement et à un payement d’intérêts, jusqu’à ce que ce rembour-