[Assemblée nationale.} ARCHIVÉS PARLEMENTAIRES. , [27 octobre im[ 1° sur les revenus des biens domaniaux 5 8° sur le prix des ventes desdits biens, dont il sera mis eqçé§erve par les départements une partie pour spécialement remplir cet objet; 3° en cas «ipré, négociant , fabricant , député de Carcassonne . Les hommes réunis en société reçoivent de la nature et de l’éducation une portion très inégale de talents et de facultés physiques et morales. De cette inégalité résulte nécessairement celle des fortunes dans les associations politiques les plus sagement combinées; la médiocrité peut donc entrer dans leurs calculs, mais la pauvreté ne peut se concilier avec elles, elles doivent la détruire ou plutôt la prévenir. Le défaut de travail la produit presque toujours, ou parce que les maladies, la caducité, l’enfance empêchent de s’y livrer, ou parce que le travail manque souvent à ceux qui le réclament : dans le premier cas, la bienfaisance publique doit faire tout de que n’aura pas fait la bienfaisance particulière pour la subsistance et le soulagement du pauvre ; dans le second, c’est aux administrateurs à Seconder, à diriger l’industrie du peuple, en lui ouvrant de nouveaux débouchés, en formant des ateliers et en calculant le salaire des ouvriers sur le prix des denrées de première nécessité. La mendicité n'est pas tant le crime du mendiant que celui du législateur, qui, par l’étude des rapports et des combinaisons sociales, doit plutôt la prévenir que l’empêcher; elle devient soqvent nécessaire par l’impéritie, l’insouqjance et les erreurs du gouverhemeiit. C’est toujours par la faute du gouvernement que le comuiérpe éprouve ces secousses violentes qui ruineqt lés manufactures et les stagnations fréquentes qui arrêtent le mouvement de nos ateliers. Une fausse politique, des traités désavantageux avec des puissances rivales, les privilèges exclu- (Àssembiés üationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [2 1 octobre 1790.] gQ eifs accordés à des aggréga lions d’égoïstes, qui ne voient jamais qu’eux-mêmes dans leurs opérations commerciales, sont la source des malheurs publics. Le premier pas d’une nation qui se régénère doit être dirigé vers la liberté indéfinie du commerce, elle doit à tous les citoyens, protection, encouragement ; elle doit détruire toutes les entraves qu’opposent à la prospérité publique les privilèges de corporation, de ville et de province. Alors les manufacturiers encouragés rendront le mouvement à leurs ateliers, les armateurs couvriront les chantiers et la mer de bâtiments, l’agriculture acquerra une végétation plus abondante, et la terre ne sera plus ingrate, parce qu’un plus grand nombre de bras provoqueront sa fécondité. La nation française doit enfin s’élever à la hauteur de son génie, de sa force et de ses moyens ; et lorsqu’elle vient de rompre les fers du pouvoir arbitraire, elle ne doit plus rester enchaînée à l’industrie des étrangers et aux ridicules préjugés de noblesse ou de roture, qui ont, en quelque sorte, flétri et dégradé l’état noble et distingué d’agriculteur et de fabricant. L’Assemblée nationale doit s’indigner et ne pas s’indigner en vain de l’affaiblissement de l’industrie, de la supériorité décidée que les Anglais ont obtenu sur nous dans tous les arts mécaniques, et surtoutdu spectacle de dix millions d’ouvriers condamnés à l’Inaction ou au malheur, et qui font rougir la France de sa population, lorsqu’ils devraient faire sa gloire et sa prospérité. Instruits à l’école du malheur et de l’oppression, nous sortirons de cet état léthargique, cruel effet du despotisme. Le premier élan de notre liberté nous élèvera au-dessus des préjugés; nous saurons apprécier le mérite des arts ; et, par notre industrie, nous rendrons le mouvement aux bras engourdis de l’immensité de malheureux qui nous environnent ; nous rejetons loin de nous 'ces vaines prétentions au rang, aux prérogatives, aux honneurs qui n’alimenteront plus l’orgueil des corps, et la politique des cours. La richesse, ne pouvant plus acheter la grandeur, sera forcée de refluer vers l’agriculture et le commerce. Des talents voués jusqu’ici à l’intrigue seront dirigés vers des inventions utiles, et c’est alors que les Français reprendront, parmi les nations industrieuses, le rang que leur avait désigné la nature, et que le gouvernement seul les avait empêchés d’atteindre. En attendant le nouvel ordre de choses, en le supposant même établi, la mendicité ne serait point détruite, si elle ne devenait pas l’objet d’une loi et d’un règlement particulier. L’Assemblée nationale en a senti toute l’importance, elle a résolu de s’en occuper ; et c’est pour la seconder dans celte partie de son travail, que je soumets à son comité les observations suivantes : Il n’est point de pays en France où les municipalités et les départements ne puissent établir une branche d’industrie ; je n’aime pas que l’industrie soit concentrée dans une province ; c’est toujours au désavantage de l'agriculture. Alors qu’elle est isolée, elle tend à sa dissolution par la forte pression de la concurrence, par le haut prix de la main-d’œuvre ou par l’imperfection ; et comme il est dans les principes de l’Assemblée nationale de décréter des lois rigoureuses contre le vagabondage et de charger chaque municipalité d’en surveiller l’exécution» elle supprimera ces entrepôts de vagabonds qui nous donnaient le spectacle déchirant de malheureux dont la subsistance, confiée à des entrepreneurs, était devenue l’aliment de leur criminelle cupidité. Les vagabonds et mendiants ainsi divisés et fixés presque tous dans leurs cantons, il sera indispensable que l’industrie, qui suit la population, soit aussi nécessairement subdivisée et qu’elle occupe les bças à dessécher les marais, à défricher les landes, ou aux travaux sédentaires et mécaniques, Nous le répétons avec complaisance., il n’est point de pays, en France* où de sages administrateurs ne puissent appeler les arts, et plusieurs genres de fabrication. Dans tous les pays abondants en laine (et ils le seront tous lorsque les agriculteurs, soulagés d’une partie du fardeau des impositions, seront encouragés à former des prairies artificielles) on peut établir des fabriques d’étoffes plus ou moins communes; celle des bas, des bonnets, des tricots, des couvertures, peut devenir familière et facile à nos habitants de tout âge, de tout sexe, surtout aujourd’hui que les mécaniques de filature en laines peignées sont connues en France (1); est-il un pays où l’on ne puisse filer le coton et fabriquer des toiles et des molletons de toute qualité, où l’on ne puisse occuper les bras à la filature du lin, à la fabrication de toiles de fil, plus ou moins fines et à la corderie? Les vexations du fisc, l’immoralité des intendants, l’ignorance des inspecteurs, tenaient enchaînées les puissances morales et physiques de la nation et énervaient les forces de l’agriculteur et du fabricant. Cependant nouâ avons vu des hommes surmonter, par l’impulsion d’un grand caractère, toutes les difficultés, et forcer eu quelque sorte l’industrie, et obéir aux efforts de leur génie. Nous avons vu (2) M. Doberkampf, ce respec� table suisse, changer un misérable hameau en un bourg considérai le, le peupler de mille habitants, former leurs bras à des arts qui leur étaient inconnus, occuper aujourd’hui 900 ouvriers, devenir leur père, les enrichir, faire lui-même une fortune immense qu’il n’apprécie qu’autant qu’elle lui procure le moyen de faire des heureux. J’ai vu en Languedoc des curés philosophes qui, pénétrés de cette grande vérité (qu’uutant les bonnes mœurs et la vertu fuient l’opulence elle faste, autant elles aiment à se rapprocher des campagnes et des cultivateurs qui jouissent d’une aisance honnête), surentcalculerles moyens de la procurer à leurs paroissiens, former des établissements de filature et de fabrication en laines, et faire tourner le bénéfice de leur entreprise et des ateliers à la prospérité des ouvriers et au soulagement des infirmes et des malades. Ce qu’ont fait ces hommes extraordinaires pour le bien de l’humanité, pourquoi les municipalités, les districts, les départements ne pourraient-ils pas l’exécuter, à appliquant à des ateliers publics, les fonds ci-devant prodigués à des édi-(1) J’ai vu aux Quinze-Vingts une mécanique de filature en laine peignée et en coton, dont la simplicité et le bas prix font un des principjiux mérites, elle peut occuper 33 bras dans un local de 8 toises de longueur sur 4 de largeur; les ouvrières ont filé de laine commune à 24,000 aunes de la livre, et du coton de 1.60,000 jusqu’à 300,000 aunes de la livre, et c’est le plus haut période de filature des plus belles mousselines des Indes. (2) M. Doberkampf, propriétaire de la manufacture de Jouy, près Versailles. 64 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [27 octobre 1790.J fices fastueux et inutiles, dont le ciment fut toujours arrosé des sueurs et des larmes du laboureur? Oui, je n’en doute pas, le premier élan de la liberté, les premiers efforts des administrations populaires seront dirigés vers les progrès de l’agriculture et du commerce : on desséchera les marais, on défrichera les landes et les communaux, on encouragera la culture des prairies artificielles, celle du chanvre et du lin, on multipliera les bestiaux, et c’est ici le cas de combattre le système de ces économistes qui proposent la culture du tabac, sous le prétexte qu’elle soulagerait l’Etat d’un tribut de 10 à 12 millions que nous payons aux Etats-Unis; lorsqu’il est démontré : 1° Qu’il faudrait charger l’agriculture de 32 millions que l’impôt sur le tabac produit au Trésor royal; 2° Que la culture des prairies artificielles, si elle était encouragée en France, pourrait dans bien peu de temps nous affranchir d’une émission de 40 millions que nous coûtent les bestiaux et animaux vivants importés de l’Allemagne, de la Suisse, de l’Angleterre, du Danemarck et de la Sardaigne, les chairs et beurre salés importés d’Angleterre, et les fromages de Suisse et de Hollande. Indépendamment de l’avantage que procureraient aux cultivateurs la multiplication des bestiaux et des engrais.; 3° Que la culture des chanvres et des lins nous affranchirait de l’émission de 30 millions payés à l’étranger, en retour des chanvres et lins en rame, des toiles et. des cordages que nous sommes forcés aujourd’hui de prendre chez lui; 4° Qu’indépendamment de ces grands avantages, les produits de cette culture pourraient occuper à l’avenir un million de tisserands. Je me suis permis cette digression contre la culture du tabac, parce que je la regarde comme im politique et dangereuse à notre immense population, l’expérience malheureuse que fait trop fréquemment la France de l’insuffisance de ses productions pour la nourriture du peuple, la nécessité où s’est trouvé le gouvernement de provoquer l’importation des farines étrangères, l’émission du nuriiéraire qu’elle occasionne, démontrent que l’agriculture doit être absolument consacrée aux denrées de première nécessité. Je reviens à mon sujet, et je répète que l’Assemblée nationale ayant arraché aux préjugés, à l’égoïsme, à la corruption des mœurs, les tables éternelles où la nature avait gravé les lois sacrées de l’égalité de droits des hommes à la subsistance, au secours, à la protection de la société, il est du devoir du législateur de prévenir la misère et la mendicité, ces deux fléaux qui troublent l’ordre, et traînent souvent à leur suite le désespoir, la révolte et le crime. 11 existe deux classes de mendiants, celle des infirmes et vieillards, et celle des hommes oisifs ou fainéants qui sont nécessités, ou se font la criminelle habitude de vivre aux dépensdes citoyens qu’ils importunent. Dans ces classes indigentes je remarque, avec plus d’intérêt, les ouvriers consacrés aux travaux des campagnes ; je les vois souvent chassés de leur atelier par l’intempérie des saisons, par la neige, la pluie ou les frimas, rentrer dans leurs chaumières, tristes et consternés, s’environner de leurs enfants, les presser sur leur sein, les arroser de leurs larmes, et, par leur silence ou leurs sanglots, leur ordonner d’aller mendier, dans les villes voisines, une subsistance qu’ils ne peuvent plus leur procurer. Ah ! si l’industrie compatissante se présentait à ces malheureux, avec des rouets,des quenouilles, des ateliers mécaniques, dans l’instant vous les verriez s'attacher aux travaux domestiques, et ne s’en éloigner qu’au moment que la nature plus riante les rappellerait aux travaux champêtres. Il n’est pas de municipalité qui ne puisse établir, dans son sein, un ou plusieurs genres de fabrications, soit en laine, soit en lin, soit en coton, et par la correspondance d’une municipalité plus importante, avec celle d’une moindre population, la première en formant des asiles où tous les pauvres seraient réunis pour la fabrication, pourrait fournir à la seconde, la laine, le lin et le coton en rame pour y être filés. Il suffit à chaque municipalité considérable d’appeler, des pays de fabrique un homme capable de diriger les travaux. On peut déterminer le genre de fabrication suivant le genre du peuple, ses habitudes ou la nature des matières premières plus communes dans le ressort de la municipalité. Là, où la laine serait abondante, on peut appliquer l’industrie à la fabrication des bas, des bonnets, des couvertures, des tricots, des draperies plus ou moins communes, à l’usage des malades ou des convalescents dans les hôpitaux, ou pour être vendus dans les marchés de l’intérieur du royaume. Là, où le coton peut arriver avec moins de frais, on peut entreprendre la fabrique des molletons, couvertures, mousselines, bas, bonnets, etc. Et là, où la culture du lin ou du chanvre est plus productive et plus abondante, on fabriquera des toiles de toute qualité; ou toutes espèces de genre de corderie. On m’opposera, sans doute, qu’il sera impossible de se procurer la consommation des articles manufacturés, ou que cette multiplication de fabrications diverses nuira aux grands ateliers des manufactures déjà établies. J’ai déjà répondu à cette objection. Il sera infiniment utile à l’agriculture des pays manufacturiers que l’industrie soit subdivisée sur toute la surface du royaume, que la concurrence des petits établissements diminue la population des grandes villes et qu’elle restitue aux campagnes des bras que le luxe des villes y attire pour le malheur de la société. Je dois faire observer que nos manufactures et les grands ateliers des villes sont principalement consacrés à la fabrication des objets de luxe; et que ceux de consommation plus abondante, plus nécessaire, y est négligée. L’Angleterre et la Hollande ne nous fournissent pas de draperies fines, mais des étoffes en laine commune, des bas, des bonnets, des laines communes filées, pour les tapisseries et canevas ; la Hollande, des toiles grossières, des toiles de voile, etc. L’Angleterre nous fournit immensément de toiles de coton, parce que leurs mécaniques diminuent le prix de la main-d’œuvre; mais on connaiten France ces mécaniques, et il est essentiel que les municipalités se les procurent; elles peuvent s’adresser à M. de Tolosan, intendant du commerce, ou à M. Béché, directeur des essais en filature à l’hôtel des Invalides, à Paris. Je dois prévenir les municipalités que les laines de Barbarie, de Salonique et d’Afrique, qui restent souvent invendues à Marseille, sont très propres à être peignées ; qu’elles sont utiles à la fabrication des couvertures en laine, de la bonneterie commune, et que les refleurets d’Alger, de Salé, de Gonstantine, peuvent être utilement employés (Assemblée nationale.] ARCHIVES PAR. à la fabrique des bas et tricots, que ces laines, qui ne sont peut-être pas assez connues dans les provinces du Nord, reviennent lavées de 17 à 24 sous !a livre et qu’en employant les plus communes, à la fabrication des couvertures de laine pour les pays du Nord et pour la nouvelle Angleterre, elles peuvent soutenir la concurrence des fabriques établies en ce genre dans le raidi de la France; et dussent-elles faire quelque perte dans l’exploitation, il leur restera toujours l’avantage de soulager la caisse des departements par l’utilité de la main-d’œuvre. II me reste à proposer les moyens de former, dans les municipalités, des ateliers de travail en filature ou en fabrication. Ces moyens me seront dictés par l’expérience des établissements depuis longtemps formés dans plusieurs villes du royaume, et celle que j’habite m’offre le plan le mieux combiné et le plus constamment maintenu dans les principes de sa première institution. Cet établissement formé en 1768, ayant le double objet d’occuper les pauvres, de secourir les familles indigentes et de détruire la mendicité, ses premières bases furent la défense rigoureuse de mendier, et l’invitation aux citoyens de verser dans la caisse d’un trésorier général, les fonds que leur charité avait ci-devant consacrés au secours journalier des mendiants. A cet effet les ofiieiers municipaux et les notables rendirent une ordonnance de police, qui fut proclamée au prône et à son de trompe et affichée, qui en interdisant, sous quelque prétexte que ce fût, le vagabondage et la mendicité, invitait les pauvres à se rendre dans les salles destinées au travail; il fut en même temps nommé des commissaires de quartiers, chargés de prendre l’état fidèle du nom et du nombre des citoyens indigents, en distinguant ceux qui étaient capables de travail, d’avec ceux que la vieillesse et les infirmités condamnaient à une vie sédentaire et oisive. Ils donnent aux premiers un droit d’entrée dans les ateliers ; aux seconds, des bons pour des secours en pain et argent ; ces mêmes commissaires se présentent chaque mois chez les citoyens de leur quartier pour y recevoir leurs aumônes en argent ou autres effets propres aux vêtements des malheureux, et versent dans la caisse ou bureau de charité le produit de leur quête. Il fut formé un bureau d’administration' de 24 citoyens qui, présidés par les officiers municipaux, surveillent les travaux, la distribution du pain et le payement du salaire. Un préposé et un administrateur de semaine sont chargés du contrôle et rendent compte à jour fixe de l’administration de la semaine entière ; ils se procurent les matières premières en laines ou cotons qui sont exploitées par les ouvriers. Les ouvriers entrent et sortent à heures fixes, et reçoivent le payement de leur salaire tous les jours. Us sont obligés de se rendre à l’atelier les jours de fête, pour y entendre la messe, après laquelle il est distribué à chacun un pain d’une livre et demie et deux sols. Les fabricants de la ville ou des environs, pour qui les ouvriers travaillent la laine, payent la main-d’œuvre au plus haut prix établi; de manière que le produit des charités, dons et legs qui sont faits au bureau de charité servent au supplément de dépense et au soulagement des infirmes ou des vieillards qui sont également enregistrés Série. T. XX. EMENTAIRES. {27 octobre 1790.] 65 sur l’état du commissaire de quartier et sur celui de l’administration. La caisse fournit aussi aux frais du vêtement annuel des pauvres ouvriers de l’atelier à qui on donne chaque semaine une chemise, avec la condition de rapporter celle qui leur a été livrée la semaine précédente. Les enfants, dès l’âge de 10 ans, sont admis à l’atelier pour y être accoutumés de bonne heure au travail. Ce détail suffit pour démontrer l’utilité et la facilité delà formation de pareils établissements. La ville de Paris présentant le spectacle d’un très grand luxe et d’une médiocre industrie, et le contraste frappant d’une richesse immense à côté d’une affreuse pauvreté, c’est à elle surtout que je recommande la pratique de mes principes, parce que si je démontre que la capitale peut les adopter, ils paraîtront applicables à toutes les villes du royaume. D’autant qu’il est de la connaissance de tous les hommes qui ont parcouru les provinces, que s’il y a moins de richesses, il y a aussi moins de besoins factices, que si l’ouvrier y reçoit un salaire plus modique, il y est plus sobre et plus actif, et qu’enfm s’il y existe beaucoup, de malheureux ils sont plus près des citoyens bienfaisants qui veulent et peuvent les secourir, et que la ressource des travaux de la campagne et des manufactures se présente plus immédiatement à leurs besoins. Un administrateur de Paris, chargé de surveiller les travaux dans un atelier, me disait : « Nous faisons filer des laines et des cotons, mais nous sommes en peine de l’emploi de nos cotons et laines filées. » C’était un avocattrès estimable, qui me tenait ce langage et qui a eu la bonté de me consulter sur cet objet. Je lui ai répondu : « Il existe dans la capitale un grand nombre d’hôpitaux, d’hospices et d’établissements de charité ; vous avez besoin, pour leur entretien, de couvertures de laine, de robes de chambre ; pour les convalescents, de bonnets, de bas, de lingerie; les mêmes objets sont nécessaires aux Invalides, aux Quinze-Vingts, aux Enfants trouvés; formez donc des ateliers, des tisserands, soit pour la draperie, soit pour des étoffes de coton, occupez les femmes au tricot des bas et des bonnets. Ces genres de fabrication ne sont pas étrangers à la capitale, et vous trouverez aisément des fabricants qui pourront dresser vos ouvriers à toutes les opérations mécaniques, relatives à la fabrication. Vous n’aurez pas grand’ peine à fabriquer, pour les invalides, des draps meilleurs que ceux qui leur sont fournis. Le produit de la main-d’œuvre diminuera vos dépenses et fournira aux secours extraordinaires que nécessitent trop souvent les circonstances d’un hiver rigoureux ou d’une augmentation de prix des denrées. Sacrifiez à vos ateliers, les maisons religieuses dont le terrain sera le moins précieux et la valeur la plus modique. J’ai indiqué ci-dessus les lames du Levant, propres à ce g rare de fabrication, qui peut occuper des vieillards, des enfants, les hommes et femmes de tout âge, et parmi les citoyens malheureux à qui leur premier état rend impossible un travail mécanique, vous trouverez des préposés honnêtes qui surveilleront les divers ateliers. RÈGLEMENTS GÉNÉRAUX. Une fois les établissements formés sur les o 0g (Assemblée nationale.! bases Gi-dessus, ou sur tout autre qui pourra paraître plus convenable, la municipalité fera publier la lui prohibitive delà mendicité, etchar-era les troupes nationales d’arrêter les men-iants et de les transporter dans les lieux destinés aux travaux. On invitera, par la même loi, tous les pères et mères qui ne peuvent se procurer leur subsistance, par un travail domestique, de se faire inscrire au registre de chaque district, eux et leurs enfants, depuis l’âge de dix ans et en sus. Le président ou greffier du district leur délivrera un certificat de bonne vie et mœurs et d’insuffisance de moyens. Ce certificat qui sera enregistré dans le bureau de mendicité ou de charité, leur donnera l’entrée dans les ateliers. On déterminera l’heure d’entrée et de sortie, et le portier sera chargé de fouiller les ouvriers qui pourraient être suspectés d’avoir sur eux, ou laines, ou cotons, ou outils. On formera deux classes d’ouvriers. La première sera celle des vieillards et des enfants, qui devront être payés à la journée. La seconde sera celle des hommes et femmes valides, qui devront être payés à pièces, c’est-à-dire aux prix déterminés pour chaque partie de travail. Les ouvrages manufacturés, soit en fil, soit en pièces, comme couvertures de laine, ou étoffes, seront vendus, soit aux hôpitaux oü autres établissements de bienfaisance, à un prix relatif au coût et frais de fabrication; et avec bénéfice honnête, lorsque des particuliers voudront en acquérir. Les livraisons ne pourront jamais être faites que par les administrateurs de semaine, qui en présenteront l’état enregLtré, et devra en remettre le produit au trésorier nommé par l’administration générale, qui exercera cet emploi honorable gratuitement. Comme le produit des effets manufacturés sera toujours insuffisant au payement des matières premières, outils, préposés, ouvriers, et aux secours extraordinaires accordés aux infirmes et aux pauvres honteux, répandus dans chaque district : Il est indispensable que les citoyens soulagés de l’importunité des mendiants, et à l’abri des désordres fréquents qui résultent de la mendicité et du vagabondage, viennent au secours de l’administration. En conséquence : Chaque assemblée de district nommera, tpus les mois, deux membres de l’assemblée, qui feront, à jours fixes, une quête chez tous les habitants du district. Le produit de cette quête sera envoyé au trésorier de l’administration, avec le bordereau signé par les membres des quêteurs, et le trésorier en fera recette, et présentera à l'administration générale le registre et les bordereaux, pour être vérifiés et signés par les président, trésorier et greffier du bureau d'administration. Les pauvres infirmes et vieillards se présenteront à jour fixe, à l’assemblée générale, avec un certificat des président et greffier du district, sur lequel il sera déterminé, par les administrateurs, le secours de pain ou d’argent nécessaire à leur subsistance journalière. Ils seront enregistrés par nom, surnom, et le nom de leur district ; et il leur sera délivré un bon, sur lequel le président ou trésorier du dis-[2? octobre 1790.] trict leur délivrera la somme oq Je Recours déterminé. Dans les petites villes, ce secours lepr sepa donné dans le bureau de l'administration, par le préposé ou surveillant. Le bon ordre et la tranquillité seront sévèrement ordonnés et surveillés dans le� ateliers de travail, par les préposés et ouvriers qui mériîeropt le plus la confiance des administrateurs. Le président ou autres membres dés districts devront très exactement vérifier si les besoins des infirmes et vieillards, qui réclament fies secours, sont réels, pour éviter la fraude et le larcin. L’assemblée générale de radnjinistrqtion, présidée par un ou plusieurs membres de la municipalité, ou ep leur absence, par le plus ancien d’âge, devra au moins être formée de là ipoitié des administrateurs, ou les délibérations urgentes prises par un moindre nombre ne seront que provisoires et devront êtrp ratifiées la semaine d’après, par le nombre désigné. Le choix des préposés appartiendra à rassemblée générale des administrateurs, qui fixera leur salaire et pourra les congédier et remplacer, quand elle le jugera à propos. Il sera tenu un registre ofi seront inscrites les délibérations qui seront dans chaque séanpe signées par les président pt greffier, et sqr le registre il sera fait mention des assemblées pù jl n’aura été arrêté rien d’important. Le trésorier de l’administration devra réclamer de chaque district le produit des quêtes de cnàqpe mois précédent, et après le 10 de chaque rppis, avertir l’assemblée de l’inexactitude au district, dont le président sera prié de rendre compte. Chaque mois le trésorier rendra son compte à l’administration, et il ep sera dressé deux copies affirmées par le trésorier, ët signéespar le président et deux administrateurs nommés pour recevoir le compte; il en sera remis une au trésorier pour sa décharge, et lp seconde sera déposée au greffe de l’admipistratipn. La moitié des administrateurs sera renouvelée chaque année par les districts. Et le trésorier tous les ans à fit piême époque, et si le trésorier se trouve reliquataire, par la clôture de son compte, il remettra lé reliquat à celui qui devra lui succéder, et qui lui en fera quittance, Si, au contraire, le trésorier se trouvait en avance, il sera remboursé par le nouveau trésorier à qui les avapces seront allouée sur la quittance du précédept. Quand pn pauvre sera dans le cas d’être renvoyé par sa mauvaise çôqqpite, il Juj sera payé exactement le salaire du travail qp’i| aqra fajt, mais il sera privé des aumônes qp secpprs gratuits. Une heure après l’quvertpre du travail, le préposé fera l’appel de ceux qui é|aier|t pqrtés spr le contrôle du jour précédent,' prendra noté des pouvpaux venus, et celle des afiseptp. Gefte opéra tioq sera suivie d'ope prière pufijiqqp et courte, après laquelle cfiacpn reviendra à son ajelipr. Chaque jeur, une hepre avàpt la cessation du travail, le préposé férà de nouyeap l’appel de ceux enregistrés sur le contrôle du pla$ü, sur lequel il prendra note des Qpvr|ers payes àlâ journée, qui sérom absents. Le préposé réRPpdrà sur ses appointements de toutes les somrpes,' matières’ où subsistances qui lui agront été confiées, et ne poprra alléguer, pour sa décharge, qu’elles Jui ont été yolees, à ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Assemblée nationale.} ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [28 octobre 1790.J £7 moins qu’il ne dénonce dans l’instant le yol pt }eg auteur/. Il lui sera expressément pro|iihé de faire gu-Gune avancé aux pauvres, à' compte de leur travail, à peine d-en répondre. Il sera fait tops lés ans un inventaire de tpps les outils et effets appartenant â rétaBlissemeiit:. Le fabricant ou cûeî dp ' fabrication ge présentera à, chaque assemblée générale, lorsqu’il aura quelques' observations à faire, et poilr y rendre compte dé l’emploi dès inalfièrês qui lui auront été confiées, et l’inven taire général des achats, dés ventes et des effets quypés qp non ouvrés sera fait ejiaqué année par dès adminisr trateprs nommés qui signeront Tétât et en renr dront compte à l’assemblée générale. ASSEpLÉlî rjATIQÎfALR. PRÉS1DENÇË DE % gARN�VE. Séance (Lu jeudi f,8 octpbrç {7$), au ïQat\n (1). La séappe qsj; puyerte à neuf heures et degije du mglÎP. M. Lanjuinats, secré taire , donne Iqptppe du procès-verDal de la séance d’hier. M. Tessier ( ci-devant baron de Marguerittes ), maire de Nîmes, fait lecture d?un acte dressé par la municipalité de cette ville; il porte que le club des amis de la Constitution , établi * dans cette ville, a tenu des propos menaçants contre les officiers municipaux, et qufun‘ membre s’était permis de dire, dans une dès séances de ;ce club? que les officiers municipaux méritaient la roué. La personne qui aurait tenu ce propos serait ie propre frère deM. fiabaud de Saint-Etienne. L’Assemblée, après avoir entendu M. de Marguerittes, adopte le procès-verbal ét passe à l’ordre du jour. M. Gassin, membre du comité de Constitution. repose le decret suivant qui est adopté sans iscussion : . « L�Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport du comité de Constitution sur la pétition du directoire du département des Pyrénées-Orientales» décrète qu’il sera établi un tribunal de commerce pour le district de Perpignan, qui sera séaut en cette ville. ? M. ILojns, Je demande que l’Assemblée décrète, par addition aux articles d’hier, qu?un père de famille ayant doyze enfants sera /éxegapt d§ foute contribufiqji personnéllé. M. Deferwon. LVltefê relatif gjix pères de faflttüle, .que fi Assemblée aadoptébier, est mQÎns une faveur qu’upe taxe sagement combinée avec leurs charges. Jë dèmaudè en £pps£qhenç.e que, sans ayoir égard à la proposition du préopiftaftt, on passe & Tordre dq mur. {L’Assemblée passe a l’ordre dq jojy.) M. le jpjrjésjdfeijrt. Les cgmifâ ecclesiastique et diplomatique demandent à faire àn rapport *yr les établissements ecclésiastique� que $è§ étranger* possèdent dans le royapmie. ■ wmmmij 11 „,mtm — »—i � mi , 7— V � vl 'é-J 1 JJtf " ‘ 1 '"i" (1) Cette séance est incomplète au Moniteur. Je donne la parole qu rapporteur. M. Cliasset, rapporteur. Vous avez renvoyé à vos comités ecclésiastique et diplomatique les pétitions des différentes maisons séculières et égulières établies en France par les Anglais, les Ecossais et les Irlandais; vous avez désiré un rapport de ces comités réunis, avant de les régler; c?est en leur nom que je viens vous en rendre compte. Les établissements dont il s’agit comprennent des séminaires, des collèges, des couvents de religieux et de religieuses. En voici l’état nominatif: Un séminaire anglais à Paris; un séminaire irlandais à Parfis. Une société de prêtres irlandais à paris, et cipq autres semblables, savoir : à Toulouse, bordeaux, Nantes, Douai et Lille. Un collège écossais a Paris; deux collèges anglais, un à Saint-Omer, l’autre à Douai. Trois maisons de bénédictips anglais, savoir: à Paris, à Dieu-Louard en Lqtrpipe, et à Douai. Une maison de récollets à Dopai. |rois maisons de religieux irlandais, Savoir : à ' Waqy,’ à Boulay et à Bar-sur-Aube. 'Quatre couvents de bénédictines anglaises, savoir : deux à Paris, un à Douai et un à Dunkerque. Un couvent de religieuses anglaises de la Conception à Paris. Quatre couvents de claristes anglaises, savoir : à Drayelines, à Aire, à Dunkerque et q Rouen. Bp fq.ut, vingt-huit établissements. L'instiîm de ces maisons ne permet d’y recevoir que des personnes de la même nation, et les maisons religieuses sont, comme celles séculières, destinées à fiéduGation et à l’enseignement des enfants des catholiques des trois royaumes; les prêtres séculiers et les religieux y font en outre des missions continuelles. — Il serait inutile en q.e moment défaire l’histoire particulière de chacun de ces établissements; il suffira de remarquer que le3 querellés de la religion qui agitèrent [ Angleterre sur la fin du xvi9 siècle et au commencement du xviV déterminèrent une partie des catholiques à se réfugier soit en France, soit en Flandre. Des religieux et des religieuses vinrent demander asile aux rois qui gouvernaient ces deux pays; ils leur accoruèreut protection et quelques légers secours momentanés; mais ces maisons firent tous les frais de leur établissement; avec l’argent qu’elles apportèrent, elles achetèrent des emplacements. D’autres secours de leurs compatriotes les ont aidées à construire, et les rentes qui forment la majeure partie de leurs biens ont été constituées de leurs propres deniers, ou de ceux des catholiques anglais qui les soutenaient dans la persécution qu’elles essuyaient. La prohibition de l’enseignement public et de l'enseignement du culte catholique-romain détermina ceux qui restèrent attachés à l’Eglise romaine à fonder eu Flandre et en France des collèges et des séminaires. Le roi d’Espagne, qui possédait Saint-Omer, permit aux Anglais d’y fonder le collège qui existe aujourd'hui dans cette ville, et qui en fait la célébrité. Il le gratifia même d’une pension de 2,000 écus, que les rois de France ont exactement acquittée, depuis que cette ville est sous leur gouvernement, excepté depuis cinq ans qu’on cesse de la payer. Lors de la destruction des jésuites, ie roi, par des lettres patentes du 14 mars 1764, dûment enregistrées, unit à ce collège Tes biens que les jésuites anglais possédaient en France. Les autres établissements dont j’ai parlé ont été formés d’une manière aussi légale ; et s’il en est quelques-uns dont l’extrême pau-