128 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE (de Thionville) se rendra sans délai aux armées du Rhin et de la Moselle, avec les mêmes pouvoirs qui sont donnés aux représentans du peuple envoyés près les armées (66). 19 Un membre du comité des Finances [LOFFICIAL] présente la rectification de la loi du 3 de ce mois, elle est adoptée en ces termes : La Convention nationale, ouï le rapport de son comité des Décrets, procès-verbaux et archives, qui lui a rendu compte d'une omission commise dans la rédaction du l'article VI de la loi du 3 de ce mois, décrète que ledit article VI sera ainsi rédigé : « Le dépositaire des archives de la section domaniale sera logé immédiatement au dessous des archives dans les appartemens qu'occupent la citoyenne Delaître et Neveu, peintre » (67). 20 La Convention nationale renvoie à son comité des Finances la pétition des citoyens Bernard Nieuwenhuissen, laboureur à Epinay-sous-Senart et Louis Blondet, laboureur à Boussy-Antoine [Seine-et-Oise], qui ayant été ravagés par la grêle le 23 messidor dernier et ayant fait constater leur perte par différens procès-verbaux, réclament l'indemnité nécessaire pour cultiver leurs terres et faire de nouveaux travaux (68). 21 Sur la demande des inspecteurs des procès-verbaux, la Convention les autorise à ajouter au procès-verbal du 23 thermidor la mention honorable et l'insertion au bulletin, aux deux articles des dons faits à la patrie par le citoyen Joseph-Allain Fromy, père, de Port-Malo [ci-devant Saint-Malo, Ille-et-Vilaine] et la citoyenne Anne-Thérèse Dufresne, veuve de Jean de la Motte Lesnuge, aussi de Port-Malo (69). (66) Ann. R. F., n° 36; C. Eg., n° 800; J. Perlet, n° 764; J. Fr., n° 762 ; F. de la Républ., n° 37 ; J. Univ., n° 1796 ; Gazette Fr., n° 1029 ; M. U., XLV, 108. (67) P.-V., XL VIII, 79. C 322, pl. 1364, p. 37. Décrets prononcés dans la séance du 6 brumaire an III. Feuille imprimée sans signature. Rapporteur Lofficial selon C’ II 21, p. 18. (68) P.-V., XL VIII, 79. C 322, pl. 1364, p. 37. Décrets prononcés dans la séance du 6 brumaire an III. Feuille imprimée sans signature. Rapporteur Crassous selon C*II 21, p. 18. (69) P.-V., XL VIII, 79. C 322, pl. 1364, p. 37. Décrets prononcés dans la séance du 6 brumaire an III. Feuille imprimée sans signature. Rapporteur Becker selon C* II 21, p. 18. 22 Un membre [RAFFRON] fait une motion d'ordre relativement au procès qui s'instruit au Tribunal révolutionnaire contre le comité révolutionnaire de Nantes [Loire-Inférieure]; il demande que la Convention se fasse rendre compte de cette affaire, dans son rapport avec le représentant du peuple Carrier (70). Raffron demande la parole pour une motion d'ordre (71). La parole lui est accordée. RAFFRON : Citoyens, depuis plusieurs jours, et certes depuis trop longtemps, le Tribunal révolutionnaire vous a fait connaître que l'instruction dans l'affaire de Nantes se trouvait arrêtée par l'importance des déclarations des accusés ; qu'il était nécessaire que Carrier, notre collègue, intervint aux débats ; que jusque-là ce procès horrible resterait suspendu; et en effet il reste suspendu. Dans cet intervalle il s'est élevé une question très raisonnable et très importante : celle de savoir quelle forme doit être employée à l'égard des députés accusés de crimes. Vous avez chargé vos comités de vous présenter un mode ; je demande qu'ils s'acquittent très promptement de ce devoir, attendu l'urgence; la chose est très pressée, sans doute ; le peuple atrocement outragé demande vengeance. Venger le peuple, c'est faire le premier, le plus essentiel acte de la justice sociale ; il attend avec impatience, et n'a pas dissimulé sa douleur de voir siéger au milieu de vous un homme environné de si affreuses préventions. La voix publique l'accuse d'atrocités qui font frémir, et outragent la nature et l'humanité; cent mille bouches déposent contre lui; des accusés, des témoins même le chargent, et on est autorisé à penser que le comité de Salut public a sur les événements de Nantes, des renseignements dont les détails doivent faire horreur. Heureusement le temps n’est plus où on venait à cette tribune vous présenter de telles atrocités comme des formes acerbes ; et si Barère a eu l'impudeur d'associer les cruautés féroces de Joseph Le Bon aux immortels lauriers que nos braves défenseurs ont remportés à la bataille de Fleurus, sans doute, oui sans doute, il ne sera pas imité, et Carrier ne trouvera pas un avocat aussi effronté. Je vous demande donc que, séance tenante, vos comités vous présentent leur travail, qui doit se réduire, par rapport à Carrier, à un choix de pièces. A-t-il fait ou n'a-t-il pas fait les (70) P.-V., XL VIII, 80. (71) Moniteur, XXII, 363. Débats, n° 764, 522-523; Ann. Patr., n° 665; Ann. R. F., n° 36; J. Perlet, n° 764; Mess. Soir, n° 802 ; F. de la Républ., n° 37 ; J. Univ., n° 1796 ; M. U., XLV, 108. L'ensemble de la presse situe cette motion d'ordre immédiatement après l'intervention de Merlin (de Douai), présentée ci-dessous : Archiv. Parlement., n° 23. SÉANCE DU 6 BRUMAIRE AN III (27 OCTOBRE 1794) - N° 23 129 atrocités dont il est accusé? Tout se réduit là; et que le Tribunal reprenne sur le champ son activité pour mettre fin à cette horrible affaire, tout autre cessante; car il ne s'agit pas ici de généraliser la mesure ; ce travail pourrait entraîner des longueurs très funestes. C'est pour vous donner cet avis important que je suis monté à la tribune : la lenteur dans l'exercice de la justice enhardit le coupable et désespère l'innocent. Je fais la même demande à l'égard de Joseph Le Bon. [Ceux qui, dans certaines tribunes, n'avaient point applaudi aux victoires, ont fait un grand tapage de mains à cette demande. Aussi Guyomar a-t-il observé que ce n'est point par amour pour la patrie que l'aristocratie applaudit lorsqu'il s'agit de juger un représentant, mais parce qu'elle s'imagine prendre tour à tour la tête de tous les députés.] (72) [Plusieurs membres disent qu'il ne faut pas s'occuper en ce moment d'affaires particulières, mais discuter sur le champ le projet du comité. La motion de Raffron n'a pas de suite] (73) La priorité est accordée à la discussion du projet de décret. 23 Un membre du comité de Salut public [MERLIN (de Douai)] présente, au nom de ce comité et de ceux de Législation et de Sûreté générale, un projet de loi sur les formes qui peuvent garantir la représentation nationale dans les accusations portées contre ses membres ; il demande, qu'au lieu de la motion d'ordre précédemment faite, ce projet soit discuté article par article. Cette proposition est décrétée (74). MERLIN (de Douai) (75) : Chargé par vos comités de Salut public, de Sûreté générale et de Législation, de vous présenter un projet de décret sur la manière dont il doit être procédé à l'égard des représentants du peuple qui pourraient se trouver prévenus de délits, je ne l'ai pas été de vous faire en leur nom un rapport qui aurait exigé un très long travail et qui par cette raison même n'aurait pu vous être soumis dans le court délai que vous aviez fixé ; je ne sais pas même si, indépendamment de cette considération, un pareil travail eût dû occuper (72) J. Univ., n° 1796. (73) J. Perlet, n° 764. (74) P.-V., XL VIII, 80. (75) Moniteur, XXII, 359-360 et 363-366. Débats, n° 764, 521-523, n° 765, 545-547, n° 766, 561-564, n° 767, 573-578; J. Paris, n° 37-38 ; Rép., n° 37 ; J. Mont., n° 14 et n° 15 ; Ann. Patr., n° 665; Ann. R. F., n° 36 et n° 37; C. Eg., n° 800; J. Perlet, n° 764; Mess. Soir, n° 802; J. Fr., n° 762 et n° 763; F. de la Républ., n° 37 ; J. Univ., n° 1793 ; Gazette Fr., n° 1029 ; M. U., XLV, 108-110. Cette discussion est inégalement rapportée par l'ensemble des gazettes. vos comités collectivement. Autant, selon moi, un rapport est nécessaire quand il s'agit de motiver un projet de décret qui porte sur des faits, autant il est inutile, pour ne pas dire dangereux, dans un grand nombre de cas où il n'est question que de principes. Dans une assemblée délibérante les faits ne peuvent être connus que par l'exposé qu'on lui en donne et par les preuves sur lesquelles on les appuie. Les principes au contraire, se présentent d'eux-mêmes à tous les bons esprits et il est peut-être bien des circonstances où les discussions auraient et plus de latitude et plus de profondeur, et par conséquent plus d'utilité, si les esprits n'étaient pas dès le premier abord prévenus par un discours étudié, compassé, arrangé de la manière la plus propre à enlever les suffrages. Ce n'est donc pas un rapport de comité que je viens vous faire sur le projet de loi qui vous est soumis; je viens, en mon nom seul, vous présenter quelques observations simples et rapides sur la question plus importante que difficile à résoudre, qui a été élevée dans l'Assemblée, par opposition au plan des trois comités. Elle consiste, vous vous le rappelez, à savoir si, comme vous le proposent vos comités, vous devez, relativement à des représentants du peuple qui se trouveraient inculpés, vous renfermer dans les fonctions de jurés d'accusation, ou si, comme vous le propose un de nos collègues, vous devez exercer à leur égard même les fonctions de jurés de jugement. Je dis que cette question est facile à résoudre ; et pour en déterminer la solution en faveur de l'opinion de vos comités, je pourrais me borner à cette réflexion, qui vous a été présentée, que, pour établir dans la représentation nationale un jury d'accusation et un jury de jugement, il faudrait au moins momentanément la diviser en deux sections, dont l'une serait chargée d’accuser, l'autre déjuger; division qui touche de bien près à l'idée de deux Chambres permanentes, et qui pourrait y conduire un jour; division que vous deviez rejeter pour ce seul motif; division qu'il ne serait pas, j'ose le dire, en votre pouvoir d'autoriser, ni de pratiquer, au mépris du principe fondamental et sacré reconnu par tout le peuple français, que la représentation nationale est une et indivisible. Mais indépendamment de cette observation péremptoire, il est un point sur lequel on ne saurait trop s'attacher : c'est qu'un citoyen, pour être représentant du peuple, ne perd pas ses droits de citoyen. Ainsi, un représentant du peuple a-t-il le malheur d'être inculpé, il faut sans doute que la loi ait, pour l'atteindre, les mêmes moyens que pour atteindre les autres citoyens; mais il ne faut pas que les moyens de garantie dont elle assure la jouissance aux autres citoyens lui soient refusés. Or voyons ce que la loi a fait pour les citoyens ordinaires, lorsqu'ils sont inculpés. Elle veut d'abord qu'ils soient entendus par un officier de police, qui décide, d'après la nature et les preuves de l'inculpation, s'ils doivent être arrêtés provisoirement.