268 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE Citoyen Président, Je viens au nom des employés de mon agence et au mien présenter à la Convention nationale, par ton organe, une somme de 168 L 15 s, qui est le produit d’une collecte faite entre nous et que nous destinons au soulagement des familles dont l’explosion du magasin à poudre de Grenelle fait couler les larmes. Puisse ce léger tribut de notre sensibilité avoir l’heureux effet de verser quelque consolation sur le malheur et être une preuve à la Convention nationale que par sentiment et par devoir, nous sommes fidèles à ses principes ! Vive la République une et indivisible. Deperey 44 Prolhiac, détenu à la Force, offre de déposer 50 L entre les mains du concierge, pour les victimes de l’explosion de la poudrerie de Grenelle, et demande la liberté. La Convention accepte l’offre, et renvoie la pétition au comité de Sûreté générale, et au bureau chargé de recevoir les dons (69). [De la Force, quartier du centre, le 19 thermidor an II\ (70) Des ennemis cachés ont pu me priver de ma mince fortune et me ravir ma liberté, depuis plus de cinq mois, mais mon cœur toujours sensible oubliera ses malheurs pour participer à ceux de ses frères, surtout de ceux qui comme les malheureuses victimes de l’explosion du moulin de Grenelle, travaillent constamment au soutien de la République. Qu’il me soit donc permis, du fonds de ma prison d’y augmenter mes privations pour venir foiblement à leur secours. J’offre cinquante livres que je remettrai sur ton avis au citoyen Baut, concierge de la maison de la Force, ou à tout autre, pour être joint aux fonds que la générosité du peuple leur destine. Heureux si la justice que j’attends de l’impartialité de mes juges me met bientôt en mesure de servir plus utilement et les malheureux et ma patrie. Salut et fraternité. Prolhiac 45 La Convention nationale, après avoir entendu la lecture de la pétition de la société populaire de la commune d’Aire, district de Mont-Adour, département des Landes, tendante à ce que la prétendue municipalité de Subcharges, qui s’est érigée dans le territoire de la commune d’Aire, soit cassée, ou tout au moins que les limites des deux municipalités soient fixées d’une manière (69) P.-V., XLV, 78. Bull. 19 fruct. (suppl.). (70) C 318, pl. 1 294, p. 11. positive; décrète que les pièces et les constestations entre la commune d’Aire et la nouvelle municipalité de Subchargues, sont renvoyées au représentant du peuple Monestier (de la Lozère), sur les lieux, pour y statuer définitivement. Le présent décret ne sera point imprimé (71). 46 Le citoyen Schmit, père de quatre enfants, se présente à la barre et, expose qu’après avoir, en conformité de la loi, envoyé dans les bureaux de la liquidation, son mémoire des pertes qu’il a essuyées en 1789, que ses pièces ayant été égarées, aujourd’hui on le désiste de sa demande, en présentant le double de son mémoire duement légalisé, sous prétexte que le délai fatal est expiré; il demande que son mémoire soit reçu à la liquidation. Cette pétition convertie en motion par un membre, la Convention décrète le renvoi au comité des Finances, pour le faire parvenir à la liquidation (72). 47 Un membre [Fayau] observe que des suppléants à la Convention, qui ont été chargés par le gouvernement et les représentants du peuple envoyés dans les départements, de missions particulières, semblent compris dans le décret du 18 fructidor, qui oblige les militaires à sortir de Paris dans trois jours : il demande que les suppléants qui d’un moment à l’autre peuvent être appelés au sein de la Convention, soient exceptés des dispositions de cette loi. La Convention nationale, passe à l’ordre du jour, motivé sur ce qu’elle n’a pas entendu comprendre les suppléants dans son décret du jour d’hier (73). 48 La Convention nationale, après avoir entendu le rapport de son comité des Secours publics sur la pétition des citoyens Cyr Châle et Louis Guillon, tous les deux du district de Saumur, département de Maine-et-Loire, mis en liberté par arrêté du comité de Sûreté générale, décrète ce qui suit : La trésorerie nationale, sur le vu du présent décret, paiera aux citoyens Cyr Châle (71) P.-V., XLV, 78-79. C 318, pl. 1283, p. 39. Décret n° 10 743. Rapporteur : Borie. (72) P.-V., XLV, 79. C 318, pl. 1 283, p. 40. Décret n° 10 756. Rapporteur : Becker. (73) P.-V., XLV, 78-79. C318, pl. 1283, p. 41. Décret n° 10 757. Rapporteur : Fayau. Moniteur, XXI, 689. Ann. Patr., n° 613; J. Fr., n° 711; M.U., XLIII, 278; J. Univ., n° 1 747. SÉANCE DU 19 FRUCTIDOR AN II (5 SEPTEMBRE 1794) — N08 49-50 269 et Louis Guillon, à chacun la somme de 150 L, à titre de secours, et pour les aider à retourner dans leur domicile. Le présent décret ne sera imprimé qu’au bulletin de correspondance (74). 49 La Convention nationale, après avoir entendu le rapport de son comité des Finances et des Secours réunis, sur la pétition de la citoyenne Jeanne Ricard, veuve Coûtera, qui n’ayant d’autres moyens de subsister, qu’une pension de 310 L sur les ci-devant clergé et économats qui a été supprimée par la loi, se trouve dans un état très déplorable, fort âgée et très infirme, décrète ce qui suit : Il sera payé, sur le vu du présent décret, par la trésorerie nationale, à titre de secours annuel, la somme de 310 L, à la citoyenne Jeanne Ricard, veuve Coûtera. Le présent décret ne sera imprimé qu’au bulletin de correspondance (75). 50 Un membre [Lanthenas] présente un projet de décret sur le gouvernement révolutionnaire. Renvoyé au comité de Législation (76). [Projet de décret sur le Gouvernement révolutionnaire, présenté par F. Lanthenas, imprimé par ordre de la Convention nationale ] (77). TITRE PREMIER Déclaration de principes du gouvernement révolutionnaire; garantie des droits et de la liberté du citoyen. ARTICLE PREMIER. Le gouvernement révolutionnaire, celui qui peut sauver la patrie sans exposer sa liberté, et que la Convention nationale rétablit en ce moment, consiste dans la centralisation de tous les moyens de défense de la République contre ses ennemis extérieurs, et de tous ceux de vigilance et de force contre ses ennemis du dedans, et dans l’organisation prompte (révolutionnaire) de tout ce qui peut augmenter l’amour du peuple pour la liberté, démasquer les hypocrites, animer les patriotes foibles, soutenir les énergiques, empêcher les extravagances de la folie ou les atrocités des scélérats, faire régner la justice seule et impartiale du peuple, récompenser les vertus, (74) P.-V., XLV, 79-80. C 318, pl. 1 283, p. 42, minute de la main de Menuau. Décret n° 10 755. Bull. 20 fruct. (suppl.). (75) P.-V., XLV, 80. C 318, pl. 1 283, p. 43, minute signée de la main de Menuau. Décret n° 10 754. Bull. 20 fruct. (suppl.). (76) P.-V., XLV, 80. (77) C 318, pl. 1 283, p. 66, imprimé 12 pages. Moniteur, XXI, 687-688. Ann. R.F., n° 278; F. de la Républ., n° 429; J. Mont., n° 129. punir le crime, l’aristocratie invétérée, pardonner l’erreur des patriotes, avec une égale énergie et toute l’utilité possible, pour la cause de la liberté et l’intérêt de la patrie. II. Le gouvernement révolutionnaire n’est point une dictature : quelque explication, quelque signification que l’on donne à ce mot, c’est l’effet simple de l’éveil du corps politique, sur des dangers imminens; c’est l’activité, la réunion, l’emploi de toutes ses forces; c’est la vigilance, la multiplication et la permanence des travaux; c’est enfin le dévouement de tous les citoyens, de toutes les fortunes, de tous les bras, au salut de la patrie. III. La forme donnée au gouvernement révolutionnaire a été inspirée par les circonstances les plus périlleuses : ces circonstances n’ont point permis que l’on exposât l’Etat à l’essai de la constitution que le peuple venoit d’accepter. La représentation nationale a pris sur elle seule de sauver la France. Elle le devoit aux fonctions et aux devoirs qui découlent de son essence même dans le corps politique : elle l’a fait jusqu’à présent avec un succès qui surpasse toutes ses espérances; elle continuera, avec le secours de la Providence, qui est le génie de la liberté des peuples. IV. La représentation nationale est plus particulièrement, sous le gouvernement révolutionnaire, le centre de l’opinion publique, de la morale et de l’instruction républicaine. Elle répand la lumière et dirige les sentimens des bons, en même temps qu’elle imprime la terreur aux méchans et qu’elle les punit. Sous le gouvernement révolutionnaire, tout ce qui tend à avilir la représentation nationale et à diminuer ainsi la majesté du peuple, est réprimé avec plus de vigilance et puni avec plus de sévérité. V. La chute des derniers conspirateurs qui, quoique très médiocres en courage et en talens, ont pu cependant faire du gouvernement révolutionnaire l’instrument de leur ambition et de leur scélératesse, montre les défauts que ces conspirateurs avoient eux-mêmes, à dessein, donné à sa première organisation; tandis que nos victoires, la punition même rapide de ces perfides et de leurs complices, et l’anéantissement de tous leurs complots, démontrent les avantages de ce gouvernement. Il s’agit donc seulement, après être sorti de grands dangers, de profiter de l’expérience et de corriger ce qu’on y avoit introduit de défectueux. VI. D’autres avantages pour la perfection du gouvernement révolutionnaire, qui résultent de la chûte de ces conspirateurs, c’est de connoître maintenant la véritable origine des prétextes dont se sont couvertes les diverses factions que la Convention nationale a déjouées, d’y mettre un terme, de les anéantir, et de rendre à la représentation nationale I’unité de sentimens et d’action, que ces factions lui avoient ravie. VII. Robespierre, ce tyran d’odieuse mémoire, fonda lui-même l’esprit ultra révolutionnaire, en 1792 (vieux st.); à la veille de la chute des Hébert et des Chaumette, il soufloit encore de toutes ses forces cet esprit; après la punition de scélérats, il a défendu et excité en secret tous leurs sectateurs ou complices; et publiquement, il se paroit de modération ! Robespierre s’est