{Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [19 novembre 1790. . «34 peut-être, sans s’exposer à revenir sur ses pas. Je suppose qu’avant ou après un décret qui aurait prononcé, sur le vœu des Avignonais, la réunion du comtat à la France, l’ambassadeur de l’Empire, ou celui d’Angleterre, vous notifiât, au nom de la couronne qu’il représente, que, par un arrangement particulier, le pape a cédé le comtat à l’une de ces deux puissances, soit en toute souveraineté, soit en dépôt seulement, comme il est arrivé plus d’une fois, de la part du faible, pour résister à l’oppression du fort, et qu’elles lui en ont garanti la restitution dans un temps, et sous les conditions connues entre eux; quel parti prendriez-vous alors? Vous seriez forcés d’opter entre la renonciation à cette conquête, ou la guerre. Je ne pousse pas plus loin ma conjecture ; elle est probable, elle est possible, et je vous laisse le soin d’en tirer la conséquence. Il est cependant un moyen digne de la loyauté française qui vous caractérise, pour sortir de ce défilé, et terminer cette question délicate avec honneur. Le comtat d’Avignon et le comtat Venaissin sont enclavés dans la France. Tous les intérêts politiques, commerciaux, industriels et administratifs se réunissent, d’après leur position géographique, pour en désirer la réunion à l’Empire français ; mais il faut y travailler sans secousse, sans injustice, sans usurpation, avec la franchise et la droiture qui conviennent à un. grand peuple, et qui sont consacrées, par vos actions comme par vos principes ; mais surtout sans porter ombrage aux autres puissances de l’Europe, et sans dépouiller le prince qui gouverne cet Etat aussi légitimement que l’Empire français réunit toutes les provinces qui le composent. D’un autre côté, cet Etat est trop éloigné des possessions italiennes qui forment la souveraineté du pape ; et cet éloigDement, dans l’ordre des intérêts pécuniaires, lui est peut-être plus à charge qu’utile. Il serait possible que ces convenances locales et mille autres intérêts qu’on pourrait y joindre fussent la matière d’une négociation politique, que le roi serait supplié d’entamer et de faire avec Je pape, pour l’échange et l’acquisition libre et volontaire du comtat. L’indemnité en argent serait peut-être plus simple et plus convenable aux intérêts des parties contractantes ; et si le pape voulait librement s’y prêter, il y trouverait des revenus qui lui manquent, et la conciliation serait bientôt terminée. Si cet arrangement pécuniaire, ne lui convenait pas, on pourrait négocier un échange contre quelque petit Etat d’Italie qui serait plus à portée de son gouvernement, et par cela même plus lucratif pour le Trésor apostolique. Il ne m’appartient pas d’indiquer les éléments de celte négociation ; mais un exemple, auquel je n’attache aucune réalité, aucune vraisemblance, qui peut-être ne serait pas susceptible de succès, peut fournir l’idée d'une infinité d’autres, et suffirait pour éclaircir ma pensée. Le duc de Parme unit à ce premier titre le duché de Plaisance. On pourrait engager ce prince à céder une portion de son Etat au pape, et dédommager le duc de Parme pour la cession de la Corse, avec le titre de roi, si toutefois les Corses, devenus nos frères, voulaient se prêter à cet arrangement, sous la protection et avec la Constitution de la France, qui n’oublierait jamais cette marque éclatante de leur patriotisme, et ne les dépouillerait d’aucun des privilèges des citoyens français, qui leur sont dévolus, comme les habi" tants du comtat en jouissent. C’est ainsi que nous avons acquis la Lorraine, enclavée, comme le comtat, dans nos provinces, par son échange avec la Toscane, située en Italie, comme les autres Etats du pape, et qui fut l’indemnité du duc de Lorraine, père de l’empereur actuel. Enfin, Messieurs, dans l’état actuel où se trouve le comtat, et au milieu des troubles qui l’agitent, je pense que, pendant cette négociation, ou toute autre qui tendrait au même but, il conviendrait que, de concert avec le pape qui le désire, le roi fût supplié de prendre cette malheureuse contrée sous la protection immédiate de la France; d’y envoyer des commissaires pacificateurs, pour y rétablir le calme et la subordination, s’il se peut, par les voix douces de la persuasion et de la confiance ; et, dans le cas où Je succès ne répondrait pas à cet espoir, d’y faire défiler quelques troupes, pour protéger les bons citoyens contre les ennemis du bien public qui se refuseraient à la conciliation. En conséquence, et pour me résumer, puisqu’il n’est ni de la dignité, ni de la justice, ni de la sagesse, ni de la politique de la nation de s’incorporer le peuple avignonais, sans le concours du prince qui le gouverne, je pense qu'il n’y a pas lieu à délibérer, quant à présent, sur la pétition des Avignonais, tendant à réunir le comtat à la France, sans l’aveu et le consentement exprès du pape ; et que le roi sera supplié d’entamer avec Sa Sainteté une négociation dans le sens que j’ai ci-dessus expliqué : enfin, que, de concert avec le pontife, il est convenable, pour prévenir des troubles ultérieurs dans le comtat, de mettre ce pays sous la protection immédiate de la France, pour y rétablir l’ordre et la paix, par toutes les voies qui seront jugées nécessaires. M. le Président lève la séance à 10 heures du soir. ASSEMBLÉE NATIONALE. PRÉSIDENCE DE M. CHASSET. Séance du vendredi 19 novembre 1790 (1). La séance est ouverte à 9 heures et demie du matin. MM. les secrétaires donnent lecture des procès-verbaux des deux séances de la veille. Ces procès-verbaux sont adoptés. M. Gillet-Lajacqueminière, membre du comité de commerce, au nom de ce comité et de ceux des finances et d’imposition fait un court rapport et présente deux décrets relatifs l'un aux postes, l'autre aux messageries. Il dit : La situation de vos comilés chargés de la suite du travail sur les postes et messageries, après avoir examiné la demande de l’administration des postes et rendant à cette administration la justice qui lui est due, me charge de vous représenter que, s’il a pu exister quelque incertitude sur le (1) Cette séance est incomplète au Moniteur. [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [19 novembre 1790.] o33 travail relatif aux lettres de rebut et sur les suites de ces opérations jusqu’au mois d’août dernier, j’article 4 du décret du 22 de ce mois d’août et jours suivants ne laisse plus aucun doute à cet égard, puisqu'il a ordonné que tous les règlements d’après lesquels sont administrés actuellement les postes aux lettres et aux chevaux continueront à avoir leurpleine et entière exécution jusqu’au 1er janvier 1792, époque où doit commencer le nouveau régime que vous avez adopté. Cependant et puisque les circonstances veulent que l’Assemblée soit instruite de la demande de l’administration des postes, vos commissaires ont pensé qu’il y avait quelques précautions à ajouter à celles indiquées par les règlements qui régissent actuellement cette administration quant aux lettres de rebut. On brûlait les lettres simples sans les décacheter. L’intendant décachetait seul les lettres doubles ou sous enveloppes. Ici des inconvénients. C’est pour le service et l’utilité publique que le décachètement a lieu et le public a intérêt à ce qu’on décachète les lettres simples comme les doubles. Il peut s’y trouver des effets eu papier si minces qu’on ne puisse les sentir au toucher même dans une lettre simple. Il faut donc décacheter les lettres simples comme les doubles. Mais cette opération doit-elle continuer d’être confiée à une seule personne et rester spus sa seule inspection? Vos commissaires ne l’ont pas pensé. L’administration des postes avait prévenu notre sollicitude à ce sujet. Elle a demandé que l’Assemblée voulût bien nommer dans son sein deux commissaires chargés d’assister au décachètement et à la brûlure des lettres, toutes les fois que celte opération devra avoir lieu. En approuvant la délicatesse qui a dicté cette demande, vos commissaires ne pensent pas qu’elle puisse être adoptée dans le sens où l’ad-ministration des postes la présente. Sans doute, il faut que des commissaires reconnus assistent à une opération aussi délicate et en garantissent par leur présence toute la fidélité; mais ces commissaires doivent être pris dans le sein même de l’administration des postes. Elle n’est plus comme autrefois subordonnée au despotisme. Los administrateurs sont des fonctionnaires publics. Vous avez même jugé leurs fonctions si importantes et si sacrées, que vous avez décrété qu’ils prêteraient directement serment entre les mains du roi. Ce devoir est rempli. C’est donc à eux et à eux seuls à s’acquitter de la surveillance qu’ils vous sollicitent d’établir par des commissaires pris dans votre sein. Ils sont responsables : vous atténueriez cette responsabilité, vous la partageriez même dans la personne de vos délégués si vous défériez au désir des administrateurs des postes. C’est à eux à remplir leurs devoirs, à nous d’y tenir la main. Nous vous proposons les deux décrets suivants : PREMIER DÉCRET. .( L’Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport des commissaires de ses comités de finance, d’imposition et de commerce, chargés de la suite du travail relatif aux postes et messageries, décrète ce qui suit ; « Conformément à la disposition générale de l’article 4 du décret du 22 août dernier et jours suivants, sur les postes et messageries, le travail relatif à la brûlure et au décachètement préalable des lettres blanches inconnues, refusées ou non réclamées, continuera provisoirement de se faire comme par le passé, suivant les règlements rendus à ce sujet, et notamment conformément aux arrêts du conseil des 12 janvier 1771, 14 mars 1784 et 25 septembre 1786. Cependant, en dérogeant aux dispositions de ces arrêts, qui confiaient l’inspection et la surveillance de cette opération au seul intendant des postes, et qui prescrivaient que les lettres simples seraient brûlées sans vérification préalable d’incluse, l’Assemblée décrète que ce travail ne pourra avoir lieu dorénavant qu’en présence du président du directoire et d’au moins deux des administrateurs des postes, et qu’il y sera procédé pour les lettres simples, de la même manière et avec les mêmes vérifications que pour les lettres doubles ou à enveloppes. » DEUXIÈME DÉCRET. « L’Assemblée nationale, en appliquant aux demandes formées par la compagnie Perreau, les dispositions des articles 7 et 8 du décret rendu sur les messageries le 22 août dernier et jours suivants, après avoir entendu Je rapport des commissaires de ses comités de finance, d’imposition et de commerce, décrète ce qui suit : Art. 1er. « La cession faite aux sieurs Perreau et compagnie du privilège exclusif des carrosses de places de la ville et faubourgs de Paris, et de celui des voitures et des messageries dites des environs de Paris, demeurera résiliée à compter du premier janvier prochain, ainsi que les sous-baux qu’aurait pu faire ladite compagnie; mais jusqu’à cette époque, ledit bail et sous-baux continueront d’avoir leur exécution en tout ce à quoi il n’y est pas expressément dérogé par le décret du 22 août dernier et jours suivants, sur les messageries : n’entend néanmoins l’Assemblée rien préjuger sur les droits de place et de licence qu’elle croirait devoir conserver ou établir sur les loueurs de voitures ou entrepreneurs particuliers, tant au profit du Trésor public, qu’à celui des villes où ces établissements auraient lieu. Art. 2. « Il sera, conformément à l’article 8 dudit décret sur les messageries, procédé incessamment à la vérification et liquidation des indemnités et remboursements qui paraissent dus à la compagnie Perreau; et, en attendant, pour la mettre à même de continuer son service d’ici au premier janvier prochain, il lui sera, dès à présent, payé par le Trésor public, une somme de 140,000 livres qui, avec celle de 280,000 livres déjà reçue par elle, sera, lors de ladite liquidation, imputée soit sur les indemnités, soit sur les remboursements auxquels ladite compagnie aura droit de . prétendre. » (Ces deux décrets sont adoptés.) M. Gaultier-Biauzat. J’observe que la circulation qui se fait des assignats dans tout le royaume, exige des lois particulières pour en assurer le transport. L’administration des postes ne répond des lettres et paquets que jusqu’à concurrence de 300 livres, ce qui n’est pas dtl tout propre à tranquilliser les personnes qui ont