[Convention nationale.} ARCHIVES PARLEMENTAIRES, j 7 novembre fm* 557 II. Compte rendu, par le ministre de la jus¬ tice, DES RAISONS QUI ONT EMPÊCHÉ DE TRA¬ DUIRE AU TRIBUNAL RÉVOLUTIONNAIRE LE CI-DEVANT COMTE COUSTIN -BOURZOLLES (1). Pièce n° 1. Lettre du ministre de la justice (2). A la Convention nationale. « Paris, ce 14e jour du 2e mois de l’an II de la République française, une et indivisible. « Citoyen Président, « Pour satisfaire à l’article 2 du déeret (3) de la Convention du 20e jour du 1er mois de l’an II de la République française une et indi¬ visible, qui me charge de lui faire connaître, par un nouveau compte, dans l’espace de deux décades, quelles sont les causes ou les individus qui, jusqu’à, présent, ont empêché, à l’égard du ci-devant comte Coustin -B our zolles , l’exécution des lois qui renvoient au tribunal criminel ex¬ traordinaire, tous les prévenus de crimes atten¬ tatoires à la liberté, à l’égalité, à l’unité, l’indi¬ visibilité de la République. Je dois informer la Convention nationale qu’il résulte des rensei¬ gnements et des pièces que m’ont transmis l’ accusateur public près le tribunal du départe¬ ment de la Dordogne, le procureur général syndic du même département et la municipalité de Périgueux, que Coustin Bourzolles, prévenu de propos contre-révolutionnaires, ayant été arrêté le 23 du mois de mars sur un mandat d’arrêt de la municipalité de Saint-Cernin, une procédure fut instruite contre lui par cette municipalité, conformément à l’article 6 de la loi du 11 août 1792, et renvoyée à la Conven¬ tion nationale le 31 mars, époque à laquelle la loi du 11, en vertu de laquelle Bourzolles aurait dû être envoyé directement au tribunal criminel extraordinaire n’était pas encore promulguée. Que Bourzolles resta dans la maison d’arrêt jusqu’au 17 de mai suivant, et qu’alors sous prétexte de maladie, et sur un certificat qu’il obtint de Bouillac, officier de santé, Lagrimadie, officier municipal, l’envoya dans la maison de ce Bouillac et sous sa responsabilité, pour y faire les remèdes nécessaires à son état, ne craignant pas, quoique supposé malade, de se montrer dans toutes les rues de la ville, et continuant de tenir des propos annonçant la haine de la Révolution et capables de troubler la tranquillité publique. « Une seconde dénonciation fut faite contre lui par un membre du département, mais elle resta sans suites pendant plus d’un mois, et ne (1) Le compte rendu du ministre de la justice n’est pas mentionné au procès-verbal de la séance du 17 brumaire an II; mais en marge de l’original, qui se trouve aux Archives nationales, on lit : « Ren¬ voyé au comité de sûreté générale le 17 du second mois, seconde année de la République. » (2) Archives nationales, carton F7 4613, dossier Bourzolles. (3) Voy. ce décret 1 Archives parlementaires, lre série, t. LXXVI, séance du 20e jour du 1er mois de l’an II, p. 354. fut reprise que sur l’ordre des commissaires Treilhard et Mathieu, représentants du peuple, alors à Périgueux. Cette dénonciation fut ren¬ voyée devant le tribunal criminel du départe¬ ment qui se déclara incompétent, attendu que la loi du 10 mars attribuait au tribunal criminel extraordinaire exclusivement à tous autres, la connaissance des délits de la nature de celui qui était imputé à Bourzolles. Alors le départe¬ ment renvoya à la municipalité de Périgueux pour que, conformément à la loi du II août 1792, elle fît contre ce prévenu les poursuites nécessaires. La municipalité prétend avoir ignoré ce renvoi, et que d’ailleurs ce n’était pas à elle qu’il devait être fait; mais directement au tribunal criminel extraordinaire, en vertu de la loi du 11 mars. « Les choses étaient dans cet état lorsque Bourzolles a été de nouveau mis en liberté sans que rien constate sur le registre de la geôle ni sa réintégration dans la prison, ni son second élargissement ; mais suivant la déclaration faite par le concierge de la prison, c’est le même officier municipal qui avait mis Bourzolles en liberté une première fois qui l’a élargi une se¬ conde. « Cette évasion paraissait être le résultat d’une intelligence coupable entre l’officier municipal Lagrimaldie, l’officier de santé Bouillac et le, gardien de la maison d’arrêt. J’ai cru de mon devoir d’en donner connaissance à l’accusateur public du tribunal criminel extraordinaire afin qu’il prît les mesures que lui prescriront son zèle, son civisme et la loi, pour que ces trois indi¬ vidus n’échappent pas à la peine qu’ils ont encourue s’il est vrai qu’ils aient osé soustraire un conspirateur au glaive de la loi. « Je joins ici, citoyen Président, copie des lettres qui m’ont été adressées par l’accusateur-public, le procureur général syndic du départe¬ ment, la municipalité de Périgueux ainsi que différentes autres pièces. Dans ces lettres et pièces, la Convention nationale trouvera to is les éclaircissements qu’elle peut désirer sur l’affaire Coustin-Bourzolles, et au soutien du eompte que je viens de lui rendre sur eette affaire. « Le ministre de la justice, « Gohier. » Pièce n° 2. Copie de l'exposé de la municipalité de Péri¬ gueux sur l'affaire de Bourzolles, envoyé au ministre de la justice (1). La municipalité de Périgueux expose que le 25 du mois de mars dernier, le citoyen Cous-tain -Bourzolles fut remis dans la maison d’arrêt de la ville de Périgueux, en vertu d’un mandat d’arrêt décerné contre lui par la municipalité de Saint-Cernin-de-Lerm. Le procureur de la commune, instruit que. son acte d’écrou n’était pas dans les formes prescrites par la loi, et craignant que quelque ennemi de la chose publique ne profitât de cette circonstance pour lé mettre en liberté, en donna, de suite, avis au procureur général syndic du (1) Archives nationales , carton F7 4613, dossier Bourzolles. 558 (Convention nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAMES. I l1 brumtire an II 1 1 (7 novembre 1793 département de la Dordogne, qui adressa, le lendemain 26 du même mois, une réquisition au procureur de la commune à l’effet de rectifier l’erreur commise à cet égard, et ce réquisitoire fut exécuté sur-le-champ par le procureur de la commune. Le 31 du même mois, tous les actes de la procédure, instruite contre Coustin-Bourzolles par la municipalité de Saint-Cernin-de-Lerm furent envoyés à la Convention nationale, con¬ formément à l’article 6 de la loi du 11 août 1792. Les choses en restèrent là jusqu’au 17 du mois de mai suivant, époque à laquelle il paraît que pour cause de maladie, attestée par l’offi¬ cier de santé, Lagrimaldie, officier municipal et commissaire des prisons, autorisa Bourzolles à se retirer chez le citoyen Bouillac pour y faire, sous sa responsabilité, les remèdes nécessaires au rétablissement de sa santé. Ce dernier fait était absolument étranger à la municipalité parce que Lagrimaldie ne lui en avait rendu aucun compte, et elle n’en a eu connaissance que lorsqu’elle a été interpellée par l’administration du département de la Dor¬ dogne, pour fournir les renseignements deman¬ dés par le ministre de la justice, en exécution du décret de la Convention nationale, rendu contre Coustin-Bourzolles. Il résulte des recherches faites par la munici¬ palité et des éclaircissements donnés, tant par l’accusateur public, que les rapporteurs qui par¬ lèrent dans la séance tenue par le directoire du département de la Dordogne le 3e jour de la 3e décade du 1er mois de l’an II de la Répu¬ blique, que Bourzolles, abusant d’une liberté précaire, mangeait dans les auberges de Péri-gueux, peu de jours après sa sortie de prison; que se trouvant un jour du mois de mai dernier, dans une des auberges où il avait accoutumé d’aller, et où vivaient des administrateurs du département et l’accusateur public, il tint quelques propos inciviques; que le 30 du même mois, Modènes, administrateur du département, ayant entendu ces propos en fit la dénonciation à l’administration, qu’il ne fut donné aucune suite à cette dénonciation jusqu’au 12 juillet suivant, époque à laquelle le directoire prit un arrêté, aux termes duquel, cette dénonciation devait être envoyée à l’accusateur public près le tribunal criminel du département de la Dor¬ dogne, que cet envoi fut fait dès le lendemain, qu’ alors, Bourzolles réintégra les prisons, que l’accusateur public fit entendre les témoins et interroger Bourzolles, qu’il présenta ensuite l’affaire au tribunal criminel, que le tribunal criminel se déclara incompétent, renvoya les pièces devers le département, arrêta enfin que le tout serait transmis à la municipalité de Péri-gueux pour procéder contre Bourzolles, confor¬ mément à la loi du 11 août 1792- Le directoire du département prétend que cet envoi à la municipalité de Périgueux fut fait le 18 juillet dernier, époque à laquelle le procu¬ reur de la commune était malade et le maire absent, faisant alors les fonctions de payeur général au département de la Gironde, par ordre de la trésorerie nationale. La municipalité de Périgueux observe : 1° qu’au terme de la loi du 11 mars dernier, la procédure, instruite contre Bourzolles, ne de¬ vait point lui être envoyée, mais bien au tribunal criminel extraordinaire établi par la loi du 10 mars. Aussi l’accusateur public, sur la demande du ministre de la justice, ayant réclamé la remise de la procédure, instruite contre Bourzolles, le procureur de la Commune lui répondit qu’il n’en avait aucune connaissance, et qu’il n’était pas même probable qu’elle eût été envoyée à la municipalité au mépris de la loi du 11 mars dernier. Cependant, comme l’accusateur public insista, et qu’en exécution de l’arrêté du direc¬ toire du département le commissaire procureur général syndic certifia que cet envoi avait été fait, le procureur de la commune fit faire la recherche de cette procédure; il fallut fouiller pendant un jour et demi parmi tous les papiers de la municipalité, où cette procédure se trou¬ vait en effet, et fut, sur-le-champ, remise à l’accusateur public. La municipalité ignore absolument comment, et à quelle époque cette procédure a été remise à la maison commune; si Bourzolles fut remis en prison, après avoir été interrogé par le tri¬ bunal criminel, et comment il en est sorti, il n’en existe aucune trace sur les registres du gar¬ dien des prisons, et la municipalité n’en a jamais eu la moindre connaissance. Il serait donc im¬ possible qu’elle eût pu donner aucune suite à la procédure instruite contre Bourzolles, en sup¬ posant que celle-là eût été de sa compétence. D’ailleurs qu’aurait pu faire la municipalité, aux termes de la loi du 11 août 1792? Elle aurait dû entendre les témoins, interroger l’accusé, décerner le mandat d’arrêt, s’il y avait lieu, renvoyer ensuite le tout au directoire du dépar¬ tement ou au tribunal criminel extraordinaire, et tous ces préalables se trouvaient remplis, puisque le tribunal criminel avait interrogé les témoins et l’accusé, que Bourzolles était dans les prisons, et que la procédure était dans les mains de l’ administration du département; mais d’après la loi du 11 mars dernier, au heu que l’accusateur public ou le tribunal criminel renvoyassent la procédure dont il s’agit au dépar tement, et le département à la municipalité, cette procédure devait être directement envoyée au tribunal criminel extraordinaire. La municipalité a cru devoir donner ces expli¬ cations au ministre de la justice, persuadée qu’il voudra bien se pénétrer de la vérité et la faire connaître à la Convention nationale dans le cas où il eût pu se commettre quelques erreurs dans la relation des faits. Pièce n° 3. Copie d'une lettre du citoyen Debrigeas, accusa¬ teur public près le tribunal criminel du dépar¬ tement de la Dordogne, datée de Périgueux, le 30 du premier mois de la 2e année de la République, au ministre de la justice (1). « Je reçus le 26 du courant le décret de la Convention nationale n° 2063; relatif au ci-de¬ vant Coustain -Bourzolles, avec votre lettre d’avis du 21e jour du courant, où vous me char¬ gez de prendre et de vous faire parvenir les renseignements dont parle l’article 2 du décret, et de faire traduire cet individu au tribunal criminel extraordinaire. Il ne m’était pas pos¬ sible d’exécuter cette dernière disposition de la (1) Archives nationales, carton F7 4613, dossier Bourzolles ,