188 [Assemblée nationale.] ABCHIYES PARLEMENTAIRES. [31 octobre 1790.] Comme l’intention de l’Assemblée nationale n’est pas qu’on obtienne le paradis par de pareilles voies, il convient, pour y obvier, qu’on iïxe à un mois seulement les fonctions des membres des comités des recherches. Il est certain que, quand ce régime aura été établi, les fonctions des membres des comités des recherches ne seront pas plus nuisibles aux citoyens, que ne le seront à l’Etat celles des commandants des troupes nationales, quand elles auront été fixées à trois mois, ou à six mois tout au plus. QUATRIÈME ANNEXE A LA SÉANCE DE L’ASSEMBLÉE NATIONALE DU 31 OCTOBRE 1790. Lettre de M. Le Couteulx de Canteleu, à MM. les membres du comité de Constitution , touchant V étendue de la compétence des juges de commerce. Messieurs, l'article 3 du titre XII du décret sur l’organisation judiciaire, qui traite des juges en matière de commerce, ordonne qu’il sera fait un règlement particulier pour déterminer d’une manière précise l’étendue et les limites de la compétence des juges de commerce; cette disposition nous annonce que vous prendrez de nouveau en considération cette partie si importante de l’organisation judiciaire, et elle me permet de vous faire quelques observations que je vous prie d’accueillir avec l’indulgence qui est due à un négociant qui a particulièrement à cœur d’affermir le bienfait d’être jugé par ses pairs. Je ne vois pas, Messieurs, avec évidence, que l’Assemblée nationale ait déterminé d’une manière claire et positive à quels tribunaux doivent être portés les appels des jugements des tribunaux de commerce. Je me fais d’abord un devoir de me rappeler nos décrets ; je les considère comme les bases posées par l’Assemblée nationale elle-même dans la discussion que j’entreprends. L’article 3 du titre II est ainsi énoncé : « Les juges seront élus par les justiciables. » L’article 1er du titre V : « Les juges de district seront juges d’appel les uns à l’égard des autres. » L’article 7 du titre X : « L’appel des jugements des tribunaux de district ne sera pas reçu si l’appelant n’a pas signifié copie du certificat du bureau de paix du district où l’affaire a été jugée, constatant que la partie adverse a été inutilement appelée devant ce bureau pour être conciliée sur l’appel, et qu’il a employé sans fruit sa médiation. » L’article 2 du titre XII : « Ce tribunal (le tribunal de commerce) connaîtra de toutes les affaires de commerce, tant de terre que de mer, sans distinction. » L’article 7 du même titre : « Les juges de commerce seront élus dans l'assemblée des négociants, banquiers, marchands, manufacturiers, armateurs et capitaines de la ville où le tribunal sera établi. » Une grande question de commerce maritime est jugée au tribunal d’une grande ville de commerce. On appelle, et, dans la supposition qu’en effet l’appel des tribunaux de commerce devrait être porté aux districts, l’appelant fait usage de son droit de récuser un certain nombre de tribunaux. Il récuse, et pour cause, ceux qui, en second ordre, réuniraient plus de lumières en commerce maritime. On serait donc obligé de porter son appel devant les juges de quelques petites villes méditerranées. Telle soit leur intégrité, autant vaudrait être jugé en matière de commerce par un synode. J’ajoute, Messieurs, qu’il sera difficile de concilier l’esprit et la lettre de l’article 9 du titre XII de l’organisation des tribunaux, avec le décret qui porte que, dans les districts où il n’y a pas de tribunaux de commerce, les juges de district connaîtront en première instance des matières dont connaissent les tribunaux de commerce et sans appel jusqu’à 1,000 livres. De deux choses l’une : ou il est indifférent pour le commerce intérieur et maritime d’être jugé par ses pairs, ou de l’être par des juges étrangers aux matières de commerce. Si cela est indifférent, il ne fallait pas de tribunaux de commerce. C’est une surcharge de plus pour les citoyens. Si, au contraire, et comme il y a longtemps que cela est prouvé, la prospérité du commerce est attachée a ces tribunaux qui sont l’ouvrage d’un des grands hommes que la France ait vus naître, par quelle fatalité, disons inconséquence, les négociants-marchands, armateurs, manufacturiers et banquiers, seraient-ils privés de l’inestimable avantage d’être jugés en matière de commerce, comme en matière civile, par des juges de leur choix, en dernière comme en première instance ? Il me paraît que l’égalité des droits et avantages, qui fait la base de la Constitution, exigerait la même disposition pour les tribunaux de commerce que celle qui a été adoptée pour les tribunaux de districts. L’article 9 du même titre : « Nul ne pourra être élu juge d’un tribunal de commerce s’il n’a résidé et fait le commerce au moins depuis cinq ans dans la ville où le tribunal sera établi, et s’il n’a trente ans accomplis. Il faudra être âgé de trente-cinq ans et avoir fait le commerce pendant dix ans pour être président. » D’après les décrets ci-dessus rapportés, il est hors de doute que l’Assemblée nationale a voulu: 1° Que les justiciables choisissent eux-mêmes leurs juges; 2° Que les tribunaux, juges de paix exceptés, soient juges d’appel les uns à l’égard des autres. Ainsi il n’existe en France que deux ordres de tribunaux : l’un de district, pour juger des matières au civil et des affaires criminelles; l’autre pour juger des matières de commerce intérieur et maritime. La loi veut que les juges qui composeront les tribunaux de commerce soient très versés dans les matières de commerce et ne soient élus que par des gens de commerce, plus à portée de connaître leur expérience et leurs talents que les autres citoyens. Ceci posé, il semble que la solution de ma discussion devient facile. Les juges doivent être nommés par les justiciables; les juges des tribunaux de commerce doivent être des hommes de commerce; les juges de district seront j< ges d'appel les uns des autres. Donc les appels des jugements des tribunaux de commerce doivent être portés aux autres tribunaux de commerce établis dans les districts du département ou des départements voisins. II y aurait contradiction évidente entre les [Assemblée nationale.) ARCHIVES PARLEMENTAIRES, [2 novembre 1790.) 189 principes de l’Assemblée nationale, qui l'ont déterminée à vouloir que les justiciables nomment leurs juges, et que les juges des tribunaux de commerce soient élus seulement par les gens de commerce, et un décret qui prononcerait que les appels des jugements des tribunaux de commerce seraient portés aux tribunaux de districts, dont les connaissances en matière de commerce n’ont pas été présumées, par l’Assemblée nationale, ni assez positives, ni assez étendues pour qu’elle ait cru, en matière de marchandises et de commerce maritime, leur conüer les intérêts des citoyens. Enfin, pour conserver l’unité des principes, ne pensez-vous pas, Messieurs, que, si le décret qui donne aux juges de district le pouvoir de juger des affaires de commerce, dans les districts où il n’y a pas de tribunaux de commerce, les ramène au même degré des tribunaux de commerce, et qu’en cette partie ils représentent (puisqu’on l’a voulu) les personnes désignées en l’art. 9? Il serait convenable, au moins pour conserver l’unité des principes, que l’Assemblée nationale se déterminât de décréter que « les appels des jugements en matière de commerce seront portés au choix des parties, soit qu’ils soient rendus par les tribunaux de commerce ou par les tribunaux de districts, devant les autres tribunaux séant dans l’étendue du département, ou devant les tribunaux de commerce des départements voisins, dont il sera fait un tableau pour chaque département, contenant au moins cinq tribunaux où l’appel sera porté. » Il conviendrait aussi qu’il y eût près des tribunaux de commerce un tribunal de paix, aux mêmes fins que celui mentionné dans l'article 7 du titre X dont est ci-dessus parlé. Les arrêts de défenses ne sont point à craindre dans le plan que je propose; les tribunaux de commerce en connaissent mieux que personne les inconvénients. Je conviens qu’on doit peu les craindre, soit que l’appel y soit exclusivement porté, soit qu’il y ait lieu aux tribunaux de district, puisque l’un et l’autre ne seront qu’éven-tuellement saisis. Quoi qu’il en soit, l’idée de la supériorité est si agréable au cœur humain que la loi ne peut être trop claire et trop sévère sur ce point. L’Assemblée nationale pourrait décréter que « dans aucun cas le juge déjà saisi de l’appel ne pourra arrêter l’exécution provisoire du jugement dont est appelé, quand l'intimé aura fourni caution des choses à juger. » Je sais qu’on peut combattre mon opinion sur l’appel des tribunaux de commerce aux autres tribunaux de commerce circonvoisins en s’appuyant de l’exemple des parlements, qui jugeaient de toutes les matières. Je répondrai qu’un abus qu’on détruit n’est point une autorité, mais qu’il faut observer que les parlements qui jugeaient des affaires de commerce intérieur et maritime étaient peu éloignés du commerce de la mer; qu’ils étaient fixés dans les grandes villes où se réunissent toujours un grand commerce et les lumières de toute espèce : d’ailleurs, ils avaient la faculté (et dont les plus sages usaient souvent) de consulter les négociants et les anciens marins sur les affaires de commerce qui les embarrassaient. Ces négociants, ces marins, ils les trouvaient dans le sein de leur ville et de leur société. D’où je conclus que si, contre l’esprit mêtne et l’ensemble de la Constitution, l’appel des tribunaux de commerce était dévolu aux juges de district, le dernier remède au vice d’une semblable organisation serait celui de dire que cet appel ne serait porté que devant les tribunaux de district dans le lieu desquels serait établi un tribunal de commerce, à l’exception de Paris, où les justiciables des tribunaux de commerce auraient le choix dans les divers tribunaux établis dans son enceinte. Permettez-moi , Messieurs, de terminer cette lettre en vous faisant une question à laquelle les circonstances donnent lieu , qu’il existait dans les parlements, soit par des arrêts de défense, soit par d’autres procédures abusives ou des appels inconsidérément reçus, beaucoup de causes de commerce qui n’ont pas reçu de jugement définitif. Ne croyez-vous pas, Messieurs, que toutes celles qui sont dans ce cas devraient être renvoyées aux tribunaux de première instance, ou à ceux qui les représentent, pour être reprises eu l’état où elles étaient lors de l’appel ou de l’arrêt de défense? Une chose sainte, et qui méritera à l'Assemblée nationale les bénédictions de la classe la plus intéressante de la marine, celle des pêcheurs, c’est d’établir dans chaque port du royaume un tribunal composé de prud’hommes anciens maîtres pêcheurs, pour y juger en dernier ressort, jusqu’à 500 livres, les contestations qui surviennent entre les maîtres pêcheurs pour avaries, raptiries des filets et autres hasards des pêches, et conformément à l’ordonnance de la marine, pour ce qui concerne la pèche seulement, leur compétence devant expirer lorsque le bateau est amarré au quai. Je suis avec respect, Messieurs, votre très humble et obéissant serviteur, etc. Paris, le 31 octobre 1790. ASSEMBLÉE NATIONALE. PRÉSIDENCE DE M. BARNAVE. Séance du mardi 2 novembre 1790, au matin (1). La séance est ouverte à neuf heures et demie du matin. M. Lanjuinais, secrétaire , donne lecture du procès-verbal de la séance du dimanche 31 octobre dernier. Le procès-verbal est adopté. M. Gillet-I�ajacquemmière. Un événement malheureux vient d’arriver à Auxerre : le bureau des coches a été incendié et le fermier des messageries de cette ville se trouve dans la plus triste position. Hors d’état de remplir les clauses de son bail, il mérite d’obtenir l’indulgence de l’Assemblée nationale. Je demande que le comité des tinauces soit chargé d’examiner ses pertes et de vous en rendre compte. (Cette motion est adoptée et cette affaire est renvoyée au comité des finances.) L’Assemblée ordonne ensuite que la liste complète des membres qui composent le comité de santé sera insérée dans le procès-verbal ainsi qu’il suit ; (1) Cette séance est incomplète au Moniteur.