ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [7 octobre 1789.] 380 [Assemblée nationale.] M. Démemiier soutient qu’il s’agit de faire une loi constitutive et non une loi de linauces et que le mot revenu est inutile. M. Barrère de Vieuzac demande que l’article soit ainsi rédigé : « Toute charge publique sera supportée proportionnellement, etc. », de manière que les propriétés et revenus de tous les citoyens, sans distinction, contribuent par une juste proportion aux besoins publics. M. le comte de Mirabeau. Les contributions publiques ne peuvent être supportées également par tous les citoyens ; car tous les citoyens n’ont pas les mômes moyens, les mêmes facultés, ni par conséquent l’obligation de contribuer également au maintien de la chose publique. Tout ce qu'on peut exiger, c’est qu’ils y contribuent en proportion de ce qu’ils peuvent. Encore y a-t-il une classe de citoyens qui, privée des dons de la fortune, n’ayant à peine que le nécessaire, devrait par là même être entièrement exemptée. Lisez l’article 21 delà déclaration des droits(l), de cette déclaration dont on ne m’accusera pas d’être le panégyriste, et voyez copame l’article relatif aux contributions publiques y est exprimé. Voyez s’il n’établit pas la proportion des fortunes comme la base de la répartition des taxes, au lieu de cette égalité qui, sans contredit, serait l’iD égalité la plus inique et la plus cruelle. Vous dites que les contributions doivent être également supportées par tous les biens ; mais ne voyez-vous pas que par celte phrase vous attaquez un principe que vous avez reconnu et consacré, savoir : que la dette nationale ne pouvait être imposée. A cet égard, la foi publique est engagée aux créanciers de l’Etat dans lés mêmes actes par lesquels la nation est devenue leur débitrice ; les sommes qu’elle a reconnu leur devoir, les rentes qu’elle a promis de leur payer, sont déclarées payables, sans aucune imposition ni retenue quelconque. Sans doute, dans les grands besoins de l’Etat, les capitalistes ne lui refuseraient pas leur assistance ; mais c’est un acte volontaire que le patriotisme leur dicterait, et qu’on ne pourrait rendre forcé sans injustice. (A ce mot de capitalistes, il s'élève quelques murmures.) Vos murmures, Messieurs, m’affligent autant qu’ils vous honorent ; un mot impropre m’est échappé; je m’explique : ce n’est pas des capitalistes que j’entends parler, et vous avez bien dû le sentir; mais des rentiers, de ceux, en un mot, qui, ayant avancé leur argent à l’Etat dans ses besoins urgents, et pour éviter aux peuples de nouveaux impôts, ont seuls à celte époque couru toutes les chances de la défense publique, et qui, par conséquent, peuvent être considérés comme ayant payé d’avance ces mêmes impôts que, suivant l’article proposé, on voudrait aujourd’hui leur faire supporter une seconde fois. M. Deschamps, député de Sens , observe qu’il serait fait une exception dangereuse pour les charges délibérées dans les Etats des provinces. M. Brostaret veut qu’on dise charges publi - (1) Cet article est ainsi conçu : Pour l’entretien de la force publique et des frais de l’administration, une contribution commune est indispensable, et sa répartition doit être rigoureusement proportionnelle entre tous les citoyens, en raison de leurs facultés. ques de quelque nature qu’elles soient et qu’on ajoute propriétaires afin d’embrasser les possessions des étrangers. M. Pélion de Villeneuve propose en (In une rédaction qui réunit tous les suffrages et qui est adoptée ainsi qu’il suit : « Art. 5. Toutes les contributions et charges publiques, de quelque nature qu’elles soient, seront supportées proportionnellement par tous les citoyens, etpar tous les propriétaires, à raison de leurs biens et facultés. » On allait passer à l’article 6, lorsque M. le due de Levis a prétendu que l’on devait interrompre cette discussion pour passer sur-le-champ à l’organisation des assemblées provinciales. M. Démeunier lui réplique avec avantage. La discussion s’élève sur l’article 6, ainsi conçu : « Art. 6. Aucun impôt ne sera accordé que pour le temps qui s’écoulera jusqu’au dernier jour de la session suivante; toute contribution cessera de droit à celte époque, si elle n’est pas renouvelée. » M. le duc de Mortemart pense que cet article doit être divisé. Il existe deux sortes d’impôts, le premier destiné à l’acquittement de la dette publique ; le second destiné aux besoins journaliers de l’administration. L’impôt de la première espèce ne peut pas être suspendu ou renouvelé tous les ans, il doit durer toujours. M. Pison du Galand. Le précédent comité de Constitution a fait une distinction formelle de la liste civile. M. Fréleau. De ce que la dette publique est sacrée, s’ensuit-il que nous devons voter un impôt perpétuel? Mais la dette personnelle des besoins de l’Etat nous est aussi sacrée, et toutes les sortes d’impôts sont sur la même ligne. Nous devons à nos commettants de maintenir leur liberté, leur indépendance, et nous ne le pouvons qu’en déterminant que les impôts pourront être suspendus et renouvelés à toutes les législatures. M. le comte de Mirabeau. J’appuie les réflexions des deux préopinants. La dette publique ayant été solennellement avouée et consolidée, les fonds destinés à en acquitter les intérêts et à en rembourser les capitaux ne doivent point être sujets aux variations, aux caprices des législateurs; ils doivent d’abord être fixés, sans cependant cesser d’être soumis à l’administration et à l’inspection du Corps législatif. Limiter à un an la durée des impôts sur lesquels sera assurée la dette publique, c’est donner au Corps législatif le droit de mettre chaque année la nation en banqueroute. Une nation voisine, l’Angleterre, qui s'entend également bien à maintenir le crédit national et la liberté, a pris une marche très-différente. Tous les impôts nécessaires aux payements des intérêts de la dette publique y sont votés jusqu’à l’extinction de la dette. On n’y renouvelle, d’année en année, que ceux qui doivent servir aux dépenses publiques, telles que l’armée et la flotte. Chez ce peuple prudent, on a su concilier avec la liberté, avec la sûreté de la Constitution, ce que la nation devait non-seulement à ses créanciers, mais au soutien et à la splendeur du trône. La liste civile, c’est-à-dire la somme assurée 1 annuellement au Roi, pour la dépense de sa mai-4