SÉANCE DU 24 VENDÉMIAIRE AN III (15 OCTOBRE 1794) - N08 21-23 171 les autorités constituées fassent exécuter vos décrets bienfaisans. Je demande que la municipalité du domicile de la mère du pétionnaire qui est à la barre, soit tenue de rendre compte du retard qu’elle a éprouvé. Bar assure que la municipalité n’est pas coupable, parce que les trois enfans de cette mère plus occupés de vaincre que de tout autre objet, n’avoient point envoyé de certificats. LEMANE : Il est une mesure générale à prendre. Ordonnez à votre comité des Secours d’appeller près de lui la commission qui est chargée de les distribuer; qu’il lui fasse rendre compte de ses opérations ; par là vous connoîtrez si les indemnités sont distribuées dans toute la République selon vos désirs. Décrété (49). La Convention charge de plus ce comité d’appeler auprès de lui la commission des secours, pour qu’elle rende compte de l’emploi qu’elle a fait des sommes mises à sa disposition (50). La Convention nationale décrète que son comité des Secours se fera rendre compte, sans délai, par la commission des secours, de la distribution qu'elle a dû faire, conformément à la loi, des sommes destinées aux parens des braves défenseurs de la patrie, et lui en fera un rapport dans le plus bref délai (51). 21 La Convention nationale, après avoir entendu le rapport de [de OUDOT au nom de] son comité de Législation sur la lettre de la commission des administrations civiles, police et tribunaux, dans laquelle elle expose que trois moissonneurs de la commune d’ingrandes [?] se sont plaints de ce que, retournant chez eux après la moisson, et emmenant trois quintaux de grains qui étoient le prix de leur travail, leur grain, la voiture et les chevaux qui les transportoient ont été confisqués, sous le prétexte qu’ils n’avoient point d’acquit à caution ; Considérant qu’un grand nombre de plaintes ont été déjà portées sur le même objet, et qu'elle a déjà décidé qu’elle n’avoit pas voulu assujetir à la formalité de l’acquit à caution les cultivateurs et les propriétaires à raison du transport des grains qu’ils se partagent après la récolte, et qu’ils conduisent à leur domicile, non plus que les moissonneurs ou les batteurs qui emportent des grains qu’on leur a donnés pour salaire de leurs travaux, décrète : (49) J. Paris, n° 25 ; Mess. Soir, n° 788. (50) Moniteur, XXII, 247. (51) P.-V., XLVII, 182. C 321, pl. 1335, p. 34, minute de la main de Pelet, rapporteur. F. de la Républ., n° 25; J. Fr., n” 750; J. Pains, n° 25; Mess. Soir, n° 788; M.U., XLIV, 380. Article premier. - Sont déclarés nuis et comme non-avenus tous jugemens qui auraient été rendus contre des propriétaires ou cultivateurs, à raison du transport qu’ils auroient fait des grains provenant de leurs fonds après la récolte, ou contre des ouvriers batteurs ou moissonneurs, pour avoir emmené des grains qui leur ont été cédés pour prix de leurs travaux, sous prétexte qu’ils n’étoient pas munis d’acquit à caution pour les transporter dans leurs domiciles. Art. II. - Les grains, chevaux et voitures qui auront été confisqués en vertu de ces jugemens, ou leur valeur s’ils ont été vendus, et l’amende si elle a été payée, seront restitués à ceux qui auront essuyé ces condamnations. Art. III. - Le présent décret sera inséré au bulletin de correspondance (52). 22 La Convention nationale, après avoir entendu le rapport de [de OUDOT au nom de] son comité de Législation, sur plusieurs pétitions tendantes à dispenser ceux qui demandent le divorce contre des époux qui résident en pays étrangers de la citation au dernier domicile, décrète que celui qui, poursuivant le divorce, établira par un acte authentique ou de notoriété publique que son époux est émigré, ou qu’il est résident en pays étrangers ou dans les colonies, sera dispensé de l’assigner au dernier domicile, et le divorce sera prononcé sans aucune citation (53). 23 LECOINTE-PUYRAVEAU : Les germes des vertus que le despotisme étouffoit se développent maintenant de toutes parts dans la République, et les Français, qui étonnent le monde par leur courage guerrier, peuvent encore lui fournir des modèles de tous les genres de dévouement pour la cause de l’humanité. S’ils combattent avec audace les esclaves et les tyrans, ils savent se secourir entr’eux avec intrépidité. La postérité leur devra tout-à-la fois et les palmes de la victoire et les couronnes civiques. Le comité des Secours publics m’a chargé de présenter à votre admiration l’action du citoyen Charlemagne Grinchon, de la commune (52) P.-V., XLVII, 182-183. C 321, pl. 1335, p. 35, minute de la main de Oudot, rapporteur. Bull., 24 vend, (suppl. 1); J. Fr., n’ 751; J. Univ., n° 1787; Rép., n° 29. (53) P.-V., XLVn, 1823. C 321, pl. 1335, p. 36, minute de la main de Oudot, rapporteur. J. Fr., n° 751; J. Paris, n’ 25; J. Perlet, n° 752; M.U., XLIV, 394. 172 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE d’Amiens, et de provoquer pour lui votre justice. Voici le fait : Le 22 floréal, Grinchon, père de famille, étoit sur le bord d’un canal dont les eaux sont profondes et rapides ; il y voit tomber la jeune citoyenne Martin : elle va périr. Grinchon n’oublie pas qu’il est Tunique appui d’une jeune femme enceinte, et d’un premier enfant encore en bas âge. Mais la mort de la citoyenne Martin est certaine s’il diffère, et il est possible qù’il ne périsse pas en voulant la secourir. Il se précipite après elle, et parvient à la ramener sur le bord, et à la rendre à sa famille. Ce généreux dévouement de Grinchon a sauvé la vie de la citoyenne Martin, mais il a eu des suites funestes pour lui. Depuis l’époque où il fit cet acte de vertu, il a été malade, et Test encore. Tels sont les faits attestés par un extrait du registre des délibérations du conseil général de la commune d’Amiens. Il a suffi de les exposer pour exciter tout votre intérêt. L’éloge que je voudrois en faire n’y pourroit rien ajouter. Je me bornerai donc à une réflexion : c’est la considération que les législateurs attachent aux actions vertueuses qui fait les hommes vertueux; ce sont les honneurs rendus à la vertu, par ceux qui tiennent les rênes du gouvernement, qui excitent pour elle l’enthousiasme généreux, conservateur des Républiques. Hâtez-vous donc de publier le dévouement civique de Grinchon, rendez vos mentions honorables précieuses, en lui en applicant une, donnez lui ce témoigange authentique de l’estime nationale; vous le lui devez. Il est deux manières de servir la patrie : Tune, en combattant ses ennemis : l’autre, en conservant ses citoyens. Enfin, Grinchon est indigent et malade ; vous lui devez des secours ; on ne sauroit trop en répandre dans le sein des bons citoyens. Lecointe lit un projet de décret qui est adopté en ces termes (54) : La Convention nationale, sur le compte qui lui a été rendu par son comité des Secours publics, du dévouement civique de Charlemagne Grinchon, père de famille, de la commune d’Amiens [Somme], qui, le 22 floréal dernier, se jeta à l’eau dans un canal profond pour en retirer la citoyenne Martin, qui venoit d’y tomber, et qui alloit périr, décrète : Article premier. - Le nom du citoyen Charlemagne Grinchon sera honorablement inscrit au procès-verbal. Art. II. - La Trésorerie nationale fera passer, sans délai, au receveur du district d’Amiens la somme de 500 L, qui sera comptée par lui au citoyen Charlemagne Grinchon, sur la présentation du présent décret. Art. III. - L’extrait du registre des délibérations du conseil-général de la commune d’Amiens est renvoyé au comité (54) Bull., 26 vend. Moniteur, XXII, 265. d’instruction publique, pour que le récit de la conduite de Grinchon soit consigné dans les annales civiques de la République française (55). 24 RÉAL, au nom du comité des Finances : Citoyens, un conspirateur, Anisson-Duperron, a été frappé du glaive de la loi. Parmi les biens de sa succession que le trésor national est appelé à recueillir se trouvent les droits et propriétés qu’il avait sur la manufacture de papiers établie à Buges. Anisson avait, pour associé et copropriétaire éventuel dans cette manufacture, le citoyen Leorier-Delisle, créateur de cet établissement, et sur lequel il a aujourd’hui des droits acquis et certains. La papeterie de Buges exige toute votre surveillance. Elle est aujourd’hui la seule où se fabrique le papier-assignat par des procédés nouveaux. Sa position avantageuse, la vaste étendue des bâtiments et la bonté de son papier lui ont fait accorder la préférence. Pour assurer le service de la Trésorerie nationale, qui ne peut souffrir aucun retard, il importe de faire procéder promptement à l’estimation et à l’aliénation des droits appartenant à la nation dans la manufacture de Buges. La nation ne peut conserver avec avantage une propriété indivise avec un citoyen. Il faut qu’elle achète sa portion ou qu’elle vende la sienne. Avant de vous proposer d’aliéner cette manufacture, votre comité des Finances a examiné s’il ne serait pas plus avantageux à la nation de la conserver pour la fabrication des assignats. Pour se décider sur ce point, il a examiné de nouveau la question de savoir si la fabrication des assignats pouvait être faite avec plus d’avantage par le moyen d’une régie que par l’intermédiaire d’un fabricant dont toutes les opérations sont exactement surveillées par un représentant du peuple et par un inspecteur national, sur qui pèse essentiellement la responsabilité. Il s’est convaincu qu’une régie de cette nature serait beaucoup plus dispendieuse que le mode actuel, et qu’elle pourrait compromettre l’exactitude et la célérité du service. Il est une vérité reconnue, qu’il est avantageux à la République de favoriser les établissements particuliers, qui la dégagent des agences ou des régies nationales toujours onéreuses. Les mêmes motifs avaient déjà déterminé votre décret du 7 juin 1793, qui, en prescrivant (55) P.-V., XLVn, 183-184. C 321, pl. 1335, p. 37, minute de la main de Lecointe-Puyraveau, rapporteur. Bull., 26 vend. ; Débats, n° 753, 366; Ann. Patr., n° 653; F. de la Républ., n° 25; J. Perlet, n° 752; Mess. Soir, n° 788; M.U., XLIV, 381, 409.