530 lAuemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [3 mai 1181.1 réunion à la France, qui a été jugé par tous les députés de ces communes qui vous ont envoyé leur adhésion. Ne croyez pas, Messieurs, que ces adhésions soient le fruit, comme ou a cherché à vous le faire entendre, de la violence des excès. Qui est-ce qui a commis les excès dans tous les temps? L’a ssemblée représentative de Carpentras. Je défie que l’on cite une seule circonstance où les Avignonais soient sortis de chez eux que pour réparer les excès les plus criminels de la part de cette assemblée. Enfin, quand les Avignonais sont-ils sortis de leurs foyers? Lors de l'affaire de Cavaillon. Pourquoi les Avigoonais sont-ils sortis de leurs foyers? Parce que 4,000 brigands envoyés par l’assemblée représentai ive de Carpentras allaient saccager, piller Cavaillon, y avaient abattu les armes de France qui y avaient été arborées, séjournaient chez les citoyens malgré eux, et enfin faisaient de leurs pays un pays absolument ennemi. 1,200 habitants sont venus implorer le secours des Avignonais. Voilà pourquoi les Avignonais sont allés à Cavaillon ; c’était pour faire rentrer ces citoyens dans leurs foyers. Le vœu des habitants de Cavaillon était de se réunir à la France ; ils avaient manifesté ce vœu avant qu’il y eût ni violences ni excès. Qui a voulu les forcer dans leur vœu? C’est l’assemblée de Carpentras. Dans quelle autre circonstance les Avignonais sont-ils sortis de leurs murs? C’est pour se faire rendre les prisonniers qui avaient été faits avec brigandage de la part de l’armée des Comtadins. Quand 6ont-ils sortis de leurs foyers enfin ? Lors de la cruelle affaire de Vaison, lorsque les Comtadins avaient commis des assassinats. Voilà quand ils sont sortis. Qu’on ne vienne donc plus accuser les Avignonais; qu’on ne vienne donc filus les traiter de factieux ; qu’au lieu de se ivrer à de vaines déclamations, on nous dise dans quelle circonstance ils ont forcé le vœu d’une commune d'aucune ville du Comtat. Non, Messieurs, il n’y pas eu besoin de forcer ce vœu ; ce vœu est absolument libre, et la seule division qui existe dans ce pays est une division entre Carpentras et Avignon, et toutes les communes même veulent la réunion à la France. Enfin il est du plus grand intérêt des Avignonais et de la France, que la réunion soit effectuée. On vous a dit : ce pays est heureux; les impôts y sont très modérés : alors comment concevez-vous que des hommes qui ne sont gênés ni par le régime féodal, ni par le despotisme sacerdotal, puissent désirer de former alliance avec une nation qui a beaucoup d’impôts à supporter? Messieurs, je réponds par un seul mot et Je dis : Voulez-vous une preuve sans réplique que ce pays est mal administré, que ce pays est malheureux? 11 n’y a pas, Messieurs, de pays où le nombre des pauvres soit aussi immense que dans le Comtat; il n’y a pas de pays plus mal cultivé. ( Murmures à droite; applaudissements à gauche.) Vous murmurez, mais vous confondez les idées. C’est sans doute un des plus beaux sols delà nature; mais il est mal cultivé : les récoltes ce suffisent pas aux consommations; l'industrie y est ênée de toutes les manières. Ce pays a le malheur e dépendre du territoire environnant, pour son commerce et pour tous ses besoins. S’il reste séparé de l’Empire français, entouré de douanes oppressives, il sera réduit à la plus affreuse misère. A ces malheurs, ajoutez le joug d’un gouvernement sacerdotal, et jugez si ce peuple ne défait pas être porté à désirer son association à un peuple devenu libre, à un peuple dont il avait antérieurement fait partie, et dont il a toutes les habitudes. Aussi le seul vœu qu’on ait cherché à forcer est celui qui est contraire à la réu-ni0Q* On vous a dit : Ne craignez-vous pas d éveiller la défiance, la jalousie des puissances étrangères? Eh I Messieurs, si les nations étrangères étaient dans l’intention de faire une irruption sur notre territoire, ne croyez pas que ce serait cette réunion ou la non-reunion qui les déterminerait Maintenant on vous propose des mesures provisoires : on vous dit que votre humanité doit vous porter à rétablir le calme et la paix. Mais, Messieurs, avec ces raisons d’humanité et de pacification, ce serait bien là le plus sûr moyen d’avoir la guerre. Quel droit avons-nous, sous prétexte que nos voisins sont en armes, d’aller chez eux pour les pacifier? Et si on ne décide pas qu’Avignon et le Comtat appartiennent à la France, sont un territoire qui en a toujours été inséparable, on n’a pas le droit d’aller sur le territoire du Comtat. On vous a dit . l’incendie peut se communiqner et vous avez le droit d’aller l’éteindre : quelle est donc la seule manière de l’éteindre, et quel est votre droit à cet égard? C’est de mettre un cordon sur les frontières, mais non pas d’entrer dans le territoire. Avec de semblables maximes, l’empereur aurait le droit d’entrer dès demain en France pour se mêler de nos différents. On nous dit ; comme le vœu d’Avignon et du Comtat a pu ne pas être libre, alors les communes d’Avignon et du Comtat s’assembleront pour émettre un vœu libre et volontaire : N’est-ce pas là une vraie dérision? Comment, lorsque vos troupes se trouveront dans ce pays, lorsque vos troupes en auront pris possession, vous exigerez ensuite qu’on émette un vœu, et on regarderait ce vœu comme plus libre, comme plus volontaire, comme plus solennel I Mais à quelle puissance de l’Europe pourrait-on ainsi en imposer? Qui pourrait donc s’aveugler sur ce vœu? Messieurs, cette mesure n’a été nullement méditée, ou c’est une mesure extrêmement perfide que l’on vous propose. Nous mettons toujours la justice de notre côté, mais, d’abord que vous avez le droit, examinez votre intérêt. Votre intérêt est que, si vous ne prenez pas possession de ces pays qui vous ont toujours appartenu, vous pouvez être sûrs que les malheureux habitants vont s’égorger les uns les autres; que le sang va couler de toutes parts ; ue tout ce qui se prépare à Avignon et dans le omtat refluera malgré ce qu’on a dit dans nos provinces méridionales : c’est un incendie, Messieurs, qui se communiquera. Il y a des partis, comme il y en a en France, et les partis de France se rallieront à ces mêmes partis. Ce sera le foyer de la guerre civile qui désolera la France si vous n’avez pas la prudence de proooncer le décret qui vous est proposé par votre comité. C’est à quoi je conclus. (Vifs applaudissements à gauche .) M. Goupll-Préfeln, un des secrétaires. Messieurs, M. le Président m’ordonne de vous donner communication d’une lettre à lui adressée par M. l’évêque de Vaison; la voici ; « Monsieur le Président, je ne puis passer sous silence les infâmes calomnies que M. Bouche s’est permises contre moi. L’honneur de l’église est compromis, puisqu’en cette qualité je serais plus coupable, si les horreurs dont m’accuse M. Bouche étaient aussi prouvées qu’elles sont fausses. Je réclame, Monsieur le President, la justice de Tau- (Assemblée nationale.} ARCHIVES PARLEMENTAIRES* (3 mai 1791.] Kgi guslé Assemblée que vous présidez; et je la prie de prendre en considération l’accusation calomnieuse de M. Bouche et de l’obliger d’en fournir la preuve. « Je n’ai point paru à Vaison depuis le 11 de janvier de cette année, j’étais depuis trois semaines & Valréas, ville de mon diocèse, distante de 4 lieues de Vaison, MM. de la Villasse et Anselme ont péri, il est vrai; mais il est absolument faux qu’on ait chanté un Te Deum à cette occasion ; et je défie M. Bouche de prouver aucune des calomnies dont il veut me noircir, offrant de me soumettre à toute la sévérité des lois, si la moindre partie de mon avance se trouve fausse. « Je déclare que, respectant dans M. Bouche le caractère de représentant de la nation, il se soustrait pour le moment aux actions que je pourrais intenter contre lui. Je me réserve, après cette législature, de le poursuivre devant les tribunaux f)our obtenir vengeance du calomniateur et pour e faire condamner aux réparations que mon honneur et celui des ministres de l’église m’obligent d’exiger de lui. « Je suis avec respect, etc. » « Signé : l’Evêque de Vaison. » « Ce 23 avril 1791. » M. Bouche. Le fait dont vous venez d’entendre lecture est certainement grave; et je serais un homme bien vil si j’avais été coupable de cette calomnie. Voici en peu de mots de quoi il s’agit : Il s’était formé à Avignon une assemblée composée d > s députés de cinquante ou soixante communautés du Comtat qui accédaient au vœu d’Avignon pour la réunion. Pendant quelques jours d’intervalle des travaux decette assemblée, MM. Anselmeet de la Villasse crurent pouvoir s’absenter de l’assemblée dont ils étaient électeurs, et se retirèrent à Vaison. Ce fut pendant leur séjour qu’ils y furent égorgés par une populace enflammée par une instruction ou un mandement de M. l’évêque de Vaison, dont les fragments ont paru... ( Murmures à droite.) Ne vous pressez pas, Messieurs. ( L'opinant se tourne vers la droite.) Cette populace courut à Vaison, et ces deux messieurs furent égorgés comme on l’assure. Les Avignonais, justement indignés du massacre de plus de 20 patriotes et des 2 membres de leur assemblée électorale, se mirent alors en campagne pour venger ce crime; c’est l’époque du premier mouvement de l’armée avi-gnonaise. Vous pouvez vous souvenir, Messieurs, que, lorsque je dénonçai le fait dont il s’agit à l’As-seuiblée nationale, je lui dis que je parlais d’après des lettres que je venais de recevoir. Un membre à droite : Vous ne les avez pas lues. M. Bouche. Ce que je n’ai pas fait alors, je m’en vais ‘le faire, ainsi tenez-vous tranquilles. (, Applaudissements à gauche.) Ces lettres étaient eutre les mains de M. le rapporteur. Eu voici une que je vienB de me procurer; elle est bien et dûment signée par le président de l’assemblée électorale; elle est du 15 avril. « N ou s apprenons à l’instant que plus de 20 patriotes ont été massacrés, que l’évêque de Vaisoa et sou chapitre ont contribué à ce massacre et chaulé un Te Deum en actions de grâce; que M. Anselme a été hacbé par morceaux et qu'on a dansé une farandole autour du cadavre de M. de la Villasse. » Voilà, Messieurs, le récit que j’ai l'honneur de vous faire. Plusieurs membres : L’ordre du jour! M. l’abbé Manry. Je demande que le désaveu de M. l’évêque de Vaison soit inséré dans le procès-verbal. M. Lavie. Je demande que l’ordre du jour soit repris sur-le-champ et je fais la motion expresse que l’affaire d’ Avignon soit terminée aujourd’hui. (Murmures à droite.) M. l’abbé Manry. Je demande que l’on consigne dans le proces-verbal que M. Bouche est convenu qu’il avait été trompé. (Murmures.) C’est pour l’honneur d’un citoyen calomnié que je le réclame. M. Bouché. Noo, certes! je ne l’avoue pas. Plusieurs membres : L’ordre du jourl M. Bouche. Je demande à lire une autre lettre. . . Voit diverses : Non! non! cela n’est pas nécessaire! A l’ordre du jour! M. Lavie. C’est un artifice qu’on emploie pour empêcher la délibération, je fais la motion expresse que l’on décide l’affaire d’Avignon sans désemparer. (Vifs applaudissements à gauche.) M. Malouet se plaint de ce que le public des tribunes rit du petit nombre des opposants. M. le Président intime aux tribunes l’ordre de garder le plus profond silence. (L’Assemblée consultée passe à l’ordre du jour et décrète que l’affaire d’Avignon sera décidée sans désemparer.) M. l’abbé Maury. Je demande qu’elle ne soit pas décidée avant que j’aie été entendu. M. Lavie. Tous les membres de l’Assemblée ont un droit égal à la parole, et il est étrange qu’un homme affecte tant d’importance à se faire entendre. M. l’abbé Maury prendra la parole à son tour si l’Assemblée le veut. Mon vœu individuel est qu’il soit entendu, mais il n’a pas le droit d’exiger que l’Assemblée s’engage envers lui. M. l’abbé Manry. Je demande que lorsque mou tour sera venu ou ne ferme pas la discussion. M. de Montlosier. Il y a mille exemples de décrets semblables rendus eu faveur de M. de Mirabeau. M. Lavie. L’exemple de ce qui s’est passé pour M. de Mirabeau ne conclut nullement pour M. Maury. M. d Esteurmel. Si l’Assemblée veut entendre en ce moment M. l’abbé Maury, je lui céderai mou tour de parole. Voix diverses : Oui! oui! M. de Clermont-Lodève. Nous ne demandons point cela, je suis inscrit et je demande que l’ordre de parole et du jour soit suivi.