386 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [8 octobre 1789.] de pouvoir prendre encore la parole dans cette Assemblée, pour vous faire hommage d’un acte de patriotisme. , Dans toute autre circonstance, Messieurs, vous pensez bien que je n’aurais jamais eü la témérité de vous parler de moi personnellement; mais je vous demande la permission de me rallier en mon ancienne tribu, de joindre ma contribution à la sienne, et de déposer encore sur ce bureau le quart de mon revenu, ainsi qu’il est constaté par la déclaration suivante : « Je déclare que je remets au Trésor royal, pour contribution du quart de mon revenu, et même au delà, 3,000 livres de l’année courante, et 1,000 livres sur l’année prochaine, d’une pension de 1,000 écus que j’ai, et qui représente un fonds de 36,000 francs, restant d’un dépôt que mon malheureux père avait fait pour moi avant de moürir, entre les mains de feue mademoiselle Dillon, qii’elle avait remis au feu Roi et que le feu Roi avait ordonné qu’on me délivrât, et qui ne m’a été rendu que sous le Roi régnant, et par ses ordres. Je me crois doublement obligé à ce sacrifice, en songeant que la justice personnelle du Roi, et l’intérêt manifeste de la nation, ont sauvé pour moi ce faible débris du naufrage sanglant où la perte de ma fortune est la seule chose à laquelle je n’ai pas dû penser. « A Versailles ce 8 octobre 1789. « Signé Lally-Tollendal. » Un membre de V Assemblée, qui avait fait j’offre du quart de son revenu, à demandé s’il né pouvait pas se dispenser de payer la taxe décrétée. Le vœu de l’Assemblée ,a été interrogé, et il a été décrété que ceux qui ont fait des dons patriotiques pourront les faire compter comme portion duquart de leur revenu. On aannoncé que M. de Bonnegens avait donné sa démission de la place de trésorier, pour accepter celle de membre du comité des domaines à laquelle il avait été nommé. Les députés extraordinaires des grandes villes de commerce ont demandé à être admis à la barre, et ont dit : « Nosseigneurs, les manufactures, les villes de commerce intérieur, et les places maritimes de France, accablées des mêmes fers sous lesquels la nation gémissait, ont tourné leurs regards et leurs espérances vers les représentants de la nation. Elles nous ont députés extraordinairement près l’Assemblée nationale, pour lui offrir leurs respects, et pour exprimer le vœu de plusieurs millions d’hommes qui, par leur état, forment le bien commun de la grande famille, de cette foule innombrable d’ouvriers, de matelots, de citoyens de toute espèce, qui, dans la langueur des travaux et de l’industrie, élèvent leurs bras oisifs, implorent une subsistance qui leur a été enlevée, et n’aspirent qu’à la mériter, en fertilisant les J propriétés territoriales, en appropriant les matières j premières à nos besoins, en les exportant chez l’étranger, et lui imposant un véritable tribut, et en portant ainsi le mouvement et la vie dans toutes les parties de l’Empire. « L’importance du commerce, son influence sur la fortune publique et sur les moyens d’acquitter la dette nationale, qu’on tenterait en vain de libérer si on le détruisait, fixeront l’attention la plus sérieuse de l’Assemblée nationale sur une des sources de la richesse et de la population du grand Empire qu’elle s’occupe de régénérer. « Nous ne doutons point, Nosseigneurs, que l’Assemblée nationale , touchée de cette considération, n’accorde la plus haute protection aux manufactures ei au commerce; qu’elle rie daigne accueillir les représentations, les renseignements, les matériaux que leurs députés extraordinaires auront à lui offrir, soit dans des mémoires particuliers, soit dans des interrogàtoirës ou discours à la barre de l’Assemblée, soit dans des discussions aux comités où on leur ferait l’honheùr de les appeler. « Pour présenter à votre sagesse toutes les notions de l’expérience, les seules qu’elle réclame et que nous ayons à lui offrir, il nous paraît ■ indispensable d’être instruits de toutes les motions, directes ou indirectes qui pourraient être relatives aux manufactures ou au commerce, des débats auxquels ces motions donneraient lieu, des mémoires qui sëraieüt lus où remis à l’Assemblée ou aux comités. « En conséquence, nous avons l’honneur de vous supplièr, Nosseigneurs, de nous faire donner communication dé tous lès mémoires qui pourront avoir quelque rapport aux manufactures ou au commerce, et de nous assigner une place, dans une des tribunes qui environnent l’Assemblée, ou dans tel autre endroit que vous jugerez çoùvenable. «.Signé : Nostagny, Abeille, députés de Marseille ; Gdsselin, députe de Lille et de Dunkerque; Devray, député d’Amiens; Gorbun, Bechade, Gusaux, députés de Bordeaux; B. Marchand, B. Nairac, députés de la Rochelle ; Mosneron i’aîné, Mdsneron de Launay, députés de Nantes ; Puhel-berg, député de l’Orient ; Blanche, député du fhtfvre; Quesnel, J. Bodi nier, députés de Saint-Malo ; Louis Niel, député de Dieppe ; Dunbn, dé Mbntmeny, députés de la Chambre de commerce de Rouen. » M. le Président a répondu : Messieurs, le commerce est trop intéressant à l’Etat, pour n’être pas un des principaux objets dessoins de l’Assemblée nationale; elle a depuis longtemps nommé un comité pour s’occuper de cet article si important à la prospérité générale, et elle prendra votre demande en considération. , Pénétrée du plus vif désir de faire tout ce qui peut être Utile à la chose publique, elle recevra toutes les lumières que vous croirez devoir lui donner. La discussion a été ouverte sur cet objet, et , l’Assemblée a décrété : que les motions et mémoires, concernant le commerce , seraient communiqués par MM. du secrétariat du comité de commerce aux représentants des diverses villes de commerce du royaume; Et ensuite, sur la demande de l’un des mem-* bres, il a été décrété que ces mêmes députés auraient une place spéciale dans une tribune particulière. L’ordre du jour a amené la discussion sur une réforme provisoire de quelques points de la jurisprudence criminelle ; on a proposé divers amendements, et ensuite de diviser la matière en quatre articles : ce qui concerne les adjoint�, la publicité, le conseil et l’Assemblée y a consenti les faits justificatifs ; M. Kfcriois de tteaumetz, membre du comité de législation criminelle , a lu divers amendements proposés par le comité de judicature même au ' plan qu’il avait donné. ; Plusieurs membres ayant ensuite paru désirer [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [8 octobre 1789.] 387 que la discussion fût fermée, le vœu de l’Assemblée a été interrogé, et leur avis a été adopté. ? L’Assemblée a décrété ensuite qu’on irait aux voix, article par article, et sans discussion. Les articles ont été adoptés dans l’ordre qui suit : Article 1er. Dans tous les lieux où il y a un ou plusieurs tribunaux établis, la municipalité, et en cas qu’il n’y ait pas de municipalité, la communauté d’habitants nommera un nombre suffisant de notables, eu égard à l’étendue du ressort, >parmi lesquels seront pris les adjoints qui assisteront à l’instruction des procès criminels, ainsi Iflu’il va être dit ci-après. � Art. 2. Ces notables seront choisis parmi les citoyens de bonnes mœurs et de probité reconnue. Ils devront être âgés de 25 ans au moins, et savoir signer. Leur élection sera renouvelée tous les ans. Ils prêteront serment à la commune, entre les mains des officiers municipaux, ou du “’syndic, ou de celui qui la préside, de remplir fidèlement leurs fonctions, et surtout de garder 'an secret inviolable sur le contenu de la plainte, et ès autres actes de la procédure. La liste de 'leurs noms, qualités et demeures sera déposée, dans les trois jours, aux greffes des tribunaux, par le greffier de la municipalité , ou de la communauté. * Art. 3. Aucune plainte ne pourra être présentée au juge qu’en présence de deux adjoints amenés par le plaignant, et par lui pris à son choix. Il ■sera fait mention de leur présence et de leurs noms dans l’ordonnance qui, sera rendue sur la plainte, et ils signeront avec le juge, à peine de nullité. Art. 4. Les procureurs généraux et les procureurs du Roi ou fiscaux qui accuseront d’office, 'seront tenus de déclarer, par acte séparé de la plainte, s’ils ont un dénonciateur ou non ; ils déclareront en même temps son nom, ses qualités et sa demeure, afin qu’il soit connu du juge et des adjoints à l’information, avant qu’elle soit commencée. Art. 5. Les procès-verbaux de l’état des personnes blessées ou du corps mort, ainsi que du lieu où le délit aura été commis, et des armes, hardes et effets qui peuvent servir à conviction *ou à décharge, seront dressés en présence de deux adjoints appelés par le juge, suivant l’ordre du édbleau mentionné en l’article 2 ci-dessus, qui pourront lui faire leurs observations, dont sera .fait mention, et qui signeront ces procès-verbaux, à peine de nullité. Dans le cas où le lieu du délit serait à une trop grande distance du chef-lieu de da juridiction, les notables nommés dans le chef-dieu pourront être suppléés dans la fonction Tl’adjoints aux procès-verbaux, par les membres de la municipalité ou de la communauté du lieu au délit, pris , en pareil nombre , par le juge d’instruction. Art. 6. L’information qui précédera le décret continuera d’être faite secrètement, mais en présence de deux adjoints qui seront également appelés par le juge, et qui assisteront à l’audition 'des témoins. Art. 7. Les adjoints seront tenus en leur âme «t conscience de faire au juge les observations, tant à charge qu’à décharge, qu’ils trouveront nécessaires pour l’explication des dires des témoins, ou l’éclaircissement des faits déposés ; et il en sera fait mention dans le procès-verbal d’information, ainsi que des réponses des témoins. �Le procès-verbal sera coté et signé à toutes les pages par les deux adjoints, ainsi que par le .juge, à l’instant même et sans désemparer, à peine de nullité ; il en sera également fait une mention exacte, à peine de faux. Art. 8. Dans le cas d’une information urgente, qui se ferait sur le lieu mêftiepour flagrant délit, les adjoints pourront, en cas de nécessité, être remplacés par deux principaux habitants, qui ne seront pas dans le cas d’être entendus comme témoins, et qui prêteront, sur-le-champ, serment devant le juge d’instruction. Art. 9. Les décrets d’ajournement personnel de prise de corps ne pourront plus être prononcés ue par trois juges au moins, ou par un juge et eux gradués; et les commissaires des cours supérieures qui seront autorisés à décréter, dans le cours de leur commission, ne pourront le faire qu’en appelant deux juges du tribunal du lieu, ou, à leur défaut, des gradués. Aucun décret de prise de corps ne pourra désormais être prononcé contre les domiciliés, que dans Je cas où, par la nature de l’accusation et des charges, il pourrait écheoir peine corporelle. Pourront péanmoins les juges faire arrêter, sur-le-champ, dans le cas de flagrant délit, ou de rébellion à la justice. Art. 10. L’accusé décrété de prise de corps, pour quelque crime que ce soit, aura le droit de se choisir un ou plusieurs conseils, avec lesquels il pourra conférer librement , en tout état de cause ; et l’entrée de la prison sera toujours permise auxdits conseils: dans le cas où l’accusé lie pourrait pas en avoir par lui-même, le juge lui en nommera un d’office , à peine de nullité. Art. 11. Aussitôt que l’accusé sera constitué prisonnier, ou se sera présenté sur les décrets d’assigné pour être ouï, ou d’ajournement personnel, tous les actes de l’instruction seront faits contradictoirement avec lui, publiquement ; et les portes de la chambre d’instruction étant ouvertes, dès ce moment, l’assistance des adjoints cessera. Art. 12. Dans les 24 heures de l’emprisonnement de l’accusé, le juge le fera paraître devant lui, lui fera lire la plainte, la déclaration du nom du dénonciateur , s’il y en a, les procès-verbaux ou rapports et l’information ; il lui fera représenter aussi les effets déposés pour servir à l’instruction ; il lui demandera s’il a choisi, ou s’il entend choisir un conseil, ou s’il veut qu’il lui en soit nommé un d’office : en ce dernier cas, le juge nommera le conseil, et l’interrogatoire ne pourra être commencé que le jour suivant; pour cet interrogatoire et pour tous les autres, le serment ne sera plus exigé de l’accusé. Il ne le prêtera, pendant tout le cours de l’instruction, que dans le cas où il voudrait alléguer des reproches contre les témoins. Art. 13. Il en sera usé de même à l’égard des accusés qui comparaîtront volontairement gur un décret d’assigné pour être ouï, ou d’ajournement personnel. Art. 14. Après l’interrogatoire, la copie de toutes les pièces de la procédure, signée du greffier, sera délivrée sans frais à l’accusé, sur papier libre, s’il la requiert; et son conseil aura le droit de voir les minutes, ainsi que les effets déposés pour servir à l’instruction. Art. 15. La continuation et les additions d’information, qui auront lieu pendant la détention de l’accusé depuis son décret , seront faites publiquement et en sa présence, sans qu’il puisse interrompre le témoin pendant le cours de sa déposition. La séance a été indiquée au lendemain dix heures du matin.