SÉANCE DU 12 VENDÉMIAIRE AN III (3 OCTOBRE 1794) - N° 49 265 [Le général divisionnaire Villemalet, commandant la seconde division de la côte et place de Marseille, en état de siège, fait passer à la Convention nationale quelques exemplaires des proclamations qu’il a cru devoir faire pour faire rentrer dans l’ordre les agitateurs qui se trouvent dans cette commune ; espère qu’avant peu le calme sera rétabli.] (122) 49 Le président annonce qu’une lettre postérieure à celle qu’on vient de lire, va être lue; elle contient des détails satisfaisans sur la situation actuelle de Marseille. Les continuateurs de Robespierre, ces dominateurs forcenés ne sont plus; Marseille est délivrée du joug odieux des aristocrates et des scélérats ; elle a encore dans son sein ces hommes du 10 août qui, en majorité, n’ont point renversé le trône pour laisser la tyrannie dans les mains impures de quelques êtres souillés de crimes. La Convention décrète l’insertion au bulletin, de cette lettre, et de l’adresse du comité de surveillance révolutionnaire qui l'accompagne (123). Le président annonce qu’une lettre postérieure à celles qu’on vient de lire est entre les mains d’un secrétaire qui va en donner lecture. [Les officiers municipaux de la commune de Marseille à la Convention nationale, du 7 vendémiaire an III] (124) Représentans, Ils ne sont plus ces dominateurs forcenés, continuateurs du système de Robespierre, grâces étemelles vous soient rendues, représentans, vous seuls pouviez abattre ce colosse effrayant jettant la terreur dans toutes les âmes ; vous seuls pouviez délivrer Marseille, la République entière de cette caste sanguinaire qui vouloit tout victimer à son ambition, qui n’abattoit la tyrannie que pour se l’approprier ; qui ne détruisoit les hommes de l’ancien régime que pour régner à leur place, couverte de leur dépouille aux dépens de la République; qui ne voyait le patriotisme que dans le trafic honteux des plus viles passions; qui anéantissait enfin Débats, n" 743, 168-169; Ann. Patr., n° 641; Ann. R. F., n°13; C. Eg., n 776-777 ; Gazette Fr., n” 1007 ; F. de la Républ., n” 13; J. Fr., n 738-739; J. Mont., n” 158; J. Paris, n 14; J. Perlet, n” 740-741; J. Univ., n ’ 1775-1776; M. U., XLIV, 188, 196-199; Rép., n” 13. (122) Bull., 17 vend. (123) P. V., XLVI, 253. (124) C 321, pl. 1338, p. 9. Bull., 12 vend, (suppl.), 26 vend, (suppl.); Moniteur, XXII, 149-150; Débats, n 743, 214- 216. la République sous le masque imposant d’un patriotisme exagéré. Et nous aussi sommes révolutionnaires, et nous aussi sommes les plus zélés partisans du gouvernement provisoire qui seul peut nous assurer la stabilité de la constitution républicaine ; mais les ennemis du crime, les amis de la justice, et de la vraie justice, seront-ils longtemps exposés aux vils sarcasmes de tant d’êtres corrupteurs et corrompus disséminés dans toutes les communes de la République? Non, représentants, ils vont rentrer dans le néant d’où ils n’auraient jamais dû sortir. Ce qu’ils ont fait à Marseille va faire tomber le masque, et partout les Cromwels modernes disparoîtront du sol de la Liberté qu’ils ont trop longtemps souillé. Marseille livrée à quelques meneurs n’avoit pu par elle même secouer leur joug détestable ; manifester la haine contre leur tyrannie, c’était un crime irrémissible et la proscription ou la mort en était le prix. Vous avez enfin connu la position de notre malheureuse cité. Vous avez voulu l’arracher à l’oppression et certes deux représentans dont les noms seront chers à nos derniers neveux y sont venus déployer et le grand caractère qui les anime et l’autorité nationale dont ils sont revêttus. La calomnie avait précédé leur venue et il n’est sorte d’atrocités que les meneurs n’aient vomies sur leur compte, pour égarer les esprits et les préparer à une insurrection contre la représentation nationale. Le moment de leur arrivée fut signalé par un acte de mépris. Le premier usage qu’ils firent de l’autorité nationale fut entravé par un acte de révolte, l’enlèvement du sanguinaire Reynier. Cet acte inique provoqua la vengeance du peuple outragé dans ses représentans; de là, l’épuration des autorités constituées, de là, nouvelles convulsions, nouveaux actes d’insurrection. Nous sommes appelés par la confiance des représentants aux fonctions municipales, les bons citoyens applaudissent à notre choix et une horde de scélérats vient troubler notre installation et des huées se font entendre de la part des affidés postés par les meneurs. Les menaces ne sont pas épargnées pour intimider l’homme faible. Une fete se fait le 5ème jour des sans-culottides et les cris de lanterne retentissent de toutes parts et semblent se diriger contre nous. Ils frapent l’oreille des représentans qui par la seule force des principes et de la vérité teras-sent avec énergie les hommes égarés et réduisent au silence les scélérats de cette émeute. La Convention indignée de l’attentat commis contre la souveraineté du peuple par l’enlèvement de Reynier rend un décret qui est reçu avec transport par tous les bons citoyens. Il est exécuté avec la plus grande sagesse. Mais le lendemain quelques scélérats courant les rues, se livrent à toutes sortes d’excès, entraînent par force tous ceux qu’ils rencontrent et se portent chez les représentans. Là, ils se livrent à tout ce que la rage et le délire peuvent leur inspirer. Les bons citoyens inquiets sur le sort de la représentation nationale veillent sur elle avec sollicitude ; le brave Villemalet commandant de la place affronte mille dangers et vole à son se- 266 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE cours; il harangue l’attroupement, et distinguant l’homme égaré du chef il épargne par ses mesures sages et fermes le sang innocent qui eût infailliblement coulé sans sa prudence. Les malveillans sont dissipés; les représentants par un héroïsme sans exemple bravent les poignards des assassins et des frénétiques, ils échapent aux plus imminents dangers par leur seule contenance; les nouvelles autorités les entourent aussitôt, la force armée vient à leur secours, la brave garnison de Marseille repousse avec horreur tous les moyens de séduction : calmes au milieu de l’orage, les représentans ordonnent et disposent, ils font arrêter les chefs de l’émeute, l’attroupement se dissipe aussitôt et encore une fois Marseille est sauvée, et encore une fois les bons citoyens triomphent et manifestent leur attachement inviolable à la Convention, à ses travaux sublimes, à ses décrets immortels. Représentants, Marseille délivrée du joug odieux des aristocrates et des scélérats, Marseille régénérée par vos décrets et par les soins bienfaisants de vos précieux collègues dignes de l’importante mission que vous leur avez confiée, sera ce quelle a été dès l’aurore de la Révolution, ce quelle sera toujours pour le soutien de la République une et indivisible. Elle a encore dans son sein ces hommes du 10 août qui, en majorité n’ont point renversé le trône pour laisser la tyrannie dans les mains impudentes de quelques être souillés de crimes; elle a encore dans son sein ces hommes qui réunis sur la place du N° 11, ont combattu dans les journées des 21 et 25 août les fédéralistes et les contre-révolutionnaires. C’est parmi eux que les nouvelles autorités ont été puisées, c’est dans ce noyau respectable que la Convention trouvera toujours des républicains amis des lois et de la probité, prêts à tout sacrifier à l’intérêt de la chose publique. Comptez, représentans, sur ces hommes vertueux qui ont su se préserver du poison de la révolte, fléaux des ennemis du peuple, ils ont pris l’engagement solennel de les écraser, et ils ne puiseront leurs moyens que dans la loi, que dans les travaux de la Convention qu’ils ne cesseront jamais de reconnoître pour le centre de l’autorité suprême, le point de ralliement où tout doit aboutir. Forts de ces principes que nous professerons jusqu’à notre dernier souffle, nous espérons, représentans qu’en appesantissant la justice nationale sur les coupables auteurs de tant d’attentats, vous ferez triompher l’innocence opprimée et vous rendrez aux vrais républicains marseillais la sécurité et le bonheur que quelques intrigans leur avaient arrachés. Suivent les signatures des officiers municipaux de la commune de Marseille, et de J.-B. Gueyrard, agent national. Nous membres du comité révolutionnaire du district de Marseille, étant assemblés en séance permanente, après avoir entendu la lecture de l’adresse de la municipalité, y ayant reconnu les principes purs que nous avons juré de professer, et la vérité des faits qui y sont consignés, avons adhéré à l’unanimité à ladite adresse, et avons signé dans le lieu de nos séances, le 7 vendémiaire an 3 de la République française, une et indivisible. Suivent les signatures. L’administration du district de Marseille épurée, pénétrée des mêmes sentimens, et conduite par les mêmes principes qui dirigent la municipalité, reconnaissant la vérité dans tout ce qui est exposé dans l’adresse ci-dessus, déclare y adhérer dans tout son contenu. Suivent les signatures. [Le comité de surveillance révolutionnaire du district de Marseille en permanence, à la Convention nationale, le 7 vendémiaire anlll] (125) Citoyens représentans, Vous voudrez bien accueillir l’extrait d’une adresse de notre comité, au peuple marseillois que vous trouverez ci-inclus; aidés de vos lumières, nous serons toujours les protecteurs des lois. Salut et fraternité. Les membres du comité, Joseph Teissere, président, Delsol, J. Monier, Benoit, Berthe, Pierre Gabriel [Adresse du comité de surveillance révolutionnaire du district de Marseille aux habitans de cette commune ] (126) Citoyens, Marseillois, un attentat vient d’être commis dans Marseille contre le peuple françois dans la personne des représentans Serres et Auguis. Les coupables auteurs de cet attentat attroce qui ont voulu porter leur mains sacrilèges sur la représentation nationale doivent être punis. Occupés à les rechercher avec soin le secours de tous les bons citoyens nous est nécessaire pour les découvrir tous. Braves Marseillois qui, depuis longtemps, en manifestant votre indignation contre le crime et le brigandage n’avez jamais cessé d’aimer la révolution, de travailler uniquement pour elle, de regarder la Convention comme le centre unique de tous les pouvoirs et le seul point ou tout doit aboutir. Montrez-vous avec énergie dans cet événement, prouvez par votre conduite active, sage et ferme que vous êtes encore les hommes du 21 et 25 aoust. Et vous qui avez sçu attaquer et renverser le trône pour faire triompher le Peuple. Deffendez-le ce peuple contre les monstres qui ont voulu l’égarer. Déffendez ses représentans, livrez-nous tous ses ennemis. Ils le sont de la chose publique. Ils seront coupables ceux qui, par un morne silence contri-(125) C 321, pl. 1338, p. 10. (126) C 321, pl. 1338, p. 11. SÉANCE DU 12 VENDÉMIAIRE AN III (3 OCTOBRE 1794) - N° 49 267 hueront à laisser impuni le crime le plus grand, le plus détestable. Ils seront coupables ceux qui ne nous aideront pas à les découvrir tous et qui voudront les soustraire à la vengeance nationale. Marseillois, la Convention saura que les bons citoyens ont frémi de rage et d’indignation dans la funeste journée du 5 vendémiaire. La Convention saura, que la majorité des Marseillois et la grande majorité, s’est prononcée contre cet attentat, qu’elle a veillé, et qu’elle veillera toujours à la sûreté de la représentation nationale. Mais elle doit apprendre en même temps que vous êtes occupés à la venger et que lui faisant rampart de votre corps il n’est rien au-dessus de votre courage. Il n’est aucune considération qui puisse vous arrêter. Venez donc avec confiance nous aider dans la découverte de cette trame liberticide. Venez nous donner les renseignemens qui sont à votre connoissance et nous faire part de vos découvertes. Dans un gouvernement républicain tous les citoyens sont surveillans, tous doivent veiller à la sûreté de la république. Votre intérêt individuel, l’intérêt de la Patrie vous y engage, et la loi du 27 et 28 germinal vous le commande impérieusement. L’article 20 de cette loi s’exprime ainsi : « Tous les citoyens sont tenus d’informer les authorités de leur ressort et le comité de salut public des vols, discours inciviques et des actes d’oppression dont ils auroient été victimes ou témoins ». Ce ne sera donc pas en vain que la loi vous commandera ; ce ne sera pas en vain que dans ces circonstances difficiles nous aurons compté sur vous. Vous nous trouverez toujours à notre poste, fermes, nous y péririons tous avant de souffrir un second outrage contre le peuple français, avant de voir impuni le crime le plus détestable, l’acte de révolte le mieux caractérisé, nous poursuivrons sans miséricorde les monstres qui ont voulu perdre encore une fois Marseille, qui ont voulu une seconde fois cimenter la révolte et la contre-révolution dans nos murs. Nous n’aurons de repos que lorsque, livrés à la justice, ils auront à lui rendre un compte rigoureux de leur infamie, et que l’aristocratie ne prétende pas à la gloire du triomphe. Qu’elle ne s’avise pas d’entraver notre marche en voulant profiter de cet événement, nous veillons sur tous les ennemis du peuple. Quoique placés entre deux écueils, aidés par vous, sûrs de votre confiance, nous prouverons à la Convention que les méchants détruits, Marseille reste digne de la République, et Marseille sera encore ce qu’elle a été dès l’aurore de la Révolution. Pour copie conforme à l’original consigné dans nos registres, Joseph Teissere, président, Beaufer, secrétaire, Delsol, Benoit, Berthe, Monier, Gabriel. [Adresse du comité de surveillance révolutionnaire du district de Marseille, nommé par les représentants du peuple Augis et Serres, en mission dans les départements des Bouches-du-Rhône, du Var et de l’Ardèche, aux citoyens de son arrondissement ] (127) En acceptant les fonctions délicates autant que pénibles que vient de nous confier la représentation nationale, nous nous sommes pénétrés de cette grande vérité, que la sauvegarde du peuple est dans la loi, sa liberté dans son exécution, et son bonheur dans les principes sévères de l’immuable justice. C’est en prenant pour base de nos opérations ces vérités étemelles, que nous parviendrons à arracher la chose publique des dangers qui l’entourent; c’est par une exacte impartialité, en ne nous livrant à aucune faction, en n’épousant aucun parti, que nous atteindrons le but de les étouffer tous : nous distinguerons la calomnie et la malveillance des vérités utiles que les bons citoyens doivent nous faire connaître. Organes de la loi, nos mesures n’en seront que le résultat, et malheur à ceux qui, pour entraver la marche du gouvernement révolutionnaire tendraient des pièges à notre bonne foi. Nous surveillerons les ennemis du bien public, et, quel que soit le masque dont ils se soient couverts, nous saurons le leur arracher. Nous poursuivrons sans relâche, et nous livrerons sans miséricorde à la justice nationale la perfide aristocratie qui voudrait profiter de tous les mouvements pour se soustraire au glaive des lois. Nous sévirons avec le zèle du républicanisme contre celui qui a toujours vu son ennemi dans un patriote, son bonheur dans les hochets de l’ancien régime, son salut dans la contre-révolution. Ces hommes n’ont à attendre de nous que justice, et justice sévère; et loin de nous de compromettre la liberté et l’égalité par une indulgence déplacée, par un sentiment d’humanité mal entendue, qui, dans l’homme public, est une faiblesse coupable. Telle est, nos concitoyens, le plan de conduite dans la carrière qui nous est ouverte ; si la malveillance attaque nos principes, nous répondrons par la manifestation publique de nos travaux; si la calomnie plane sur nos têtes, nous la mépriserons; et en bravant avec fermeté tous les dangers nous justifierons la confiance de la représentation nationale, et nous vous prouverons que nous sommes toujours dignes de celle, que vous nous avez accordée dès l’aurore de la révolution. Délibéré à Marseille, en comité, la 3ème sans-culottide, l’an 2e de la république française, une et indivisible. Signé Joseph Teissere, président, Guérin, H. Arnaud, Blain, Delsol, Ch. Roumieu, Claude Paul, Benoit, Berthe, Pierre Pouzen, Maunier, Pierre Gabriel, et Joseph Beaufer, secrétaire. Vu et permis d’imprimer et d’afficher à Marseille en état de siège, le 4ème jour sans-culot-tide, l’an 2 de l’ère républicaine. Villemalet, général de division, commandant (127) J. Paris, n 15. 268 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE la seconde division de la Côte, et Marseille en état de siège (128) 50 L’agent national du district de Ram-bervillers écrit à la Convention que des immeubles d’émigrés, évalués 20 379 L, ont été vendus 132 255 L, et dans ces immeubles sont compris trois arpents de vignes, dont le prix a été porté à 33 016 L. Insertion au bulletin, renvoi au comité des Finances (129). La séance est levée à cinq heures (130). Signé , A. DUMONT, président : A.P. LO-ZEAU, CORDIER, BORIE, L. LOUCHET, PELET, LAPORTE, secrétaires. (128) Moniteur, XXII, 150. (129) P.V., XL VI, 253-254. Bull., 16 vend, (suppl.). (130) P. V., XL VI, 254. AFFAIRE NON MENTIONNÉE AU PROCÈS-VERBAL 51 [Le représentant du peuple en mission dans les départements du Loiret, Loir-et-Cher et Indre-et-Loire, au président de la Convention nationale, s. <2.] (131) Citoyen président, Je reçois à l’instant le décret de la Convention nationale, du 16 fructidor, qui a ordonné qu’il me seroit fait le renvoi d’une adresse de la société populaire de Montargis, réunie aux sections du peuple de la même commune, relativement aux calomnies répandues sur les habitans de ce district : je m’empresse d’annoncer à la Convention que j’ai passé plusieurs jours dans cette commune, et que j’ai eu la satisfaction d’y rétablir le calme et la paix, au moyen de quelques changemens que j’ai cru devoir faire dans les autorités constituées. Tous les citoyens de Montargis sont frères, et ils ne reconnoissent d’autres senti-mens que ceux de l’ordre et de l’amour de la République. Salut et fraternité. Signé, Brival. (131) Bull., 13 vend, (suppl.); J. Fr., n° 737; M. U., XLIV, 185.