(Convention nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES, j f brumaire an II 153 de cette assemblée qui ait plus que moi lutté pour Pache, lutté ensuite pour Bouchotte dont je connaissais l’ardent républicanisme? Lors¬ qu’il a été question d’écraser la faction liberti-cide, qui l’a attaquée avec plus de force que moi? Que mes collègues qui ont travaillé à la révolution du 31 mai rendent justice à la vérité. N’est-ce pas moi qui leur ai imprimé les idées salutaires qui devaient faire triompher la liberté, ne leur ai-je pas dit : Les magistrats du peuple sont enchaînés par la faction; tout est perdu si nous ne brisons pas leurs chaînes? C’est moi qui, au moment où l’on tirait le canon d’alarme, proposai, à cette tribune, de rendre la liberté aux magistrats du peuple. Et l’on m’a couvert de calomnies ! et l’on a osé dire que dans ma mission près le département de la Marne, j’avais fait enfermer ma mère, parce qu’elle avait une opinion différente de la mienne, tandis que ma mère était morte depuis 30 ans ! on m’accuse d’être un contre-révolutionnaire ! n’est -ce pas moi qui ai dit que le flambeau de la vérité luirait bientôt sur toute la République, qu’il n’y aurait bientôt plus d’autre temple que celui de la raison, d’autre culte que celui de la liberté, qu’on n’y parlerait d’autre langage que celui de la vérité? Depuis, les autorités constituées ont imprimé le mouvement qui opère cette révolution contre le fanatisme. Ce qui m’avait effrayé, c’était le système de dénonciations que je voyais s’établir. Sans doute il faut des dénonciations, elles sont utiles ; mais il ne faut pas s’en servir pour calomnier les commissaires de la Convention. Citoyens, qui êtes venus à la barre, réfléchissez un mo¬ ment; vous voulez que le mouvement révolu¬ tionnaire soit rapide. Eh bien ! le moyen de le ralentir, ce mouvement, c’est de dénoncer per¬ pétuellement les commissaires aux armées. N’en doutez pas, il faut que la Convention soit le soleil qui éclaire toutes les parties de la République. On vous a, dans cette adresse, présenté beau¬ coup d’idées que j’ai toujours appuyées dans cette assemblée. Si l’on veut donner plus de rapidité au mouvement révolutionnaire gar¬ dons-nous de toute espèce de division. C’était là mon système à la séance du 20 brumaire. Livrez les coupables au tribunal révolution¬ naire; mais soyez d’accord, que la Convention forme un mur inébranlable. Je demande, avec Montaut, que le comité de sûreté générale fasse, même avant 8 jours, s’il est possible, son rap¬ port sur les 73 députés. Cette proposition est décrétée. Un membre [Clauzel (1)] dénonce à la Con¬ vention que le département de l’Ariège a fait incarcérer les officiers municipaux de la com¬ mune du Mas-d’Azil, parce que ceux-ci, guidés par les principes de la philosophie, ont rendu le 10 de ce mois une ordonnance portant que provisoirement tous les signes extérieurs de toute espèce de culte seront interdits et qu’ils ont per¬ sisté, malgré l’arrêté du département. Il demande que ces officiers municipaux soient provisoirement mis en liberté; que le procureur général syndic, qui n’a pas pris part à l’arrêté ci-dessus, soit chargé de rendre compte de cette (1) D’après la minute du décret qui se trouve aux Archives nationales, carton C 278, dossier 732. affaire au comité de surveillance et de sûreté générale, auquel la Convention en renvoie l’exa¬ men pour lui en faire un rapport. Ces propositions sont décrétées (1). Compte rendu du Journal des Débats et des Décrets (2). Clauzel obtient la parole. Il fait lecture à la Convention d’un arrêté pris par les officiers municipaux du Mas-d’Azil, département de l’Ariège, par lequel il est enjoint aux ministres de tous les cultes de quitter sur-le-champ tous les signes extérieurs de leurs fonctions. Cet acte philosophique, dit Clauzel, motivé par les officiers municipaux du Mas-d’Azil, sur l’état révolutionnaire de la République, et sur l’obligation où sont les magistrats du peuple de prévenir par tous les moyens les troubles qui pourraient naître, fut improuvé formellement par l’administration supérieure du départemént. J’observe à cet égard qu’il existe un curé au nombre des administrateurs du département, qui fit arrêter et incarcérer les officiers muni¬ cipaux du Mas-d’Azil ; c’est un acte de tyrannie contre lequel je réclame. Clauzel demande la liberté provisoire de ces officiers municipaux, et que le procureur-géné¬ ral-syndic et le président du département de l’Ariège soient mandés à la barre|pour_rendre compte des motifs de leur conduite. Vadier consent à ce que la liberté soit pro¬ visoirement rendue aux officiers municipaux du Mas-d’Azil; mais il observe que l’acte vexa-toire, dont se plaint Clauzel, n’a eu lieu que parce que le procureur-général -syndic du dépar¬ tement de l’Ariège, le seul membre raisonnable de cette administration, était alors absent. Je demande que la Convention veuille bien atten¬ dre, pour prononcer sur la réclamation de Clau¬ zel, les éclaircissements qui ont été demandés à ce procureur-général-syndic, et qui ne tarderont pas à arriver. La première proposition de Clauzel, amendée par Vadier, est décrétée. Gaudin profite de cette circonstance pour demander qu’il soit décrété sur-le-champ que les prêtres ne pourront désormais remplir aucune fonction administrative. Montaut et Chabot observent que le comité de législation est chargé de présenter ses vues à ce sujet. Ils demandent l’ajournement jus¬ qu’au rapport. Bézard, membre du comité de législation, offre de le faire à l’instant. « La Convention nationale, après avoir entendu le rapport [Guffroy, rapporteur (3)] fait au nom de ses commissaires nommés en exécution de son décret du 4 octobre dernier (vieux style), déclare qu’elle est satisfaite du désintéressement de Lali-(1) Procès-verbaux de la Convention, t. 25, p. 201. (2) Journal des Débats el des Décrets (brumaire an II, n° 421, p. 308). (3) D’après la minute du décret qui se trouve aux Archives nationales, carton C 278, dossier 732. 154 [Convention nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES, j ** brumaire an II ■ M3 novembre 1793 gant-Morillon, et qu’elle lui accorde, à titre de reconnaissance nationale, la somme de 50,000 li¬ vres, laquelle lui sera comptée par la trésorerie nationale, sur la présentation du présent dé¬ cret (1). » Suit le texte du rapport d&t&uffroy, d'auprès un document imprimé (2) : H APPORT FAIT A LA CONVENTION NATIONALE, LE 23e JOUR BRUMAIRE, L’AN II DE LA RÉPU¬ BLIQUE FRANÇAISE UNE ET INDIVISIBLE. La Convention se rappelle sans doute l’im¬ portant rapport que Basire (3) lui a fait sur l’affreuse conjuration de Bretagne. Elle se rappelle sans doute que, dans ce rap¬ port, il est démontré que Lalligant-Morillon avait précédemment fait échouer une conjura¬ tion aussi formidable, qui avait éclaté dans le Dauphiné, le Languedoc, la Provence, depuis Grenoble jusqu’à Nîmes ; et que dans cette con¬ juration, au moins 1,500 conjurés avaient payé, de leur tête, leur criminelle révolte. La Convention se rappellera sans doute les dangers extrêmes qu’a courus Lalligant-Moril-lon, en faisant arrêter ces conspirateurs, après avoir vécu avec eux, après s’être fait garrotter avec eux, après avoir .été exposé comme eux, à la juste fureur du peuple, parce qu’il était compris parmi les coupables, et qu’il ne pou¬ vait, ne devait, ni ne voulait pas révéler en¬ core sa périlleuse et honorable qualité d’explo¬ rateur de la conjuration. ['.• La Convention se rappellera sans doute encore que Morillon alla à Coblentz, qu’il y fut enfermé dans une tour d’où il sut s’évader, qu’ enfin il apporta la connaissance complète du plan des conjurés. Beaucoup d’autres considérations, qu’il serait trop long de retracer, ont déterminé la Convention à décréter : « que le comité de sûreté générale ferait choix d’un de ses membres pour régler, de concert avec le ministre des affaires étrangères, l’indemnité à laquelle Lalli¬ gant -Morillon a le droit de prétendre pour les peines qu’il s’est donné, les risques qu’il a courus, les pertes qu’il a essuyées dans sa for¬ tune pendant qu’il servait la République, à raison des biens qu’il a mis sous la main de la nation (4). » En exécution de ce décret, le comité de sûreté générale m’a nommé pour régler cette indemnité avec le ministre des affaires étrangères. Nous nous sommes réunis deux fois pour conférer et arrêter les bases. D’après les termes du décret qui nous autorise à régler, nous aurions pu penser que la sommé à arbitrer, aurait pu être comptée par le ministre à Morillon; mais comme rien n’autorisait cette conduite, et que la récompense est au titre de reconnaissance natio¬ nale, nous avons pensé que le trésor public devrait faire ce versement. D’après le tableau des noms des conjurés et émigrés connus, et l’aperçu de la valeur des biens mis sous la main de la nation, si nous (1) Procès-verbaux de la Convention, t. 25, p. 201. (2) Bibliothèque nationale s 4 pages in-8°, Lë38, n° 2219. (3) Voy. Archives parlementaires, lre série, t. LXXVI, séance du 4 octobre 1793, p. 37, col. 2. (4) Ibid, avions eu à régler l’indemnité, il serait revenu à Morillon 3 millions environ. Mais lui-même, avant tout, avait déclaré que sa première récompense consistait dans le bon¬ heur d’avoir servi sa patrie, de ses forces, de son sang et au péril de sa vie, et qu’il renon¬ çait à cette énorme récompense, qu’il s’en réfé¬ rait à ce qui serait arrêté par le ministre et par moi. Nous avons considéré d’ailleurs que, pour par¬ venir à cette liquidation autorisée par les dé¬ crets, il aurait fallu se procurer l’état exact de la fortune de chaque conspirateur tombé sous le glaive de la loi ou sous la hache populaire dans la ci-devant Provence. En conséquence, le ministre des affaires étrangères et moi, nous avons juré que, pour concilier l’honorable désintéressement de Lal¬ ligant -Morillon avec la justice nationale, nous pouvions arbitrer que la récompense serait portée à 50,000 livres. C’est après cette opinion que nous avons arrêté de vous proposer le projet de décret sui¬ vant : « La Convention nationale, après avoir en¬ tendu le rapport fait au nom du ministre des affaires étrangères et des commissaires du comité de sûreté générale, nommés en exécu¬ tion de son décret du 4 octobre (vieux style), déclare qu’elle est satisfaite du désintéresse¬ ment de Lalligant -Morillon et qu’elle lui accorde au titre de reconnaissance nationale, la somme de 50,000 livres, laquelle lui sera comptée par la trésorerie nationale sur la présentation du présent décret. » Signé : Gudproy ( Quffroy), rapporteur, membre du comité de sûreté générale. » « Un membre [Fourcroy (1)] ayant observé que la manufacture de minium établie à Bercy par le citoyen Olivier excite les plaintes de plu-plusieurs habitants de cette commune, « La Convention nationale décrète que ses co¬ mités d’instruction publique et de commerce feront examiner les avantages et les inconvé¬ nients attachés à la manufacture de minium du citoyen Olivier et lui en rendront compte dans le plus court délai possible (2). » Compte rendu du Mercure universel (3). Fourcroy. J’observe qu’il y a dans Bercy, près Paris, une manufacture de minium très utile aux ateliers des arts, que le citoyen Oli¬ vier doit être protégé dans cet établissement, vu que le minium ne peut plus nous venir de l’An¬ gleterre ni de Hollande. Cependant la manufac¬ ture d’Olivier est l’objet des réclamations de la municipalité de Bercy, qui craint que la fumée, qui se trouve chargée de partie de plomb, ne nuise à la salubrité de l’air et à la santé des citoyens. En appuyant sur l’impor¬ tance de cette manufacture, je demande que le comité d’instruction publique en examine et l’utilité et les inconvénients, afin de conser-(1) D’après la minute du décret qui se trouve aux Archives nationales, carton C 278, dossier 732. (2) Procès-verbaux de la Convention, t. 25, p. 201. (3) Mercure universel [24 brumaire an II (jeudi 14 novembre 1793), p. 219, col. 1].