86 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE sation ne sera pas démentie; nous nous mettons à la merci de la justice nationale. Nous ne parlerons pas des faits de détails qui sont révoltants, et que, depuis plus de trois mois, nous déposons en vain dans le sein des comités de salut public et de sûreté générale : Lebas était dans un, Robespierre et Saint-Just étaient dans l’autre comité. Quand vous nous aurez entendus, vous verrez que la conduite de Lebon était plus qu’acerbe. Comme Robespierre, Le Bon parlait de vertu, et n’en avait aucune. Comme Robespierre, Saint-Just et Lebas, Le Bon était environné de fripons, d’hommes de mauvaises moeurs. Il a discrédité les domaines nationaux en menaçant de faire guillotiner ceux qui en avaient acheté. Etre riche, avoir quelque esprit, était un titre pour être guillotiné. Il a perverti la morale publique par une conduite tyrannique et par une vie de sybarite, tandis que les citoyens manquaient du nécessaire. Comme Robespierre, et pour Robespierre, dont il tenait sa mission, il avait des créatures partout, notamment des prêtres et des hommes sans moralité, à qui il pouvait tout ordonner. Comme Robespierre, et pour Robespierre, il visait visiblement à se créer un parti, car il faisait payer les désoeuvrés de la commune, il leur faisait donner 22 sous et demi par jour. J’ai vu l’arrêté à la commune, comme membre du conseil général; il faisait solder chaque jour la garde nationale entière. Il a créé aussi une petite garde d’enfants, qu’il appelait sa garde prétorienne. Ces salariés insultaient aux patriotes qui applaudissaient lorsque l’on acquittait les accusés. Le Bon, comme Robespierre, destituait les juges et jurés qui ne condamnaient pas toujours à mort. Comme Robespierre faisait à Paris, Le Bon, à Arras, avait destitué les jurés et les juges qui avaient une conscience à eux. Comme à Paris, Le Bon avait mis dans sa commission des jurés qui ne savaient point lire. Comme Robespierre, Saint-Just et Lebas, il exerçait tous les genres de tyrannie : comme eux, il était fourbe. Les intrigants dilapidateurs, qui sont venus ici présenter une pétition pour Le Bon, ont fait crier au peuple, à leur retour : Vive Robespierre ! vive Saint-Just et Lebas ! et Le Bon ! Comme Robespierre, il indiquait plusieurs jours à l’avance ceux qu’il voulait faire guillotiner. Il est évident qu’il régnait par la terreur, et elle était si grande, sa tyrannie, que sa femme faisait arrêter des citoyens et décidait de leur sort. Il a désorganisé toutes les autorités constituées; il s’est servi d’hommes qui avaient avili la représentation nationale, qui avaient mis le poing sous le nez à votre collègue Laurent. Il a foulé aux pieds les décrets de la Convention nationale en ma présence. Comme Robespierre, il a fait acquitter des coupables par sa commission, afin de les tenir plus sûrement sous sa domination, pour en faire l’instrument de ses crimes. Comme Robespierre, il dominait la société populaire et en faisait chasser les patriotes. Il fut moins adroit que lui, car il s’opposa à la déclaration de l’unité, de l’indivisibilité de la république; il pencha pour la garde départementale; il fit faire une Adresse pour demander une autre assemblée que la Convention; il soutint dans le temps que Capet devait en être quitte pour la déchéance. Au reste, représentants, nous nous bornons à vous présenter ce rapide tableau de l’oppression qui a pesé et qui pèse encore sur nos concitoyens, et nous vous prions, avec instance de faire examiner promptement toutes les pièces probantes qui sont déposées dans vos deux comités de sûreté générale et de salut public. Vive la république ! vive la Convention ! B [Asselin, chef du bau des émigrés, dans la comrré des adminn civile, police et tribunaux, aux présid. et membres de la Conv.; Paris, 14 therm. II] (1) Représentants, Joseph Le Bon servoit le tiran Robespierre, dans les départemens du Pas-de-Calais et du Nord; Il est de retour; il a l’impudence de siéger parmi vous; mais vous ne souffrirez pas qu’il souille plus longtems votre enceinte; Je l’accuse de tous les faits que votre collègue Guffroy lui impute. Je connois les uns phisiquement, et moralement les autres; mais je lui reproche encore ceux-ci : 1) Il étoit le le‘ suppléant; il vouloit être appelé à la Convention; il savoit, en juin 1793, que votre collègue Maniez [pour Magniez] étoit revenu dans sa commune, il l’accuse d’y professer le royalisme, il propose dans une séance de l’admon du départem[en]t du Pas-de-Calais, de le faire arrêter; [Magniez] est arrêté; Lebon vole à la convention. 2) Il est en mission; il y devient un second hébert; il y paralise les mesures que ses collègues ont prises, il trouve à Hesdin des commissaires, qui, abusant de leurs pouvoirs, se portent à des actes tiranniques, contrarient, détruisent ce qu’a fait andré Dumont, dilapidant enfin dans les châteaux les biens de la République. Eh ! bien, Le Bon s’accole à eux, se rend au château de Rollancourt (2), se complait au milieu de leurs orgies; et quand il les sait arrêtés par Dumont, il s’en rend le deffenseur. 3) la cy devant dame de Macé est arrêtée; mais elle est la protégée de Le Bon; mais elle a un train, une suite; eh ! bien Le Bon la laisse en arrestation à St.pol, chez l’hôtesse, ve re-gnier, la mère de sa femme, et des milliers de campagnards, incarcérés pour fanatisme passé, gémissent et sont entassés dans les lieux les plus obscurs. (1) F' 4 773, liasse 2. (2) Pas-de-Calais. 86 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE sation ne sera pas démentie; nous nous mettons à la merci de la justice nationale. Nous ne parlerons pas des faits de détails qui sont révoltants, et que, depuis plus de trois mois, nous déposons en vain dans le sein des comités de salut public et de sûreté générale : Lebas était dans un, Robespierre et Saint-Just étaient dans l’autre comité. Quand vous nous aurez entendus, vous verrez que la conduite de Lebon était plus qu’acerbe. Comme Robespierre, Le Bon parlait de vertu, et n’en avait aucune. Comme Robespierre, Saint-Just et Lebas, Le Bon était environné de fripons, d’hommes de mauvaises moeurs. Il a discrédité les domaines nationaux en menaçant de faire guillotiner ceux qui en avaient acheté. Etre riche, avoir quelque esprit, était un titre pour être guillotiné. Il a perverti la morale publique par une conduite tyrannique et par une vie de sybarite, tandis que les citoyens manquaient du nécessaire. Comme Robespierre, et pour Robespierre, dont il tenait sa mission, il avait des créatures partout, notamment des prêtres et des hommes sans moralité, à qui il pouvait tout ordonner. Comme Robespierre, et pour Robespierre, il visait visiblement à se créer un parti, car il faisait payer les désoeuvrés de la commune, il leur faisait donner 22 sous et demi par jour. J’ai vu l’arrêté à la commune, comme membre du conseil général; il faisait solder chaque jour la garde nationale entière. Il a créé aussi une petite garde d’enfants, qu’il appelait sa garde prétorienne. Ces salariés insultaient aux patriotes qui applaudissaient lorsque l’on acquittait les accusés. Le Bon, comme Robespierre, destituait les juges et jurés qui ne condamnaient pas toujours à mort. Comme Robespierre faisait à Paris, Le Bon, à Arras, avait destitué les jurés et les juges qui avaient une conscience à eux. Comme à Paris, Le Bon avait mis dans sa commission des jurés qui ne savaient point lire. Comme Robespierre, Saint-Just et Lebas, il exerçait tous les genres de tyrannie : comme eux, il était fourbe. Les intrigants dilapidateurs, qui sont venus ici présenter une pétition pour Le Bon, ont fait crier au peuple, à leur retour : Vive Robespierre ! vive Saint-Just et Lebas ! et Le Bon ! Comme Robespierre, il indiquait plusieurs jours à l’avance ceux qu’il voulait faire guillotiner. Il est évident qu’il régnait par la terreur, et elle était si grande, sa tyrannie, que sa femme faisait arrêter des citoyens et décidait de leur sort. Il a désorganisé toutes les autorités constituées; il s’est servi d’hommes qui avaient avili la représentation nationale, qui avaient mis le poing sous le nez à votre collègue Laurent. Il a foulé aux pieds les décrets de la Convention nationale en ma présence. Comme Robespierre, il a fait acquitter des coupables par sa commission, afin de les tenir plus sûrement sous sa domination, pour en faire l’instrument de ses crimes. Comme Robespierre, il dominait la société populaire et en faisait chasser les patriotes. Il fut moins adroit que lui, car il s’opposa à la déclaration de l’unité, de l’indivisibilité de la république; il pencha pour la garde départementale; il fit faire une Adresse pour demander une autre assemblée que la Convention; il soutint dans le temps que Capet devait en être quitte pour la déchéance. Au reste, représentants, nous nous bornons à vous présenter ce rapide tableau de l’oppression qui a pesé et qui pèse encore sur nos concitoyens, et nous vous prions, avec instance de faire examiner promptement toutes les pièces probantes qui sont déposées dans vos deux comités de sûreté générale et de salut public. Vive la république ! vive la Convention ! B [Asselin, chef du bau des émigrés, dans la comrré des adminn civile, police et tribunaux, aux présid. et membres de la Conv.; Paris, 14 therm. II] (1) Représentants, Joseph Le Bon servoit le tiran Robespierre, dans les départemens du Pas-de-Calais et du Nord; Il est de retour; il a l’impudence de siéger parmi vous; mais vous ne souffrirez pas qu’il souille plus longtems votre enceinte; Je l’accuse de tous les faits que votre collègue Guffroy lui impute. Je connois les uns phisiquement, et moralement les autres; mais je lui reproche encore ceux-ci : 1) Il étoit le le‘ suppléant; il vouloit être appelé à la Convention; il savoit, en juin 1793, que votre collègue Maniez [pour Magniez] étoit revenu dans sa commune, il l’accuse d’y professer le royalisme, il propose dans une séance de l’admon du départem[en]t du Pas-de-Calais, de le faire arrêter; [Magniez] est arrêté; Lebon vole à la convention. 2) Il est en mission; il y devient un second hébert; il y paralise les mesures que ses collègues ont prises, il trouve à Hesdin des commissaires, qui, abusant de leurs pouvoirs, se portent à des actes tiranniques, contrarient, détruisent ce qu’a fait andré Dumont, dilapidant enfin dans les châteaux les biens de la République. Eh ! bien, Le Bon s’accole à eux, se rend au château de Rollancourt (2), se complait au milieu de leurs orgies; et quand il les sait arrêtés par Dumont, il s’en rend le deffenseur. 3) la cy devant dame de Macé est arrêtée; mais elle est la protégée de Le Bon; mais elle a un train, une suite; eh ! bien Le Bon la laisse en arrestation à St.pol, chez l’hôtesse, ve re-gnier, la mère de sa femme, et des milliers de campagnards, incarcérés pour fanatisme passé, gémissent et sont entassés dans les lieux les plus obscurs. (1) F' 4 773, liasse 2. (2) Pas-de-Calais. 87 SÉANCE DU 15 THERMIDOR AN II (2 AOÛT 1794) - PIÈCES ANNEXES 4) il fait déffense de porter des bonnets de police tricolores, dans le cas où ils seroient brodés; et c’est pour contrarier ses collègues; 5) il fait incarcérer les citoyens et citoyennes qui se présentent à lui en réclamation, et c’est pour qu’on aille à St-Pol, chez Isabelle Mou, vl‘ Regnier, y faire de la dépense et la prier d’intercéder auprès du représentant. 6) Il annonce au club d’arras, que Lalart Bellettre va être mis en jugement et que sa tête tombera; Le lendemain Lalart est amené au tribunal; il est acquitté. Le Bon écume de rage; il convoque le club; il tanse les jurés; il proteste que Lalart sera remis en jugement, il prophétise une seconde fois sa mort. Lalart est ramené au tribunal; et il est guillotiné. 7) Le Bon a été le Néron du païs qui l’a vu naître, il ne suffisoit pas à ce monstre de faire tomber les têtes de ses concitoyens, il se réser-voit le cruel plaisir de voir couler leur sang; il s’amusoit de la barbarie des exécuteurs. Toujours présens aux jugemens; toujours avec les jurés, quand ils se rassembloient pour opiner, il venoit au milieu d’eux et des juges contempler les exécutions, admirer son ouvrage, hélas souvent coupable. Enfin j’ai vu la scélératesse à son comble, étant à Arras. J’ai vu un Carlier, un Caubrière, un Daillet avilir la représentation nle dans le club d’Arras. J’ai vu un Darthé intéroger des personnes du sexe dans le bureau dont j’avois l’adm[inis-tratijon. Je l’ai vu dévêtir lui-même ces femmes tremblantes et ne leur laisser que la chemise sur le corps dans ses perquisitions; j’en appelle aux commis présents à ces interogatoires. Voilà les hommes impurs, les hommes de sang, qu’il falloit à Le Bon. Réduit au silence, en quittant les murs d’Arras pour me rendre à Paris, où Herman, commissaire m’appeloit, j’espérois pouvoir parler, délivrer mon païs de ses ogres, mais Lannes et Hermann m’imposoient silence, quand je voulois m’épancher. Je les croyois d’abord trompés; mais je les ai vus perfides et je les ai fuis. Asselin Renvoyé au comité de sûreté générale (1). 2 [Le représentant Féraud, député des Hautes-Pyrénées, au rédacteur du Moniteur; Paris, 15 therm. II] (2). Au rédacteur. Il me suffira, citoyen, de te faire connaître deux erreurs qui se sont glissées dans le numéro où tu rapportes la séance de la nuit du 9, pour que tu les répares à l’instant. Sans doute, quand tous les membres de la Convention ont honorablement rempli leur devoir dans ce moment d’orage, ce n’est pas d’une grande importance, ni pour mes commettants, ni pour moi, que tu attribues à tel ou tel membre ce que j’ai dit, ce que j’ai fait; mais la vérité, mais l’exactitude t’en font un de rapporter fidèlement. Les paroles que tu mets dans la bouche d’Amar appartiennent à Féraud; celles que tu mets dans celle de Ferrand appartiennent également à Féraud. Je te prie de rectifier ces deux erreurs dans ton prochain numéro. S. et F. Signé Féraud, député des Hautes-Pyrénées. (1) Mention marginale datée du 15 therm. II, signée BAR. Autre mention : « très importante, sur Lebon, Carlier, Cobriè-res, Daillet ». (2) Moniteur (réimpr.), XXI, 379-380. Voir Arch. Pari, t. XCIII, séance du 9 therm. (soir), compte rendu des gazettes, pièces A* et D, p. 588 et p. 592 (pour cette dernière intervention, p. 592, nous avions rectifié le texte du Moniteur qui donne Ferrand pour Féraud). 87 SÉANCE DU 15 THERMIDOR AN II (2 AOÛT 1794) - PIÈCES ANNEXES 4) il fait déffense de porter des bonnets de police tricolores, dans le cas où ils seroient brodés; et c’est pour contrarier ses collègues; 5) il fait incarcérer les citoyens et citoyennes qui se présentent à lui en réclamation, et c’est pour qu’on aille à St-Pol, chez Isabelle Mou, vl‘ Regnier, y faire de la dépense et la prier d’intercéder auprès du représentant. 6) Il annonce au club d’arras, que Lalart Bellettre va être mis en jugement et que sa tête tombera; Le lendemain Lalart est amené au tribunal; il est acquitté. Le Bon écume de rage; il convoque le club; il tanse les jurés; il proteste que Lalart sera remis en jugement, il prophétise une seconde fois sa mort. Lalart est ramené au tribunal; et il est guillotiné. 7) Le Bon a été le Néron du païs qui l’a vu naître, il ne suffisoit pas à ce monstre de faire tomber les têtes de ses concitoyens, il se réser-voit le cruel plaisir de voir couler leur sang; il s’amusoit de la barbarie des exécuteurs. Toujours présens aux jugemens; toujours avec les jurés, quand ils se rassembloient pour opiner, il venoit au milieu d’eux et des juges contempler les exécutions, admirer son ouvrage, hélas souvent coupable. Enfin j’ai vu la scélératesse à son comble, étant à Arras. J’ai vu un Carlier, un Caubrière, un Daillet avilir la représentation nle dans le club d’Arras. J’ai vu un Darthé intéroger des personnes du sexe dans le bureau dont j’avois l’adm[inis-tratijon. Je l’ai vu dévêtir lui-même ces femmes tremblantes et ne leur laisser que la chemise sur le corps dans ses perquisitions; j’en appelle aux commis présents à ces interogatoires. Voilà les hommes impurs, les hommes de sang, qu’il falloit à Le Bon. Réduit au silence, en quittant les murs d’Arras pour me rendre à Paris, où Herman, commissaire m’appeloit, j’espérois pouvoir parler, délivrer mon païs de ses ogres, mais Lannes et Hermann m’imposoient silence, quand je voulois m’épancher. Je les croyois d’abord trompés; mais je les ai vus perfides et je les ai fuis. Asselin Renvoyé au comité de sûreté générale (1). 2 [Le représentant Féraud, député des Hautes-Pyrénées, au rédacteur du Moniteur; Paris, 15 therm. II] (2). Au rédacteur. Il me suffira, citoyen, de te faire connaître deux erreurs qui se sont glissées dans le numéro où tu rapportes la séance de la nuit du 9, pour que tu les répares à l’instant. Sans doute, quand tous les membres de la Convention ont honorablement rempli leur devoir dans ce moment d’orage, ce n’est pas d’une grande importance, ni pour mes commettants, ni pour moi, que tu attribues à tel ou tel membre ce que j’ai dit, ce que j’ai fait; mais la vérité, mais l’exactitude t’en font un de rapporter fidèlement. Les paroles que tu mets dans la bouche d’Amar appartiennent à Féraud; celles que tu mets dans celle de Ferrand appartiennent également à Féraud. Je te prie de rectifier ces deux erreurs dans ton prochain numéro. S. et F. Signé Féraud, député des Hautes-Pyrénées. (1) Mention marginale datée du 15 therm. II, signée BAR. Autre mention : « très importante, sur Lebon, Carlier, Cobriè-res, Daillet ». (2) Moniteur (réimpr.), XXI, 379-380. Voir Arch. Pari, t. XCIII, séance du 9 therm. (soir), compte rendu des gazettes, pièces A* et D, p. 588 et p. 592 (pour cette dernière intervention, p. 592, nous avions rectifié le texte du Moniteur qui donne Ferrand pour Féraud).