[Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. 129 avril 1790.] 323 d’une convention, les expressions dont je me suis servi, moi, habitant de la campagne, ne peuvent être expliquées que par le peuple de : mon pays, qui connaît mon idiôme et mes rapports. Dans tous les autres cas c’est absolument la même chose. En refusant les jurés au civil, on a proposé de faire la distinction du droit et du fait par le juge. Le fait et le droit .peuvent donc se distinguer; mais alors on laisse au juge l’effrayant arbitraire de cette distinction, pour la refuser aux citoyens du même pays. On objecte l’état actuel de notre jurisprudence; mais on peut la réformer, et alors vous épargnerez des peines aux jurisconsultes; vous dénicherez, si j’ose m’exprimer ainsi, une foule de questions de droit ; vous diminuerez, au grand contentement du peuple, nos bibliothèques des dix-neuf vingtièmes. La jurisprudence anglaise est aussi compliquée que la nôtre,, et cependant en Angleterre les j urés sont établis au civil. Le despotisme seul a pu redouter cette disposition ; il avait besoin, pour exister, de retenir l’âme des citoyens dans un sommeil de mort ; l’activité continuelle est l’âme delà liberté. Dût cette activité nous coûter cher, c’est en exigeant tous les sacrifices, quand le peuple, pour être libre, est prêt à les faire tous, que vous établirez des instutitions utiles. Si dans •ce moment la perspective de quelques sacrifices nous étonne ou nous effraie, baissons nos têtes, recevons le joug : nous ne sommes pas dignes d’être libres. — Je conclus à l’admission des jurés tant en matière civile qu’en matière criminelle. (On demande de nouveau que la discussion soit fermée.) M. Duport monte à la tribune pour soutenir le plan qu’il a proposé. Plusieurs membres réclament sencore la clôture de la discussion. M. le Préside»! .prend les voix et l’Assemblée prononce que la discussion n’est pas fermée, mais qu’elle est renvoyée à demain. M. le garde des sceaux adresse à l’Assemblée les pièces suivantes, pour être déposées dans les archives : 1° Une proclamation sur le décret de l’Assemblée naUonale du 28 février, portant que la paye de tout les soldats français sera augmentée de trente-drux deniers par jour. 2° Une proclamation sur le décret du 8 mars concernant les colonies. 3° Six expéditions d’une proclamation sur un autre décret du 28, concernant les colonies, et d’une Instruction qui leur est adressée par l’Assemblée nationale. 4° Des lettres-patentes sur le décret du;ll de ce mois, concernant la contribution.de la somme de 18,0b0 liv. à lever dans la ville de Montauban, èn sus de la capitation de La présente année. 5° Des lettres-patentes sur le décret du même jour, qui autorise la ville .d’Ax, ainsi que toutes les autres villes du royaume, A continuer de percevoir les droits d’octrois. 6° Une proclamation sur le décret du 15, portant que les électeurs du. département de l’Aisne, qui s’assembleront à Ghauny, pourront procéder à l’élection des membres qui composeront le corps administratif du département. 7° Une proclamation sur le décret du 16, qui met de nouveau les juifs d’Alsace et des autres provinces du royaume sous la sauvegarde de La loi. 8° Et des lettres-patentes sur le décret des 20, 23 mars et 19 de ce mois, contenant diverses dispositions relatives aux administrations de département et de district, et à l’exerciee de la police. M. le Président invite l'Assemblée à se retirer dans ses bureaux pour l’élection du président. La séance est levée à deux heures et demie. ASSEMBLÉE NATIONALE. PRÉSIDENCE DE M. L’ABBÉ OOÜTTES. Séance du jeudi 29 avril 1790, au matin (1). M. de La Réveil 1ère de liépeaux, secrétaire , donne lecture du procès-verbal de la séance d’hier. M. Dufraisse-Duchey s’étonne que la lettre de M. de Virieu à M. de Bonnay n’ait pas été insérée au procès-verbal, et, eetfe omission est d’autant plus inexplicable que les discours des présidents y sont .relatés d’après une habitude constante. M. de JLa Réveil) ère sde ILépeaux. Je n’ai pas cru qu’il fût dans l’intentipu de l'Assemblée d’approuver et de consacrer, par une insertion dans le procès-verbal, les expressions injurieuses que contient la lettre de M. de Virieu. Je citerai, par exemple, cette phrase : « lorsqu’après avoir eu le bonheur de ramener la question à son véritable jour et à un état de modération... » L’Assemblée peut-elle souffrir qu’on dise qu’elle était hors de l’état de modération 7 peut-elle souffrir que l’on qualifie d 'injustes attaques les motions qui ont été faites? M. de Ronnay, occupant la présidence , propose de mettre aux voix la question de savoir si le procès-verbal restera tel qu’il est, et de ne pas discuter cette lettre. M. Voidel. 11 faut mettre aux voix cette question : « Les expressions de la lettre de M. de Virieu compromettent-elles la dignité de l’Assemblée? » Ou demande que toute discussion soit arrêtée. Cette demande est miseaux voix. — La première épreuve paraît douteuse. M. le comte de Clermont-Tonnerre. Ces expressions sont-elles injurieuses ? Je ne de crois pas. L’Assemblé� en terminant par la question préalable les motions présentées, n’a-t-elle pas solennellement reconnu que ces motions étaient d’ira-justes attaques...? S’il y a unepersonne qui croie que cette attaque a été modérée , je la prie de se lever, et de soutenir que la lettre ne doit pas être insérée. AL Refermo». L’Assemblée doit écarter la façon de penser individuelle d’un président, et non la consacrer, quand l’insertion de cette lettre pourrait avoir des suites dangereuses : elle pourrait (1) Cette séance est incomplète au Moniteur.