368 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [24 mai 1791.] à vos possessions; et laissons au temps le loisir de démontrer combien des mesures plus fermes seraient nécessaires. Prévenons pourtant, par de justes moyens, le dommage que peuvent éprouver nos manufactures. Arrêtons la contrebande dont cet Etat est le foyer. Empêchons que les Français, nos enfants, ne soient écartés des emplois civils et militaires par la concurrence d’hommes avides qui veulent jouir de nos droits et de l’avantage d’être Français, sans nous aider à payer les charges que nous donne ce beau privilège. Le projet de décret que j’avais à vous proposer, rentrant dans celui de votre comité, j’adopte entièrement celui-ci, à quelques modifications près, que je me réserve de vous soumettre quand il y aura lieu. M. l’abbé Maury (1) Messieurs, vous avez rendu hier matin, en organisant le Corps législatif, un décret infiniment sage. Vous avez statué constitutionnellement que toutes les fois qu’une motion aurait été discutée et écartée par les représentants du peuple français, elle ne pourrait plus être remise en délibération, sous aucun prétexte, dans la même session. Si cette loi réglementaire, qui doit défendre nos successeurs contre les coalitions de l’intrigue et contre les infatigables poursuites de l’esprit de parti, avait été décrétée par nos prédécesseurs : que dis-je? Si l’Assemblée nationale voulait enfin se conformer à ses propres règlements, l’importune discussion qui vous occupe encore aujourd’hui ne reparaîtrait pas dans cette tribune. C’est pour la 4e fois que nos adversaires, toujours repoussés et jamais rebutés, sont parvenus, en multipliant les rapports de plusieurs comités réunis, à renouveler les tentatives dont ils ne cessent de nous fatiguer depuis 18 mois pour nous amener à l’invasion d’Avignon et du Comtat. On veut donc vous forcer, Messieurs, d’énoncer de nouveau dans ce moment, votre vœu solennel, sur ce projet d’usurpation, aux yeux de l’Europe attentive, et peut-être impatiente de j uger à son tour votre jugement I Puis-je espérer enfin, après 3 victoires si récen'es et si décisives, que ce quatrième combat sera le dernier, et que le sort de la malheureuse ville d’Avignon sera irrévocablement fixé dans cette séance? ( A gauche : Oui! oui!) Ouil ouil répondez-vous, parce que vous vous flattez d’avoir assez travaillé les esprits hors de l’Assemblée, pour conquérir enfin la majorité des voix, que vous n’avez jamais pu obtenir dans cette cause. Je prends acte, dans ce moment, de ce vœu unanime qui appelle un décret définitif. Renonçons donc tous loyalement à la misérable ressource de neutraliser la décision, en altérant le procès-verbal; et que personne ne cherche plus à gagner demain sa cause au bureau, après l’avoir perdue aujourd’hui à la tribune. Je ne reproduirai devant vous aucun de ces titres victorieux, aucun de ces moyens de fond, que j’ai si souvent présentés à l’Assemblée. Je suivrai M. le rapporteur dans la route qu’il vient de tracer devant moi. Je vais enfin l’attaquer corps à corps, en présence de ce même peuple qu’il a trompé par ses principes, par ses assertions, par ses sophismes, par ses réticences, en nous débitant dirai-je un rapport, dirai-je un roman politique, indigne de soutenir les regards (1) Le Moniteur ne donne qu’une courte analyse de ce discours. d’une Assemblée qui respecte sa propre opinion, et l’opinion publique. (Murmures.) Gomme c’est ici le dernier moment où je peux encore vous faire entendre la voix de la vérité et les réclamations de la justice, il faut tout dire, il faut vous faire connaître, il faut signaler aux yeux de toute la France, ces infâmes émissaires d’Avignon, qui vous demandent l’absolution de tous leurs crimes! Il faut, puisque l’intérêt de tout un peuple l’exige, il faut enfin vous dévoiler cet odieux mystère d’iniquité qui ne trouvera plus ensuite, je l’espère, ni complices, ni protecteurs dans cette Assemblée. ( Murmures à gauche!) Je vais reprendre la question au même point où je l’avais laissée, et où je la retrouve encore, car M. le rapporteur a fait beaucoup de mouvements sans aucun progrès; et, depuis le 4 du mois de mai, la discussion semble aller en rétrogradant. M. de Menou, qui enveloppait d’abord tout le Gomtat dans ses projets de conquête, ne se flatte déjà plus d’une invasion totale. 11 ne nous demande plus à présent que la seule ville d’Avignon, pour prix de ses veilles à la bibliothèque du roi (1). C’en est assez pour apaiser cette (1) A la suite de ses séances à la bibliothèque du roi, M. de Menou ne me parut pas, dans son rapport, avoir acquis des connaissances très exactes ni très étendues sur l’histoire de la Provence. Je l’interrompis pour le prier de rendre compte à l’Assemblée nationale des anciens droits des empereurs sur cette province. 11 me répondit que les empereurs n’avaient jamais exercé aucune juridiction souveraine en Provence. Je lui citai aussitôt le royaume d’Arles. M. de Menou me répondit alors, qu' effectivement il était parlé dans l’histoire, d’un royaume d’Arles, mais que ce royaume s’était perdu depuis longtemps ; qu’il ne savait pas comment cela était arrivé, parce que ce point d’histoire avait disparu dans la nuit des temps. Cette réponse fut très applaudie par les tribunes et par une partie considérable du côté gauche. Je pris la parole pour donner à M. de Menou des nouvelles précises de ce royaume d’Arles qu’il croyait perdu, même dans l’histoire. Voici les détails dans lesquels je fus obligé d’entrer. Le royaume d’Arles fut connu dès le Xe siècle, lorsque Hugues, successeur de Louis II, roi d’Italie et de Provence eut cédé à Rodolphe II, roi de Bourgogne, les Etats qu’il possédait au delà des Alpes. Depuis cette époque les empereurs ont toujours été reconnus souverains du royaume d’Arles, c’est à dire de la Provence et du Dauphiné jusqu’à l’Isère. Ils ont fondé des abbayes, donné des terres, accordé des privilèges et nommé des gouverneurs du pays, connus sous le nom de comtes de Provence. Ce qui prouve invinciblement que les empereurs régnaient dans cette province, c’est qu’ils y soumirent les fiefs aux mêmes lois qui les régissent en Allemagne, c’est-à-dire qu’ils les rendirent électifs-héréditaires. Conrad le pacifiqne, vint se faire reconnaître roi d’Arles en 964. Frédéric Ier s’y fit couronner en 978. Ce fut lui qui accorda au seigneur d’Orange, par un diplôme, le titre de prince, et le droit de porter la couronne comme une marque de souveraineté. L’éloignement des empereurs, les guerres continuelles qu’ils eurent à soutenir, la rapidité avec laquelle ils se succédèrent sur un trône longtemps chancelant, affaiblirent beaucoup leur autorité en Provence. Ceux de ces princes qui jouirent de plus de tranquillité, ou qui eurent plus de talents, firent respecter leurs droits. Tel fut l’empe-pereur Frédéric II, qui en 1164 nomma l’archevêque d’Arles son lieutenant en Provence, y établit un vicaire de l’Empire, et donna une si haute idée de sa puissance, que les évêques, les grands vassaux et les communautés n’auraient pas osé compter sur la jouissance de leurs droits ou de leurs privilèges, sans en avoir obtenu la confirmation impériale. La puissance des souverains dépend infiniment de leur mérite personnel. Les empereurs l’éprouvèrent dans le XIVe siècle, et il ne leur resta presque plus alors aucune autorité en Provence. En 1354, l’empereur [Assemblée nationale.] multitude de publicistes qui entourent l’Assemblée, en nous ordonnant à grands cris, an nom de l’autorité souveraine de je ne sais quels mandataires à piques, de décréter la réunion d’Avignon à la France, sous peine de mort. L’argument est en forme; et j’avoue que la liberté de nos opinions ne saurait être mieux constatée. Accoutumé à entendre sans émotion de pareils syllogismes, j’invoque d’abord en ma faveur un principe que personne n’oœra contester. C’est une maxime universellement admise dans les tribunaux, que toutes les fois qu’un jugement a été légalement prononcé, on ne peut plus le réformer régulièrement, c’est-à-dire y ajouter ou en retrancher aucune disposition, enfin y changer un seul mot, sans le consentement formel et unanime de tous les juges qui y ont concouru, de ceux mêmes qui étaient d’un avis contraire à la majorité. Vous exercez les fonctions de législateurs, mais vous n’êtes pas au-dessus des lois. Or, vous feriez punir sévèrement une section d’un tribunal qui se permettrait la moindre altération, dans la rédaction d’un jugement rendu, la veille. Appliquons ce principe à ce qui s’est passé dans l’affaire d’Avignon et que chacun de nous se juge dans ce moment 1 (Murmures.) M. I�e Déist de Botidoux. M. l’abbé Maury ne tient pas parole. M. l’abbé Maury. Je défends et l'honneur et la gioire dus à cette Assemblée quand je réclame le respect dû à ses décrets. ( Rires ironiques à gauche.) Interrogés en présence de la nation entière, le 4 du mois de mai, sur cette question discutée pendant 4 jours consécutifs, dans des séances prolongées jusqu’à 10 heures du soir : Avignon et le Comtat font-ils, ou ne font -ils point partie intégrante de l'Empire français! Vous avez résolu la question ainsi posée, en vous décidant à une très grande majorité pour la négative. Vous avez donc formellement reconnu par un dé-Charles IV, allant à Rome pour y recevoir la couronne impériale, passa par la ville d’Arles, où il fit reconnaître sa souveraineté. Dix ans après le même empereur revint à Arles, où il fut reçu comme souverain légitime par les habitants et couronné roi d’Arles par l’archevêque Guillaume de la Garde, en présence de Raymond d’Agoult, grand sénéchal de Provence, qui lui prêta serment de fidélité avec tous les feudataires du pays. Cet empereur donna des lettres de vicariat pour son royaume d’Arles au Dauphin, qui régna depuis sous le nom de Charles VI. Ensuite les empereurs Yenceslas et Robert, comtes palatins, Josse, Sigismond, margrave de Brandebourg, princes de différentes maisons, occupés en Allemagne à des guerres non interrompues, semblèrent oublier le royaume d’Arles. Lorsqu’après tant de changements de dynasties, en 1438, Albert d’Autriche devint empereur, et établit sa maison sur le trône impérial, il trouva sur le trône de France Louis XI, qui lui suscita tant de querelles dans l’empire, que le royaume d’Arles ne put jamais être efficacement réclamé. Ne vous inquiétez pas , lui écrivait-il, de ce royaume d'Arles. Je suis votre vicaire-né : je le gouvernerai. L’empereur Charles-Quint ne donna qu’un vain spectacle à l’Europe, lorsqu’il voulut faire revivre ses droits en 1536. 11 se fit couronner à Aix, roi d’Arles et de Provence ; mais il ne put pas soutenir cette cérémonie par la conquête de la Provence, qu’il avait si ardemment ambitionnée ; et il se contenta depuis d’ajouter à tous ses titres le vain nom de roi d’Arles. Cette note succincte parut satisfaire M. de Menou, qui était impatient de continuer son rapport, et qui ne me demanda pas de plus longs éclair«issements sur ce royaume perdu, disait-il, dans la nuit des temps , ( Note de M. l’abbé Maury.) lre SÉRIE. T. XXVI. [24 mai 1791,] ggg cret solennel, en délibérant sur un article proposé sans aucun amendement par vos comités eux-mêmes, qu 'Avignon et le Comtat ne faisaient pas partie intégrante de l'Empire français. Tel est le diplôme national par lequel vous avez rendu, de votre propre mouvement, un hommage authentique à la légitime souveraineté du pape sur Avignon et sur le Comtat. J’avoue qu’il n’existe dans la bibliothèque du Vatican aucun titre plus incontestable de cette ancienne souveraineté. Vos dispositions bien connues envers le chef suprême de l’Eglise ne permettront point à l’Europe et à la postérité de vous soupçonner delà moindre partialité, lorsque vous prononcez en faveur de Pie VI, contre les prétentions de la France. C’est par l’appel nominal que votre vœu a été énoncé. Après un tel mode de délibération, le dénombrement des suffrages a manifesté ici une majorité de plus de 100 voix en faveur du Saint-Siège. Cette forme, la plus claire, la plus précise, la plus imposante de toutes, fut admise, après de longs débats, avec le consentement unanime de tous les membres de cette Assemblée (A gauche : NonI non!)... Vous dites non : Eh bien! je vais vous répondre en trois lettres en disant oui. C’est s’avouer vaincu que d’oser nier l’évidence. Aucune voix ne s’éleva pour s’opposer à l’appel nominal, qui se fit très paisiblement; et nos adversaires n’imaginèrent les misérables chicanes dont je vais bientôt faire justice, que lorsqu’ils se virent en minorité. Le décret que vous avez rendu est maintenant connu dans toute l’Europe. Il a été consigné dans 200 journaux qui ne vous sont pas suspects ; et vous aurez beau altérer vos procès-verbaux, ces nombreux secrétaires qui ne sont pas à vos ordres, et qui attestent journellement ce qu’ils ont entendu, sont autant de témoins que nos adversaires ne peuvent ui récuser, ni contredire. Dès que la minorité eut ainsi succombé, cette même minorité qui, par les ruses indécentes, qu’on appelle la tactique de l’Assemblée, a su empêcher, pendant 5 jours entiers, la majorité de repousser, par un décret, les prétentions des hommes de couleur de nos colonies, cette infatigable minorité s’assembla immédiatement après la séance, au club des Jacobins, el là on imagina d’annuler le décret relatif à l’affaire d’Avignon, en le faisant réformer le lendemain matin, à la lecture du procès-verbal. Le rendez-vous fut donné à tous les membres de cette minorité qui composent ordinairement ici la majorité. On arrêta le plan d’attaque. On distribua les rôles, comme on les distribuerait peut-être encore demain matin, si nous obtenions aujourd’hui la majorité. M. de La Rochefoucauld-Liancourt, auquel il faut décerner toute la gloire de cette incroyable commission dont il eut l’humilité de se charger : M. de Liancourt qui avait été la veille de notre avis; M. de Liancourt qui avait acquis sans doute de grandes lumières sur le fond de la cause, en apprenant le soir que le souverain, qu’on appelait autrefois simplement le peuple, avait poursuivi, jusque dans leurs maisons, les défenseurs de la souveraineté du pape sur Avignon, en demandant leur tête à grands cris ; M. de Liancourt, fidèle sujet de ce nouveau souverain, de ce souverain des tribunes, auquel je vous prie, Monsieur le Président, d’imposer silence dans ce moment, si ses huées, que je ne prendrai jamais pour des lois, continuent à m’interrompre; M. de Liancourt enfin obtint, grâce au club des Jacobins, pour le tort qu’il 24 ARCHIVES PARLEMENTAIRES. 370 [Assemblée nationale.] avait eu la veille d’être courageusement juste; et le lendemain, il ouvrit l’avis de déclarer, que nous n’avions rien décidé et d’anéantir ainsi notre décret, à la lecture du procès-verbal. Voici, Messieurs, les moyens lumineux qui furent proposés pour prouver à toute l’Europe, que nous n’étions que des législateurs de première instance; que l’enregistrement de nos décrets dans le procès-verbal, en était la révision, et, pour mieux me faire entendre des tribunes, que l’Assemblée nationale n’était que le Châtelet du club des Jacobins. On nous dit d’abord, dans un moment où l’on ne comptait pas dans la salle 100 députés, que l’appel nominal de la veille n’avait eu qu’un seul objet, savoir si l’article serait admis ou s’il serait rejeté. On avoua que l’article proposé par le comité avait été réellement rejeté; mais on prétendit que l’Assemblée n’avait rien décidé sur le fond de la question. Ce moyen fut imaginé par M. Goupil. Mais comment ose-t-on, avec quelque pudeur, présenter un tel raisonnement à une Assemblée délibérante? Qu’avons-nous à décider? L’article proposé par le comité était conçu en ces termes : La ville d'Avignon et le Comtat-Venaissin font partie intégrante de l’Empire français. On avait voulu modifier cette proposition, qui pénétrait jusqu’au fond de la difficulté, et qui 11e permettait plus aucun retour de chicane, ni pour ni contre. Plusieurs avis avaient été ouverts pour restreindre le décret à la réunion actuelle d’Avignon et du Com-tat à l’Empire français, sans que la délibération s’étendit jusqu’à la question géographique, historique et politique, si loyalement abordée par vos comités. Nos adversaires, persuadés qu’ils nous domineraient par le nombre, crurent que tous les amendements étaient des capitulations imaginées par un parti trop timide, pour aller droit au fait, en prononçant définitivement l’incorporation du Comtat au royaume de France. En conséquence, ils pensèrent que plus la proposition serait tranchante, plus ils trouveraient de partisans dans l’Assemblée. Après de très long débats, qui nous fatiguaient depuis plus de 3 heures, les membres du club des Jacobins demandèrent avec instance que l’appel nominal commençât, et que la proposition du comité fût admise ou rejetée à jamais. J’observais, avec beaucoup d’attention, tous les mouvements de l’Assemblée. Je crus voir que nos adversaires calculaient fort mal leurs positions. Je me réunis donc brusquement avec eux pour adopter le mode de délibération du comité; et je fus appuyé de confiance de tout le côté droit. L’appel nominal s’ouvrit aussitôt. 11 fut décrété, à une très grande majorité, que la ville d’Avignon et te Comtat n’étaient point partie intégrante de l’Empire français. Or, il est bien évident que nous n’avons pas pu rejeter l’article sans décider le fond, puisque le fond était l’article lui-même. On nous demandait si Avignon et le Comtat étaient partie intégrante de la France : et ;la grande majorité déclara que non. 11 ne s’agissait pas en effet simplement d’écarter l’article, pour lui en substituer un autre; il s’agissait de terminer un grand procès national, et nous l’avons tous jugé irrévocablement. Après cette première chicane de procureur, on nous dit que la décision de la veille était insignifiante, parce que nous n’avions décrété qu’une disposition négative, et qu’une disposition purement négative ne décidait rien. Ce commentaire fut imaginé par M. Rabaud qui croyait parler sans [24 mai 1791.] doute à des écoliers que l’on éblouit par des mots qu’ils n’entendent pas, et qu’on ne comprend pas toujours bien soi-même. Puisque M. Rabaud nous ramène sur les bancs de philosophie, il faut lui apprendre que l’on dit quelquefois, argument négatif, preuves négatives, par opposition à argument positif, à preuves positives, et, dans ces phrases, le mot négatif indique l’insuffisance de la preuve. Mais le mot négatif n’a plus la même acception, quand il s’agit d’une proposition qu’il faut affirmer ou nier. Soutenir l’affirmative, ou soutenir la négative, ce n’est certainement pas rester neutre, c’est prononcer un jugement. Il y a plus, Messieurs, toute proposition négative se convertit d’elle-même en proposition affirmative, Ainsi, dans l’espèce présente, la majorité de cette Assemblée, en répondant non, a solennellement affirmé qu’Avignon et le Comtat n’étaient pas même partie intégrante de l’Empire français; et cela s’appelle, à mon avis, décider quelque chose! Enfin on porta le délire et l’immoralité jusqu’à prétendre qu’on nous avait tendu un piège; qu’il y aurait eu une décision si nous avions perdu, mais qu’on n’avait rien prononcé, parce que nous avions gagné. Il faudrait peut-être ne rien répondre à des hommes qui osent se vanter d’avoir tendu un piège à cette Assemblée. De pareilles manœuvres suffiraient pour déshonorer leurs auteurs. Mais le vrai est que s’ils ont voulu réellement nous tendre un piège, ils y ont été pris eux-mêmes. 11 ne croyaient pas que la majorité pût rejeter une proposition ainsi généralisée, en renonçant pourtoujours à réclamer Avignon et le Comtat, comme partie intégrante de l’Empire français. La justice de l’Assemblée a confondu toutes leurs combinaisons. Certes, Messieurs, vos délibérations ne sont pas assurément des parties de jeu. Mais si l’on pouvait ravaler vos fonctions, jusqu’à les assimiler ainsi à un grand jeu de hasard, vous savez tous comment il faudrait traiter un joueur assez naïf pour prétendre que les coups sont nuis quand il perd , et qu’ils deviennent excellents quand il gagne. Au reste, celle théorie n’appartient heureusement à aucun de nos collègues ; elle est un sieur Tissot, qui se dit député d’Avignon à la suite de l’Assemblée nationale, et qui a eu assez d’audace pour la développer dans une lettre imprimée, à laquelle les casuistes des galères ne trouveraient pas une seule monnaie à changer si elle était datée des chiourmes de Brest ou de Rochefort... {A gauche : Mais vous n’êtes pas citoyen français vous-même.) Eh ! comment les réformateurs de notre procès-verbal peuvent-ils dire que nous n’avons rien décidé positivement, quand ils n’ont eux-mêmes cessé de répéter, dans leurs opinions, que les circonstances les plus impérieuses nous commandaient une décision prompte et définitive? Ils savent très bien que nous avons renoncé pour jamais au droit de nous emparer d'Avignon et du Comtat, sous peine de nous dénoncer à l’Europe, comme les plus odieux et les plus inconséquents des usurpateurs... Cette proposition vous étonne? Quoil ne serait-ce done pas une usurpation, que d’envahir un territoire qui, de votre propre aveu, ne fait pas même partie intégrante de votre Empire. Ainsi, pour n’avoir pas connu la force des termes, pour s’être réduit à des ruses de guerre, ou plutôt aux misérables chicanes du barreau, nos adversaires ont laissé subsister dans le procès-verbal ce qu’ils en voulaient retrancher. Ils ont confirmé les droits du pape, en s’efforçant de les anéantir; et ils se sont interdit à jamais tout ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [24 mai 1791.] 3�4 droit sur Avignon et sur le Gomtat, en voulant conserver un prétexte d’agression, par des réserves insidieuses et des commentaires absurdes, dignes des scholiastes du quatorzième siècle. Le décret juste et sage que vous avez rendu n’a donc été réformé, ni par le fait, ni dans le droit. L’absurdité s’est heureusement confondue elle-même, en cherchant à l’annuler. On n’osera pas dire, sans doute, que l’objet de votre délibération était de savoir si Avignon et le Gomtat faisaient actuellement partie de l’Empire français, puisqu’ils en sont séparés, sans interruption, depuis 900 ans. On nous a proposé de décider si Avignon et le Gomtat étaient partie intégrante de la France. Ce mot intégrante , qui se trouvait dans le projet de décret, n’est point une de ces expressions vagues, dont vous puissiez vous dissimuler l’énergie. Qu’est-ce en effet qu’une partie intégrante? G’est une portion d’un tout dont elle forme le complément, mais qui ne lui est point essentielle. Ainsi, un bras est une portion inférante du corps humain, parce que le corps d’un omme ne serait pas complet s’il lui manquait un bras. La tête, au contraire, est une partie essentielle de l’homme, parce que l’homme ne saurait exister sans une tête. Vos comités vous ont donc sommé de déclarer si Avignon et le Gomtat étaient partie intégrante de la France : c’est-à-dire s’ils formaient le parfait complément de l’Empire français. Vous vous êtes décides nettement pour la négative. Votre décret n’a pas été révoqué, et il n’aurait pu l’être que dans la même forme del’appel nominal qui avait manifesté légalement votre vœu le plus solennel. Je demande maintenant si c’est au gré de la minorité de cette Assemblée, si c’est en l’absence de la pluralité de ses membres, si c’est à la lecture d’un procès-verbal, si c’est par des explications heureusement assez absurdes pour révolter votre propre raison, que l’on a pu dénaturer un pareil décret, sans vous dénoncer à la France entière, comme une troupe d’insensés? Pour moi, je regarde ce décret libre et raisonné, comme la reconnaissance la plus sacrée de la souveraineté du pape. G’est de vos propres mains que fie VI a reçu cet aveu authentique, sans l’avoir sollicité, sans s'être défendu, et par un simple mouvement spontané de votre justice. L’Assemblée nationale est incapable sans doute d’agir par surprise et de s’abaisser à de perfides subterfuges. G’est l’outrager, c’est l’avilir, que d’employer des moyens ténébreux et lâches, pour infirmer le vœu de la majorité; vœu auquel nous nous sommes soumis dans des occasions beaucoup plus importantes; vœu dont le peuple lui-même a si bien senti toute la force et toute l’évidence, qu’il a voulu nous punir de mort, nous qu’il en regardait comme les véritables moteurs; vœu que cette multitude en délire a légalisé, aux yeux de l’Europe entière, par l’atrocité de ses menaces, qui en ont du moins attesté le vrai sens; vœu enfin que vos tribunes elles-mêmes n’oseront pas méconnaître, puisqu’elles ont voulu les sceller de notre sang, et que des hommes libres et justes ne peuvent plus ni le désavouer, ni le combattre! Après avoir ainsi discuté le vœu de cette Assemblée, il est temps de faire comparaître, à son tour, votre rapporteur, M. de Menou, sophistique militaire, qui ne sait faire des conquêtes qu’avec des décrets. Je vais réduire avec lui, à leur juste valeur, les pétitions du peuple avignonais. Je lui ferai grâce du principe qu’il vient d’avancer dans son rapport, que tout contrat entre le gouvernement et les gouvernés est révocable à la volonté des derniers, vu, que le peuple conserve toujours le droit de changer à son gré son gouvernement. Ah! ce serait faire aux peuples un présent bien funeste, que de leur accorder ce droit terrible, qui les livrerait tous les jours à de nouvelles factions. M. de Menou s’est réfuté d’avance lui-même, quand il a reconnu que, depuis le 14 juillet dernier, les provinces du ru yauœe, solennellement confédérées, n’avaient plus le droit de se séparer de la monarchie. Il y a donc, selon M. de Menou lui-même, un moment où le peuple qui, d’après sa doctrine, ne peut jamais aliéner sa souveraineté, n’a pourtant plus le droit de rompre le contrat de son gouvernement? Je le prie, ou je le défie de concilier cette conséquence, avec Je principe que je viens de rapporter; et je n’ai besoin que de rapprocher ses contradictions pour renverser tous ses systèmes. Mais avant de traiter le point de fait, qui est relatif au vœu du peuple avignonais, il est une autre question de droit qu’il faut d’abord éclaicir, je veux parler de la souveraineté du peuple et de la prérogative qu’on lui attribue, de changer arbitrairement de gouvernement et de domination. Qu’es!-ce donc, Messieurs, que la souveraineté? G’est le transport et la réunion de toutes les forces particulières, dans les mains d’un roi ou d’un Sénat qui commande en dernier ressort, dans la société civile. Chaque individu est obligé de sacrifier à sa sûreté personnelle une portion de sa liberté. G’est l’assemblage de toutes ces portions de liberté, dans un dépôt commun, qui forme la souveraine'é, en établissant une puissance suprême, qui est à la fois la modification de la force particulière et le centre de la force publique. Il résulte de ce principe que la religion nous donne une idée vraiment grande et lumineuse de l’autorité qui régit les peuples, quand elle la fait émaner directement de la divinité. L’Etre suprême, en effet, a dû, comme auteur de l’ordre, consacrer la puissance qui maintient la société, après avoir laissé à chaque peuple le choix de la forme de gouvernement qui lui convenait le mieux. Quand on dit que la souveraineté vient du peuple et qu’elle réside originairement dans le peuple, il me semble qu’on ne s’entend pas toujours bien soi-même. Sans doute que chaque membre de la société a sacrifié, par le contrat social, une portion de sa liberté individuelle, puisque, sans ce sacrifice, la société, je veux dire l’union des citoyens, ne pourrait plus exister dans une agrégation d’hommes qui voudraient vivre dans l’état de nature, et par conséquent dans un état de guerre. Si le peuple est la source de tous les pouvoirs politiques, comme on le prétend, le trône dans une monarchie en est le réservoir. Tous les pouvoirs émanent donc du peuple. Mais le peuple est obligé de les déléguer tous, et s’il s’en réservait un seul, il tomberait aussitôt dans la plus déplorable anarchie. La souveraineté nationale n’existe donc, au milieu d’un peuple, que parce qu’il la délègue. Le pouvoir suprême, qui n’est autre chose que la collection de forces particulières, ne réside et même n’existe nulle part, avant qu’il soit ainsi délégué : d’où il suit que cette question de souveraineté du peuple est purement métaphysique, une question insignifiante, et absolument stérile en conséquences politiques; qu’on ne peut en raisonner que par abstraction, que la souveraineté qui vient du peuple ne peut jamais retourner au peuple; et que c’est manifestement l’égarer que de lui parler sans cesse d’un droit, 372 qu’il ne peut pas plus exercer que sou droit primitif de propriété souveraine sur tout le territoire national. Si le peuple voulait le reprendre, au lieu de rétablir l’ordre, il s’environnerait d’un vaste chaos. Il est pourtant très dangereux, surtout au milieu des vapeurs enivrantes de la liberté, d’investir inconsidérément l’opinion publique de ce principe abstrait de la souveraineté du peuple. Le peuple, qui ne le comprend pas, croit qu’on veut lui dire quelque chose, quand on l’avertit ainsi de la source primitive des pouvoirs. Il en conclut que personne n’a le droit de le contenir; et alors tout le monde commande dans un Etat, excepté le seul chef légitime. Le peuple se persuade bientôt, qu’il n’est pas de sa dignité de se soumettre à l’obéissance. Il est cependant très vrai que le peuple est intéressé lui-même à obéir et qu’il ne doit point en être humilié, parce qu’en dernière analyse, obéir dans l’ordre public, ce n’est autre chose que s’entendre. L’indépendance individuelle ne peut jamais produire qu’une épouvantable confusion, ou plutôt l’entière désorganisation du corps social. Au reste, quelque opinion que l’on adopte sur l’origine de la souveraineté, il est impossible de livrer aux caprices du peuple le droit d’en changer arbitrairement le dépositaire. Son intérêt et ses serments l’obligent, autant que la justice elle-même, de renoncer à ce droit terrible, qui bouleverserait continuellement les Empires, et qui deviendrait ainsi le plus redoutable fléau pour tous les Etats. Toutes les obligations sont réciproques. Les peuples ont des devoirs à remplir, comme les rois eux-mêmes, puisqu’ils ont des droits; et certes, les autoriser à l’insurrection, à la révolte, à l’infidélité envers le souverain légitime qui est chargé de les gouverner : reconnaître dans le peuple, et surtout dans une section du peuple, le droit de changer ainsi de domination, sans aucun motif, sans prétexte, sans être même tenu de rendre nul compte à personne d’un pareil abus de la force, c’est tromper la multitude our mieux la trahir, c’est se dénoncer soi-même l’univers, comme le plus dangereux ennemi du genre humain. Je reviens maintenant à ce vœu des Avignonais dont on ose se faire titre pour confisquer légalement la ville d’Avignon. Vous n’avez pas oublié, Messieurs, que le vœu des Avignonais fut solennellement discuté, l’année dernière, dans plusieurs de nos séances. On n’ose plus nous parler aujourd’hui de ce vœu de réunion, émis le 11 du mois de juin 1790, six mois après cet autre vœu solennel des Avignonais, qui avaient renouvelé volontairement leur serment de fidélité au pape; de ce vœu que M. Tronchet avait si lumineusement discuté dans cette tribune, de ce vœu signé au pied des échafauds, et tracé avec le sang des plus vertueux citoyens de la ville d’Avignon. M. de Menou lui-même, qui certes n’est pas difficile en preuves, et qui nous parlait de ce vœu avec tant d’assurance, au commencement de ce mois, garde aujourd’hui un silence prudent sur ce même acte qu’il oublie à dessein. Il faut donc le lui rappeler, non pas comme un flambeau qui puisse nous éclairer dans cette discussion, mais comme un titre nul que l’on nous a produit dès l’ouverture de cette cause, dont il a nié tous les actes subséquents, qui en ont été la suite nécessaire. Tous les contrats que l’on nous présente ici sont frappés du même défaut de liberté qui déshonora cette 124 mai 1*291.] première délibération, dont on n’ose plus à présent contester la nullité. En effet, Messieurs, depuis cette journée à jamais déplorable, tous les citoyens honnêtes et éclairés, tous les riches habitants, tous les propriétaires qui sont les juges naturels et les véritables arbitres des résolutions publiques, tous ceux qui avaient le plus de droits d’assister à ces assemblées, où l’on traitait de leurs plus grands intérêts; tous ceux qui étaient enfin les plus capables de répandre des lumières sur les délibérations, ont été forcés de s’expatrier. Il n’a plus été possible de réunir le peuple Avignonais, après cette dispersion désastreuse. Lesassassinats, les massacres, les incendies ont tellement multiplié les émigrants, que la ville d’Avignon a été constamment réduite au tiers de sa population ordinaire. Non, jamais, depuis le jour qui a livré Avignon à des étrangers et à des brigands, il n’y a ( u d’assemblée vraiment générale, vraiment libre; et par conséquent on n’a pu y émettre aucun vœu légal ou national. Aucune n’a été tenue qu’au milieu des potences, présidée que par des bourreaux, éclairée qu’à la lueur ds s torches incendiaires. Les dernières lettres qu’on vient de nous lire, et qui nous sont adressées par cette coupable municipalité, sont visiblement l’effet de la contrainte et de la terreur. D’un autre côté, l’armée avignonaise, grossie d’une multitude de protes-testants descendus des montagnes des Gévennes... M. Rabaud-Saint-Elienne. C’est faux ! A droite : C’est vrai ! c’est vrai 1 M. Voulland. G’estune calomnie atroce que M. l’abbé Maury débite pour exciter la guerre civile ; nous avons la preuve du contraire. M. l’abbé Maury. M. Rabaud, ministre protestant, ose nier ce fait ? Je lui réponds, que mon assertion est prouvée parla liste des proiestants qui ont été blessés au siège de Carpentras, et qu’on a ensuite transportés à Nîmes sur des chariots, ou qui ont été déposés dans les hôpitaux des villes voisines. En voici les procès-verbaux qui pourront rendre M. Rabaud plus circonspect dans ses dénégations, et qui l’avertiront de ne pas contrefaire ici le fanatique pour défendre des factieux dont il ne peut ignorer le secret. Des protestants blessés sont des témoins un peu embarrassants à récuser ou à excuser ; et ce fait n’explique que trop bien ce que voulait nous dire M. Camus, dans le mois de novembre dernier, quand il affirmait, si imprudemment, qu’il existait des rapports cachés entre les troubles de Nîmes et l’insurrection d’Avignon. Je reviens à cette armée avignonaise, qu’il serait impossible de calomnier , et je dis que cette horde de flibustiers ne trouve plus d’asile, ni dans la ville de Carpentras qui l’a repoussée avec tant de gloire, ni dans Je Gomtat dont elle a réduit plusieurs paroisses en cendres, ni dans Avignon même dont ses crimes lui ont fermé les portes. Elle est devenue un objet d’horreur pour tous les départements voisins, qui avaient cru d’abord protéger des citoyens, et non pas un vil ramas de brigands. D'un autre côté, les infortunés habitants d’Avignon n’osent ni ouvrir leurs portes, de peur de se dévouer au pillage ou aux massacres, ni les fermer, dans la crainte d’accélérer les terreurs d’une guerre civile. C’est dans ces circonstances que les officiers municipaux {Assemblée nationale. { ARCHIVES PARLEMENTAIRES. (Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [24 mai 1791.] 373 ont écrit au roi et à l’Assemblée nationale pour nous conjurer à genoux de les recevoir sous notre domination : c’est-à-dire de les préserver. tous de leurs fureurs réciproques, de la peine due aux forfaits qui leur sont communs, et de l’échafaud qui les attend ! J’admire étrangement les artifices absurdes que l’on emploie pour vous faire illusion dans cette cause. M. de Menou, qui connait parfaitement les agents delà ville dont il se dit l’interprète, vient de vous parler avec beaucoup d’emphase, des citoyens actifs d’Avignon. Certes, Messieurs, le mot de citoyen actif n’existait pas dans notre langue, avant votre Constitution. C’est vous seuls qui avez décidé, par vos décrets, à quelles conditions les habitants du royaume pourraient y exercer les droits politiques et devenir citoyens actifs. Vous avez déterminé une somme de contribution pour participer à ce privilège. Comment donc trouve-t-on des citoyens actifs dans une ville qui, selon vos propres décrets, ne fait pas partie intégrante de l’Empire français, d’un Empire où cette distinction civile vient d’être admise pour la première fois ? Je demande à quel titre légal on peut reconnaître les citoyens actifs de la ville d’Avignon, où l’on ne paye aucun impôt ? Je demande où est ici la base de cette activité politique ; et je supplie M. de Menou de m’indiquer les règles qu’on a suivies à Avignon pour y faire le dénombrement des citoyens actifs? Je demande enfin si ces prétendus votants ne sont pas des étrangers, des domestiques, des soldais, des enfants ; et si le vœu d’Avignon n’p. pas été émis par cette classe que vos décrets ont sagement exclue du privilège des citoyens actifs? Le vœu apparent de la ville d’Avignon ne peut donc avoir aucune autorité légale. La commune ne s’est jamais réunie depuis le mois de juin dernier. Les habitants n’ont pas cessé un seul instant, depuis cette époque, d’être sous le poignard des assassins. Que devons-nous donc penser d’une municipalité composée, ou de factieux sans propriétés, ou d’étrangers sans intérêt dans cette cause; d’une municipalité qui, sous le masque du patriotisme, cache mal son esprit de révolte; qui, par les plus viles adulations, est venue mendier, ou plutôt acheter le prix de ces forfaits, vendre les droits de son souverain légitime, d’urt souverain juste et bienfaisant, pour se soustraire au dernier supplice qu’elle a mérité ; qui ose offrir à l’Assemblée nationale, en signe de soumission, ses mains teintes du sang de ses concitoyens : digne gage d’une si noble réunion à la France! De cette municipalité enfin, qui tranche du souverain, débauche nos soldats, et dont l’armée viole notre territoire, met à contribution, à feu et à sang, les villages du Gomtat, en disant qu’elle veut se soumettre à notre domination, en faisant des conquêtes pour la France, avant d’être française elle-même! Ne sont-ils pas bien dignes de respect et de confiance les acies signés par de pareils chefs qui président, un poignard à la main, aux assemblées du peuple avi-gnonais? Peut-on, sans frissonner d’horreur, se retracer tant d’abominations, dont le scandale a retenti dans l’Europe entière! J’épargnerai à votre sensibilité, le tableau dégoûtant de tous ces crimes qui déshonorent notre nation et notre siècle. La municipalité d’Avignon a donné des exemples de fureur, inouis dans l’histoire des peuples les plus barbares. (Murmures.) Vous l’avez déjà rejetée trois fois, lorsque, paraissant amenée par son patriotisme, elle ne cherchait qu'un refuge dans cette Assemblée, pour obtenir l’impunité de toutes ses félonies. Eh bien! Messieurs, nonobstant les trois décrets qui la repoussent de votre sein, cette municipalité n’a pas craint de s’ériger en département. La ville d’Avignon et le Gomtat formeraient à peine le tiers d’un département français. Le nouveau corps administratif d’Avignon ose néanmoins s’intituler fièrement, le département de Vaucluse; et certes ce n’est pas un titre sans fonctions. Ce département qui s’est institué lui-même, et dans lequel je vois de prétendus électeurs, que personne n’a légalement élus, établit et perçoit des impôts dans tout le Gomtat. Les mandats sont des lettres dechange payables à vue, et tirées sur tous les propriétaires, par des voleurs de grands chemins. Vous avez vu ce département prendre une armée à sa solde, s’ériger en puissance belligérante, déclarer la guerre aux villes voisines, comme de puissance à puissance, publier des manifestes, nommer des généraux, et vexer ou proscrire dans cette belle et malheureuse contrée, tous les bons citoyens qui refusaient de devenir ses complices. Cette armée d’assassins a assassiné elle-même son général, au lieu de le livrer au bourreau; et aussitôt elle l’a remplacé par un autre bourreau, par cet exécrable Jourdan, surnommé le coupe-tête, monstre nourri de sang, couvert de forfaits, régicide en espérance, que l’échafaud redemande à Paris, et que votre ministre de la guerre, le ministre d’un roi que ce scélérat voulut égorger, le 6 octobre 1789, laisse à la tête d’une troupe de brigands, qui poursuivent la réunion d’Avignon à la France, par des attentats si dignes d’un tel général, et d’une telle révolution. Je dénonce encore une fois au tribunal de l’honneur et des lois, ce ministre prévaricateur, M. du Portail, qui par sa coupable condescendance, s’est rendu complice de tous les excès des Avignonais. M. du Portail s’est empressé d’arracher aux habitants de Garpentras les généreux défenseurs français qui s’étaient enfermés dans les murs de cette ville, pour la protéger contre les brigands d’Avignon. Tandis qu’il réclame avec tant de rigueur les soldats qui se déclarent en faveur des Gomtadins, il laisse dans une armée de scélérats, qui se disent sujets de la France, tous les déser; teurs français, toute cette nuée de prolestants, qui sont accourus des montagnes du midi, pour égorger mes compatriotes. Voire ministrede la guerre, toujours sourd à nos réquisitions, n’a jamais voulu revendiquer les déserteurs, auxquels la municipalité d’Avignon paye quarante sols par jour pour servir de bourreaux à cette ville coupable. Il est étrange que M. du Portai), hautement dénoncé par moi à votre justice, et à l’exécration de toute l’Europe, m’abandonne lâchement son honneur, en se dévouant au plus honteux silence. Il est étrange que cette responsabilité des ministres, si solennellement établie par vos décrets, ne soit plus qu’un être de raison, lorsque nous l’invoquons dans cette AssemLdée ; lorsque nous demandons, à grands cris, un exemple de justice que vous nous devez. Il est étrange enfin que nos plaintes soient toujours repoussées, et qu’on ose se servir aujourd’hui de la situation où les Avignonais se sont mis eux-mêmes et de la déplorable extrémité à laquelle ils ont réduit le Gomtat, pour vous présenter cet amas de calamités , comme une nouvelle consécration donnée au voeu, par lequel les Avignonais demandent a été incorporés à l’Empire français. 374 [AssemLlcc nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [24 mai 1791. Ou nous parle ici des avantages et du besoin de la paix pour légitimer cette grande injustice ? Ah I Messieurs, nous demandons tous la paix... (A gauche : Oh non ! certes !) Mais les habitants du Gomlat sont-ils donc sortis de leurs foyers, pour la troubler? Qu’on nous cite une seule municipalité, une seule garde nationale du Gomtat, qui ait violé le territoire de la France, pour por ¬ ter le fer et la flamme chez ses voisines ; nous ne sommes pas les agresseurs. Hélas 1 ou le sait bien, et ce serait une singulière pitié que celle de la France, si ses représentants n’empêchaient les Avignonaisde nous égorger, que, sous la condition tacite de nous asservir eux-mêmes! La réunion d’Avignon ne serait en effet que le prélude de la réunion du Gomtat. Il serait indigne de la France de s’abaisser ainsi à la ruse, pour nous conquérir en deux temps. D’ailleurs, quelle conliance pourrait vous inspirer les Avi-gnonais, qui ont usurpé la souveraineté de leur ville, sans pouvoir vous dénoncer aucun grief, contre le prince irréprochable, sous les inquiétudes de la peur, sont intimidés eux-mêmes à présent, de celte force effrayante qui les environne. C’est là, Messieurs, le véritable mot de l’énigme, dans le rapport que vous venez d’entendre ; et ce mot n’a pu échapper à la sagacité d’aucun membre de cette Assemblée. Ici, Messieurs, fatigué de contempler tant d’horreurs, je veux laisser respirer votre indignation et la mienne, et appeler un instant vos regards sur la ville de Garpentras. J’ai besoin de vous consoler du souvenir, et en quelque sorte de la présence des brigands, dont je raconte les attentats, en vous montrant enfin des héros citoyens. J’ai besoin de soulager vos âmes abattues, en payant un juste tribut d’amour et d’admiration à la fidélité jusqu’à présent inviolable, — puisse-t-elle l’être toujours! — à l’inébranlable constance, au courage héroïque des habitants de Garpentras. La gloire immortelle qui les environne augmente aujourd’hui le désespoir des assasins d’Avignon, redouble leurs alarmes, et accable du moins de tout le poids de la honte, des brigands inaccessible aux remords. SiM. de Menou sépare aujourd’hui la cause d’Avignon de celle du Gomtat, ne croyez pas, Messieurs, qu’il ait attendu ce moment, pour reconnaître l’absurdité du vœu que l’on avait arraché aux Comtadins, aux deux époques de l’invasion, et des massacres de l’Isle du Thor et de Gavaillon. M. de Menou qui soutenait avec tant d’intrépidité au commencement de ce mois, la liberté et la légitimité des pétitions de ces malheureux habitants du Gomtat, lesquels se jetaient dans le sein de la France pour y trouver un asile, comme on se précipite du haut d’un édifice enflammé. M. de Menou connaissait dès lors l’indécente irrégularité du vœu qu’il abandonne aujourd’hui. Quel est donc le motif secret, je ne dis pas de ce changement d’opinion, mais de ce changement de langage de M. le rapporteur ? Je vais vous le dire. Les Avignonais venaient de commencer le siège de Garpentras. Cette ville que M. Bouche appelait si burlesquement (1), le cratère de V aristocratie , (1) Je ne sais pourquoi M. Bouche et son substitut, M. de Menou, s’obstinent encore à nous parler sans cesse de l’aristocratie du Comtat. Nous n’y connaissons que de nom cette aristocratie, dont on a fait en France le sobriquet de la fidélité au souverain, et l’épouvantail du peuple. Le trône lui-même y est la récompense des talents et des vertus, sans aucune distinction de naissance. Notre souverain n’a de troupes que pour la police intérieure; il n’accordo aucune décoration civile, cette ville que l’on vous dénonçait, comme un réceptacle de prêtres, d’aristocrates et de poltrons. (Rires.) ; cette ville dont b s Avignonais s’étaient flattés d’enchaîner les habitants à leur char de triomphe, en venant vous demander de les proclamer Français, par droit de conquête; cette ville s’est défendue avec gloire, elle a mérité l’estime et l’intérêt de l’Europe entière et l’on a bien vu que de pareils prodiges de valeur ne pouvaient être enfantés que par le plus sublime patriotisme. C’est ainsi que Carpenlras vous a expliqué le véritable sens du vœu qu’il avait émis d’être réuni à la France ; vœu frappé des nullités les plus révoltantes; vœu contraire à tous ses véritables intérêts et que cette ville désolée sera peut-être obligée de renouveler encore, pour invoquer votre assistance contre Avignon. Mais si cette pétition reparaît, je vous déclare d’avance, qu’elle portera toujours le même caractère de contrainte et d’illégalité, jnsqu’à ce que, depuis plusieurs mois, la ville d’Avignon soit réduite à l’impossibilité de venir assiéger Garpentras. Vous vous en souvenez, Messieurs, on ne doutait pas ici, au commencement du siège, que la ville de Garpentras ne fût emportée d’assaut par ces mêmes Avignonais qui se sont avilis, dans tous les sens, devant ses murs; et alors il aurait bien fallu que le Gomlat tout entier se hâtât de capituler, à la suite de cette cité malheureuse. La ville de Garpentras n’a heureusement changé ni de domination ni de principes; elle est demeurée libre, elle est restée indépendante des brigands, elle s’est couverte de gloire. Alors, les Avignonais, désespérant de conquérir Garpentras, ont renoué leurs intrigues, et sont venus chercher des protecteurs dans cetie Assemblée, qui avait trop légèrement compté sur leurs succès. Prenez-nous seuls, nous ont dit leurs émissaires. Prononcez un décret de réunion qui nous assure l’impunité de nos crimes... (. A l’ordre! à l'ordre!) L’unique argument nouveau que nous ayons à vous présenter, c’est que nous sommes devenus infiniment plus coupables, depuis que vous avez ajourné trois fois nos pétitions, dans une seule année; c’est qu’en combattant en votre honneur, nous nous sommes rendus dans nos contrées, l’horreur du genre humain; enfin c’est que nous sommes prêts à nous armer contre Avignon même, si Avignon n’est pas réuni à la France. Oui, nous allons y porter le fer et la flamme! Nous allons chercher notre subsistance, en pillant, en massacrant cette même ville qui aucune grâce pécuniaire, et le peuple n’y paye des pensions à personne. On n’exige de nous aucune espèce d’impôts, et par conséquent personne ne jouit de la moindre exemption, ni du plus médiocre privilège. Le port d’armes et le droit de chasse appartiennent indistinctement à toutes les classes de la société. Nous n’avons jamais été soumis à la gabelle, à la corvée, à la milice, enfin à aucune servitude personnelle. Le droit de franc-fief n’est pas perçu dans le Comtat Nous ne pouvons reprocher au gouvernement vraiment paternel du pape, ni prisons d’Etat, ni lettres de cachet, ni déficit, ni aucun abus d’autorité. Toutes nos places municipales sont électives. Nos juges, qui sont des hommes de loi, ont la préséance, dans toutes les cérémonies publiques, sur les consuls, choisis souvent par le peuple dans la classe des nobles. Les Etats de notre province ont le droit de s’assembler quand ils le veulent, sans aucun commissaire du souverain. Ces Etats sont composés de 3 membres du clergé, d’un seul possédant fief, et de 27 députés des communes, qui concentrent ainsi, dans leurs mains, toute l’autorité du pays. «Aristocratia nos-tra, hæc est, Quiritesl » {Note de M. l’abbé Maury.) 375 (Assamblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. 124 mai 1791.J nous a déchaînés contre le Gomtat. Nous n’avons pu conquérir Garpentras, les armes à la main : daignez nous conquérir nous-mêmes par un décret. Gette conquête est plus facile. Nous sommes placés entre la France et l’échafaud. 11 faut que nous périssions victimes des lois, pour peu qu’il reste encore de justice sur la terre, si les législateurs français nous repoussent encore une fois, en nous livrant au juste ressentiment de nos propres concitoyens. Voilà, Messieurs, le véritable sens des pétitions, des adresses et des instances qu’on vient de renouveler dans cette tribune. ( Rires ironiques à gauche.) La municipalité d’Avignon est proscrite par sa propre armée, qui n’appartient plus à présent qu’à ses chefs, et je la vois, dans ce moment, prosternée devant vous, entre une horde de brigands qui la menace, et un peuple courroucé qu’elle a trompé. (Murmures.) Gette municipalité, qui a été enfin forcée de rendre ses comptes, a révolté tous les esprits, en portant en dépenses, dans un état imprimé que voici, une somme de 66,424 livres, pour l'affaire du 10 juin : c’est-à-dire pour l’exécrable supplice de 4 citoyens vertueux qu’elle fit pendre à la porte de l’Hôtel-de-Ville, moyennant une somme de 17,000 livres par tête! Une pareille dépense n’a point d’exemple, sans doute, dans les comptes d’une administration municipale. L’horreur qu’elle inspire révèle d’avance les plus terribles châtiments, à cette même municipalité qui ne craint pas d’avouer publiquement un tel crime. Le nommé Jourdan, que vous connaissez tous, par son infâme surnom de coupe-tête, tient habituellement sur son bureau une liste de proscriptions, sur laquelle on lit les noms de la plupart des officiers municipaux avi-gnonais. Sylla, auquel je vous demande pardon de comparer, pour un moment, un si infâme scélérat, le barbare Sylla ne proscrivait du moins que ses ennemis personnels. Le nommé Jourdan se charge de toutes les haines et de toutes les vengeances de ses complices. La formule de proscription est imprimée dans une feuille publique, qui circule dans toutes vos provinces méridionales. On la présente à tous les misérables qui veulent désigner leurs victimes à la mort; en voici une copie authentique, où elle est conçue en ces termes : Ceux qui voudront que les ci-après nommés soient pendus, n'auront qu'à signer. (Murmures d'indignation . Cela n'est pas possible!) C’est ainsi, c’est avec cette horrible profanation des formes légales, que l’armée avignonaise exerce une souveraineté malheureusement trop connue en France, la souveraineté du brigandage. Le maire d’Avignon est à la tête des proscrits. Que dis-je? la ville d’Avignon tout entière est condamnée au pillage, elle va être as-siégéepar cette même armée qui n’a pu conquérir Garpentras. Ge sera donc Avignon même que vous sauverez, en ordonnant à ces ennemis du genre humain de mettre bas les armes. Si vous rejetez irrévocablement la requête forcée des Avigno-nais ; si vous déclarez solennellement que toute violation du territoire français, par des hommes armés, ser a punie comme un crime de lèse-nation, aussitôt, je le prédis hautement, oui, une heure après que votre décret sera parvenu dans le Gomtat, l’armée de Jourdan sera dispersée, et Avignon sera tranquille. Avignon n’attend que la paix, la paix ! et ce ne sont pas les bons citoyens qui la troublent. Ne vous y trompez pas, Messieurs, ce n’est plus leur réunion àla France, c’est votre protection qu’invoquent les Avignonais. Je les connais bien; et j’ose vous répondre u’au moment où iis n’auront plus rien à crain-re, ils cesseront de vous importuner par leurs absurdes pétitions. Si leur cruelle position ne peut vous émouvoir, souffrez du moins qu’une puissance supérieure à la vôtre, souffrez que la vérité vous éclaire, dans ce moment, en vous dévoilant vos propres intérêts. 11 est facile sans doute de faire trembler ici les conquérants d’Avignon eux-mêmes. Qu’il me soit donc permis de leur exposer les suites terribles de cette folle ambition, qui les abaisserait à une association honteuse avec des brigands. A peine auriez-vous revêtu du titre glorieux de citoyens français, des monstres qui ne méritent plus de porter le nom d’hommes, que vous donneriez à toutes les puissances de l’Europe, les plus justes sujets de crainte, et par conséquent d’agressioo. Vous leur fourniriez imprudemment un prétexte plausible d’atlaquer une nation qui se ferait un jeu de susciter, de fomenter, de protéger, de soudoyer des révoltes, pour se créer je ne sais quel droit chimérique, de faire des conquêtes mal colorées, en prononçant des confiscations. Gette doctrine en action, de la souveraineté du peuple, serait regardée comme un manifeste destiné à détrôner tous les rois. Il n’est aucun potentat qui ne fût menacé par votre décret d’invasion; ils se réuniraient donc tous contre une nation, dont les législateurs se déclareraient des embaucheurs de peuples, comme les Avignonaissesont établis, de leur propre aveu, embaucheurs de soldats déserteurs. Mais si cette ligue inévitable ne vous présente encore que des dangers éloignés, voici, Messieurs, d’autres périls qui vous environnent, au milieu de la France elle-même. Un décret qui réunirait Avignon, en vertu d’un seul vœu clés Avignonais, autoriserait manifestement toutes les provinces du royaume, toutes vos frontières, disons plus, toutes vos villes dominées par des factieux, excitées par vos ennemis, fatiguées des troubles de votre Révolution, à arborer aussitôt l’étendard de l’indépendance et de la révolte. Vous croyez échapper à mon raisonnement, en me répondant ici, que vos provinces avaient bien ce droit avant l’acceptation de la Constitution, mais qu’elles ne l’ont plus depuis la fédération du 14 juillet dernier? Eh bien, sans disputer sur un fait, dont la discussion nous mènerait trop loin ; sans examiner si une fête militaire a pu exproprier le peuple français de ses droits, qui, selon vous, sont inaliénables ; sans m’arrêter aux principes et aux conséquences de cette fédéralion, je prétends que votre réponse ne retardé ici votre défaite que d’un seul syllogisme; et en voici la démonstration. Vos colonies n’ont pas encore acceplé votre Constitution, qui, de votre propre aveu, leur est étrangère, elles sont dans le même état où se trouvaient les provinces françaises avant la fédération : c’est-à-dire dans l'état de la liberté primitive et de l’indépendance naturelle. Je suppose maintenant qu’un décret solennel accueille aujourd’hui le vœu si illégal des Avignonais, vous reconnaîtrez dès lors qu’un peuple a le droit de changer arbitrairement de domination et de souverain. Que pourrez-vous répondre ensuite aux colons, si, adoptant les principes et les exemples de nos prédicateurs de révolte, si employant les moyens de leurs dignes prosélytes, les séditieux d’Avignon ; si écartant les dissidents par la terreur, assurant leur autorité par la multitude des émigrations, étouffant les plaintes par la violence, extorquant à main armée des signatures au mi- 376 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. 124 mai 1791.1 lieu des échafauds, les colons blancs, libres encore et souverains, viennent vous dire dans cette Assemblée : « Vous avez conquis la ville d’Avignon, « ou du moins vous l’avez acceptée par un décret. « Vous avez donc reconnu qu’un peuple avait le « droit de changer de souverain, sans même être « obligé d’en énoncer les motifs. Eh bien 1 nous « sommes aussi un peuple, comme les Avignonais ; « et nous vous déclarons que nous voulons user « de nos droits, pour nous donner à l’Angleterre. « Telle est notre volonté suprême ! Et quoique « nous soyons dispensés d’alléguer nos griefs, « nous consentons à vous les faire connaître. Nous « sommes irrités de votre décret du 15 mai der-« nier, qui, en appelant tous les hommes de cou-« leur aux droits de citoyen actif, nous dégrade, « nous avilit, renverse le gouvernement sous le-« quel nous voulions vivre toujours : qui nous « livre enfin à la merci des esclaves que nous « avions affranchis, et compromet ainsi nos pro-« priétés et notre existence. » Je recommande à tous les bons citoyens qui m’écoutent; je recommande à tous ceux de nos collègues qui se montrent si ardents pour faire la conquête d’Avignon, je leur recommande de méditer dans leur patriotisme ce modèle de pétition des colons américains, dans laquelle je n’ai changé que les noms. L’identité est ici évidente. Je les défie hautement de m’assigner la moindre différence ; et de me dire comment ils pourraient blâmer la défection des colonies, après avoir consacré la révolte des Avignonais , après avoir donné aux Anglais l’exemple d’une telle usurpation. Oh ! si jamais ce fatal projet s’exécute, je rends ses auteurs et ses fauteurs responsables des guerres étrangères, des révoltes intestines et de toutes les calamités qui en seront les suites inévitables. Je les dénonce à la nation, comme ennemis de la patrie; je les dénonce à l’univers, comme ennemis du genre humain. Mais, non, non, je ne veux ni les défier ni les dénoncer. Je sens, si j’ose parler ainsi, que j’ai trop d’avantages dans ce moment. Je ne veux point me servir ici de tous nos moyens. Faut-il me prosterner devant eux, pour mieux h s désarmer? Je les supplie donc, je les conjure, au nom de la France entière, de peser les conséquences du décret fatal qu’on veut leur arracher ; et de se demander à eux-mêmes, si l’acte d’invasion d’Avignon ne serait pas un manifeste justicatif, en faveur des ennemis du dehors qui voudraient nous déclarer la guerre, et en faveur des provinces, des villes et des colonies qui voudraient se révolter? Ah ! si on a voulu perdre ces colonies précieuses qui valent 250 millions de revenu annuel à l’Etat; si les insensés, qui ont osé vous dire, que la France pouvait sacrifier impunément toutes ces possessions lointaines, entreprennent de vous persuader aujourd’hui que vous avez besoin d’Avignon {A gauche : Ce n’est pas cela 1) ... ; si le même parti a formé le complot de ruiner le royaume, d’un côté par une misérable conquête, de l’autre par la scission la plus désastreuse ; enfin si nos législateurs philanthropes ont voulu, Messieurs, vous préparer, par une induction conforme aux règles de la plus sévère logique, à la perte prochaine et éternelle de toutes vos colonies, il faut avouer qu’il était impossible de prendre un moyen plus adroit pour y réussir, qu’en vous proposant de décréter la confiscation d’Avignon, en vertu du seul vœu supposé des Avignonais. Vous avez vu, Messieurs, il y a peu de jours, lorsque vous délibériez sur les pétitions des hommes de couleur, vous avez vu que nous ne voulions pas faire de cette question une affaire de parti. Nous avons prouvé, dans cette délicate et mémorable discussion, que les défenseurs de la vérité, quels qu’ils fussent, n’étaient jamais nos adversaires. Nous nous sommes réunis loyalement à ce même parti qui nous fut toujours si opposé. Nous espérons que le même amour de la justice et de la patrie va le rallier aux principes sacrés, que nous revendiquons, dans ce moment, pour préserver la Francedel’injustice scandaleuse dont elle se souillerait, en conquérant la ville d’Avignon. Ce décret funeste serait le germe d’une guerre inévitable. Vous n’avez pas oublié que l’initiative de la guerre a été réservée, par vous-mêmes, constitutionnellement et exclusivement, au roi. Or, une conquête, une invasion, enfin une spoliation d’un souverain étranger, ne serait-elle pas au moins une proposition initiative de la guerre (1)? Le parlement d’Angleterre, dont nous devons lire les statuts dans cette Assemblée, pour nous pénétrer des grands principes de la législation, comme on étudie les cartes géographiques, et les relations des voyageurs, quand on va faire le tour du monde, le parlement d’Angleterre n’a jamais ni fait, ni proposé aucune conquête à ses rois. J’entends ici la voix de M. de Menou ; mais il m’est impossible de démêler, et surtout de suivre ses raisonnements. S’il veut me répondre, je suis prêt à lui céder la parole. Je le prie seulement de ne s’adresser qu’à moi seul, pour me confondre, parce que je n’ai chargé aucun de ses voisins de le réfuter en mon nom. « Je dis, s’écrie aussitôt M. de Menou, que tous « vos raisonnements sont de vraies déclamations. « L'Assemblée nationale est mécontente de la cour « de Rome. Le pape ne mérite pas que nous soyons « si juste à son égards. » Eh 1 qu’importe à des juges, tous ces mécontenle-ments,sur lesquels je n’aurais jamais tant de choses àdire?Meprenez-vous doncpour un suppliant qui sollicite votre générosité ? La justice est-elle donc, à votre avis, une grâce que vous ne pensiez devoir qu’à vos amis ? La justice n’appartient-elle pas à tout le monde ? Quoi ! vous convenez que la cause du pape est juste; et vous osez dire à cette Assemblée que le pape ne mérite pas que nous soyonsjustes nous-mêmes? ilnemérite pas votre justice !... Ce n'est pas de cela qu'il s’agit , reprend M. de Menou, fai voulu dire , quand vous m'avez interrompu, qu'il n'était ici question que d'une affaire politique. Vous nous avèz parlé du parlement d' Angleterre. Or , je soutiens qu'il y a une grande différence entre la puissance de la cour de Rome et les escadres Anglaises. Vraiment je n'aurais pas conseillé à la nation de s’emparer d'Avignon si cette ville appartenait à V Angleterre. Je n'ai pas dit un mot de cela. Ne me faites pas déraisonner , je vous en prie. J'ai dit tout le contraire, en dévelop - (1) M. de Menou dit, dans son rapport, que nous pouvons nous emparer d’Avignon sans craindre que l’on nous accuse de l’avoir conquis. Voici comment il définit les conquêtes, dès la première année de son apprentissage diplomatique. Une conquête, dit-il, est le résultat d’une guerre faite franchement , ou d'une agression subite et imprévue. Si j’avais le temps de me divertir, je pourrais m’égayer ici aux dépens de M. de Menou. La matière est un peu trop sérieuse pour qu’il soit permis d’en rire. Je reconnais que si la définition de M. de Menou est exacte, l’invasion d’Avignon ne peut pas être appelée une conquête, car rien n’a été ni moins franc , ni moins subit, ni moins imprévu. { Note de M. l’abbé Maury .) [Assemblée nationale.) ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [24 mai 1791. J 377 pant nos principes sur l'usage que l'on doit faire de la force politique. Vous l'avez oublié ; mais mon rapport en fait foi. Non, Monsieur, je n’ai point oublié cette théorie que vous nous avez exposée. Je veux vous en restituer toute la gloire. Je vais donc vous faire raisonner d’après vous-même : ce sera ma seule manière de vous faire déraisonner. Ecou-tez-moi donc de grâce; et jugez, si j’ai bien saisi le système d’agression, que vous avez développé dans cette tribune. Selon la doctrine de M. le rapporteur, toutes les fois qu’un Etat se dispose à une déclaration de guerre, il doit d’abord comparer ses moyens aux ressources de son ennemi. Si l’adversaire qu’il veut attaquer est plus puissant que lui, la raison lui conseille d’éviter une agression dans laquelle il succomberait Si les forces respectives sont à peu près égales, la prudence ne lui permet pas de se compromettre, sans aucune certitude morale de succès. Si, au contraire, il est assuré de combattre avec avantage, un ennemi inférieur en moyens, il peut et doit l’attaquer sans nul ménagement. Voilà, de mot à mot, les principes lumineux que vient de professer M. de Menou. Les conséquences en sont fort claires; et elles s’appliquent très naturellement à la cour de Rome, que nous pouvons braver impunément. Eh bien ! Messieurs, ce système qui vous est recommandé par votre comité diplomatique et par votre comité d’Avignon, ne m’était point inconnu. Je me souviens, qu’il était de mode de Je développer, dans mon enfance; et je veux vous en faire connaître aujourd’hui le véritable auteur, dont M. de Menou ne vous a point parlé, quoiqu’il se soit mis avec lui, dans son rapport, en pleine et entière communauté de politique et de morale. Il a existé au milieu de ce siècle, un homme fameux par la tenvur qu’il inspirait, et par la haute valeur qui le signalait dans toute l’Europe. Il était né sans fortune, il aimait la dépense, il voulait s’enrichir. Toujours avide et toujours prodigue, il avait rassemblé autour de lui une foule de braves qu’attirai t à sa suite l’opinion universelle que l’on avait conçue de son courage et de ses talents. Dès qu’il se vit à la tête de cette troupe d’élite, il comprit, en chef habile, qu’il devait ménager le sang de ses compagnons toujours impatients d’affronter à sa voix les plus grands dangers. Sa maxime constante était comme celle de M. de Menou, qu’il ne fallait jamais attaquer l’ennemi, quand on était le plus faible. Loin de tenter ces témérités brillantes, que le succès lui-même ne justifie pas toujours aux yeux des sages, il mettait alors sa gloire à éviter le combat, tantôt par le choix des postes où il se rendait inattaquable, tantôt par des retraites imprévues, dont il avait la fierté de ne jamais rougir. Il fuyait sans honte, quand il n’apercevait aucun autre moyen de salut. Voilà déjà une première analogie de ses principes avec la doctrine politique de M. le rapporteur. Il y a plus, Messieurs, et la parité va devenir parfaite. Quand le résultat de ses manœuvres l’exposait à combattre à armes égales, il pensait, comme M. de Menou, que la prudence du commandement ne lui permettait de rien livrer au hasard. Il ne compromettait point sa réputation ou sa fortune; il évitait ces combats indécis et incertains, dont il ne pouvait pas se promettre de grands avantages. Il s’élevait au-dessus des jugements vulgaires; il souffrait patiemment la censure de ses frères d’armes, dont l’ardeur ne calculait point les événements, et ne voyait dans un combat, que la gloire ou le butin. 11 réduisait alors tout son talent à la sagesse de ses précautions défensives; et il redoutait noblement pour autrui le danger qu’il ne croyait jamais pour lui-même. Mais lorsque, par ses dispositions savantes ou adroites, il parvenait à rencontrer ou à envelopper un ennemi inférieur en nombre, il s’abandonnait alors à toute l’impétuosité de sa valeur; il provoquait, il poussait ses compagnons d’armes au carnage ; il déclarait qu’il ne payerait la rançon d’aucun prisonnier; il n’accordait point de quartier aux vaincus; et il ne croyait avoir triomphé du parti le plus faible, qu’après l’avoir entièrement exterminé. Cet homme, Messieurs, dont vous avez souvent entendu sans doute vanter la haute vaillance : ctt homme, dont M. de Menou a parfaitement exposé la théorie, qu’il vous propose aujourd’hui d’adopter, et qu’il a humblement appropriée à vos comités réunis : cet homme rare enfin, que vous êtes tous si impatients de connaître, s’appelait Louis Mandrin (1). M. le rapporteur trouve-t-il à présent, que je le fasse bien raisonner ; et demande-t-il la parole pour me répondre? Je vois avec satisfaction, mais sans surprise, qu’un pareil rapprochement suffit pour réfuter, dans cette tribune, l’immoralité des principes auxquels M. de Menou a été obligé de recourir, pour justifier vos entreprises contre le pape. J’ai besoin de descendre à des comparaisons qui vous pénètrent tous d’horreur, pour me faire entendre de vos tribunes qu’on a séduites, qu’on a soulevées contre moi, et qui rougissent dans ce moment de leur association involontaire avec le brigand le plus forcené de ce siècle. On n’a négligé aucun moyen dans cette discussion pour égarer le peuple : je ne dois en omettre aucun pour l’éclairer, et pour diriger sa haine contre les véritables corrupteurs de l’opinion publique. J’entends publier à grands cris dans les rues de cette capitale ; que dis-je? vous l’entendez : on publie encore, autour de cette enceinte, au moment même où je vous parle, qu’il s’agit, pour la nation française, en s’emparant d’Avignon, de gagner 100 millions de biens ecclésiastiques, et 60 millions d’impôts ( A gauche : c’est une calomnie); tandis que le revenu total du comtat Venaissin et d’Avignon ne s’élève pas annuellement à 10 millions. Voilà de quels méprisables mensonges on n’a pas honte de se servir pour abuser un peuple qui croit tout, et se permet tout durant le long sommeil de notre gouvernement, mais dont le réveil sera terrible, quand il connaîtra les perfides qui savent bien aujourd’hui qu’il faut le séduire pour le dénaturer! Il ignore sans doute, ce peuple si avide, que toutes les conquêtes ne sont pas lucratives pour le Trésor public. Ainsi l’île de Gorse, considérée comme poste, est sans doute d’une haute importance; et il était surtout de l’intérêt de la France d’en éloigner les Anglais. Mais si on l’envisage dans ses rapports avec le fisc, on trouvera que la Corse nous a coûté des sommes très considérables, trois campagnes très meurtrières; et que loin de payer aucun impôt à la France, elle augmente annuellement nos dépenses nationales, de plus de 500,000 livres. Si le peuple connaissait ainsi le produit réel de toutes les conquêtes qui tentent sa vanité, il serait peut-il) Ce fameux chef de brigands fut rompu vif à Valence, en Dauphiné, le 26 mai 1755. 378 (Assemblée nationale.J ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [24 mai 1791, J être moins ardent à presser, par ses vœux, l’agrandissement de votre territoire. Que ce peuple qui veut être libre, et qui est assez inconséquent pour ne point pardonner à ses représentants mêmes l’entière liberté de leurs opinions : que ce peuple trop peu instruit de ses véritables intérêts, pour reconnaître qu’un parti de l’opposition, loin d’être odieux, est toujours nécessaire dans une Assemblée représentative; que ce peuple, dont la vue ne s’étend jamais, ni au delà du moment dont il jouit, ni au delà du point qu’il occupe : que ce peuple nous entende dans ce moment, et qu’il nous juge! Il s’agit de savoir si une insurrection (omentée dans Avignon, par des hommes qui disent avoir des protecteurs puissants dans l’Assemblée nationale, et qui se sont signalés par les plus exécrables forfaits, peut devenir un titre légal pour nous autoriser à confisquer les Etats d’un souverain étranger. Voilà pour le fait, voici pour le droit : Il s’agit de savoir si nous sommes autorisés à revendiquer les aliénations faites par les anciens comtes de Provence, 200 ans avant la réunion de la Provence à la couronne. Il s’agit de savoir si nous pouvons nous mettre à la place de ces mêmes comtes de Provence, dont nous ne sommes pas les héritiers à titre universel, mais simplement à titre singulier, en vertu d’un testament souscrit par Charles du Maine, dernier comte de Provence, la veille de sa mort, au profit de Louis XI son légataire. Il s’agit de savoir si en héritant de cette riche succession, au préjudice d’un enfant à qui elle élait substituée, et dont le descendant est aujourd’hui empereur, nous avons le droit de réclamer, non seulement la ville d’Avignon, mais encore toutes les autres enclaves de la Provence, qui avaient été aliénées par les ascendants du donateur : telles que Ville-franche, Vintimille, le comté (1), et la viguerie (1) M. de Menou ne s’entend pas lui-mème, quand il dit que la vente d’Avignon n’était qu’un engagement révocable à volonté. Il est démontre que la loi de l’inaliénabililé du domaine a toujours été étrangère aux anciens comtes de Provence. Le contrat de vente de la ville d’Avignon ne fut pas un simple engagement, mais une véritable aliénation revêtue des formes les plus solennelles. La reine Jeanne survécut pendant 34 ans à cette aliénation, qu’elle avait manifestement ratifiée. Durant cet intervalle, elle fut absolument indépendante de � l’autorité du pape, qui siégeait à Avignon, tandis qu’elle régnait à Naples. Elle publia 5 édits depuis 1348 jusqu’en 1382, pour revendiquer les aliénations de son comté de Provence; elle rentra dans tous ses domaines et elle ne réclama jamais Avignon. Charles VIII, en 1483; Louis XII, en 1303; François Ier, en 1517 et en 1532 ; Louis XIII, en 1615 ; et Louis XIV, eu 1668, ont déclaré formellement ne vouloir pas comprendre, dans la révocation des domaines aliénés en Provence, les aliénations faites par les anciens comtes de Provence avant la réunion de cette province à la couronne. M. de Montclar prétend que cette restriction péremptoire en faveur du pape ne regarde que les inféodations faites au profil de la noblesse du pays. Mais si Avignon n’était pas compris dans cette déclaration, l’aliénation de cette ville n’aurait-elle pas dû être nominativement exceptée, comme la plus importante de toutes? Trois de ces monarques français, que je viens de citer, ont traversé les Alpes pour aller défendre leurs droits en Italie avec leurs armées. S’ils avaient cru avoir des droits sur Avignon, auraient-ils négligé une conquête qui n(exigeait qu’un seul acte de leur volonté et une simple prise de possession? Charles VIII excepte, pour le retrait des domaines de Provence, toutes les aliénations antérieures à Louis XI. François I®1, en excepte la possession centenaire. Il est donc vrai que tous nos rois se sont engagés à ne troubler jamais l’ancienne et légitime souveraineté du pape sur Avignon. Louis XIV et de Nice, qui comprend plus de 60 villes, bourgs ou villages : enfin, le golfe de la Turbie, près de Monaco, poste maritime d’autant plus important, que l’amiral anglais, Mathews, y resta constamment stationné avec son escadre, avant la bataille navale de Toulon, en 1747. Pourquoi ne nous parle-t-on de tous ces anciens démembrements de la Provence (1)? Pour-Louis XV ne se sont jamais permis aucune réserve, en restituant à la cour de Rome, Avignon et le Comtat. Une seule clause d’enregistrement au parlement d’Aix, clause qui ne déroge point à la cession absolue faite par le traité de Pise, clause insérée à l’insu de la partie intéressée, qui était le pape, clause que les lettres patentes de restitution n’ordonnaient point, ne peut avoir aucune valeur diplomatique. Ou ne se fait pas un titre à soi-même. Où en serait le genre humain, si une possession de 5 siècles n’était pas inattaquable. [Note de M. l’abbé Maury .) (1) Tout le monde connait le Traité des droits du roi sur plusieurs Etats et seigneuries possédés par divers princes voisins : par Pierre Dupuy. On peut dire, en vérité, que le savant et systématique Dupuy, en faisant des recherches pour agrandir la France, s’imaginait que l’Europe entière devait appartenir au roi. Il ressemblait au fou du Pirée, qui se croyait le maître de tous les vaisseaux qu’il voyait entrer dans ce port de la Grèce. En effet, Dupuy prétendait établir dans cet ouvrage, qui est un magasin de manifestes, le droit de souveraineté du roi sur les royaumes de Naples et de Sicile, sur la ville et l’Etat de Gênes, sur le Génevois, sur le comté de Nice, sur le Piémont, sur le duché de Milan, sur le comté d’Ast, sur le royaume d’Aragon, sur le royaume d’Anglelerre, sur les Pays-Bas autrichiens, sur le duché de Lorraine, etc. C’est dans ce roman diplomatique, composé dans le trésor des Chartes, où il faisait tant de conquêtes, que Dupuy a prétendu établir les droits du roi sur Avignon et sur le comtat Venaissin. Ces deux plaidoyers historiques ne contiennent que huit pages. On y trouve tous les sophismes, tous les paradoxes, tous les anachronismes qu’on ne cesse de répéter depuis 150 ans, pour constater la souveraineté du pape. Le long mémoire de M. de Montclar n’est que le développement des trois chapitres de Pierre Dupuy. J’ai répondu à toutes ces objections de Dupuy que M. de Menou ne tient que de la seconde main. Mais comment M. le rapporteur n’a-t-il pas cherché dans le livre de Dupuy, les droits de la France sur la ville et la seigneurie de Nice, sur Villefranche, la Turbie, Saurge, Sainte-Agnès, Saint-Martin, Jaussier, qui font manifestement partie du comté de Provence? Cette province comprend en effet tout le territoire enclavé entre le Rhône, la Durance, la mer Méditerranée, depuis la source de la Durance, par une ligne droite, tirée sur les montagnes, jusqu'à la Turbie, près de Monaco, et depuis la Turbie jusqu’à la mer. CeUe question historique exige ici quelques détails que j’ai développés à la tribune, dans le choc de la discussion, mais que je n’ai pas cru devoir placer ensuite dans le texte de mon opinion imprimée. Mon objet est de prouver que si la France a le droit de réclamer la ville d’Avignon, comme un démembrement du comté de Provence, dont elle a hérité, elle est également autorisée à revendiquer toute la portion de la Provence qui appartient actuellement au roi de Sardaigne. Pourquoi n’exercerait-on le retrait domanial u’envers le pape? Le Saint-Siège est d’autant moins ans le cas d’être recherché que la ville d’Avignon, située en deçà de la Durance, a bien appartenu aux comtes de Provence. La seigneurie d’Avignon formait une souveraineté particulière, et l’on sait qu’avant l’aliénation de 1348, Jeanne de Naples, comtesse de Provence, prenait toujours, à l’exemple de ses prédécesseurs, le titre particulier de dame ou de seigneur esse d’Avignon, domino avenionis. Revenons maintenant aux autres démembrements de la Provence, dont M. le rapporteur nous a dit naïvement, qu'il n’avait jamais entendu parler. Louis 11 d’Anjou, ayant été obligé d’abandonner deux fois son royaume de Naples, mourut au château d’An- JAssemblée nationale.) ARCHIVES PARLEMENTAIRES. i24 mai 1781.) 379 quoi n’ose-t-on revendiquer ici, que l’aliénation d’une partie d’Avignon? Pourquoi se borne-t-on à envahir sur le pape cette seule ville d’arrondissement, tandis qu’il y a tant d’autres souverainetés étrangères, encore enclavées dans l’intérieur de la France? Vous n’en connaissez point, dites-vous? Quoi! Vous ne connaissez pas le comité de Nice en Provence, la république de Mulhausen en Alsace, des portions de la souveraineté de Montbéliard dans la Franche-Comté; enfin, des dépendances de la principauté de Salm-Salm, et de plusieurs autres principautés des cercles du Haut et du Bas-Rhin, dans l’Alsace et dans la Lorraine allemande? Il s’agit de savoir si les souverainetés actuelles doivent être circonscrites par leurs anciennes limites : car si vous vous emparez d’Avignon, qui est séparé gers, le 29 avril 1417. Il eut pour successeur de ses Etats, son fils Louis III, d’Anjou, qui fut comte de Provence, sous la tutelle de sa mère Yolande d’Aragon, en 1418. Il y eut un traité rapporté par Guiclienon, dans soii histoire, sous l’année 1419, et passé entre Yolande, reine de Jérusalem et de Sicile, et son fils Louis III d’une part et d’autre Amé VIII, duc de Savoie. (L’empereur Sigismond venait d’ériger le comté de Savoie en duché, par des lettres patentes données à Chambéry, le 29 février 1416. Voyez Guichenon. page 456, et dans les preuves, page 252.) Par ce traité, la reine Yolande et son fils Louis III, quitte, remet et transporte au duc de Savoie, la ville et la viguerie de Nice, Villefranche avec son port, Isie, la Turbie et Saint-Agnès, avec toute cette côte de mer, les villes et château de l’Expel, Luceran, Savage, Saint-Martin, Val-Auguste, Saint-Etienne de Théonière et sa vallée, Barcelonnette avec sa vallée, Le Puget, Alos, Vinay, Sauzet, et généralement toutes les terres que le duc de Savoie possédait alors dans les comtés de Provence, de Forcalquier et de Vintimille. Ce n’est pas ici le lieu d’expliquer comment le comte de Savoie avait acquis cette portion de la Provence, Amé YI, comte de Savoie, surnommé le comte vert , étant devenu le chef de la ligue formée par le pape Grégoire XI, l’empereur Charles IV et le roi de Hongrie, contre Barnabé et Galéas, seigneurs de Milan, fil des conquêtes considérables. La reine Jeanne de Naples était entrée dans cette ligue; elle adopta Louis duc d’Anjou pour son fils, et le désigna comme son successeur, en lui donnant le titre de duc de Calabre. Le duc d’Anjou était alors régent durant la minorité du roi Charles VI, il enleva du château de Melun le trésor du roi son neveu, et il alla joindre à Lyon Amé VI comte de Savoie, qu’il avait ardemment conjuré, par lettres, de l’accompagner à Naples, et de l’aider à en faire la conquête. Pour mieux déterminer le comte vert à lui accorder de puissants secours, le duc d’Anjou lui céda, le 19 février 1381, tous ses droits sur le Piémont. Cette pièce, qui se trouve dans les archives de Turin, a été inconnue à Pierre Dupuy. Amé YII s’empara de Nice en 1385, et il en fut alors reconnu souverain par les habitants; mais il ne se contenta pas de ce titre, il parvint à établir solidement ses droits par un contrat d’acquisition, dont je vais rendre compte, et voici comment il fut subrogé aux droits des princes de la maison d’Anjou, alors souverains de la Provence. Le duc de Savoie qui était nanti de plusieurs lettres authentiques de Louis Ier d’ Anjou, portant reconnaissance d’une dette de 164,000 francs d’or, au profit du comte Amé YI, pour l’indemniser des frais qu’il avait faits dans son voyage de Naples en 1383, un an après que la reine Jeanne eut été étranglée, dans Averse, le 22 mai 1382, le duc do Savoie avait demandé le remboursement et les intérêts de cette somme au roi Louis II d’Anjou, père de Louis III. En recevant ce payement, il déclare dans l'acte qu’il cède, remet, quitte et désempare à la reine et au roi de Sicile, à leurs héritiers et successeurs, la somme de 164,000 fr. d’or, et il se contente de recevoir 150,000 florins d’or du pape, dont moitié à la prochaine fête de la Purifi-de la France, depuis 900 ans, vous pouvez revendiquer toute la succession de Charlemagne, et étendre jusqu’à l’Elbe votre vaste Empire, dont la France ne sera plus qu’une province. Vous pouvez essayer d’aller vous mettre eD possession de i’Anglelerre, dont le fils de Philippe-Auguste a été couronné roi, et sur laquelle nous avons conservé des droits d’autant plus incontestables, du moins dans les principes de M. de Menou, que la France n’a jamais renoncé à la souveraineté de la Grande-Bretagne, par aucun traité de paix. Il s’agit de savoir si, après avoir déclaré à la face de l’univers que vous renonciez à toute conquête, vous pouvez, sans vous jouer de vos décrets et du genre humain, conquérir, ou envahir, ou prendre, ou même accepter la ville d’Avignon (1) dont le pape est le légitime cation, et l’autre moitié à la fête de la Purification suivante. Tel fut le prix et le mode d’acquisition du comté de Nice. Ce traité passé à Chambéry et non pas à Cambrai, comme le prétend Pierre Dupuy, page 24, ajoute aux droits que la maison de Savoie tenait déjà de la cession qui lui avait été faite par la première maison d’Anjou-Sicile , une renonciation authentique des princes de la seconde maison d’Anjou. Voilà bien certainement un démembrement de la Provence, fait par la seconde maison d’Anjou, comme l’aliénation d’Avignon. Voilà évidemment une vente d’une partie considérable du domaine de la Provence, dont on ne recherche point aujourd’hui l’acquéreur, représenté actuellement par le roi de Sardaigne. Le roi René, qui avait succédé à sou frère Louis III d’Anjou, en 1434, fit sommer, 30 ans après, par son procureur, Jean Loup, avocat du fisc à Aix, Louis, duc de Savoie, fils du duc Amé ou Amédée VIII, de lui restituer la cité de Nice, et toutes les autres cessions du traité de 1418. La sommation est datée du 29 novembre 1464. Pierre Dupuy était instruit de cette réquisition, dont il parle page 62. Le duc de Savoie était alors à Crevant, dans le diocèse d’Auxerre. Il se plaignit hautement de ce que l’on avait choisi un tel lieu et un tel temps, pour lui faire une pareille demande. Il refusa de recevoir l’acte du roi René, et cette affaire n’eût point d’autres suites. II faut observer que cette réclamation, qu’on oublie aujourd’hui, fut faite presque au moment de l’union de la Provence à la couronne de France. M. de Montclar a rapporté dans son livre des lettres de naturalité, accordées par le roi à un habitant de Nice. Il y est dit : Combien que de tout temps et ancienneté , ladite ville de Nice, soit une dépendance de notre comté de Provence, toutefois pour ce que d'aucun temps en ça, ladite ville de Nice, dont il est natif, a été usurpée par le duc de Savoie, qui , encore de présent, la détient et occupe, contre notre gré et vouloir, etc. M. de Montclar avait ses vues, je le sais bien, en rapportant ce texte; et il se flattait que la France dépouillerait le duc de Savoie du comté de Nice, après avoir envahi la souveraineté d’Avignon. J’ignore si M. de Menou adopte le même plan de spoliation. La querelle qu’il intente au pape, avertit tous les souverains, et spécialement le roi da Sardaigne avec qui le pape fait ici cause commune, puisqu’ils sont tous les deux acquéreurs, au même titre, de la même maison d’Anjou, et dans la même province de France, de se tenir sur leurs gardes, et d’être attentifs à une délibération qui intéresse si essentiellement la tranquillité de l’Europe. (Note de M. l'abbé Maury .) (1) Le pape Pie II refusa, en 1454, de traiter avec les princes de la maison d’Anjou, que les rois de France représentent, en qualité de comtes de Provence et de Forcalquier, pour l’échange d’Avignon avec le comté d’Aquila, dans le royaume de Naples. Ce comté, qui est dans le voisinage et à la convenance des Etats du pape, aurait rapporté des revenus très considérables à la Chambre apostolique. La maison d’Anjou reconnaissait ainsi bien formellement la légitime souveraineté du pape sur Avignon ; car on ne fait pas un échange contre son propre bien. Or, la France est subrogée à la [24 mai 1791.] QgO [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. possesseur (A gauche : Non! non! Il ne l’est pas même de Rome)... à ce même pape qui, après les maisons de France, de Saxe et de Savoie, est, par le fait, dans sa seule souveraineté d’Avignon, le plus ancien souverain de l’Europe. Il s’agit enfin de savoir s'il y aurait un seul prince qui fut assuré de la possession de ses Etats, en vertu d’un autre titre que la force, lorsqu’il suffirait, pour l’en dépouiller, d’y exciter une insurrection, d’y ordonner des assassinats, d’en éloigner les principaux habitants par la terreur, d’arracher aux peuples, ou plutôt à un vil ramas de brigands, un vœu de réunion à l’Empire Français; et de couvrir ensuite tant de manœuvres, par je ne sais quelles prétentions fondées sur quelques-uns de ces parchemins poudreux, que tous les souverains trouvent toujours, au besoin, dans leurs archives, pour composer un manifeste. Si ce sont là vos titres sur Avignon, je n’ai besoin pour vous révéler le jugement qu’en portera toute l’Europe, que de vous rappeler. le jugement que vous avez porté vous-mêmes, de toutes ces perfidies diplomatiques qui ont précédé le partage et l’invasion de la Pologne. le vous annonce même, que vous n'atteindrez point, dans votre manifeste, les sophismes artificieux des cours de Vienne, de Berlin et de Pétersbourg, qui firent pourtant beaucoup mieux plaider leur cause, par des armées de 100,000 hommes. Si les six grandes puissances de l’Europe veulent se coaliser ainsi pour dépouiller les princes faibles, toutes les souverainetés du second, du troisième et du quatrième ordre seront bientôt anéanties. Mais non, Messieurs, vous ne donnerez pas ce scandale à l’univers. Vous ne consommerez point ce grand acte d’injustice. ( Murmures prolongés.) Vous regarderez comme de mauvais citoyens, tous les factieux qui veulent provoquer, par un décret spoliatuire et injuste, l’entrée des étrangers dans le royaume. (Murmures.) Oui, sans doute, tous les membres de cette Assemblée qui donneraient aux souverains étrangers des prétextes d’attaque contre vous, des prétextes de crainte pour eux-mêmes, seraient les ennemis de la nation. Prenez garde, qu’en sa qualité de premier avoué de F Église romaine, Pempereur a garanti toutes les possessions du Saint-Siège. Prenez garde que vous ête-vous-mêmes les garants de la souveraineté du pape sur Avignon, puisqu’elle fut reconnue, assurée et garantie, en 1494, au pape Ab xandre VI, par le roi de France Charles VIII, qui réunit la Provence à la couronne; qu’en 1664, après le traité de Pise, Louis XIV, qui venait de rendre Avignon au pape, y envoya des troupes, pour réprimer une insurrection; qu’il fit retirer tous les canons qui étaient à l’hôtel-de-ville, pour les mettre entre les mains du seul vice-légat; et qu’il protégea ainsi, de toute sa puissance, la souveraineté de la cour de Rome, après l’avoir solennellement reconnue et confirmée par une maison d’Anjou ; elle jouit de la Provence au même titre; elle en jouit à sa place; elle doit donc admettre la validité d’un démembrement que la maison d’Anjou elle-même respectait et ratifiait dès le milieu du xv® siècle. Si la maison d’Anjou, dont nos rois ont hérité, régnait en Provence, il est bien certain que la France, intéressée à l’affaiblir et à diviser cette souveraineté, défendrait aujourd’hui les droits incontestables du pape sur la ville d’Avignon. Ne reste-t-il donc plus dans le monde d’autre morale que l’intérêt ? (Note de M. l'abbé Maury.) restitution volontaire, dans un traité de paix. Prenez garde, que l’audace des opinions n’est ni le vrai patriotisme, ni le véritable courage. Trois expériences ont successivement échoué contre votre justice, qui a déjà sagement refusé trois fois l’invasion d’Avignon. Comment ose-t-on renouveler encore tous ces astucieux sophismes, pour vous faire délibérer sur le vœu d’une ville, qui, de votre aveu, ne fait pas même partie intégrante de l’Empire Français, et qui nepeuténoncer, dans ce moment, aucune volonté légale ; sur un vœu souscrit par des factieux qui ont cru, par leur félonie, échapper au dernier supplice? Vous ne prévoyez pas sans doute les conséquences terribles auxquelles on prétend vous amener malgré vous. (Murmures.) Ah! comparez du moins les avantages aux dangers. Voyez d’un côté, ce que vous exposez, et de l’autre ce qu’on vous propose de conquérir. La conquête serait une ville déserte, une ville ruinée, une ville criminelle ( Murmures), une ville dominée par les brigands, une ville qui n’ouvrirait ses portes à la nation française, qu après avoir corrompu nos régiments et suborné nos déserteurs. Voilà vos triomphes ; voici maintenant vos dangers : Votre décret préparerait et légitimerait la dissolution de l’Empire Français. Toutes vos provinces, toutes vos cités, toutes vos colonies auraient incontestablement les mêmes droits que la ville d’Avignon; et elles trouveraient, à leur tour, des souverains qui pourraient les réunir à leurs Etats, sans redouter votre vengeance. D’après ces considérations, je conclus en vous proposant Je décret suivant : « L’Assemblée nationale, persistant dans son « décret du 4 de ce mois, par lequel elle a re-« connu que la ville d’Avignon et le comtat (. Venaissin n’étaient point partie intégrante de « l’Empire Français, rejette la pétition des habi-« tants d’Avignon et des autres communes du « Comtat tendant à faire prononcer leur réunion « à la France. Elle décrète qu’en vertu de la « demande de la cour de Rome, et pour préserver « nos provinces méridionales des progrès d’une « insurrection alarmante, le roi sera supplié « d’envoyer des forces suffisantes à Avignon et « dans le Comtat pour y rétablir l’ordre, de « concert avec les représentants du souverain « pontife. Déclare qu’elle regardera toute viola-« tion du territoire français, par les Avignonais « armés, ou leurs ayant-cause, comme une agir gression formelle contre la France, et qu’elle « la repoussera par tou3 les moyens qui sont au « pouvoir de la nation. L’Assemblée nationale « charge son président de prier le roi, dans le h jour, d’envoyer trois commissaires à Avignon, « pour veiller à l’exécution du présent décret, « en les autorisant à requérir, s’ils le jugent « nécessaire, l’assistance des troupes de ligne et � des gardes nationales, dans les provinces voi-« sines, pour remplir l’objet de leur mission. » M. Rabaud-Saint-Étienne. Je voulais d’abord répondre aux calomnies de M. l’abbé Maury; mais je les dédaigne et je les voue à l’exécration de la nation. (Applaudissements.) M. l