204 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [7 juillet 1789.] gont leurs députés de proclamer l’hommage respectueux de leur fidélité ioviolable pour la maison régnante, de leur amour pour le Roi citoyen que Dieu leur a donné dans sa bonté ; ils lèvent leurs mains vers le ciel, et profèrent le serment de sacrifier leur fortune, de verser jusqu’à la dernière goutte de leur sang pour maintenir le sceptre dans la maison de Bourbon, pour soutenir les décrets de cette auguste Assemblée, pour défendre enfin la liberté de la nation française, qui n’eut jamais pour ennemis que les ennemis mêmes des Rois : ils appellent la vengeance sur la tête coupable des méchants qui oseraient calomnier des sujets fidèles, lorsque ces mêmes sujets ont la noble confiance de mettre leurs droits sous la sauvegarde du Trône, et ne veulent être heureux que du bonheur de leur souverain . « Les citoyens de Nantes se font un devoir sacré de rendre témoignage au zèle, aux lumières et au dévouement patriotique de l’Assemblée nationale : si on semait des pièges autour d’elle, si on tentait de l’ébranler par la terreur des menaces, ou par la séduction de l’intrigue ; elle détournera ses regards, elle apercevra derrière elle vingt-cinq millions de français, qui, les yeux attachés sur cette réunion solennelle, attendent en silence quel sera leur sort et celui de leur postérité. Alors son courage s’élevant à la hauteur du sacerdoce auguste dont la patrie l’a revêtue, elle ne verra plus que la majesté du premier peuple de l’univers; elle ne pensera plus qu’aux bénédictions dont elle sera accueillie, lorsqu’elle reviendra au milieu de nous, proclamer notre liberté, et les bienfaits d’un monarque adoré, qui ne peut être égaré longtemps, et qui, jaloux de marcher sur les traces de Louis XII et de Henri IV, sent que fa véritable grandeur est de commander à une nation libre, sait que la loi, celte émanation de la sagesse divine, doit être respectée par les potentats eux-mêmes, s’ils connaissent leurs vrais intérêts. « Les citoyens de Nantes ne se pardonneraient pas d’oublier dans ces jours de sensibilité et d’épanchement, le tribut de reconnaissance qu’ils doivent à ce prince patriote, qui toujours, ainsi que ses aïeux, s’est déclaré l’ami du peuple; à ces ministres saints qui ont quitté l’asile paisible des autels, pour venir dans le palais des Rois nous prêcher par leur exemple, une religion de paix ;- et à cette brave noblesse si digne de nos respects, qui n’a jamais été plus grande à nos yeux, que lorsqu’elle s’est réunie aux représentants des communes, pour travailler a la régénération de l’empire français. Signé : Meli.inet, Delacoürt de la Vigne, COIGNAUD ET DROUIN DE PERÇAY, députés des communes de la ville de Nantes. M. le Président demande s’il faut faire mention du discours et de l’adresse dans le procès-verbal. Un grand nombre de voix : Oui, oui ! Plusieurs membres demandent que l’on fasse prendre séance à Messieurs de Nantes, Cette marque de déférence ne leur est pas accordée ; ils se retirent au milieu des applaudissements publics. La discussion interrompue sur les mandats impératifs est reprise. M. «le Smilly-Tollendal. Je me crois forèé de m’expliquer sur la motion qui vous est proposée. I Je vous ai dévoilé mes sentiments. S’ils se coni-battent, il faut que je me justifie ; s’ils se concilient, je n’ai plus qu’à me renfermer dans le plus profond silence; moi qui m’y suis douloureusement condamné, et qui a’i renoncé au droit honorable de décider dans cette auguste Assemblée. J Si la motion de M. l’évêque d’Autun établit dés principes hors de toute atteinte ; si elle ménage les scrupules, si elle sert à l’utilité et à l'instruction publique, il faut vous hâter de l’accueillir, et il est difficile de ne pas lui reconnaître ce triple caractère. Il s’agit de décider sur des protestations: quelle en est la cause? Ce sont les mandats impératifs. Que doit-on prononcer? Développons les principes. : Chaque partie de société est sujette ; la souveraineté ne réside que dans le tout réuni ; je dis le tout, pareeque le droit législatif n’appartient pas à la partie du tout; je dis réuni, parce que la nation ne peut exercer le pouvoir législatif lorsqu’elle est divisée, et elle ne peut alors délibérer en commun. Cette délibération commune ne peut exister que par représentants; là où je vois les représentants de vingt-cinq millions d’hommes, là je vois le tout en qui réside la plénitude de la souveraineté ; et s’il se rencontrait une partie de ce tout qui voulût s’élever contre la nation, je ne vois qu’un sujet qui prétend être plus fort que le tout. H n’est pas permis de protester, de réserver ; c’est un attentat à la puissance de la majorité. Les principes qui s’élèvent contre les protestations sont les mêmes contre les mandats impératifs. Quelle harmonie pourrait-il exister? Quelle serait l’Assemblée où chaque membre arriverait armé d’une protestation ou d’un mandat qui le forcerait de combattre l’opinion générale ? Soûs le premier point de vue, la motion de M. l’évèqtie d’Autun est dans tous les principes. En second lieu, elle calme la conscience; elle pardonne au scrupule ; elle ne nous dit pas : vous n’avez pu prononcer tel ou tel serment ; elle nous fait voir que nous avons eu tort de le prononcer, mais elle ne nous en délie pas. Enfin, Messieurs, j’ai dit que la motion renfermait un grand objet d’instruction publique. S’il existe des mandats impératifs, c’est que les citoyens croyaient avoir le droit d’en donner. Les Assemblées nationales ont été suspendues pendant si longtemps ; les dernières même étaient si dénaturées ; il fallait remonter si haut pour découvrir des vérités politiques, que tout le monde était dans l’erreur et que chacun croyait pouvoir s’arroger le droit de commander. Mais au surplus, Messieurs, j’oserai demander un léger amendement. L’Assemblée, par une condescendance volontaire et patriotique, pourrait accorder un délai très-court et qui n’emportât strictement que le temps d’avoir de nouveaux pouvoirs à ceux qui sont porteurs de mandats impératifs. Par là vous écarteriez les plaintes injustes, vous préviendriez des protestations partielles, et celte conciliation, cette déférence me paraît précieuse. C’est dans cet esprit que j’inviterai ceux qui ont déposé des protestations sur ce bureau d’y subsf ti tuer des déclarations. | Qu’il serait beau de voir tous les membres de cette grande Assemblée agir et délibérer de con - [T juillet 1789. J [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. 20o cêrt, les uns avec des suffrages d’intention, les autres avec un suffrage effectif! C’est alors que nous avancerions avec rapidité vers le bien général ; c’est alors que nous oublierions qu’il fut un temps où nous demeurâmes séparés. Mais main-tejnant que nous ne pouvons plus être livrés à l’tprreur, profitons de ce moment pour assurer à jamais la tenue des Etats généraux, pour les faire agir, vivre et penser ausssi utilement pour l’Etat qüe pour notre gloire. Le discours de M. de Lally-Tolendal est suivi de lolngs applaudissements. Plusieurs membres des trois ordres appuient la motion de M. l’évêque d’Autun, ou l’amendement dè M. de Lally-Tollendal. M. SBarrére. Je distingue le cas où un particulier donne des pouvoirs à un autre particulier sur les objets qui l’intéressent personnellement, de celui où les Assemblées élémentaires donnent à des députés des pouvoirs qui doivent être exercés dans une Assemblée générale. Dans le premier cas, c’est le commettant qui est le législateur, parce qu’il ne s’agit, dans son mandat, que de son intérêt personnel; il a le droit de soumettre à sa volonté celle de son mandataire. Dans le second cas, ce sont des particuliers non législateurs qui donnent à leurs députés le pouvoir dfétre membres d’une Assemblée législative et d’y opiner comme leurs commettants. Dans ce dernier cas, les commettants particuliers lie peuvent être législateurs, parce que ce n’est pas de leur intérêt particulier seulement que l’Assemblée générale doit s’occuper, mais de l’intérêt général. Or, aucun des commettants particuliers ne peut être législateur en matière d’intérêt public. La puissance législative ne commence qu’au moment où l’Assemblée générale des représentants est formée. S’il en était autrement, il aurait suffi aux divers bailliages, aux différents ordres composant les sénéchaussées, d’envoyer des opinions écrites et de former un assemblage d’opinions mécaniques d’après des cahiers bizarres et souvent contradictoires. . Si l’on admettait le système des pouvoirs impératifs et limités, on empêcherait évidemment les résolutions de l’Assemblée en reconnaissant un veto effrayant dans chacun des cent soixante-dix-sept bailliages du royaume, ou plutôt dans les quatre cent trente-une divisions des ordres qui qnt envoyé des députés à cette Assemblée. D’après ces raisonnements, j’adopte l’opinion de M. l’évêque d’Autun; mais j’en rejette la disposition qui tend à déclarer que l’engagement qui pourrait résulter des clauses impératives entre pn député et ses commettants doit être promptement levé par eux. Dès qu’on déclare nulles les clauses impératives dles mandats, quel besoin a-t-on de recourir aux (Commettants? Ce n’est pas nous qui, en annulant les clauses impératives, excéderons nos pouvoirs; ce sont eux qui ont excédé les leurs. C’est donc au pouvoir constitué, devenu législatif, à remédier aux abus du pouvoir contituant, et à lui faire Connaître qu’il a entrepris sur la puissance législative de la nation, représentée par la collection le ses députés. Si quelque bailliage, ou seulement une partie, pouvait commander d’avance à l’opinion de l’Assemblée nationale, il pourrait, par la même raison, en repousser les décrets après coup, sous irétexte qu’ils seraient contraires à son opinion particulière. M. l’abbé Sieyès soutient qu’il n’y a pas lieu à délibérer, à moins que, par un effet de cette condescendance et de cette bonté dont l’Assemblée nationale a usé même envers ceux qui en avaient eu le moins de reconnaissance, elle ne leur permit de retirer leurs mandats impératifs. M. Desmontiers de llérinvllle, évêque de Dijon, est d’avis que l’Assemblée ne peut se constituer, attendu le grand nombre de protestations. lise fait encore plusieurs motions qui sont différemment accueillies. M le comte de Chambors député de la commune de Couserans, à remis ses pouvoirs qui ont été renvoyés au comité de vérification. Les pouvoirs de MM. Mourot, Roussillon, Pémar-tiri et d’Àrnaudat, députés des communes de Béarn, qui avaient été remis au comité des vérifications, ont été rapportés, jugés valables, et admis. MM. les députés de Saint-Domingue ont remis sur le bureau une déclaration portant : Qu’obligés, d’après l’arrêté de la Chambre nationale du 4 de ce mois, de se réduire au nombre de six, quant à la voix délibérative, ils avaient observé dans cette réduction l’ordre des élections, de manière que chacune des provinces de Saint-Domingue eût deux représentants , Que par le résultat de cette opération, M. le chevalier de Cocherel et M. le marquis de Gouy d’Arcy étaient les représentants de la province de l’Ouest ; M. de Thebaudière, ancien procureur général, et M. l’Archevêque Thibaut, les représentants de la province du Nord; M. le marquis de Pérrigny et M. Gérard, les représentants de la province du Sud ; Que sur ces six députés, il s’en trouvait quatre qui venaient d’arriver de Saint-Domingue; Qu’enfin les douze autres députés auxquels l’Assemblée nationale avait accordé droit de séance, étaient : Pour l’Ouest. M. M. M. M. le comte de Gormand. le chevalier de Courejolles. le comte de Magallon. le chevalier Doujé. Pour le Nord. M. le comte de Reynaud. M. le marquis de Rouvray. M. le comte de Villeblanche. M. le comte de Noë. Pour le Sud. . M. le Gardeur de Tilly. M. le chevalier de Marmé. M. de Fitz-Gerald Bodkin. M. Duval de Mouville. M. le Président a levé la séance après l’avoir prorogée à demain, neuf heures du matin, et après avoir annoncé que toute discussion était terminée sur la motion relative aux mandats impératifs; qu’il ne restait plus qu’à recueillir les voix, et qu’on y procéderait demain à l’ouverture de la séance. ANNEXE à la séance du mardi 7 juillet 1789. MAJORITÉ DE LA NOBLESSE La majorité de la noblesse se rassemble toujours après l’Assemblée générale dans des comi-