ARCHIVES PARLEMENTAIRES. 11er octobre n89.] 232 [Assemblée nationale.] devant privilégiés : vous avez décidé, par votre décret sur l’impôt, que le profit de ces impositions tournerait à la décharge du peuple. Que devient alors cette bonification1? Je demande qu’avant de délibérer on renvoie l’examen des décrets au comité des finances. M. Duport. Le désordre et l’état désastreux des finances ont été considérés par nos commettants comme les moyens les plus efficaces d’assurer la Constitution. Adopter le pian, c’est établir dans les finances un ordre qui nous ôtera ces moyens. Je soumets celte observation à la sagesse de l’Assemblée. Si vous persistez à accueillir le plan, il est nécessaire d’exprimer positivement que la première partie annonce un équilibre certain entre la recette et la dépense, et que l’amélioration du sort du peuple résultera encore d’un grand nombre de bonifications également certaines. M. le comte de 'Virieu s’occupe à établir la nécessité d’adopter la totalité du plan, et de se borner à la discussion des expressions qui peuvent avoir échappé à la sagacité du ministre. M. Regnaud de Saint-Jean-d’Angely. Nous devons nous proposer deux objets importants : rassurer le peuple sur son sort, et les créanciers de l’Etat sur leurs droits. Ce double but sera également atteint, en présentant dans une adresse les modifications proposées par le ministre des finances, comme le moindre terme des espérances de la nation. Lesecond terme serait la diminution de 18 millions sur les impôts, établie dans le rapport présenté par M. le marquis de Montesquiou, au nom du comité des finances. Le troisième terme, toutes les diminutions qui seront reconnues possibles. M. Brostaret, touché de l’observation faite par M. Duport, développe encore cette opinion, et propose la motion suivante : « L’Assemblée nationale s’occupera de l’examen du plan de M. le premier ministre des finances. Les changements qu’elle y fera ne seront définitivement arrêtés qu’après que le comité des finances en aura conféré avec ce ministre, dont il rapportera les observations à l’Assemblée. •> Le plan examiné ne sera définitivement exécuté qu’après que le Roi aura accepté toutes les bases de la Constitution. M. le duc de Mortemart. La proposition du préopinant est trop tardive. Vous avez adopté de confiance le plan deM. Necker, et vous ne pouvez retirer cette adoption. En reconnaissant la justesse de l’observation de M. Pétion de Villeneuve sur les 15 millions, je la détruirai par l’exposition d’un fait. M. Necker, en proposant cette bonification, a dit que dans le cas où par quelque disposition elle se trouverait anéantie, elle pourrait être remplacée par une imposition particulière à chaque province, pour compenser les contributions les moins imposées, les travaux de charité, etc., objets qui sont tous en ce moment à la charge du Trésor public. M. le marquis de Toulongeon. Je pense qu’il serait à propos d’offrir en même temps à la nation les articles arrêtés sur la Constitution, la déclaration des droits et le décret du subside volontaire, etqu’ils devraient être présentés enmêmc temps au Roi, qui exprimerait à peu près ainsi son acceptation : \ Je reconnais les présents articles comme principes i de la Constitution française ;je m’oblige , à en observer les droits , et à en maintenir V exécution de \toute la force du pouvoir qui m’est confié. Il serait peut-être encore nécessaire d’établir dès à présent la base du pouvoir judiciaire, afin qu’elle soit en même temps publiée. M. Carat, l’aîné, appuie l’avis précédemment énoncé par M. de Mirabeau et M. de Mortemart. M. le comte de Mirabeau. Je ne peux pas penser qu’on cherche à nous faire tomber dans un piège que personne n’a tendu. Une partie du plan de M. Necker n’est pas décrétable : c’est celle des réformes. M. Necker sait très-bien qu’un ministre, quelque tranchant qu’il puisse être, n’a pas autant de puissance sur cet objet que l’Assemblée nationale. Un ministre ne peut réussir en pareille matière à opposer aux obstacles une grande force, et cette force ne peut se trouver que dans la volonté générale, que l’Assemblée des représentants de la nation est seule en état d’exprimer. Bornons-nous à dire au peuple : voilà votre pis-aller; vous ne pouvez pas être plus mal que cela, vous pouvez être mieux que cela. Nous devons sanctionner la promesse de cette perspective, et voilà tout. La première partie des décrets proposés par le ministre nous lournit le préambule qui devra précéder les décrets contenus dans les deux autres. Il faut charger le comité des finances de combiner avec M. Necker le projet de rédaction, pour vous ? le soumettre ensuite ; et vous devez décider que ; préalablement le président se retirera par devers lie Roi, afin de présenter à son acceptation les divers articles arrêtés sur la Constitution, et la déclaration des droits. M. de Cazalès retire sa motion, et adopte celle de M. de Mirabeau, à laquelle l’Assemblée accorde la priorité sur les deux qui ont été proposées. Cette rédaction est ainsi conçue : « L’Assemblée nationale a arrêté d’envoyer le projet de décret présenté par le premier ministre des finances à la section du comité des finances, composée de douze membres, pour en combiner avec lui la rédaction, de manière que la première partie du projet du ministre devienne le préambule du décret et pour soumettre cette ré-( daction à l’Assemblée, elle a arrêté en outre que j le président se retirera par devers le Roi à l’effet f de présenter à son acceptation les divers articles idéjà délibérés de la Constitution, ainsi que la dé-: duration des droits. » M. d’Eprémesnfl. La seconde partie de l’arrêté de M. de Mirabeau lève le voile que vous javez voulu jeter sur une grande questiÔn : acceptation n’est pas sanction. Je demande que cette question soit examinée I mûrement et non décidée par surprise. Il est de j la loyauté de l’Assemblée et de son devoir étroit i de traiter cette question. Pourriez-vous vous dé-; cider à choisir un moment d’urgence? Ct croyez-; vous que dans le for intérieur l’acceptation du Roi serait libre? Je demande aussi la division de la rédaction et l’ajournement de la seconde partie, afin qu’elle soit discutée avant d’être décidée. I M. le baron d’AUarde. Il faut que le comité [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [1« octobre 1789.] 233 soit autorisé à discuter non-seulement la rédaction mais encore les dispositions. M. Barnave. Il n'y a pas lieu à délibérer sur : cette division avant l’établissement légal de la j sanction par la Constitution ; il n’est naturelle-/ ment qu’une chose à demander, l’acceptation : en : la sollicitant, on ne lève pas le voile religieux i que l’Assemblée a voulu jeter sur la question. ï M. de Cazalès prétend que la division est si peu contestable, qu’elle ne doit pas même être soumise à la délibération. M le Président. Le règlement établit qu’un membre a droit de demander la division, mais non qu’il peut la décider. L’Assemblée décide, à une très-grande majorité, que la division n’aura pas lieu. Elle adopte la rédaction de M. le comte de Mirabeau. La séance est levée à quatre heures. Séance du jeudi Ier octobre 1789, au soir (1). La séance a été ouverte par la lecture des adresses suivantes : �Adresse des habitants de la ville de Prade en Confiant, province de Roussillon, portant adhésion à tous les décrets de l’Assemblée nationale, et notamment à ceux des 17 juin et 4 août derniers, ainsi que les assurances de dévouement, et du plus respectueux hommage aux représentants de la nation. Délibération des vingt-deux communautés formant le hégareau d’Oloron, par laquelle elles adhèrent aux décrets de l’Assemblée nationale et se réunissent à la ville d’Oloron, dont elles adoptent la délibération du 22 août dernier. Arrêté de la commune de Strasbourg, par lequel elle a résolu de dénoncer tousses capitaux actifs, pour en faire le versement dans le Trésor royal, en impositions de la présente année, dont il reste encore à recouvrer la somme de 292,547 livres, et offre de faire, en l’année prochaine 1790, ie service et la remise, toujours deux mois à l’avance, malgré les pertes considérables qu’elle a faites lors de l’insurrection désastreuse qui a eu lieu, et les sacrifices qu’ont exigés d’elle les circonstances, pour soutenir la taxe du pain et de la viande au-dessous de leurs prix réels. Mémoire présenté par les prévôt, jurés et échevins de la ville de Valenciennes, contenant des réclamations sur la suppression des dîmes. Adresse des religieux de l’abbaye du Bec-Hel-louin, ordre de Saint-Benoît, congrégation de Saint-Maur, portant adhésion aux décrets de l’Assemblée nationale concernant la suppression des dîmes, droits seigneuriaux et féodaux, et supplication de les faire participer au bienfait inestimable de la liberté, et de leur accorder un traitement proportionné à la valeur de leurs biens, et analogue à leur existence civile. Adresse des religieux bénédictins de l’abbave de Bonneval, province de Normandie, par laquelle ils représentent que le vœu le plus conforme aux dispositions de leur cœur, serait pour la conservation de leur corps ; ruais qu’ils offrent d’avance l’hommage de leur respectueuse soumission au décret d’une suppression absolue, si l’Assemblée nationale juge qu’une congrégation autrefois si utile à la religion et aux lettres, n’offre plus les mêmes avantages ; et en cas de suppression, ils réclament la liberté avec une honnête pension. A celte adresse est jointe une déclaration des religieux de l’abbaye de Saint-Sergelès-Angers, capitulairement assemblés, du 12 septembre dernier, par laquelle ils adhèrent à l’adresse présentée à l’Assemblée nationale par le prieuré et les religieux de l’abbaye de Saint-Bénigne de Dijon. Lecture faite des susdites adresses, un de MM. les trésoriers a lu, sur le registre tenu à ces fins, plusieurs dons patriotiques auxquels l’Assemblée nationale a répondu par des applaudissements réitérés. La discussion ayant été ouverte, d’après l’ordre du jour, sur la formation d'un comité militaire, il a été fait plusieurs motions relatives au même objet. M. de Wimpfen renouvelle sa motion du 12 septembre tendant à la nomination de ce comité composé de 12 membres pour s’occuper de l’armée et de sa constitution. Il pense qu’il est de la compétence exclusive de la nation de fixer l’armée, le nombre des soldats et des officiers, ainsi que leurs traitements; qu’il appartient à la nation de faire des lois fondamentales, d’après lesquelles les citoyens militaires doivent être régis. M. de Cazalès. L’armée n’est autre chose que la force de la nation confiée au monarque pour faire exécuter les lois et pour défendre le royaume contre les ennemis de l’Etat. L’organisation de l’armée doit appartenir d’une manière exclusive au pouvoir exécutif, car rien ne peut empêcher le Roi de prendre les mesures les plus convenables pour s’acquitter de sa charge. La nation doit seulement faire connaître au Roi le nombre des troupes nécessaires à sa sûreté et la somme destinée à leur entretien. M. de Toulongeon. Il est vrai que l’armée étant une fois établie ne doit point dépendre immédiatement du Corps législatif, mais de la puissance exécutive ; mais il n’est pas moins vrai que c’est à la puissance nationale à établir l’armée et à l’organiser. Le premier principe tend à empêcher le pouvoir législatif de devenir militaire, et le second empêche le pouvoir exécutif de devenir despotique. Tout d’ailleurs nécessite une Constitution politique et civile ; par là le citoyen deviendra militaire; par là la nation sera en sûreté au dedans et au dehors ; par là le Roi pourra faire exécuter la loi et ne pourra faire exécuter que la loi. M. de la Luzerne, évêque de Langres. Vous ne vous êtes pas encore occupés de la partie militaire, il est donc impossible d'assiguer des fonctions au comité ; je crains que cela ne mène à usurper sur le pouvoir exécutif. Les précautions du Corps législatif sont prises par le décret qui ordonne que les troupes prêteront serment en présence des officiers municipaux ; une autre précaution relative à l’emploi des finances nécessaires à leur entretien est établie par la comptabilité des ministres de chaque département. U ne vous reste donc qu’à fixer le nombre des troupes et la somme nécessaire pour leur (1) Cette séance est incomplète au Moniteur.