496 [Assemblée nationale.] l’évidence de l’intérêt commun de tous les hommes libres dans un pays ou la sûreté générale demande entre eux la plus grande union, ces motifs si puissants sur Ja raison et sur le civisme produiront tout leur effet; une émulation généreuse succédera aux anciennes divisions; et où la patrie ne voit que des enfants chéris, ces enfants se plairont à contribuer à son bonheur, en se traitant en frères. « L’Assemblée nationale s'applaudissait d’un ouvrage dans lequel la politique, la condescendance, la raison et l’équité lui paraissaient si heureusement conciliées, lorsqu’elle a vu avec douleur quelques députés des colonies regarder comme une diminution des concessions précédemment faites aux assemblées coloniales l’extension nouvelle donnée à ces mêmes concessions. « Sans doute, ces députés ne tarderont pas a revenir d’une erreur si contraire aux internions et à la teneur des décrets du Corps législatif et constituant. « Sans doute, ils regretteront de l’avoir manifestée, en déclarant qu’ils s’abstiendraient des séances où leur devoir les appelle.. « L’Assemblée nationaleles plaint d’une conduite qu’elle pourrait traiter plus sévèrement ; et dans l’affection véritablement maternelle dont elle est animée pour les colonies, elle se borne à empêcher, par la présente instruction, que l’erreur de leurs députés n’y devienne contagieuse. Au-dessus du soupçon et de l’imputation d’avoir manqué à ses engagements au moment même où elle les excède par égard pour les habitudes des citoyens blancs des colonies, il lui paraît suffisant de leur recommander de comparer e.t de peser ses décrets. Ils y trouveront son amour pour eux et ses soins pour leurs intérêts : elle ne veut point d’autres préservatifs contre tous les efforts que l’on pourrait faire pour égarer leur opinion; elle se lie à leur raison et au patriotisme dont ils ont dans tous les temps donné un si grand nombre de preuves. Elle est convaincue que rien au monde ne pourrait les détourner de l’obéissance qu’ils doivent aux décrets du Corps législatif sanctionnés par le roi et soutenus de toute la puissance nationale ; mais cette obéissance, mais la reconnaissance des colons libres de toute couleur et surtout ceux qui tiennent de plus près à la mère-patrie, de ceux qui se sont toujours distingués parmi ses enfants, lui paraissent encore plus solidement fondées sur leur intérêt respectif et sur le sentiment inviolable d’attachement et de zèle que mérite, qu’inspire la Constitution, et qu’on ne pourra jamais altérer dans le cœur des bons citoyens. Toute passion chez eux cède à l’amour de la patrie, et toute insinuation qui tendrait à l’affaiblissement de ce lien sacré sera repoussée par eux avec horreur. « Dans celte juste confiance, et sans rien préjuger sur le vœu que les colonies sont autorisées à émettre relativement aux lois commerciales, et que le Corps législatif pèsera scrupuleusement, l’Assemblée nationale a chargé ses comités réunis de Constitution, des colonies, de commerce et de marine, de rédiger sans délai les projets les plus propres à concilier tous les intérêts commerciaux des colonies et de la métropole, et à porter lu culture et les richesses des îles françaises au plus haut degré dont elles soient susceptibles. » Plusieurs membres demandent la parole. (L’Assemblée, après quelques débats, ferum la discussion et décrète la nominationde quatre com-[27 mai 1791.] missaires pour revoir et corriger l’adresse aux colonies proposée par M. Dupont (de Nemours). M. le Président. Je propose pour commissaires MM. de La Rochefoucauld, Emmery, Pru-guon et Goupil-Préfeln. (Ces noms sont agréés par l’Assemblée et les quatre commissaires se retirent en l’instant même avec M. Dupont (de Nemours) pour procéder à leur travail.) M. de I�a Rochefoucauld, aunom du comité d'imposition. Messieurs, votre comité d’imposition m’a chargé de vous rendre compte de son travail sur la répartition des contributions ; il vous a fait distribuer son rapport et son projet (1). Je viens donc prier l’Assemblée de vouloir bien m’accorder la parole à la séance de lundi pour la discussion de cet objet. M. d’André. Messieurs, j’observerai à l’Assemblée que si l’on discute séparément, et article par article, le projet du comité sur les contributions, elle donnera lieu à des réclamations sans nombre et à d’interminables débats. Rappelez-vous combien l’Assemblée a consumé de temps dans la question de la division du royaume par districts et combien, en écoutant les diverses réclamations, elle a été loin de perfectionner cette grande opération. Les réclamations seraient encore ici plus vives, plus nombreuses et presque impossibles à juger au milieu de l’Assemblée; chaque département trouvera qu’il est surchargé : vous avez 83 départements, vous aurez 83 réclamations. Mon département, par exemple, est taxé à 3 millions et je déclare que c’est 2,500,000 livres de trop... (Rires)... Messieurs, c’est mon avis. Au milieu de toutes ces discussions pénibles, la confiance s’arrêtera chaque jour davantage; chaque jour, les réclamations arriveront des départements ; il s’engagera une espèce de combat entre eux ; nos travaux soutfriront la plus grande interruption . Messieurs, le projet de décret sur la répartition de l’impôt foncier vous est distribué depuis quelques jours; les hases de ce projet vous sont connues; le recouvrement de l’impôt presse. Je demande donc que, non pas lundi, mais aujourd’hui, mais à présent, on décrète en masse le projet de décret. ( Vifs applaudissements.) A gauche : Aux voix! aux voixl M. de lachèze. Je m’oppose à la motion de M. d’André. La répartition faite par le comité est vicieuse; si on la suivait, la ville de Paris, par exemple, coûterait plus à l’Etat qu’elle ne lui rapporterait. M. Martineau. J’appuie la motion de M. d’André ; je demande que la répartition soit décrétée de confiance. A gauche : Oui ! oui 1 Aux voix! M. Regnaud (de Saint-Jean-d1 Angély). Un décret de confiance absolue pourrait avoir des inconvénients. A gauche : Aux voix ! aux voix ! (1) Voy. ci-après, aux annexes de la séance, le rapport et le projet de décret du comité sur cet objet. ARCHIVES PARLEMENTAIRES.