[Assemblée nationaie.J ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [9 décembre 4789.] 453 demande la permission de s’absenter pendant quinze jours ou trois semaines, pour se rendre auprès de son père, âgé de 86 ans, et malade ; cette permission lui est accordée. M. ila lia u(l de Saint-Etienne présente l’étal du travail sur la division du royaume. Le comité est retardé par l’embarras qu’occasionnent, sur la disposition des chefs-lieux, les prétentions de différentes villes. Il demande, comme un moyen de concilier les intérêts opposés, que la liberté lui soit laissée de ne pas fixer, et de réunir dans une même ville les chefs-lieux du département, de la justice et de l’Eglise, et que ceux du département puissent être alternés entre les villes qui, par leur nature, semblerait y être exactement propres. On objectera sans doute qu’il serait difficile de transporter les bureaux et les archives. Les bureaux seront composés de dix ou douze personnes, et le transport n’en sera pas très-dispendieux. Des archives pourraient avec avantage être établies dans chacune des villes destinées à devenir chefs-lieux à leur tour ; en étendant à tous les objets importants l’impression ordonnée pour les comptes, les exemplaires se multiplieraient aisément, et l’on serait ainsi à l’abri des événements tels que les incendies, et qui peuvent faire perdre sans retour les titres et les papiers d’un département. M. Target propose pour amendement que les départements alternent entre les districts. M. Relley d’Agier, propose que les villes qui auront un évêché ou un district 11e puissent jamais obtenir un département. M. llougins de Roquefort appuie la demande du comité. M. Earreyre. Il faut ajouter au décret à rendre à ce sujet : « que les chefs-lieux de département ne pourront être placés dans les villes qui renfermeront moins de quatre mille âmes. » M. Ilalouet présente les grandes villes comme des maux nécessaires, dont les législateurs doivent chercher à atténuer les inconvénients. Il adopte, sous ce point de vue, la demande du comité. Il propose un article qui pourrait être ajouté à ceux relatifs aux municipalités, et dont plusieurs événement récents démontrent la nécessité. Il est ainsi conçu : « Ghaque municipalité ne peut et ne doit se mêler de la haute police que conformément aux décrets de l’Assemblée nationale, ni étendre sa juridiction au delà de sa banlieue. » M. Pison du Ctaland est d’avis de ne rien prononcer directement ou indirectement sur l’éta-hlissement des tribunaux et des évêchés. M. le vicomte de Mirabeau propose la motion de faire tenir l’Assemblée nationale alternativement dans chaque chef-lieu de département. L’Assemblée décide qu’il n’y a pas lieu à délibérer sur tous les amendements. La motion de M. le vicomte de Mirabeau est ajournée. M. ISouche dit qu’il a des observations importantes à présenter sur la division de la Provence, mais qu’il les adressera au comité. ( Va y . aux Annexes de la séance, le mémoire de M. Bouche.) M. le Président met aux voix les propositions de M. Rabaud de Saint-Etienne. — L’Assemblée décrète : « 1° Que tous les établissements à faire dans un département ne seront pas nécessairement dans le même lieu ; c 2° Que les administrations de département pourront alterner dans les villes qui seront désignées ; « Qu’en conséquence le comité de constitution, à lui joints les membres qui lui ont été unis, pourra, d’après les lumières qui seront fournies par les députés, déterminer le chef-lieu des établissements divers, ou l’alternative qu’il jugera convenable pour soumettre ensuite son avis au jugement de l’Assemblée. » M. le Président. L’ordre du jour appelle maintenant la suite de la discussion des articles additionnels proposés par le comité de constitution sur les élections et les municipalités. M. Target donne lecture des articles ainsi qu’il suit : « Art. 14. En chaque administration de département, il y aura un procureur général syndic; en chaque administration de district, il y aura un procureur syndic; ils seront élus au scrutin individuel, et à la pluralité absolue des suffrages, en même temps que les membres de chaque administration, et par les mêmes électeurs. » Get article est adopté sans discussion. « Art. 15. Le procureur général syndic du département et le procureur syndic du district seront 4 ans en place, et pourront être réélus et continués par une nouvelle élection. » M. Target. Le comité, en rédigeant cet article, a pensé qu’il était important d’offrir au procureur svndic l’espoir d’obtenir pour prix de ses services, de sa délicatesse et de son exactitude à remplir ses fonctions, une récompense bien précieuse, puisqu’elle serait la preuve bien certaine de la confiance publique; qu’il était important que celui qui tiendrait le fil des différentes opérations put être conservé... M. ïe comte deWirieu. Les procureurs syndics seront les chevilles ouvrières de l'administration ; leur influence sera extrême; vous appellerez sur eux toutes les tentations; et si vous leur permettez d’être continuellement réélus, iis deviendront bientôt administrateurs perpétuels. Je demande qu’ils ne puissent être réélus plus d’une fois. M. Rewbell. S’ils n’ont pas l’espoir d’être continués, ils négligeront leur gestion. M. le comte de Crillon. Les craintes du préopinant ne me semblent pas fondées ; il paraît oublier que le directoire fera tout sous les ordres de l’Assemblée générale, et que le procureur syndic ne fera rien que sous les ordres du directoire. Il n’a pas senti d’ailleurs que l’administration est une science comme les autres ; qu’elle exige des hommes qui y soient entièrement adonnés, et que leur nombre sera nécessairement peu considérable. J’adhère à l’article proposé par le comité. M. ïe curé de***. Si le procureur syndic devient 454 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [9 décembre 1789.] malade, et que vous ne lui donniez pas un substitut, le directoire sera paralysé. M. le duc de la Rochefoucauld. Il est sans doute très-avantageux que tes procureurs syndics puissent être conservés; mais je conviens qu’il serait fâcheux que cette conservation, objet d’une ambition bien naturelle, fût le résultat de l’intrigue, et non celui de l’estime et de la confiance. Je propose que les procureurs syndics puissent être réélus pour deux ans; la première fois à la majorité des suffrages; la seconde aux deux tiers, et les autres fois aux trois quarts. L’article avec l’amendement de M. de Virieu est décrété en ces termes ; « Art. 15. Le procureur général syndic du département et les procureurs syndics des districts seront en place pendant 4 années; ils pourront être continués par une seconde élection pour 4 autres années, mais ensuite ils ne pourront être réélus, si ce n’est après un intervalle de 4 ans. » « Art. 16. Les procureurs généraux syndics, et les procureurs syndics assisteront aux assemblées générales des administrations. Il ne pourra y être fait aucun rapport sans qu’ils en aient eu communication, ni être pris aucune délibération sur ces rapports, sans qu’ils aient été entendus; ils seront chargés de la suite des affaires; cependant ils n’auront, ni dans les assemblées générales, ni dans les directoires, aucune voix délibérative, mais simplement voix consultative. » Cet article est adopté après quelques courtes observations de M. de Virieu. « Art. 17. Quant aux membres de l’Assemblée nationale, ils seront toujours élus au scrutin individuel, et à la pluralité absolue des suffrages. Si les deux premiers scrutins ne la donnent pas, il sera procédé à un troisième, dans lequel le choix ne pourra se faire qu’entre les deux qui auront eu le plus de suffrages au scrutin précédent. » M. le «lue de La Rochefoucauld. Vous avez adopté le scrutin de liste double pour déjouer l’intrigue, en ce qui concerne les municipalités ; il faut adopter pour les députés à l’Assemblée nationale les mêmes formes afin d’avoir les mêmes garanties, car l’intrigue sera bien plus puiss ante quand il s’agira d’un plus grand intérêt. M. Rewbell. Avec les scrutins de liste double les cabales feront les députés comme nous en avons des exemples sous nos yeux. M. Rémeunicr. Le scrutin individuel est moins imparfait ; il est adopté pour les places de maire et de procureur de la commune et c’est une considération morale d’une certaine valeur d’empêcher un homme de se présenter à l’Assemblée nationale seulement avec vingt voix, ce qui serait possible par la forme des scrutins à liste double. On demande à aller aux voix. L’article est décrété en ces termes : « Art. 18. Les membres de l’Assemblée nationale seront toujours élus au scrutin individuel et à la pluralité absolue des suffrages ; si les deux premiers scrutins ne donnent pas cette pluralité, il sera procédé à un troisième, dans lequel le choix ne pourra se faire qu’entre les deux qui auront eu le plus de suffrages à celui précédent. » M. le Président. M. le garde des sceaux m’a fait remettre un mémoire relatif aux lois crimi-Inelles provisoires décrétées par l’Assemblée. Je demande si l’Assemblée veut entendre la lecture du mémoire ou le renvoyer au comité des sept qui a travaillé à la rédaction de ces lois. ( Voy . le mémoire annexé à la séance de ce jour.) Le renvoi au comité est ordonné. M. le Président. Le comité féodal demande à faire imprimer un rapport et un mémoire de deux de ses membres sur le droit féodal de la province de Bretagne (Voy. ces documents annexés à la séance de ce jour.) L’Assemblée autorise l’impression. M. de Robespierre. J’aurais à présenter une motion importante sur la restitution des biens communaux envahis par les seigneurs. (Voy. cette motion annexée à la séance de ce jour). On demande vivement l’ordre du jour, qui consiste dans la réclamation de la ville de Nérac, au sujet de la mendicité et dans l’affaire des impositions de la province de Bretagne. — Cette dernière affaire obtient la priorité. M. lie Chapelier. Il est important que l’Assemblée prenne sans délai un parti sur l’objet que j’ai à lui présenter. Il existe en Bretagne une régie appelée des devoirs, impôts billots, et droits y joints ; ces droits se lèvent sur le détail de l’eau-de-vie et sur les boissons. Le produit s’en élève annuellement à 4 ou 5 millions. Les anciens états de Bretagne ont donné aux commissions intermédiaires des pouvoirs qui expirent au 31 de ce mois. Suivant les anciens usages, ces commissions sont composées de six membres du clergé, six de la noblesse, et six des communes. La province a demandé pour les communes une proportion égale aux deux autres ordres réunis. Le Roi, à l’époque de cette demande, n’a rien voulu innover jusqu’à ce que l’Assemblée nationale, qui n’était pas encore réunit*, eût statué à cet égard. M. Le Chapelier propose un décret par lequel l’Assemblée ordonnerait : 1° La prorogation des pouvoirs des commissions intermédiaires ; 2° La perception des impôts directs; 3° La prorogation de la régie des devoirs de Bretagne, et droits y joints, pour un an; 4° La manière d’effectuer, en Bretagne, la suppression des privilèges en matière de devoirs et d’autres impôts; 5<> La continuation de diverses dépenses urgentes, et la suppression de certains traitements, pensions et gratifications. L’Assemblée décide que ce projet de décret sera communiqué au comité des finances pour donner son avis. — La discussion est renvoyée à demain, séance du soir. M. le Président indique pour demain à 2 heures l’affaire de Nérac, et celle de Troyes. Il lève la séance après avoir indiqué celle de demain pour 9 heures du matin.