lAssemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. |5 mars 1791.] 696 change sur des négociants de Vienne, qui à la vérité ne devaient rien. La maison de commerce n’eut recours à cette espèce d’agiotage en usage à Vienne, que pour ne pas se mettre à la merci des usuriers. Le directeur avait prévenu tout éclat, changeait ces lettres de change contre d’autres effets qu’il retirait. En cela, il n’a fait que suivre les usages suivis par la banque... » Je ne sais si c’est un usage que de fabriquer des lettres de change pour les escompter, comme si elles étaient dues; mais je demande si ce n’est pas de la part des accusés donner de fortes preuves de prévention, que de se livrer à des aveux aussi graves. (Murmures.) Je réponds à une observation; on a nié les usages de réciprocité, et moi je dis qu’excepté l’Angleterre, toutes les autres puissances accordaient l’extradation, non pas à la vérité des débiteurs, mais des criminels légalement requis. Mais ne nous occupons pas de l’ancienne politique, ou de ce qu’a fait le tribunal de Bruxelles. Ne consultons que les lois de la justice, que l’intérêt réciproque des nations, que la vraie et immuable règle de morale, qui veut que les coupables soient punis. Je conclus à l’adoption du projet de décret, en y ajoutant toutefois cette disposition : « ...après néanmoins que l’empereur aura reconnu par un acte solennel, et souscrit la condition de réciprocité entre la France et les Etats de sa domination. » M. Buzot. Il me paraît en effet indispensable que l’homme qui fuit un pays dans lequel il a commis un crime, ne puisse trouver dans aucun autre pays un asile qui lui assure l’impunité; mais qu’on donne aussi un moyen de prévenir l’injustice ministérielle, et d’empêcher l'inquisition qui pourrait s’exercer sur tout homme qui cherche une terre libre et hospitalière pour se mettre à l’abri des poursuites du despotisme. Une question aussi délicate ne doit pas être jugée sur des circonstances. Si, par exemple, cette contre-révolution dont on parle tant arrivait, quel est celui d’entre nous qui ne fuirait pas cette terre aujourd’hui si chère, et alors si odieuse? Eh bien, d’après les principes de M. le rapporteur, nous serions aussi réclamés comme des criminels transfuges, et déclarés coupables pour n’avoir pas voulu cesser d’être libres. Il ne s’agit pas moins que d’un pacte à faire entre les nations, en faveur de la liberté, ou en faveur du despotisme. La question mérite bien d’être renvoyee à l’examen du comité de Constitution, et d’être plus solennellement discutée. (Applaudissements.) M. du Châtelet, rapporteur. On nous avait demandé des pièces légales de couvielion. Nous vous présentons le certificat du conseil royal et impérial de Vienne, qui porte qu’il résulte de la procédure assermentée, que l’un des deux accusés a fait circuler pour 200,000 florins de fausses lettres de change, et qu’il y a contre ses coaccusés les indices les plus forts de complicité. C’est là une pièce légale: que veut-on de plus? M. Robespierre. D’après celte pièce, il me paraît qm1 les particuliers arrêtés à Huningue ne sont rien moins que criminels. Si ou véritable crime existait, on n’aurait pas manqué sans doute de le présenter à l’Assemblée nationale. J’atteste au contraire tous les négociants, et je leur demande si ce dont les détenus sont accusés est réellement un crime. Ils n’ont fait que ce qui était en usage ; et concevez-vous que si des accusés à la poursuite desquels on met tant d’importance étaient réellement coupables, on se fût contenté d’envoyer un certificat, en vous cachant l’information. Ne voyez-vous pas que si vous n’ajourniez pas, vous décideriez la question de fait, et préjugeriez la question de droit, sans connaitre ni l’une ni l’autre? M. Cottin. Si l’on accède à la demande du ministère autrichien, je demande qu’on réclame M. de Lambesc, décrété de prise de corps. M. Delavigne. Je vous prie de remarquer comme la question a changé d’aspect. Le rapporteur vous disait, dans son premier rapport, qu’il s’agissait d’une falsification de billets de banque, puis d’une falsification de lettres de change. Eh bien, vous voyez actuellement qu’il ne s’agit que d’une simple opération de commerce, usitée à la banque. Je ne prétends point justifier le délit de faire circuler des lettres de change tirées sur un homme qui ne les doit pas, et auquel on n’est pas sûr de pouvoir remettre des fonds pour l’acquitter ; mais il n’est personne qui ne sache que ces opérations se font souvent dans les banques, qu’elles se font sans porter préjudice à personne et qu’elles ne sont point un crime. Mais vous devez faire une autre remarque également importante : c’est que le comité diplomatique a contrevenu à votre premier décret, qui ‘prononçait l’ajournement jusqu’à la loi générale; c’est que l’on vous a parlé sans cesse d’usages réciproques, et qu’on n’a donné aucune preuve de ces usages, qu’on a dit que cette réciprocité avait été vérifiée, et qu’on n’en a pu citer aucun exemple. Je demande l’ajournement et l’élargissement des particuliers arrêtés. M. Fréteau. Je dois dire à la décharge du comité diplomatique, que votre décret ne lui ordonnait pas de vous donner les preuves de la réciprocité, mais bien de vous présenter un acte légal d’accusation; or, il vous présente un acte en forme de la municipalité de Vienne. M. Gaultier-Biauzat. Je demande si un certificat de municipalité est un acte judiciaire. Je demande si la municipalité de Paris a le droit de faire arrêter un homme à Vienne ? M. Robespierre. Je ne crois pas qu’aucun membre de l’Assemblée veuille faire ici, en quelque sorte, le rôle d’accusateur, et que quelqu’un ait intérêt à s’opposer à l’ajournement. Je demande qu’on aille aux voix. (L’Assemblée, consultée, décrète l’ajournement du projet de décret et le renvoie au comité de Constitution qui est chargé de lui présenter un projet de loi générale.) M. Chasset, au nom des comités d'aliénation et des finances , présente un projet de décret sur les dîmes inféodées, qui est ainsi conçu : « L’Assembiée nationale, après avoir entendu le rapport qui iui a été fait au nom de ses comités des finances et d’aliénation des domaines nationaux, décrète ce qui suit :