[Convention nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. j « f,rimairKe an il 253 r y décembre 1730 nous vivons au jour le jour, et c’est avec une peine excessive que nous faisons vivre, et notre armée en Italie, et celle sous Toulon. Ces deux départements étaient déjà affamés par la longue présence des escadres combinées, avant même que la ville sacrilège tombât en leur pouvoir. Nous nous flattions de parvenir à tirer considé¬ rablement des grains de l’ Italie et du Levant; il faut y renoncer depuis que Naples et la Tos¬ cane sont entrés dans la ligne. Tunis, selon toutes les apparences, vient d’être gagné par les forces et l’or des Anglais; tout annonce que le Dey devient notre ennemi, le convoi immense qui s’y trouvait, est perdu pour la République, trois frégates seulement ont échappé et ont pu se réfugier en Corse ; mais y seront-elles longtemps en sûreté, et de quels secours pour nous? • D 'un autre côté, les esclaves s’accumulent à Toulon; d’après le rapport de tous nos espions, ils y sont en force de 35,000 hommes, et en attendent encore 30,000; les Portugais y parais¬ sent fournir. Il est certain que s’ils se déployaient, ils forceraient nos lignes; mais ils craignent l’armée de Nice, qui pourrait les mettre entre deux feux, et il y a un plan de la couper. La valeur de nos troupes et la surveillance de nos généraux déjouera sans doute ces combinai¬ sons; mais nos défenseurs courent risque d’être affamés. Le mauvais temps dégrade les chemins, les greniers y sont vides, tout y est transporté à dos de mulet; avec les pluies, ces braves gens sont exposés. Robespierre jeune est ici et nous confirme ces tristes détails. Quinze jours de pluies pourraient nous jeter dans le plus grand malheur. Dès le second, la rivière de la Durance déborde et nous tue; elle nous retient des bestiaux depuis longtemps. « Il faut observer en outre que le vent d’est, qui nous prive de tout secours par mer, soit d’Arles, soit de Cette, est presque continuel; et ce même vent mène tout à nos ennemis : enfin ne recevraient -ils pas d’autres forces, avec la position de Toulon, ils sont plus que suffi¬ sants pour ne pas craindre nos attaques. Il faudrait mieux de la moitié du monde que nous sommes; faire des tentatives avec ce nombre, c’est sacrifier inutilement nos frères; attendre d’être renforcés, nos ennemis peuvent l’être proportionnellement, et la famine est certaine. « Qu’est-ce qui fait la force de la ci-devant Provence? C’est exclusivement Toulon. Pour¬ quoi ne leur abandonnerions-nous pas tout le terrain stérile jusqu’à la Durance, après avoir enlevé les provisions en tout genre? Les égoïstes de Marseille ont déjà payé de leur bourse; alors il se forme un boulevard insurmontable sur les bords de cette rivière ; vous y accumulez 200,000 hommes, et les y nourrissez avec aisance; vous laissez aux infâmes Anglais le soin de nourrir toute la province. La belle saison revient, le temps des moissons approche, les végétaux rendent déjà; comme un torrent les républicains repoussent la horde esclave, et les rendent à la mer qui les vomit. Ce serait la façon de penser des généraux; la crainte de manquer de vivres enlève le courage au soldat. Pesez ces réflexions en comité, et délibérez. Nous ferons exécuter les ordres qui nous seront donnés; mais il n’y a pas un instant à perdre. Salut et fraternité. « Vos coopérateurs, Barras, Fréron. » Il ne me reste plus qu’à dire à la Convention que la Commission des subsistances et appro¬ visionnements de la République a assuré au comité de Salut public, que les subsistances ne manqueraient pas à l’armée de Toulon, et qu’il y avait des approvisionnements faits. Des troupes nouvelles marchent aussi tous les jours vers cette infâme cité de Toulon, et sans doute le parlement anglais en apprendra la reprise lors de son ouverture. Je demande que la Convention nationale décrète que le rapport et la prétendue lettre de Marseille seront insérés dans le Bulletin. Cette proposition est adoptée. Un membre propose et la Convention rend le décret suivant : « La Convention nationale charge son comité de Salut public de prendre toutes les mesures qu’il croira nécessaires pour s’assurer si, sous prétexte d’un patriotisme exagéré, on n’opprime pas les patriotes sur les frontières de la Répu¬ blique, et d’examiner scrupuleusement toutes les mesures de rigueur prises contre eux, et no¬ tamment contre Rutler, administrateur du dé¬ partement du Haut-Rhin (1). » Un des rapporteurs du comité de l’examen des marchés et de surveillance des subsistances, habillements et charrois militaires, propose le décret suivant, qui est adopté par la Convention : « La Convention nationale, après avoir en¬ tendu le rapport de son comité de l’examen des marchés et de surveillance des subsistances, ha¬ billements et charrois militaires [L oiseau, rap¬ porteur (2)], « Décrète que le citoyen Dancour (Daucourt), directeur des charrois de l’armée des Alpes, ac¬ cusé d’avoir compromis le salut de la Républi¬ que en retenant malicieusement par ses mains une somme considérable de deniers publics, qui lui avait été remise pour en faire le versement dans la caisse du trésorier de la régie à Greno¬ ble; d’avoir été la cause, par cette retenue, que le prêt des charretiers, muletiers et autres pré¬ posés des charrois, a manqué pendant plusieurs jours, sera traduit au tribunal révolutionnaire, pour y être poursuivi comme conspirateur, et jugé conformément aux lois, ainsi que ses com¬ plices, si aucuns sont découverts par suite de la procédure (3). » (Suivent les pièces justificatives du décret relatif au citoyen Daucourt.) (1) Procès-verbaux de ta Convention, t. 27, p. 85. (2) D’après la minute du décret qui se trouve aux Archives nationales, carton C 282, dossier 792. (3) Procès-verbaux de la Convention, t. 27, p. 85.