15 [Assemblée nationale.! ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [13 avril 1791. J législatif de l’état de l’administration générale et des abusqui auraient pu s’y introduire. » (Adopté.) M. Démeunier, rapporteur , propose ensuite un article ainsi conçu : « Le ministre de l’intérieur soumettra à l’examen et à l’approbation du roi les procès-verbaux des conseils des départements, conformément à l’article 5 de la section troisième du décret sur les assemblées administratives. » (Adopté.) M. Démeunier, rapporteur. Maintenant que vous avez déterminé les fonctions inhérentes aux différents départements du ministère. Il convient de régler le nombre des ministres. Voici l’article que nous vous proposons : « Les ministres exerceront, sous les ordres du roi, les fonctions déterminées ci-après et seront au nombre de six, savoir : le ministre de la justice, le ministre de l’intérieur, le ministre des contributions et revenus publics, le ministre de la guerre, celui de la marine et des colonies et celui des affaires étrangères. » (Adopté.) M. Démeunier, rapporteur. Après avoir décrété le traitement des ministres, nous avons laissé en arrière un article du plan relatif à leurs pensions de retraite. Voici l’article : « Si leur ministère a été de moins de cinq ans, ils auront en retraite une pension de 2,000 livres pour chacune des années qu’ils auront exercé leurs fonctions ; et, quelle qu’en ait été la durée, leur pension de retraite ne pourra excéder 12,000 livres. » M. Robespierre. Je ne puis m’empêcher de dire que cet article est absolument contraire à la raison et qu’il introduit une distinction inutile et sans objet entre ces fonctionnaires publics et d’autres fonctionnaires publics. Il existe une règle générale pour donner des récompenses pécuniaires à ceux qui ont bien mérité de la patrie; et je ne connais aucune exception pour une place de fonctionnaire publie. Avez-vous décerné des retraites pour les magistrats les plus importants, pour les membres des tribunaux de cassation? En existe-t-il pour les législateurs, pour tous les officiers du peuple? Non. Pourquoi donc en établir une pour les ministres? Je conclus de tout ceci que vous ne pouvez point adopter la distinction proposée par l’article, entre les ministres et les autres fonctionnaires publics, sans supposer implicitement que vous regarderiez cette classe de fonctionnaires publics comme une classe supérieure à toutes les autres. Je demande donc la question préalable sur l’article. (Applaudissements.) M. Démeunier, rapporteur. L’Assemblée nationale n’ayant accordé de pensions à ceux qui ont servi l’Etat que lorsqu'ils auront 30 ans de service, le comité a cru pouvoir présenter cet article, presque indifférent dans lui-même, puisqu’il y aura t ès peu de ministres qui parviendront à 30 ans de service. (L’Assemblée, consultée, décrète qu’il n’y a pas lieu à délibérer sur l’article du comité.) M. Ruzot demande qu’il soit décrété que nul ne puisse être ministre s’il n’a les qualités requises pour être citoyen actif. M. Anthoîne demande qu’il soit décrété que nul ne puisse être nommé ministre de la justice s’il n’a exercé pendant dix ans les fonctions de juge ou la profession d’homme de loi. (Ces deux propositions sont renvoyées à l’examen du comité de Constitution.) M. Démeunier, rapporteur. Je propose de remettre à demain la suite de l'examen du projet de décret sur l’organisation du ministère. (ue renvoi est décrété.) M. le Président. J’ai reçu de M. le ministre des affaires étrangères la lettre suivante : « Monsieur le Président, « J’ai l’honneur de vous envoyer ci-joint trois actes de prestation de serment civique : le premier, de l’ambassadeur de France à la Porte ottomane, de son secrétaire et des autres officiers de cette ambassade ; le second, du chargé d’affaires de France à Malte et de son chancelier; le troisième, du chargé d’affaires du consulat de France à Moscou. « Ces trois actes forment le complément de ceux qui ont été demandés aux personnes de mon département, employées dans les pays étrangers. « Je suis, etc. « Signé : MONTMORIN. » M. le Président donne ensuite lecture d’une lettre signée par les commissaires des entreposeurs du tabac du royaume, par laquelle ils demandent d’être admis à la barre de l’Assemblée pour lui présenter la pétition qui accompagne leur lettre. (L’Assemblée en ordonne le renvoi aux comités chargés d’examiDer les réclamations des employés supprimés.) L’ordre du jour est la suite de la discussion du projet de décret sur l’organisation de la marine (1). M. Ricard de Séalt (2). On a mis sous vos yeux, un projet de décret sur l’organisation de la marine et sur le mode d’admission et d’avancement (3); on y a ajouté le décret d’application, monument de la plus révoltante injustice. Je trouve le premier vice des deux projets dans la formation du comité de marine, l’objet est trop important pour déguiser la moindre de ses pensées. Ce comité est composé de trois classes de personnes, dont je ne dois pas suspecter les intentions, mais qui se laissent subjuguer par l’intérêt de la classe à laquelle ils appartiennent plus particulièrement; et les membres qui pourraient juger sans prendre parti sont en trop petit nombre, ou ne s’y présentent pas ; ces trois classes sont la marine militaire qui voudrait tout conserver, la marine commerçante qui voudrait tout envahir, l’administrationqui, plus rusée, voit jouer le jeu, et attend sa proie avec une hagarde impatience. 11 est résulté de leur discussion une espèce de transaction où le militaire, plus lin que le marchand, a tout conservé pour son corps, et le marchand, trompé par son ambition même, a cru tout obtenir, parce que nul n’entrerait dans la marine qu’il n’eût été mousse ou novice... Quant (1) Voy. Archives parlementaires , tome XXIV, séance du 12 avril 1791, page 723. (2) Le Moniteur ne donne qu’une très courte analyse de ce discours. (3) Voyez ce document aux annexes de la séance. 16 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [13 avril 1791. j aux administrateurs, ils ont précisément joué le même rôle que le clergé au commencement des états généraux ; ils ont si bien fait, qu’on n’a pas encore parlé d’eux : comme il est juste que chacun joue son rôle, l’Assemblée se chargera, j’espère, de faire le sien, elle va juger le projet d’admission et d’avancement et le projet d’application; et moi qui me mêle d’entrer en scène, je prouverai très facilement à l’Assemblée qu’il n’est ni de sa dignité, ni de sa politique d’admettre le premier, qu’il n’est ni de son humanité, ni de sa justice de prononcer sur le second. Le projet d’admission et d’avancement, et celui d’application, manquentpar trois bases infiniment importantes. La première, c’est le défaut absolu d’instruction auquel on va livrer la génération qu’on destine pour la marine de l’Etat. La seconde, c’est la tyrannie que les armateurs pourront impunément exercer pour l’admission des sujets dans la marine militaire... deux motifs pour éloigner un plan aussi inconciliable avec l’intérêt de la nation. La troisième, c’est la conservation de tous les individus de la marine royale, sans réserver une seule place pour les très dignes sujets de la marine commerçante qui ont servi avec autant de bravoure que de distinction dans les guerres que la nation a soutenues; motif essentiel, motif important pour éloigner à jamais un projet aussi inconciliable avec les principes que nous avons décrétés; il existe surtout une si grande confusion dans les grades préparatoires, une difficulté si extraordinaire pour parvenir à faire choix de sujets distingués pour l’armée navale, qu’on sera resque toujours exposé à élever, par l’effet seul u hasard, des hommes que les plus grands talents devraient seuls faire admettre. La bizarrerie de ce plan ne vient que de la diversité d’intérêt de ceux qui l’ont produit; ils ont été entraînés malgré eux à des esprits de parti qui compromettent la chose publique. Aussi verrez-vous ce comité opposé à lui-même. Les officiers de la marine royale voudront vous prouver qu’il n’y a de véritable talent et de véritable bravoure que parmi eux, et ceux qui soutiendront la marine commerçante vous diront que, si vous n’y prenez pas tous les sujets, il n’y a plus de patrie. Ne consultons aucun intérêt, n’ayons devant les yeux que le salut de la grande famille, devant laquelle doivent courber toutes les passions et tous les préjugés, marchons franchement et loyalement vers les deux systèmes qu’embrasse votre comité. L’un tend à conserver dans ce corps une distinction de rang inconciliable avec la Constitution et l’autre, en se réservant tout, croit détruire jusqu’à la plus petite nuance de l’inégalité, seul principe d’une Constitution libre. Ne nous dissimulons pas cependant une chose importante ; votre comité de marine ne vous présente jamais que des titres épars... Vous n’avez sur toutes les matières que des lois imparfaites. Cependant l’administration languit, les marius de tout rang et de tous grades sont mécontents, et tous les individus ont à souffrir de ces vaines disputes qui font accuser l’Assemblée d’une cruelle indifférence sur le sort des navigateurs. Les officiers nommés ci-devant de la marine royale redoutent une alliance que l’ancien régime leur rendait monstrueuse, que la nouvelle Constitution rend indispensable, et que très difficilement on pourra leur faire adopter. Cependant la prospérité du commerce et la gloire de la nation dépendent de cetle association d’hommes que la nature a fait égaux, que l’orgueil avait séparés et que les talents seuls doivent réunir. Il faut que cette alliance se fasse avec éclat, que ceux qui ne seront pas contents de l’association, abandonnent leur poste, la nation les récompensera. On vous fera, Messieurs, des dissertations brillantes, des discours sublimes sur fa théorie de la navigation, sur l’incohérence de la marine militaire avec la marine commerçante, sur l’inaptitude des officiers voués au calcul purement arithmétique et aux opérations commerciales ; enfin il n’est rien que l’esprit n’invente et n’accommode pour vous prouver que le capitaine de navire qui a navigué toute sa vie n’a jamais vu la mer; que celui qui a vaincu si souvent l’ennemi n’avait pas la moindre connaissance des évolutions ni des combats; que ceux qui ont été choisis par nos meilleurs généraux sous le titre modeste d’officiers auxiliaires, étaient deshommes que la pitié plutôt que les talents et la nécessité appelaient sur nos flottes... Voilà ce que les officiers de la marine royale, ce que les intendants de la marine royale tâcheront de vous persuader dans cette tribune... Pour moi, qui ne suis ni officier général, ni intendant, qui ne dois devenir ni l’un ni l’autre... je vous dirai la vérité, avec cette clarté qui n’admet ni équivoque ni surprise. Je vous dirai qu’il faut une marine; que de la bonne organisation, de la bonne composition de cette marine dépend le salut de l’état ; que par elle vous tiendrez dans vos mains l’équilibre de l’Europe, et que vous serez la première des nations... Que, sans elle, il n’est plus de prospérité ni de gloire pour la France. Pour avoir une marine telle que les bons citoyens la désirent, il faut penser à deux objets bien distincts. Le premier, c’est de préparer cette nouvelle génération à un nouvel ordre des choses. Le second, c’est de reconstituer sur de nouvelles bases l’organisation actuelle. Pour préparer la génération actuelle à un nouvel ordre de choses, il faut faire l’inverse de ce que votre comité de marine vous a prescrit depuis sa nouvelle institution, et ceci ne peut pas vous être indifférent. Votre comité a présenté à la marine, comme premier bienfait de la Constitution, un Code pénal ; il a mis l’insurrection dans l’armée navale, et il a fallu tout le patriotisme des citoyens de Brest pour que le port n’ait pas été réduit en cendres. Votre comité a fait rendre un décret sur les classes, et il ne vous a pas présenté les lois secondaires qui pouvaient en hâter l’exécution ; l’ancien régime subsiste dans toute sa barbarie; nul individu ne se croit à sa place ; tous sont mécontents et alarmés ; les gens de mer reconnaissent avec peine des chefs qu’ils détestent; les chefs eux-mêmes sont indifférents et redoutent jusqu’à l’exercice de leurs fonctions les plus simples. Votre comité vous présente aujourd’hui un mode d’admission dans la marine militaire, et il le fait suivre d’un projet d’application qui, non seulement, laisse subsister les abus de l’ancien régime, mais qui détruit dans l’âme des militaires, qui n’appartiennent pas à la marine royale, jusqu’à l’espérance d’arriver aux places qui" doivent leur être naturellement destinées... Votre comité vous parle d’écoles d’instruction et vous renvoie à des règlements qu’il ne vous présentera pas, ou qu’il n’aura pas le temps de vous présenter, parce qu’il est possible que la législature 17 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. (13 avril 1791.] change avant qu’elle ait déterminé une organisation aussi essentielle; c’est ce que demandent les militaires privilégiés. Votre comité de marine a mis à l’écart toute la partie relative aux officiers civils ; les chefs seuls profitent de tous les abus attachés à l’administration, et les subalternes sont opprimés ; mais ce qui est plus relatif à la partie militaire dont on ne vous parle pas davantage, ce sont les troupes de la marine destinées au service des places.... C’est le corps des canonniers matelots, ui réclame son organisation avec tantd’énergie... e sont les ingénieurs constructeurs qui veulent avoir place dans la constitution militaire de la marine... Ce sont les volontaires de la marine qui n’ont jamais rien eu de l’Etat, qui réclament l’assistance et la protection de l’Assemblée. Tous ces corps sont tellement identiques avec le projet d’organisation militaire, qu’il n’est presque pas possible d’en séparer les principes, et de disjoindre leur constitution, et cependant on n’en parle pas. Pensez, Messieurs, que dans un corps tel que celui de la marine, dont l'existence actuelle est fondée sur des principes aus-i anticonstitutionnels que ceux qui existent, il est impossible, si vous ne décrétez pas une bonne organisation ; si vous ne faites pas une juste application, établie de manière ànepaslaisserle vestigè desanciennes distinctions ; que vous n’exposiez pas tous les individus qui sont attachés à la marine commerçante, au mépris et aux abus, sous lesquels ils gémissent depuis si longtemps, et qu’il est de votre gloire autant que de votre justice, de faire cesser... Mais pour y parvenir, au lieu de titres épars qui n’ont aucune suite, qui nous laissent toujours dans le doute et dans de nouvelles espérances, il aurait fallu que, dans un si grand intervalle de temps, votre comité eut présenté un projet d’organisation générale, dans lequel vous vissiez d’un coup d’œil et dans le plus grand détail tout le système qu’on présentera, seul moyen de n’être pas entraîné dans des erreurs d’autant plus funestes, qu’elles peuvent détruire et anéantir et notre commerce et toute notre influence politique. Une nation voisine attend avec une impatience mêlée de cette crainte cette organisation d’où va dépendre sa plus grande prospérité au détriment de celle ;de la France ; c’est à vous, Messieurs, à sonder toute la profondeur de l’abîme qu’on peut creuser sous vos pas. Vous ne pouvez pas trop réfléchir sur un objet aussi important; je sais ce qu’il y a de plus difficile, et qui a toujours embarrassé l’Assemblée toujours si sage dans ses résultats, lorsque, n’étant pas contrariée, elle a constamment suivi et ses penchants et ses principes, ç’a été de suppléer, de remplacer pour le moment les établissements qu'elle a voulu améliorer, et qu’el le aurait dû supprimer et détruire. L’expérience lui a hautement prouvé que renouveler en totalité était le seul moyen d’arriver à la perfection si désirée pour le salut de la Constitution; elle lui a hautement prouvé que, lorsque des considérations partielles lui ont fait respecter les divers intérêts, elle a été toujours égarée, toujours hors des termes qu’elle avait en vue, et ses résultats ont toujours été au détriment de la paix publique, ce que demandent nos ennemis. La marine militaire était le corps de France où il était le plus difficile d’entrer, lorsqu’on n’était pas ce qu’on appelait gentilhomme. Je crois même pouvoir affirmer, qu’excepté ceux qui en lre Série. T. XXV. avaient usurpé le titre, ce qui n’était pas rare, nul des individus qu’on appelait roturiers n’avaient eu, depuis plus de quarante années, l’insigne faveur d’y avoir été admis, de sorte qu’on peut considérer ce corps comme composé d’hommes de race noble, et par conséquent d’une classe jadis privilégiée, qui n’admettait ni vertus, ni talents, ni bravoure dans les'classes qui lui étaient étrangères. Eh! bien, Messieurs, on veut vous faire consacrer, par le décret d’application qu’on vous propose, toute Ua barbarie d’un préjugé qui a si longtemps avili la France, et qui l’avait plongée dans l’ignominieux état d’où vous l’avez retirée avec tant d’efforts et à travers tant de dangers. Vous avez dans ce moment 1,700 officiers dans ce corps. Le comité vous en propose 1,050, sans compter les enseignes ni les aspirants; voici comment il ose vous en proposer la distribution: Il vous propose 30 officiers généraux. Il vous propose 120 capitaines de vaisseaux pris parmi les capitaines de vaisseaux actuels, les capitaines de vaisseaux directeurs des ports, les majors de vaisseaux et tous les officiers des classes qui seront dans le cas de concourir à cette formation... choix qui tombera sur les officiers de la marine royale actuelle, sans déterminer une seule des places pour les capitaines de navire, pas même pour ceux qui se sont si glorieusement distingués en combattant l’ennemi, et en remportant des victoires. 11 vous propose 800 lieutenants, il n’y en avait que 680 sous l’ancien régime; mais cette augmentation a été nécessaire pour y placer tous les lieutenants de la marine royale, et en ne laissant (sans compter les élèves de la première classe qu’il faudra placer), que 128 places pour 840 sous-lieutenants, qui ont tous plus de service, presque autant de lumières, et tous sans réserve autant de bravoure, on croit avoir fait un grand acte de justice. Tous les sous-lieutenants qui appartiennent au ci-devant tiers état, tous les volontaires, dont plusieurs ont 100 mois, de mer, sont renvoyés par ce sublime projet, chez eux, en attendant un tour d’ancienneté qui n’arrivera jamais; et ces militaires dont les parents seront sans aucune espèce de ressource, se trouveront surchargés de leurs enfants, la plupart infirmes à la suite des blessures reçues en combattant les ennemis de l’Etat, et toutes les places seront constitutionnellement données et réservées à la classe privilégiée, qui pourront encore exercer un despotisme révoltant sur toutes les classes des citoyens employés au service de la marine; ce ne sera certainement pas ainsi que l’Assemblée nationale appliquera les principes d’égalité qu’elle a si solennellement décrétés, et qu’elle fera un acte d’injustice aussi intolérable. Il est des projets de décret d’application plus équitables et qui porteront pour base des dispositions moins révoltantes. Car, selon le projet que vous décréterez, au point où vous placerez dans l’instant cette partie suprême de la force publique la nation sera la première puissance du monde, ou ne sera rien... Je vais avoir l’honneur de vous proposer un projet de décret et un mode d’application autrement conçu que celui qui vous a été présenté ; si ce n’était pas fatiguer l’Assemblée que de lui proposer de nouveaux délais, et si j’opinais selon le vœu de ma conscience, je proposerais : 1° La question préalable sur les deux projets du comité; 2° La nomination de cinq membres de l’Assem-2 Ig 1 Assemblée nationale.) ARCHIVES PARLEMENTAIRES. 113 avril 1791.) blée qui pourront être pris dans le comité, et qui seront tenus de donner dans quinzaine un plan général d’organisation civile et militaire de la marine, dont la discussion ne sera plus abandonnée, seul moyen de ramener la confiance et la paix dans les ports, et d’inspirer peut-être une salutaire terreur aux ennemis de la chose publique. En travaillant, Messieurs, au plan d’admission et au mode d’avancement déterminé pour l’organisation de la marine française, je n’ai eu d’autre guide dans mes déterminations que la déclaration des droits de l’homme, si heureusement décrétée et si solennement accueillie par la nation entière. J’ai rasemblé tout ce que j’ai pu découvrir d’hommes instruits dans cette partie; j’ai été en garde contre l’esprit de corps; j’ai combiné les divers systèmes; j’ai concilié les divers intérêts; j’ai jugé les diverses questions qui se sont présentées, et je me suis dit: si d’un mousse je puis en faire un amiral; si tous les Français calculant en silence les efforts, les mouvements et les récompenses, voient que l’homme arrive aux grades par le seul secours de ses talents et de son mérite; si la nouvelle organisation s’établit sans commotion; si les antipatriotes y trouvent de la consolation et des espérances; si' ce projet nous conduit à un système de justice et d’égalité, le seul qui puisse exister chez un peuple libre, j’ai rempli mes vues, et je vous présente un plan digne de vous. PROJET DE DÉCRET. « Art. ior. Il y aura des écoles gratuites, dans les 8 principales villes maritimes du royaume, où l’on enseignera l’arithmétique, la géométrie, la navigation et la mécanique, ainsi qu’il sera déterminé par un règlement particulier. Note sur l’article lec. La théorie de la navigation apprend au marin à bien diriger la route de son navire ; celle de la mécanique lui apprend à tirer le meilleur parti de ses voiles et de son gouvernail : l’une et l’autre théorie supposent au moins les éléments d’arithmétique et de géométrie. « Art. 2. Dans les 3 ports de Brest, Toulon et Roche-fort, il y aura, outre les écoles gratuites et les bâtiments nécessaires pour garder les côtes, 10 corvettes constamment entretenues à la mer, savoir : 4 au département de Brest, 3 au département de Toulon, et 3 au département de Rochefort. Elles serviront pour exercer continuellement au métier de la mer les officiers de tous les grades. Note sur l’article 2. L’entretien des corvettes continuellement armées pour l’instruction des élèves et pour celles des officiers de tout grade est indispensable : 1® parce que ce sont les vaisseaux de guerre qui sont les plus propres à exécuter et à exercer les marins militaires à toutes les manœuvres et évolutions de guerre; 2° parce qu’il est nécessaire que des hommes qui se sont voués au service et à la défense de l’Etat fassent leur unique et continuelle occupation des exercices qui sont les plus propres à les rendre capables de s’acquitter de leurs devoirs. « Art. 3. Il y aura des élèves et des aspirants de la marine : ils ne seront pas entretenus. Le nombre des élèves sera fixé à 200; le nombre des aspirants sera illimité. Les élèves et les aspirants seront distribués en 3 classes. Note sur l’article 4. a Art. 4. Il sera ouvert, Les élèves doivent être chaque année, des cours l’élite des jeunes gens qui dans le mois de janvier, ont le plus de talents et de pour le choix des jeunes dispositions : pour cela ils gens qui prétendront aux doivent être choisis à la places vacantes d’élèves de suite d’exameu ou conta troisième classe. cours, seul moyen de discerner leur véritable génie. Il faut que les élèves aillent de bonne heure à la mer; mais il faut observer que souvent les facultés intellectuelles, même dans les excellents sujets, se développent fort tard. Il serait ridicule et nuisible de fixer l’âge au-dessous duquel les jeunes gens ne seraient pas assez formés pour concourir. Il faut au concours publicité et impartialité. Art. 5. Seront admis à ce concours tous les fils de Français ou de naturalisés français qui n’auront pas passé l’âge de 17 ans, et qui auront fait 3 mois de navigation en qualité de mousses, soit sur les vaisseaux de l’Etat, soit sur ceux du commerce. « Art. 6. Le ministre de la marine fera proclamer les concours dans tout le royaume, un mois avant l’ouverture, ainsi que les villes où ils auront lieu. Elles seront éloignées de 6 lieues au moins des villes où les écoles seront instituées. « Ces villes seront au nombre de 3. Le concours ne pourra être établi deux fois de suite dans la même ville. « Art. 7. Les examens, au concours, seront faits publiquement par un commissaire nommé par le roi, en présence de deux anciens officiers de la marine de l’Etat, et de deux anciens capitaines de navire, tous les quatre retirés du service. Ces quatre officiers seront nommés au scrutin et à la majorité absolue des voix parle conseil général de la commune où le concours devra avoir lieu. « Le commissaire examinateur n’aura point de voix. « Les commissaires ne pourront être parents, au degré de l’ordonnance civile, d’aucun des individus promus à peine de cassation du grade concédé. « Les officiers municipaux, les corps administratifs et le peuple pourront être présents au concours. « Les aspirants seront admis aux places d’élèves, à la majorité de trois voix sur une, et en cas de partage, le premier corps administratif se retirera dans une salle particulière, et y décidera, au scrutin et à la majorité absolue des suffrages, en faveur de celui qui sera le plus digne de la place. « Art. 8. Les places d’élèves de la troisième classe seront données aux jeunes gens quiauront le mieux répondu sur les éléments d’arithmétique, de géométrie et de navigation. Les autres jeunes gens qui n’auront pas le mieux répondu sur ces sciences, mais qui cependant auront été jugés suffisamment instruits dans ces mêmes sciences élémentaires, recevront le titre d’aspirants de la troisième classe. « Art. 9. Immédiatement après leur admission et après l'équinoxe du printemps, les trois quarts d’élèves de la troisième classe et le quart d’aspirants de la troisième classe seront embarqués sur les corvettes d’instruction, où il feront une campagne de 18 mois, dont 6 de cabotage, et 12 de long cours: ils y feront l’apprentissage de matelot, et seront exercés aux fonctions de gabier et de timonier. Note sur l’article 10. Art. 10. Cette campagne faite, les élèves et les aspirants de la troisième classe suivront les écoles des ports pendant les 6 mois qui resteront à s’écouler jusqu’à l’époque des concours généraux. « A ces concours pourront se présenter, avec les élèves Après 18 mois de mer, il est bon que les jeunes élèves respirent l’air de terre, afin que la mer ne fasse pas une impression trop forte sur leurs tempéraments ; et 6 mois passés dans les écoles sont utiles sous tous les rapports. Ces élèves apprennent la