120 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE Déjà, d’après la demande de plusieurs comités des subsistances sur le meilleur moyen de suppléer à l’emploi des farines, pour la fabrication des colles, nous avons trouvé que la farine de marron d’Inde, dépouillé de sa partie amère, suffit à tous les besoins du commerce. Nous joignons ici un essai du carton le plus fin établi en pleine fabrique avec cette préparation. Nous avons poussé plus loin nos recherches; nous avons brûlé du marron d’Inde, par le procédé indiqué dans le mémoire et le résultat a été que douze onces et demie de cendre nous ont donné neuf onces d’alkali fixe ou potasse de la première qualité. Le produit net a donc été de près de trois quarts : ainsi ce fruit, regardé jusqu’ici comme le plus inutile, est une des plus riches productions de notre sol. Nous nous empressons d’offrir cette découverte intéressante à la Convention nationale, et nous soumettons à ses lumières les propositions suivantes, qui paroissent instantes, vu que nous touchons à la récolte du marron; elles sont en trois articles. Les voici : 1°. D’après le rapport fait par le directoire du Lycée des Arts, sur les produits avantageux du marron d’Inde, pour la fabrication du salpêtre et des savons, tous les citoyens, dans toute l’étendue de la République, chez lesquels il croît des marroniers, sont invités, au nom de la patrie, à ne point laisser perdre les fruits de cet arbre, à les réunir en un lieu sec, et à donner avis à la municipalité de la quantité qu’ils auront pu rassembler. 2°. Les municipalités feront passer la note de ces quantités au comité de Salut public, qui prendra les mesures convenables pour en faire faire l’exploitation et conversion en potasse. 3°. Tous les marrons d’Inde qui croissent dans les forêts, parcs et jardins des maisons nationales, sont mis en réquisition. La gloire du Lycée a été et ne cessera jamais d’être, de diriger les sciences et les arts vers l’utilité publique. Pour et au nom du directoire. Signé , Gaullard-des-Audray et Gervais, administrateurs et fondateurs du Lycée des Arts. La Convention nationale a décrété la mention honorable, l’insertion et le renvoi au comité d’ Agriculture et des Arts. [Cette adresse est vivement applaudie. Plusieurs membres exposent combien est important l’objet de cette adresse; ils en demandent en conséquence l’impression et l’insertion au Bulletin, ainsi que du mémoire qui y est joint : ils demandent aussi le renvoi au comité d’ Agriculture et des Arts, avec charge d’en faire un rapport demain. Toutes ces propositions sont décrétées]. (94) (94) Débats, n° 722, 440. Ann. R.F., n“ 285; Rép., n° 267; C. Eg„ n° 755; J. Mont. n° 137 et n° 139; M. U., XLIII, 453- 454; J. Univ., n° 1755; J. Perlet, n° 720; Ann. Patr., n° 620; Ann. R. F., n° 285; F. de la Républ., n° 433. [PÉNIÈRES appuie cette demande et fait la motion de fixer le prix des marrons d’Inde.] (95) 57 Un membre [Merlin (de Douai)], au nom du comité de Salut public, fait lecture d’une lettre du représentant du peuple Cassanyès, qui transmet à la Convention nationale le vœu exprimé par la brigade que commande le général Valette : la République une et indivisible, haine implacable aux rois et aux tyrans, guerre à mort contre eux et leurs satellites, ralliement à la Convention nationale; tel est le serment qu’elle a unanimement prêté. Ces dignes soldats de la liberté félicitent la Convention des mesures énergiques qu’elle a prises contre le tyran Robespierre. Sur la demande qui leur a été faite s’ils avoient des réclamations à faire : nos réclamations, s’écrient-ils d’une voix unanime, c’est l’ordre formel que nous attendons de la Convention nationale d’aller détrôner le roi Sarde. Mention honorable, insertion de la lettre au bulletin (96). [Cassanyès, représentant du peuple près les armées des Alpes et d’Italie, à la Convention nationale, Briançon le 20 fructidor an II] (97) Citoyens Collègues Je saisis ce premier moment où je viens de visiter la brigade commandée par le général Valette, qui campe sous les murs du fort d’Exilles pour vous faire passer la profession de foi de nos braves frères d’armes depuis le soldat jusqu’au général. Voici la volonté qu’ils ont exprimée par un serment unanime et qui part du fond du cœur. Ils veulent la République, une et indivisible. Ils jurent une haine implacable contre les rois et les tyrans et une guerre à mort contr’eux et leurs satellites. Leur point de ralliement est la Convention nationale. Ils félicitent la Convention des mesures énergiques qu’elle a prise contre le tyran Robespierre et ses adhérens. Voici la réponse qu’ils m’ont faite lorsque je leur ai demandé s’ils avoient des réclamations à faire?.. .Nos réclamations s’écrient-ils d’une voix unanime, (95) Ann. R.F., n° 285. (96) P.-V, XLV, 231-232. F. de la Républ., n° 433, indique que cette lettre sera envoyée aux armées. (97) C 318, pl. 1290, p. 16. A cette lettre est jointe une note d’accompagnement de Cassanyès adressée au comité de Salut public. En marge il est inscrit : Carnot, à lire à la Convention. Bull., 26 fruct, Débats, n°722, 438; Mess. Soir,. n° 756; J. Mont., n° 137; M. U., XLIII, 430 et 436; J. Perlet, n° 720; C. Eg., n° 756; Ann. Patr., n° 621; Ann. R. F., n° 285; F. de la Républ., n° 433; Gazette Fr., n° 986. SÉANCE DU 26 FRUCTIDOR AN II ( 12 SEPTEMBRE 1794) - N“ 58-59 121 c’est l’ordre formel que nous attendons de la Convention nationale d’aller détrôner le roi sarde; nous nous chargeons de l’expédition avec nos braves camarades. Salut et fraternité. Cassanyès 58 Sur la proposition d’un membre [Mon-nel], la Convention nationale décrète qu’il sera fait de nouveaux envois de lois aux administrations de département et de district, qui justifieront du pillage de leurs dépôts ou archives par les ennemis de la République, soit du dedans, soit du dehors; Charge son comité des Décrets et Procès-verbaux de surveiller ces envois (98). 59 Un membre [Merlin (de Douai)], au nom des comités de Salut public, de Sûreté générale et de Législation, fait un rapport sur la proposition faite dans la séance d’hier, de suspendre l’exécution des juge-mens rendus contre les citoyens mis en arrestation depuis le 9 thermidor. Ce rapport excite quelques débats. La Convention nationale décrète l’ajournement à deux jours, et l’impression du projet de décret (99). MERLIN (de Douai) : Vos comités de Salut public, de Sûreté générale, et de Législation, se sont réunis hier pour examiner la question de savoir si l’on devoit [sur la proposition faite par Méaulle dans la séance d’hier] (100) suspendre les procédures intentées par devant les tribunaux criminels contre les citoyens arrêtés depuis le 9 thermidor, ou si l’on devoit suspendre l’exécution des jugemens prononcés contr’eux. Ils l’ont appréciée et réduite à sa juste valeur : ils ont unanimement reconnu qu’elle n’a-voit pas dans l’intention de celui qui l’a présentée, le sens qu’elle offre naturellement, et qu’elle ne pouvoit avoir d’autre but que de centraliser le gouvernement, afin que les arrêtés des représentans du peuple ne s’entre-choquâssent pas. Us vous proposent donc de déclarer qu’il n’y a pas lieu à délibérer sur cette question. (98) P.-V., XLV, 232. C 318, pl. 1285, p. 47. Décret n° 10 848 de la main de Monnel, rapporteur. M. U., XLIII, 444; J. Fr., n° 719. (99) P.-V., XLV, 232. Gazette Fr., n° 986; Rép., n° 267; Ann. Patr., n° 620. (100) Débats, n° 722, 441. Voir ci-dessus, 25 fructidor n° 52. Mais devez-vous vous borner là ? Les représentans envoyés dans les départemens, ont sauvé la chose publique. Mais depuis environ un an, on a trop prodigué cette mesure, salutaire lorsqu’elle est ménagée par la sagesse. Il en est résulté que la législation de la République s’est fédéralisée de la manière la plus étrange, pour ne pas dire la plus choquante; que cette législation bigarrée n’avoit pas seulement l’avantage de la stabilité; que rarement les représentans du peuple ont laissé subsister les mesures prises par leurs prédécesseurs, et que la principale source des divisions funestes qui se sont manifestées dans notre sein, est dans la divergence, la contrariété et le choc des opérations des représentans qui se sont succédés dans une même mission. Il est plus que temps d’apporter remède à tant de maux et d’apprendre aux autorités constituées à faire marcher elles-mêmes sous la surveillance de la Convention et de ses comités, les rouages de la machine politique dont le soin leur est confié. Ce n’est pas que vos comités pensent qu’il faut rappeler tous les représentans en mission; un rappel général et trop rapide seroit dangereux; d’ailleurs, il est utile de les conserver encore quelques temps. Mais ils ont cru devoir vous proposer de décréter; 1°. Que tout représentant en mission enverra, sous trois jours, expédition de ses arrêtés aux comités de la Convention, chacun dans ce qui les concerne, d’après la loi du 7 fructidor. 2°. Que ces comités seront autorisés à suspendre l’exécution de ceux de ces arrêtés qu’ils croiront contraires à l’intérêt public ou à la justice distributive. De ces mesures résultera un grand avantage pour la paix intérieure de la Convention nationale; et la voûte du temple des lois ne retentira plus de dénonciations réciproques. L’effet d’un mauvais arrêté sera suspendu sans bruit, sans scandale, sans déchirement (101). [Le rapport de Merlin a été interrompu fréquemment par plusieurs membres [BOURDON (de l’Oise)] (102) qui trouvent dans le ton du rapport un style trop magistral; dans l’exposition des discussions de la veille, une affectation peu décente; dans certaines expressions, le langage méprisé de la plaidoierie, et dans les qualifications du fédéralisme, une mollesse et une négligence que les malheurs dans lequel il a plongé la patrie ne peuvent permettre à la tribune de la représentation nationale.] (103) [On murmure de ce que le rapporteur nomme l’auteur de la motion, au lieu de dire suivant l’usage, un membre a proposé de...] (104) (101) J. Perlet, n° 720. (102) Mess. Soir, n” 756; M. U., XLIII, 430; Gazette Fr, n° 986; J. Mont., n° 136; Ces gazettes insistent particulièrement sur l’intervention de Bourdon (de l’Oise). (103) J. Paris, n° 621. (104) J. Mont., n° 136.