418 [Assetoblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [22 jahvier 1791.] M. de Menonville. Ea Angleterre, une grande partie des jugements criminels sont rendus à la cour du banc du roi. Il est possible que du comité de Northumberland on y fasse venir un juré et malgré ceia il est exposé à être récusé sans cause, dès qu'il paraît. Le comité propose de nous priver de la récusation à vue ; cette question est de la plus haute importance. Je demande formellement que l’article soit ajourné. M. d’André. Je propose de rédiger ainsi l’article : Art. 12. « Le premier de chaque mois, le président du tribunal criminel fera former le tableau des jurés de la manière qu’il sera dit au titre XL » (Adopté.) Les articles 13, 14 , 15, 16, 17 et 18 sont ensuite adoptés dans les termes suivants ; Art. 13. « Le 15 de chaque mois, s’il y a quelque affaire â juger, le juré de jugement s’assemblera sur la convocation qui en sera faite le 5 de chaque mois. Art. 14. « L’accusateur public sera tenu, aussitôt après l’interrogatoire, de faire ses diligences de manière que l’accusé puisse être jugé à la première assemblée du juré, qui suivra son arrivée. Art. 15. « Si l’accusateur public ou l’accusé ont des motifs de demander que l’affaire ne soit pas portée à la première assemblée du juré, ils présenteront leur requête en prorogation de délai au tribunal criminel, lequel décidera si cette prorogation doit être accordée. Art. 16. « Si le tribunal criminel juge qu’il y a lieu d’accorder la demande, ce délai ne pourra néanmoins être prorogé au delà de l’assemblée de jurés, qui aura lieu le 15 du mois suivant. Art. 17. « La requête en prorogation de délai sera présentée avant le 5 de chaque mois, époque de la convocation du juré. Art. 18. « Le nombre de 12 jurés sera absolument nécessaire pour former un juré de jugement. » M. Chabroud propose d’ajouter à l’article 19 la présence de l’accusateur et de l’accusé, et d’imposer aux jurés l’obligation de ne communiquer aveô personne jusqu’après leur déclaration. Cette modification est adoptée et l’article 19 est décrété comme suit : Art. 19. « Le juge, en présence du public, du commissaire du roi, de l’accusé et de l’accusateur, fera prêter à chaque juré séparément le serment suivant : « Citoyen, vous jurez et promettez d’exa-« miner avec l’attention la plus scrupuleuse les * charges portées contre un tel.... ; de ne com-« muniquer avec personne jusqu’après votre « déclaration; de n’écouter ni la haine ou la « méchanceté, ni la crainte oü l’affection ; de « vous décider d’après les témoignages et suivant « votre conscience et votre intime et profonde « conviction, avec l’impartialité et la fermeté qui •> conviennent à un homme libre. » Art. 20. « Le serment prêté, les jurés prendront place tous ensemble sur des sièges séparés du public et des parties, et ils seront placés en face de l’accusé et des témoins. (Adopté.) » M. Duport, rapporteur, donne lecture de l’article 21 qui est ainsi conçu : « De ce moment, ils ne pourront communiquer avec personne par écrit, paroles ou gestes, jusqu’à ce qu’ils aient fait leur déclaration. » M. de Menonville de Villierg. L’exécution de cet article est impossible pour les affaires dont la discussion emportera plusieurs séances ; on ne pourra jamais empêcher qu’un citoyen qui aura exercé dans la journée les fonctions de juré, en rentrant le soir dans le sein de sa famille, n’ait aucune communication avec qui que ce soit. M. Goupil de Préfeln appuie cette opinion. M. Duport, rapporteur. L’article du comité n’est que réglementaire et seulement proposé pour rappeler au juré combien il doit être scrupuleux à remplir son dangereux ministère ; mais les comités n’ont jamais pensé que l’inobservance de cette loi dût emporter quelque peine. M. Chabroud. Il faudrait dire : « De ce moment, et tant qu'ils resteront dans l'auditoire , etc... ! » M. Duport, rapporteur. J’adopte cette modification. L’article 21 est décrété comme suit : Art. 21. « De ce moment, et tant qu’ils resteront dans l’auditoire, ils ne pourront communiquer avec personne par écrit, paroles ou gestes, sauf les éclaircissements qu’ils pourront demander, suivant la forme qui va être expliquée. » M. Duport, rapporteur, donne lecture de l’article 1er du titre VII, qui traite de l'examen et de la conviction. Cet article est ainsi conçu : Art. 1er. « En présence des juges, de l’accusateur public, dü commissaire du roi, des jurés et du public, l’accusé comparaîtra à la barre, libre et sans fers; le président lui dira qu’il peut s’asseoir, lui demandera son nom, âge, profession et demeure, dont il sera tenu note par le greffier* » M. Martin. Ne trouveriez-vous pas d’inconvénient daus ces mots : « L’accusé comparaîtra à la barre, libre et sans fers ? » M. Duport, rapporteur. Tout le monde doit savoir que, dans l’ancien ordre de choses, un accusé comparaissait toujours libre et sans fers dans une audience, sans même qu’il eût aucun garde. (Murmures.) Il me paraît extraordinairë (jtt’on me contesté 419 [Assemblée nationàle.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [22 Janvier 1791.] ce fait ; j’affirme que dans le Parlement de Paris, l’accusé n’a jamais manqué de comparaître libre et sans fers et même sans qu’il y eût aucune espèce de garde dans ta salle où il était conduit. Il est bon cependant d’empêcber qu'un accusé puisse s’enfuir ; mais ce sera dans les règlements à faire qu’il faudra exiger qu’il y ait des gardes autour de l’accusé pour l’empêcher de s’évader. Il n’y a pas, du reste, un citoyen honnête qui ne puisse être l’objet d’une accusation criminelle et il serait barbare de traiter avec dureté un individu qui doit être présumé innocent, jusqu’à ce que la loi l’ait déclaré criminel. . Je demande donc qu’en prenant des précautions, vous laissiez ce qui était dans l'ordonnance de 1670 et que l’accusé comparaisse à la barre, libre et sans fers. M. de Lachèzc. Un accusé doit être libre devant le juge qui l’interroge et qui va prononcer sur son sort ; c’était la disposition de l’ordonnance de 1670. L’article doit rester tel qu’il est, surtout dès que, par des règlements particuliers, on pourra veiller à ce qu’il y ait une garde suffi' santé à la porte de l’auditoire où se trouvera l’accusé. Ainsi, je demande la question préalable sur l’amendement. M. Sentetz. Ce n’est pas pour les juges ni pour le public qu’un accusé peut être dangereux, mais pour les témoins; ainsi il n’est pas étonnant qu’au Parlement, où très rarement les accusés étaient en face des témoins, ils fussent dans l’usage de comparaître sans fers. Mais je puis attester que, dans les juridictions inférieures, les accusés se portaient à de grandes violences contre les témoins qui les chargeaient dans les confrontations : l’ancien usage avait été établi pour la sûreté des témoins et pour que le temple de la justice ne devînt pas une arène de gladiateurs. M. Eie Bois-des-Guays. Ma malheureuse destinée m’a conduit à présider, à Montargis, au jugement d’un procès où 120 scélérats ont été exécutés; 80 d’entre eux ont dit qu’ils auraient immolé plus d’une victime s’ils avaient été libres et je vous assure qui si les juges n’avaient pas pris de précaution pour se préserver des violences de ces criminels, ceux-ci se seraient portés à des extré mités. Un membre : J’ai vu, Messieurs, dans une circonstance, un accusé vouloir égorger le lieutenant criminel ; et si on ne fût venu promptement à son secours, il aurait péri à coups de couteau, dont il parvint heureusement à parer le premier coup. On a vu des accusés tellement féroces qu’il a fallu faire une cage pour les renfermer pendant la confrontation. Je crois qu’il faut ajouter à l’article que l’accusé sera libre et sans fers quand le président le croira convenable. M. Duport, rapporteur. Je demande la question préalable sur les amendements* L’accusé sera dans un endroit séparé de celui qu’occuperont les juges et les témoins ; d’ailleurs, les comités vous présenteront, dans des articles subséquents, des mesures pour rendre inutile la violence des accusés furieux. (L’Assemblée décrète qu’il n’y a pas lieu à délibérer sur les amendements.) L’article Ie» est ensuite adopté* Art. 2. « Le président avertira l’accusé d’être attentif à tout ce qu’il va entendre, il ordonnera au greffier de lire l’acte d’accusation : après quoi il rappellera clairement à l’accusé ce qui y est contenu; il lui dira ; « Voilà de quoi vous êtes ac-« cusé; vous allez entendre les charges qui « seront produites contre vous. » {Adopté.) Art. 3. « L’accusateur public, ainsi que la partie plaignante, s’il y en a, feront entendre leurs témoins : ceux-ci, avant de déposer, prêteront serment de parler sans haine et sans crainte , de dire la vérité, , toute la vérité , rien que la vérité. » {Adopté.) Art. 4. « La liste des témoins qui doivent déposer, sera notifiée à l’accusé 24 heures au moins avant l’examen. » {Adopté.) Art. 5. « Après chaque déposition, le président demandera à l’accusé s’il veut répondre à ce qui vient d’être dit contre lui. L’accusé pourra, ainsi que ses amis ou conseils, dire, tant contre le3 témoins que contre leur témoignage, ce qu’il jugera utile à sa défende ; il pourra les questionner. L’accusateur publrc, les jurés et le président pourront aussi demander les éclaircissements dont ils croiront avoir besoin. » {Adopté.) Art. 6. « Le témoin sera toujours tenu de déclarer d’abord si c’est de l’accusé présent qu’il entend parler, et s’il connaissait l’accusé avant le fait. » {Adopté.) Un membre propose un article additionnel qui est ainsi conçu : Art. 7. « Il sera demandé au témoin s’il est parent, allié, serviteur et domestique d’aucuue des parties. » {Adopté.) Art. 8 (ancien art. 7). « Lorsque les témoins de l’accusateur public et de la partie plaignante, s’il y en a, auront été entendus, l’accusé pourra faire entendre les siens ; l’accusateur public ou la partie plaignante pourront également les questionner, et dire sur eux, ou leur témoignage, tout ce qu’ils jugeront nécessaire. » {Adopté.) Art. 9 (ancien art. 8). a Les témoins ne pourront jamais s’interpeller entre eux. » M. Garai l’aîné. Get article suppose que tous les témoins devront être présents à l’auditoire ; car dès qu’ils n’y seraient pas présents, ils n’auraient pas le moyen de s’interpeller. Or, je pense que les témoins ne doivent paraître que successivement et singulièrement devant le juré et devant l’accusé, parce que, comme vous le disait fort bien M. Tronchet, chaque témoin n’est là que. pour son témoignage ; parce que les témoins rassemblés à l’auditoire pourraient compromettre le sort de l’accusé, se confédérer entre eux et combiner leurs dépositions. (L’article 9 est adopté.)