[Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [17 février 1790.] 629 Qu’on ne vienne pas me dire que la discipline et l’instruction souffriraieut de ces mutations; terreurs de l’ancien charlatanisme que çà : ce qui est vraiment de l’essence de notre métier ne s’oublie pas si vite, et ce qui a corrompu cette essence n’est bon qu’à être oublié. Plût à Dieu que ce qu’on y a ajouté s’effaçât de la mémoire des hommes, parce qu’il est de la nature humaine de prendre en aversion l’Etat où le mal surabonde et n’est plus dans aucune proportion avec les avantages et les jouissances qu’il promettait ; un Etat où l’on avait entassé des tourments d’une si singulière espèce, qu’on craignait de passer pour un esprit chagrin en les détaillant un à un : car pris séparément, ils paraissaient si petits que je les comparais volontiers aux insectes qu’on appelle, je crois, moustiques et qui désolent les habitants des zones brûlantes ! Mais ce qui vient de se passer dans les régions morales, doit en avoir détruit jusqu’au germe dans les cervelles fumeuses de nos ci-devant faiseurs privilégiés. Que les nouvelles ordonnances émanent du bon sens, qu’elles soient justes et je réponds de tout. Mon expérience n’est pas une chimère de mon âme : non, non, ceux qui prétendent qu’on veut un meilleur sort, qu’on veut le salut de la chose publique, mais qu’on ne veut cela que pour soi-même; qu’on est si personnel de caractère et si aveugle d’esprit, qu’on se refusera jusqu’aux sacrifices idéals, ceux-là, ou calomnient le militaire français, ou ne le connaissent point ; ce n’est qu’en eux-mêmes qu’ils trouvent cette incohérence entre le désir et la volonté : ce modèle n’est que leur image, c’est leur secret et non celui des autres, qu’ils nous révèlent. 2e ANNEXE à la séance de V Assemblée nationale du 11 février 1790. Mémoire adressé le 47 février 4790, au comité des finances de l'Assemblée nationale et à Messieurs les représentants de la commune de Paris, par l’administration de la Caisse d’escompte (1). Messieurs, les administrateurs et les actionnaires de la Caisse d’escompte, après s’être dévoués, eux et leur fortune, au salut de la chose publique; après avoir soutenu seuls, pendant dix-huit mois, le Trésor royal, dans un temps où les approches d’une famine effrayante exigeaient des achats considérables de grains à l’étranger; dans un temps où le gouvernement n’avait ni le crédit d’emprunter, ni la force nécessaire pour percevoir les impôts, où la suspension des paiements devenait inévitable, n’avaient pas lieu de s’attendre qu’ils recevraient pour prix de leurs services, des déclamations affligeantes, et des imputations injurieuses qu'on se plaît à répéter avec affectation dans tous les papiers publics de la capitale. Attaqués de toutes parts, et même dans le sein de votre Assemblée, ils viennent, Messieurs, solliciter la justice que vous vous plaisez de rendre à tous : ils viennent réclamer le secours de votre protection, en faveur d'un des premiers établissements publics de la capitale, d’un établissement dont le sort n’est malheureusement que trop lié à celui de la chose publique, et qui est devenu, en quelque façon, national, par les (4) Ce document n’a pas été inséré au Moniteur. engagements que la nation a contractés avec lui, et par ceux qu’il a contractés avec la nation. Cet établissement ne peut subsister que par la confiance. Daignez, Messieurs, nous accorder quelques instants d’attention, et vous jugerez s’il la mérite : daignez, surtout, faire remettre sous vos yeux le rapport des commissaires que vous avez nommés, et qui ont été les témoins de nos opérations : multipliez les vérifications, si vous le jugez nécessaire, jusqu’à ce que votre justice soit suffisamment éclairée, et qu’elle soit pleinement satisfaite. Notre administration ne craint point la lumière; tout ce qu’elle redoute, ce sont les embûches, que l’imposture, l’intrigue et la calomnie préparent dans le secret et dans l’obscurité. Jusqu’à la fin du ministère de M. l’archevêque de Sens, la Caisse d’escompte n’avait secouru le gouvernement par aucune émission de ses billets ; elle s’était renfermée dans les bornes étroites que ses réglements lui avaient prescrites, et toutes ses opérations se bornaient à l’escompte des effets de commerce et de banque. Ce ne fut qu’au mois de septembre 1788, que des circonstances impérieuses, et auxquelles le salut public était attaché, la forcèrent de s’écarter de ses principes. Daignez, Messieurs, vous rappeler la situation où l’Etat se trouvait alors : M. l’archevêque de Sens venait de quitter le ministère ; une opération désastreuse avait accéléré sa chute ; l’alarme était répandue de toute part dans le public. Les remboursements étaient suspendus, les paiements du Trésor royal interrompus : en un mot, la ban-ueroute était faite. Rappelé au ministère des nances dans cette situation désespérée des affaires, dénué de toute ressource; M. Necker ne vit d’autre moyen pour soutenir le Trésor royal, jusqu’à l’époque de la réunion des Etats-généraux, que d’engager la Caisse d’escompte à se charger de rescriptions à douze et quinze mois, que le Trésor royal avait en porte feuille, et à en fournir la valeur en ses billets. Il s’en ouvrit avec les administrateurs de la Caisse d’escompte; il leur fit sentir toute l’importance du service que les circonstances exigeaient d’eux, et qu'eux seuls pouvaient rendre : le roi lui-même joignit ses instances à celles de son ministre, et ses intentions sont consignées dans des pièces authentiques qui ont été imprimées. La Caisse d’escompte pouvait-elle se refuser à de si puissantes considérations? Devait-elle dans un moment où la convocation assurée des Etats-généraux, le caractère personnel du ministre, la confiance due aux intentions du monarque, ranimaient les espérances, devait-elle se refuser au seul moyen praticable de reprendre les paiements du Trésor royal ? Enfin, devait-elle replonger la nation dans les horreurs de la banqueroute, obliger le roi lui-même à désespérer de la chose publique, et à renoncer au plan de régénération qu’il avait formé? La chute] du Trésor royal devenue inévitable, si la Caisse ne l’eut secouru, aurait ébranlé, peut-être anéanti toutes les fortunes ; les porteurs de billets seraient demeurés sans gages, la Caisse d’escompte sans moyens, les ouvriers sans occupation, l’industrie sans activité, et toutes les maisons de finance et de commerce auraient été réduites au désespoir. Paris était en butte à toutes ces calamités: il en ressentait déjà les avant-coureurs, et vous conviendrez, Messieurs, que le ministre qui les a prévenues, que l’établissement qui vous a pré- 630 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [17 février 1790. servés peut avoir acquis quelques droits à la reconnaissance publique, et surtout à celle des habitants de cette capitale. C’estpar des négociations dé cette espèce, faites en septembre et octobre 1788, et en avril 1789, sur rescriptions et assignations, que le ministre des finances est parvenu à faire face aux dépenses de toute espèce, jusqu’à l’époque delà réunion des Etats-généraux. Vous vous rappelez, Messieurs, combien fut rigoureux l’hiver de 1788 à 1789; combien les approvisionnements de la capitale furent dispendieux et difficiles ; combien les alarmes furent grandes. Vous vous rappelez que pendant trois mois la navigation de la Seine et de toutes les rivières affluentes, fut interrompue ; que les moulins furent en chômage ; que e gouvernement fut obligé de tirer, à grands rais, des farines de provinces éloignées de la capitale, même de l’étranger, et de les faire transporter à Paris par terre. Grâces à l’activité infatigable du ministre des finances et de ses zélés coopérateurs, grâces surtout anx secours fournis par la Caisse d’escompte, la famine qui vous menaçait a été conjurée; l’approvisionnement de Paris a été complet; les lettres de changes tirées pour l’achat des blés ont été fidèlement acquittées. Le Trésor royal a repris et continue ses paiements, et le dépôt de la chose publique a été remis encore dans son entier entre les mains des représentants de la nation, à l’ouverture de l’Assemblée. Pardonnez, Messieurs, si vos concitoyens s’arrêtent avec une sorte de complaisance, au récit de ces faits: assez d’amertumes ont depuis racheté les instants de satisfaction dont ils ont pu jouir en vous servant. Cette heureuse époque, cette époque si désirée de la réunion des Gtats-généraux, semblait devoir être le terme de toutes les inquiétudes; le ministre des finances l’espérait ainsi: il en avait donné l’assurance aux administrateurs de la Caisse d’escompte, qui croyaient toucher au port, et le roi lui-même ne doutait en aucune manière du prompt rétablissement des affaires. Cependant une suite d’événements que la prudence humaine ne pouvait calculer, ni prévoir, a trahi ces espérances; ou du moins a éloigné le moment auquel elles devaient se réaliser. Le refus d'une partie de la noblesse et du clergé de se réunir aux communes a mis pendant les premiers mois l’Assemblée nationale dans l’impossibilité de s’occuper des finances. L’époque mémorable à laquelle nous devons une constitution libre a été accompagnée d’excès et de désordres inévitables : les barrières ont été renversées, les bureaux de perception incendiés, les employés des fermes mis en fuite ; la gabelle a été anéantie dans plusieurs provinces, et tous les droits sur les consommations ont éprouvé des diminutions considérables. Les impositions directes, les vingtièmes, la taille, la capitation se sont également ressentis du choc de la Révolution. Les rôles, qui s'arrêtaient précédemment en septembre et en octobre, sont à peine en recouvrement dans certaines provinces. Il en est résulté un retard dans les rentrées, au moins de deux ou trois mois et ce n’est pas trop compter que d’évaluer tous ces retards et toutes ces pertes à quatre-vingt et peut-être à cent millions. Cette suspension des impôts dans les provinces a été, Messieurs, une véritable calamité publique, et la ville ae Paris a été la première à en ressentir les effets. Considérez, Messieurs, que la ville de Paris ne produit, dans son intérieur, rien de ce qui est nécessaire à ses subsistances et à ses consommations ; qu’elle est obligée de tirer du dehors les matières premières qu’emploie son industrie. Vos commissaires vous en ont déjà fait l'observation, et ils ont évalué à 800,000 livres par jour ou à 300 millions environ par an la dépense qui en résultait. Mais la ville de Paris se trouverait bientôt épuisée de numéraire, si ce qu’elle dépense ainsi tous les jours pour la valeur de ses consommations, ne lui rentrait pas d’une manière quelconque; et puisque dans les temps ordinaires, le numéraire en circulation dans Paris n’augmente ni ne diminue, d’une manière sensible, on doit en conclure que les rentrées sont à peu près égales aux sorties, et que par conséquent, Paris reçoit des provinces environ 300 millions par an*. Paris est donc le centre d’une immense circulation de numéraire, et nous pourrions comparer cette circulation à celle du sang humain que le cœur repousse par les artères, et qui lui revient par les veines. Chaque année, chaque mois, chaque jour, le numéraire afflue dans la capitale, principalement par la rentrée des impositions: chaque jour, il e3t reporté dans les provinces par l'achat des consommations et parles dépenses de toute espèce que fait le Trésor royal. Les circonstances, qui ont accompagné la révolution, ont changé le cours de cette circulation. La dépense de la ville de Paris en numéraire a augmenté plutôt qu’elle n’a diminué, parce que ses consommations ont été à peu près les mêmes pour les quantités, et qu’il y a eu un renchérissement dans les prix, surtout à l’égard du blé. Mais puisque la dépense restant la même, il y a eu Une diminution de 100 millions dans les recettes par le défaut de rentrée des impositions, il en résulte évidemment que le numéraire, existant à Paris, a dû diminuer de 100 millions. Ce ne sont ici ni des raisonnements ni des hypothèses, ce sont des faits : vouloir le nier, ce serait se refuser à l’évidence. Mais, dira-t-on, le Trésor royal n’a pas cessé ?es paiements et il a continué de répandre dans la capitale des sommes à peu près égales à celles qu’il y verse habituellement chaque année, il n’a donc pas dû s'opérer de vide dans la circulation. Oui, sans doute, le Trésor royal a payé ; mais il a payé en papier : l’impôt ne rendant plus les sommes accoutumées, il a été obligé d'y suppléer par les billets de la Caisse d’escompte. Ainsi tandis que l’argent sortait journellement par les consommations, il était journellement remplacé par du papier, et ce papier n’ayant même cours que dans l’intérieur de la capitale, elle n’a pu s’en aider en aucune manière dans ses relations commerciales avec les provinces. Ce n’est donc point seulement à l’inquiétude, comme on le croit communément, et aux craintes des capitalistes qu’est due la disparition du numéraire. Il a éprouvé, il a dû éprouver une diminution graduelle et nécessaire, et l’équilibre ne peut être rétabli que par la rentrée intégrale des impositions, et par l’égalisation, des recettes et des dépenses du Trésor public. Quoi qu’il eu soit, l’Assemblée nationale ne pouvant plus compter sur les rentrées ordinaires en espèces, a été obligée d’y suppléer par un signe représentatif. Des billets d’Etat, un papier-monnaie, des obligations nationales à terme fixe ont été proposés; mais l’Assemblée nationale a jugé [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [17 février 1790-1 631 que les billets de la Caisse d’escompte devaient être préférés, et que ces billets même ne pouvaient être considérés comme un papier-monnaie proprement dit, puisqu’il était possible de les appuyer sur des valeurs réelles et foncières, et de donner un terme fixe à leur réalisation en espèces. Ce n’est au surplus qu’après une longue discussion et le plus mûr examen, qu’elle s’est décidée. Deux commissions nombreuses ont été successivement nommées. L’administration de la Caisse d’escompte a été scrupuleusement examinée; elle a été scrutée jusque dans ses moindres détails. Les rapports des deux commissions ont été imprimés, et ils sont entre les mains du public. Enfin le décret est intervenu, et non seulement les représentants de la nation ont approuvé ce que la Caisse d’escompte avait fait, mais ils ont exigé d’elle encore davantage, puisqu’ils ont décrété ' qu’elle remettrait au Trésor royal pour quatre-vingts millions de ses billets, indépendamment des quatre-vingt-dix qu'elle avait déjà fournis, et qu’il lui serait remis pour valeur une pareille somme de cent soixante-dix millions d’assignats sur la vente des biens du domaine et du clergé, payables de mois en mois, à raison de dix millions “par mois, à compter du mois de janvier 1791, Vous voyez, Messieurs, que les billets fournis parla Caisse d’escompte, n’ont eu pour objet que de donner à la nation une jouissance anticipée des assignats, ou plutôt des biens qu’eux-mêuies ils représentent; que ce n’est point un papier-monnaie proprement dit; que c’est une véritable délégation à court terme portant privilège sur des biens-fonds; que cette opération au surplus a eu pour objet un service d'Etat ; qu'elle est en quelque façon étrangère à la Gaisse d’escompte, dont l’intervention a paru seulement nécessaire pour la négociation des assignats. Vous voyez encore que; ce ne sont pas cés billets qui ont chassé l’argent, comme on vous l’avance ; qu’ils ont au contraire été mis en circulation par le gouvernement, pour suppléer au numéraire qui ne rentrait plus par la voie des impositions. Ainsi avancer que l’émission considérable des billets de la Caisse d’escompte a fait disparaître le numéraire, c’est confondre ensemble la cause et l’effet, Il est donc évident que la plupart de ceux qui ont écrit ou parlé sur cet objet n’ont pas connu la véritable cause du mal qui afflige dans ce moment le corps politique, et vous ne serez plus étonnés, Messieurs, s’ils n’ont pas été plus heureux dans le choix des remèdes qu’ils ont proposés. Que servirait, par exemple, de substituer un autre papier, quel qu’il fût, à celui de la Caisse d’escompte ? Peut-on penser que la substitution d’un papier à un autre pût rappeler le numéraire? Le papier de la Gaisse d’escompte! jouirait-il donc seul de la propriété de repousser les espèces? Quel est d’ailleurs ce papier qu’on propose de créer ? un effet sur la Caisse de l’extraordinaire. Mais ce papier qu’on demande existe déjà ; il a été créé par l’Assemblée nationale sous le nom d’assignats. Il en a été donné à la Caisse d’escompte pour une somme de 170 millions pour sûreté de ses avances. Elle annonce dans tous les papiers publics, dans tous les journaux et par des affiches, qu’elle les échange contre ses billets. Le public trouve dans ces assignats un intérêt de 5 0/0 qu’on lui paye d’avance; il y trouve une hypothèque spéciale sur des biens-fonds : Ainsi non seulement i’Asssemblée nationale a fait ce qu’on vous propose, mais elle fait plus pour le public. En effet, on vous demande que le cours des assignats soit rendu forcé, et l’Assemblée nationale, en laissant le cours libre et volontaire, donne au public l’option entre le billet de caisse et l’assignat. On peut donc dire à M. Kornmann qui a mis en avant cette proposition : ou l’assignat que vous proposez de substituer au billet de caisse est un effet moins bon que lui ou il est meilleur. S’il est moins bon, vous commettrez une injustice, en le rendant forcé ; s’il est meilleur, il sera préféré sans contrainte et vous n’avez pas besoin d'employer la force. Ou pourrait opposer un raisonnement à peu près semblable à la proposition qui a été faite d’attacher un intérêt aux billets ae caisse. L’assignat créé par l’Assemblée nationale, porte intérêt, à 5 0/0 : or tout porteur de billet est autorisé a échanger son billet contre un assignat; on a donc pu sans injustice se dispenser d’attacher l’intérêt aux billets, et l’Assemblée nationale semble avoir rempli le même objet en offrant à tout particulier l’option entre le billet qui ne porte pas d’intérêt et l’assignat qui en porte un. La question, au surplus, desavoir s’il convient à la circonstance actuelle de rendre forcé le cours des assignats, de les substituer aux billets de la Gaisse d’escompte, ou de les mettre en concurrence avec eux , enfin d’attacher un intérêt aux billets de caisse, a été discutée dans plusieurs comités. Le pour et le contre a été rigoureusement pesé, et vos commissaires eux-mêmes sont demeurés dans un état d’incertitude à cet égard. Quel que soit le parti qui sera pris, jamais les actionnaires de la Gaisse d’escompte ne se refuseront à aucune des propositions qui pourront tendre à l’utilité générale. Ils en ont pris l’engagement avec le ministre, avec le public, avec eux-mêmes : ils ont toujours déclaré qu’ils étaient entièrement résignés à tout ce qu’il plairait à l'Assemblée nationale d’ordonner de leur établissement. Ils ont trop fait de sacrifices au bien public, pour ne pas consommer tous ceux qui pourraient leur rester à faire. On vous a parlé, Messieurs, de l’aliment que la Gaisse d’escompte, fournissait à l’agiotage : mais fait-on attention qu’elle a fourni plus de billets au Trésor royal, qu’elle n’en a dans ce moment en circulation ? La totalité des billets qui son dans le public y a été versée par le Trésor royal ; ils n’ont donc pas été fournis par la Gaisse d’escompte aux agioteurs. L’examen, au surplus, que vos commissaires ont fait dm portefeuille, la très petite quantité d’effets de circulation qu’ils y ont trouvés, répond suffisamment à cette assertion. On vous a parlé de la liquidation dé la Gaisse d’escompte. Et comment cette liquidation pourrait-elle s’opérer, dans un moment où le gouvernement lui doit une somme immense qu’il n’est point en état d’acquitter? On fait entrer dans le calcul des sommes qu’elle peut employer à cette liquidation le fonds de ses actions qui est de cent millions. Mais sur ces cent millions, soixante-dix ont été déposés au Trésor royal, et il lui a été donné pour valeur des annuités payables en vingt ans : ces annuités ne sont point un effet dont elle puisse s’aider sur-le-champ, surtout dans un moment de discrédit et de défiance, Une portion très considérable des 30 autres millions fout partie de son portefeuille: les compter indépendamment du portefeuille, ce serait faire un double emploi. 632 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [17 février 1790.] Les cent millions qui composent le fonds des actions ne peuvent donc être comptés presque pour rien dans les moyens de liquidation de la Caisse d’escompte: ces moyens, dans cempment, se réduisent uniquement à son portefeuille, et vos commissaires vous ont très sagement exposé qu’on ne pourrait le réaliser brusquement, sans une commotion qui entraînerait la ruine de toutes les maisons de commerce de la capitale. Ils vous ont ajouté qu’en supposant même que cette réalisation fût possible, elle ne mettrait pas un seul écu dans la circulation, puisque la totalité des rentrées s’effectuerait nécessairement en billets de caisse et non en espèces. Les moyens de liquidation qui vous sont proposés sont donc illusoires, et vous pouvez regarder comme certain que cette liquidation est absolument impossible dans ce moment autrement qu’en papier : mais alors ce serait substituer un papier à un autre, il n’en résulterait aucun des avantages qu’on vous promet relativement à la circulation des espèces. Vous ne pouvez, Messieurs, avoir aucun motif de défiance sur ce que nous avons l'honneur de vous assurer, relativement à la difficulté de la liquidation. Les actionnaires sont trop intéressés à ce qu’elle s’opère, pour ne pas s’empresser de vous en présenter les moyens, s’il en existait ; car la valeur de leur action leur rentrerait alors sur le pied de 4,000 livres, tandis qu’elle est maintenant au-dessous de 3,500, au cours de la place : ils y trouveraient donc un bénéfice de 500 livres. De plus, ils seraient affranchis des sacrifices qu’ils sont obligés de faire journellement pour se procurer du numéraire à l’étranger, et ils seraient débarrassés d’un effet qui ne produit pas beaucoup au-delà de 5 0/0, à en juger par les derniers dividendes. Enfin, on vous a parlé de l’obligation où est la Caisse d’escompte de reprendre ses paiements à bureau ouvert, et de se procurer des espèces pour satisfaire à ses paiements. Mais pense-t-on que l’administration de la Caisse d’escompte néglige un seul des moyens possibles de parvenir à cet heureux but? Tout ce qu’elle a pu faire pour se procurer du numéraire, elle l’a fait. Elle a extrait tout ce qu’il a été possible de piastres et de matières d’or et d’argent de l’Espagne et de la Hollande ; elle n’a pas à se reprocher d’avoir négligé les moyens même les plus minutieux. Daignez interroger vos commissaires; daignez leur prescrire des vérifications encore plus étendues ; l’administration de la Caisse d’escompte ne craint pas qu’on lui reproche d’être restée au-dessous de ce qu’elle pouvait faire, en tout ce qui a dépendu d’elle : elle ne peut qu’attendre le reste du rétablissement des affaires, et du retour de la confiance. Que ces hommes sont cruels qui ne voient jamais dans leurs concitoyens que des coupables ou des hommes froids pour le bien public; qui ne tiennent aucun compte du patriotisme et du zèle; qui ne croient ni au désintéressement ni à la vertu; qui, à la difficulté des circonstances, joignent les embarras que continuellement ils font naître ! Quelle jouissance peuvent-ils donc trouver dans le tableau des malheurs publics, et dans celui d’un ministre cher à la nation, dont ils voient les jours se consumer dans l’amertume et dans la douleur ! Quel peut être le but de leurs déclamations, dans un moment surtout où tous les pouvoirs, toutes les volontés se réunissent pour concourir à l’intérêt commun ; où les représentants de la nation et le monarque ne sont plus dirigés que par un même esprit; où la tendance à l’ordre, à la tranquillité, au bonheur de tous, forme Je véritable caractère auquel on reconnaît les bons citoyens! Ne voient-ils pas que le dernier espoir des ennemis du bien public est dans le désordre des finances et qu’augmenter ces désordres, c’est en quelque façon conspirer avec eux? Pardonnez ces plaintes que nous arrache une juste douleur. Pourrions -nous ne pas être profondément affligés, quand on cherche à nous faire perdre la confiance de nos concitoyens, la vôtre, Messieurs, cette confiance que nous nous sommes efforcés de mériter par de si pénibles efforts ? Peut-être, nous oserons vous le dire, est-ce un malheur pour la chose publique, que la question qui vous occupe ait été élevée dans votre Assemblée : mais puisqu’enfin la Caisse d’escompte a excité votre sollicitude, puisque vous avez cru devoir vous livrer à la discussion de la plus épineuse de toutes les questions d’économie politique, d’une question qui tient essentiellement au système général des finances de ce moment; ne l’abandonnez pas, nous vous en conjurons, jusqu à ce que vous ayez éclairci tous vos doutes, que vous ayez approfondi jusqu’au moindre de vos soupçons. Nous ne cesserons de vous le répéter, nous ne désirons que la lumière : vous comblerez donc tous nos vœux et ceux des actionnaires, si vous pouvez obtenir de l’Assemblée nationale, ce que nous lui avons déjà demandé deux fois avec instance ; c’est de nous nommer des commissaires pris dans son sein, qui inspecteraient habituellement les opérations de l’établissement qui nous est confié. De si respectables garants ne laisseraient plus aucune prise à la méfiance et à la calomnie et nous marcherions avec plus de tranquillité vers la régénération qui nous est promise. Nous nous bornerons à cette demande parce qu’elle paraît les renfermer toutes. Lorsqu'en effet, aux forces naturelles de l’établissement s’ajouteront celles qui résulteront de la réunion des commissaires de l’Assemblée nationale, il n’est rien qu’on ne puisse entreprendre de réformer, rien qu’on ne puisse entreprendre de perfectionner. Nous nous référons au surplus, Messieurs, aux offres que nous avons faites à vos commissaires pour la distribution des sommes en espèces qui seront versées journellement dans le public. 3e ANNEXE à la séance de l’Assemblée nationale du 17 février 1790. Opinion de 11. de Bouville (1), député du bailliage de Caux, sur la motion de M. de Gaza-lès ainsi conçue : L’ Assemblée nationale doit-elle décréter que les départements , aussitôt qu’ils seront assemblés , nommeront de nouveaux députés (2) ? Messieurs, lorsque l’on a jeté de la défaveur sur ùne proposition dictée par le patriotisme, il (1) Ce document n'a pas été inséré au Moniteur. (2) Je fais imprimer une opinion que je n’ai point prononcée, et sur une question décidée par l’Assemblée nationale ; mais la motion que j’y défends a été tellement dénaturée dans tous les journaux, ,on y annonce des intentions si suspectes de la part de ceux qui l’ont