620 {Assemblée nationale.) ARCHIVES PARLEMENTAIRES. |21 décembre 17110. j y 1° Il fera, élevé à l’auteur « d'Emile » et du « Contrai Social », hiv slatm-portant cette ins-criution : « La nation française libre, à Jean-Jacques Ron-st au » ; snr le piédestal sera gravé la devise : Vitam inipendere veto. « 2° Marie-Thérèse Leva-seur, veuve de Jean-Jacques Rousseau, sera nourrie aux dépens de l’Liat : à cet effet, il lui sera payé aru uelf ment dus fonds duTrésornationul la ?ommedel,200l.». (Ce projet de décret est mis aux voix et adopté.) M. le Présidesit. L’ordre du jour est un rapport du comité des rapports sur /’ affaire du 5 décembre à Perpignan. M Iflnguet-Hanlhou, député de la Haute-Saône (1). Messieurs, chargé au nom du comité des rapports, de vous rendre compte des événements arrivés le 5 décembre dans la ville de Perpignan, avant que de vous présenter ces affligeants détails, je dois, Messieurs, vous retracer succinctement les dispositions où étaient les esprits dans celte ville, et les craintes nui agitaient les administrateurs du département des Pyrénées-Orientales. Le départ du régiment de Touraine avait laissé la garnison de Perpignan réduite au seul corps de Vermandois ; une partie de ce régiment était destinée à la garde de la citadelle et à celle des villes de Monlouis et de Villefranche ; l’autre, affaiblie par les congés, pouvait à peine suffire aux détachements fréq ents que le directoire du département était obligé d’envoyer pour assurer sur celte frontière la perception des impôts indirects, et s’opposer à l'expot tation des grains. La garde nationale dont une partie était divisée d’opinions, était insuffisante pour s’opposer au grand nombre de mécontents, dont l’audace augmentait chaque jour, et qui employaient ou\ertement tous les moyens pour séduire et égara r le peuple. Di s officiers municipaux faibles, pour ne pas dire davantage, affectaient un silence coupable sur les abus de tous genres qui se commettaient sous leurs yeux : témoins des désordres, témoins des infractions continuelles faites à la loi, iis ne s’occupaient pas de les réprimer. Tous ceux qui dans celte ville, attachés à l’ancien régime, regrettaient des abus ou des préjugé', les mêmes qu’il y a un au, s’étaient rassemblés dans une église pour protester contre vos décrets, s’élaimt réunis, y avaiei t formé entre eux une association redoutable, dans laquelle ils avaient entraîné un grand nombre d’esprits faibles; pour eloigtier ies soupçons qu’une pareife association devait excit r, ils s’étaient décorés du titre imposant d’amis de la paix; et c’est sous ce nom trompeur qu’ils déguisaient les intentions hostiles que depuis iis ont manifestées. Les prêtres ajoutaient encore aux inquiétudes que cette société inspirais. Pourquoi, ceux qu’un ministère saint appelle à donner l’exemple, comme le précepte de la soumission aux lois, se trouvent-ils si souvent mêlés aux troulbes qui allligent cet E u pii e ? nous qui devint) s espérer de ies voir les coi isolateurs de la patrie dans ses jours de deuil, par quelle fnlaii é faut-il que nous les rencontrions presque toujours au nombre de ses ennemis? L’intérêt de la religion m’ordonne de jeter un voile sur les torts de ses (1) Lo rapport de M. Muguet do Nanthou est incomplot au Moniteur. ministres, et je ne vous défaillerai pas, Messieurs, tous les griefs que leur imputent les administrateurs du (lénarterrmnt ; mais la vérité exige que je vous déclare qu’ils étaient forcés de les regarder comme les citoyens les plus opposés à la Constitution. Telle était la situation critique de la ville de Perpignan : les administrateurs du département ne se l'étaient point, dissimulée; ils avaient reconnu qu’une force publique suffisante pouvait seule prévenir des malheurs; ils avaient sol icité plu-ieurs fois du ministre l’envoi d’un régiment. Le ministre as ai t. promis d’envoyer des troupes; mais h'S réclamations des administrateurs ont été sans succès, comme f s promesses du ministre sans effet, et la garnison n’a pas été augmentée. Us vous avaient fait part de leurs alarmes ; le 3 de ce mois ils vous avaient envoyé une adresse, dans laquelle, en vous retraçant les circonstances que je viens de vous présenter, ils fai-amnt entrevoir qu’ils craignaient que la ville de Perpignan ne devînt tristement lameusn par quelque catastrophe sanglante. Leurs craintes malheureusement n’étaient que trop réelles, et les événements dont je vais vous faire le récit, les ont justifiées. Le 5 d é( embre, à neuf heures et demie du soir, quelques habitants du faubourg entrèrent à la société des amis de la Constitution, dont l’accès était ouvert à tous les citoyens. Au moment où ils en sortaient, un d’entre eux, le sieur Gelis fut atteint à la jambe d’un coup de f - si 1 tiré de la maison où la société des amis de la paix était assemblée; ceux qui environnent le sieur Gel îs, appellent au secours ; ils s’approchent du lien d’où le coup était parti ; ils sont accablés de piierres, un second coup de fusil, tiré d'une des fenêtres de la même maison de la société des amis de la paix, atteint le sieur Gorret, qui a la cuisse percée d’une balle. Les ci to ens, indignés de se voir ainsi lâchement assassinés, courent aux armes : de toutes parts on se rassemble ; on environne la maison où étaient r nfermés ces prétendus amis de la paix, qui avaient donné d’une manière si coupable le signal du carnage; des coups de fusil sont tirés de part et d’autre, plusieurs sont, blessés. L’obscuiite .qui régnait alors, épargna sans doute des crimes et des malheurs, car il paraît, par les pièces adressées, qu’aucun n’a péri : après plusieurs eflorts les portes de cette maison sont enfoncées; l’on y trouve un grand nombre de fusils ; l’on y arrête plusieurs personnes pour les soustraire à la fureur du peuple qui, ayant vu verser le sang des citoyens, voulait les venger ; on les conduisit dans la maison où le département tient ses séances, et où il y avait un poste de Vermandois. Au milieu de ces désordres qui durèrent toute la nuit, les officiers ne parurent point ; le maire s ul avec un officier municipal s’avança : il ordonna aux soldats de Vermandois de tirer sur le peuple : ceux-ci déclarèrent que la loi martiale n’étant point proclamée, ils ne pouvaient exécuter cet ordre, et leur tespect pour les formalités prescrites sauva peut-être la ville de Peipiguan des plus grands désastres. Le lendemain, le conseil du département se ras-emble; et, après s’être fait rendre compte des malheurs de la veille, et de l’inaction de ta municipalité, il fait une proclamation pour rétablir la tranquillité publique et déclarer que tous les citoyens sont sous la sauvegarde de la loi, et que, fussent-ils coupables, la loi seule a le droit de les punir.