[Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [il juin 1791.| les divisions et corps de l’armée; et sous le plus ’ court délai, par les officiers de tout grade en activité, en leur qualité de fonctionnaires publics, la formalité qui sera ci-après expliquée. » M. de Cazalès. Après avoir rendu hommage à la sagesse et à la justice avec laquelle l’Assemblée nationale vient de rejeter la motion qui lui avait été présentée, je ne puis vous dissimuler ma façon de penser sur le serment qu’on vous propose d’enjoindre aux officiers de l’armée de prêter. Je vais chercher les raisons qui peuvent avoir déterminé vos comités à vous faire cette proposition; et j’espère prouver que ce serment est inutile en lui-même, et que, dans les circonstances actuelles, il peut être dangereux. A gauche : Aux voix! aux voix ! le décret. M. de Cazalès. Je demande qu’on entende les considérations très justes que j’ai à présenter ; ce que je dirai est une conséquence du décret que vous venez de rendre. ( Murmures prolongés.) Je demande que l’Assemblée nationale veuille bien m’entendre. ( Non ! non ! Aux voix ! aux voix !) Plusieurs membres : Monsieur le Président, consultez l’Assemblée pour savoir si M. de Cazalès sera entendu. (L’Assemblée consultée décide queM. de Cazalès ne sera pas entendu.) M. de Cazalès reste à la tribune et continue de parler au milieu de l’agitation qui règne dans toutes les parties de la salie. A gauche : A l’ordre, Monsieur de Cazalès ; obéissez aux décrets de l’Assemblée 1 M. de Cazalès (se tournant vers la gauche). Je suis très disposé à recevoir les ordres de M. le Président, mais à me révolter contre les vôtres. M. de Bouthillier. Je ne dirai qu’un mot : je suis membre du comité militaire, mais je dois déclarer hautement que je désavoue la mesure du serment présentée à l’Assemblé. ( Murmures à gauche.) Je désapprouve ce serment et j’ai d’ailleurs fait imprimer mon opinion pour la faire connaître de l’armée. A gauche : Aux voix 1 aux voix ! M. Rœderer. Tous les fonctionnaires publics, tous les citoyens français ont prêté serment. . . (Interruptions.) M. Foncault-Lardimalie. Mais comment Monsieur parle-t-il quand on n’a pas voulu entendre M. de Cazalès? Avez-vous le privilège exclusif de la parole ? A gauche : C’est pour un amendement. M. Rœderer. 11 faut mettre dans la formule du serment : « Je m’engage au nom delà loi... » M. Foucault-Lardïmalie. Je ne demande pas mieux que M. Rœderer parle, mais je demande aussi à parler. (Bruit.) Monsieur (Il s’adresse à M. Rœderer.), vous ne parierez pas si l’Assemblée me refuse la parole. Yous m’avez appris, Messieurs, que la résistance à l’oppression est le plus sain des devoirs (Rires ironiques.). . . C’est vous qui l’avez dit. M. Rœderer ne jouira pas du privilège exclusif de la parole, ou Je resterai sur place. (Rires ironiques.) M. Ganltler-Blauzat . L’amendement de M. Rœderer tend à retrancher du serment des officiers de l’armée toute disposition particulière, afin que tous les Français ne fassent qu’un seul et même serment. M. Foncault-Lardimalie. Je vous préviens, Messieurs, que c'est pour présenter un projet différent de celui du comité que je prends la parole. L’Etat est en danger. . . A gauche : Qui est-ce qui l’y a mis? M. Foucault-Lardimalie. Je préviens l’Assemblée que je serai très calme et que je répéterai toutes les fois que je serai interrompu. ( Rires à gauche.) L’Etat est en danger; les troupes ennemies sont prêtes à assaillir vos frontières... A gauche: Allons donc! où sont-elles? M. Foucault-Lardimalie. Telle est l’alarme, tel est le cri général que vos comités viennent de vous faire entendre... A gauche: Non! non! c’est faux! M. Fréteau-Saint-J ust (Vun des rapporteurs). Comme il s’agit d’un fait et que vos comités m’ont chargé d’être leur organe, je suis obligé, par exactitude et par respect pour la vérité, de vous arrêter là. Je n’ai dit nulle part, les comités n’ont pas dit, personne n’a avancé que les troupes étrangères fussent prêtes à assaillir la frontière. Au contraire, j’ai dit que les troupes des Pays-Bas n’avaient pas augmenté depuis 6 mois, et même que la désertion les avait diminuées: j’ai dit qu’il y avait sur la rive du Rhin plus de troupes qu’il y a 2 mois; mais assurément je ne les ai pas présentées comme étant sur le point d’entrer dans le royaume; puisqu’au contraire, j’ai eu besoin d’expliquer que sur les bruits qui ont été répandus partout qu’il y avait des lettres réquisitoriales adressées par le conseil de Vienne à la Bavière pour laisser passer 12 mille Autrichiens, j’ai eu soin d’expliquer, dis-je, que nous n’en avions pas la moindre connaissance, et qu’au contraire, il paraissait que la nouvelle était absolument fausse. J’ai dit que l’Espagne avait établi un cordon impénétrable sur les frontières : mais je n’ai pas dit qu’il y eût un seul corps en avant: j’ai dit qu’il était passé quelque régiment du Piémont dans la Savoie, et qu’il paraissait y avoir sur cette frontière quelque légère inquiétude; mais je n’ai pas dit qu’il y ait eu un corps relevé. Ainsi, vous voyez qu’il s’en faut de beaucoup que le récit de M. Foucault soit exact. M. Foucanlt-Lardimalie. D’après ce que vient de dire M. le rapporteur... M. Le Chapelier. C’est une injustice d’entendre M. Foucault, lorsque l’on a refusé la parole à M. de Cazalès. Je ne sais pas comment on peut faire aux officiers français cette injure de soupçonner qu’ils refuseront de prêter le serment de ne pas porter les armes contre leur patrie. 126 [Assemblée natioûale.l ARCHIVES PARLEMENTAIRES. (il juin 1791. A droite : Ils ont fait ce serment en �entrant au service. M. Le Chapelier. M. Foucault veut renouveler la proposition que vous avez refusé d’entendre de M. de Gazalès. M. FoucauU-Lardimalie. Non, Monsieur, vous ne la connaissez pas. ( Rires à gauche.)... Vous voulez jouer dans cette Assemblée le rôle de tyran. Je demande à être entendu jusqu’au bout. M. de Cazalès. Comme M. Le Chapelier vient d’interpréter mon intention, je crois qu’il est rigoureusement juste que je l’explique. M. Le Chapelier. Je n’ai pas fini, moi. M. FoucauU-Lardimalie. Je n’ai pas fini non plus, et j’avais commencé avant vous. (Rires.) M. de Cazalès. Mon intention très claire est de prouver que le serment que l’on propose est complètement inutile, que le serment déjà prêté est entièrement suffisant. M. Boussion. Mon sieur le Président, faites donc exécuter les décrets. L’Assemblée n’a-t-elle pas décidé que M. de Cazalès ne serait pas entendu? M. Le Chapelier. Je demande qu’on mette aux voix l’article qui ordonne que les officiers français prêteront le serment et qu’on aille aux voix sans discussion. (Tout le côté gauche se lève et demande à aller aux voix.) M. de llontlosier. Je demande la question préalable sur l’article. A gauche : Non! non! M. FoucauU-Lardimalie. Si la question préalable n'est pas adoptée, aurai-je la parole, Monsieur le Président? Une voix à gauche : Non ! M. Foucault-Lardimalie. Non?... C’est singulier! M. de Alontlosier. On ne peut pas m’empêcher d’expliquer la question préalable que je propose. M. Foucault-Lardimalie. Depuis que j’ai entendu les explications de M. Fréteau, je suis moins alarmé; mais vous deviez croire, ainsi ue moi qu’après les dispositions de l’électeur e Mayence telles qu’il nous les a présentées dans son rapport, il pouvait exister un projet de coalition. Je continue. Trouver le remède le plus sûr pour mettre la France à l’abri de toute attaque... A gauche : Allons donc! votre projet! M. Foucanlt-Lardimalie. Je ne suis pas pressé, moi : il faut que je développe mon projet ; j'en veux poser les fondements et il sera certainement adopté. Trouver les moyens les plus sûrs de mettre la France à l’abri de toute attaque, voilà quels doivent être en ce moment le but et l’ambition de quiconque veut concourir à l'honneur de sauver son pays. Quelques esprits avides d’anarchie et de destruction vous ont proposé depuis longtemps de licencier l’armée d’une part, et de l’autre d’user de tous les moyens pour opérer sa dissolution. Vos comités n’ont pas adopté ce projet, mais ils viennent vous proposer de mettre à la plus sérieuse épreuve le sentiment qui a toujours eu le plus d’influence sur les officiers français, celui de l’honneur... A gauche : Dites donc : sur les soldats ! M. de Cazalès. Ces messieurs ne savent pas que les officiers sont des soldats. M. Foucanlt-Lardimalie. Cette proposition, selon moi, est injurieuse; mais le salut de l’Etat les engagera à supporter encore ce nouvel outrage : ils avaleront (Murmures...) ils avaleront jusqu’à la lie, pour le rétablissement de l’ordre et de la sûreté de l’Etat, ce nouveau calice d’amertume. (Murmures prolongés.) M. Rabaud-Saint-Etienne. Je ne sais pas comment on peut supposer à l’Assemblée nationale des sentiments aussi injurieux pour l’armée. Je demande que M. de Foucault soit rappelé à l’ordre. A droite : A l’ordre ! Vous n’avez pas la parole, Monsieur ! Allez au prêche ! allez ! (Une grande agitation règne dans l’Assemblée; la partie droite se répand en désordre au milieu de la salle). M. Guillotin. Je vous prie, Monsieur le Président, de faire attention qu’on a ôté la parole, non seulement à M. de Cazalès mais à tous les membres. Ce serait faire injure à M. de Cazalès que de laisser continuer M. de Foucault. M. Regnaud (de Saint-Jean-d'Angély). Je demande à M. de Foucault la permission de lui poser une question. M. Foucault-Lardimalie. Je ne m’y oppose pas. M. Regnaud (d# Saint-Jean-d'Angély ). Je crois qu’il est utile de demander à M. de Foucault s’il a pu dire sérieusement que les comités réunis de l’Assemblée... M. FoucauU-Lardimalie. Vous m’interromprez pour cela après. (Rires); vous n’avez pas la parole. M. Regnaud (de Saint-Jean-d'Angély). M. de Foucault, vous m’avez permis de vous adresser une question; si vous vous y refusez, je vais m’adresser à l’Assemblée. M. Gaultier-Bïauzat. On ne cherche qu’à embarrasser l’Assemblée; il faut aller au but. Aux voix sur le décret ! M. Regnaud (de Saint-Jean-d'Angély). Je demande que l’on aille aux voix sur le décret ou que je sois entendu. [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [11 juin 1791. J |27 {Le côté gauche se lève et demande unanimement à aller aux voix.) M. le Président. Je raels aux voix l’article premier du projet des comités. A droite : Point de voix ! point de voix ! (L’Assemblée, consultée, adopte l’article 1er au milieu du bruit à l’unanimité, du côté gauche.) M. Foucault-Lardimalie . Gomment, Messieurs, vous ne voulez pas écouter mon projet de décret 1 Je demande que l’Assemblée délibère sur l’acte d’oppression qu’elle vient d’exercer. Elle ne m’a pas laissé parler, présenter mon projet. A gauche : Passons à l’article suivant. M. Bureaux de Pusy, Vun des rapporteurs , donne lecture de l’article 2 ainsi conçu : Art. 2. « Chaque général d’armée et chaque officier général, commandant en chef une division militaire, signera la déclaration suivante : Je promets sur mon honneur d'être fidèle à la nation , à la loi et au roi ; de ne prendre part directement , ni indirectement , mais au contraire de m'opposer de toutes mes forces à toutes conspirations , trames ou complots qui parviendraient à ma connaissance , et qui pourraient être dirigés , soit contre la nation et le roi, soit contre la Constitution décrétée par l'Assemblée nationale et acceptée par le roi ; d’employer tous les moyens qui me sont confiés par les décrets de l'Assemblée nationale , acceptés ou sanctionnés par le roi, pour les faire observer à ceux qui me sont subordonnés par ces mêmes décrets; consentant , si je manque à cet engagement , à être regardé comme un homme infâme , indigne de porter les armes et d'être compté au nombre des citoyens français. « Cette déclaration sera remise par les généraux d’armée ou autres officiers généraux commandant les divisions militaires dans le lieu de leur résidence habituelle, aux corps administratifs et municipaux dudit lieu, appelés à cet effet en présence des troupes assemblées et sous les armes; lesdits corps administratifs et municipaux, après avoir pris connaissance de cette déclaration, et l’avoir transcrite sur leur registre, l’adresseront au ministre de la guerre. M. d’Ambly. Voulez-vous écouter un vieux militaire ? {Applaudissements à gauche.) A gauche : Oui ! oui ! parlez 1 M. d'Ambly. Vous avez déjà fait prêter un serment à l’armée ; vous voulez lui en demander un second. A quoi vous servira-t-il. Ceux qui voudront s’en aller s’en iront : ne les forcez pas à cela, je vous le demande comme bon citoyen. (L’Assemblée, consultée, adopte l’article 2.) M. Foucault-Lardimalie. Vous ne voulez pas qu’il soit dit que vous n’avez voulu entendre aucune discussion, aucun projet contraire. M. Regnaud {de Saint-Jean-d’ Angêly .) Je demande que les mots : sur mon honneur , qui sont dans l’article qui vient d’être décrété soient joints désormais à tous les serments qui seront prononcés par les Français. {Applaudissements.) J’observe que si l’on est allé aux voix sur l’article, sans achever d’entendre l’opinant, c’est qu’on ne pouvait écouter quelqu’un qui laissait présumer que les comités de l’Assemblée avaient voulu faire un outrage à l’armée, du patriotisme de laquelle nous n’avons jamais douté. {Applaudissements.) M. de Toulongeon. On propose une mesure très sage en demandant que le mot honneur soit employé dans les serments de tous les fonctionnaires publics. Il est nécessaire que les deux mots sacramentaux, honneur et infamie , insérés dans l’article que vous venez de décréter, qui sont justes quand ils regardent tout le monde, mais qui sont une exception offensante quand ils ne regardent que l’armée, soient compris désormais dans tous les serments. Je demande donc qu’il soit dit, par amendement ou par article additionnel, que dorénavant tous les fonctionnaires publics et tous les citoyens français prêtant le serment civique, jureront sur leur honneur et se soumettront expressément en cas de violation à la peine d’infamie. {Applaudissements.) (Cette proposition est adoptée et renvoyée pour la rédaction aux comités réunis.) M. Foucault-Lardimalie. Je quitte la tribune, Messieurs; mais, avant de m’en aller, je prends acte de la résistance que j’ai éprouvée et du ridicule scandaleux dont l’Assemblée vient de se couvrir devant le monde entier qui a les yeux fixés sur nous. M. Bureaux de Pusy, rapporteur. Messieurs, avant de passer à l’article suivant, il est essentiel que je donne à l’Assemblée une explication qui n’est pas sans utilité. Il est échappé à quelques personnes d’accuser le serment que vous venez de décréter d’être une mesure offensante et outrageante pour l’armée... M. de Cazalès. Oui, Monsieur I M. Foucault-Lardimalie. Messieurs, je demande à être écouté si vous continuez à parler. {Bruit prolongé.) Plusieurs membres : A l’ordre ! A l’ordre ! M. Foucault-Lardimalie. Je demande à être écouté. M. Bureaux de Pusy, rapporteur. J’ai cru que l’attention que me prêtait l’Assemblée était une permission suffisante pour parler. M. Foucault-Lardimalie. Vous m’avez prêché la liberté, j’en veux user. M. Bureaux de Pusy, rapporteur. On vous a dit que le serment qu’on vous proposait était injurieux pour l’armée; inutile, dangereux et outrageant pour les officiers... M. Foucault-Lardimalie. Je me charge de le prouver. A gauche : A l’ordre! Quel est donc cet homme-là! Faites donc mettre cet homme-là dehors 1 M. de Cazalès. C’est une injustice atroce. {Murmures.) Il est extraordinaire que MM. Le Cha-