26g [Assemblée natioôilô.l nous ne reconnaîtrons désormais que des Pactes de nation. Ce même traité, préparé par un ministre français dont l’ambition brûlait de se venger dus humiliations d’une guerre malheureuse, renferme plusieurs articles propres à lier l’EspagDe à ses vues, et à l’obliger à nous secourir dans le cas même où nous aurions été les agresseurs. Or, puisque nous renonçons à observer de pareilles clauses envers les autres, nous ne les réclamons plus pour nous-mêmes. Il est des articles qui doivent être ratifiés : ceux qui sont relatifs à la garantie réciproque des possessions, aux secours mutuels que deux nations doivent se donner, aux avantages de commerce qu’elles s’assurent. D’autres ont besoin d’être corrigés ; car vous ne pouvez pas même souffrir l’ap-parencedes clauses offensives auxquelles les premiers, dans l’Europe, vous avez donné l’exemple de renoncer. La seule mesure que vous propose à cet égard votre comité, dans le cas où vous adopterez, en ce moment, le projet de décret qu’il va vous soumettre, c’est que vous le chargiez d’examiner en détail les articles du pacte de famille, pour vous mettre à portée de resserrer et de perpétuer nos liens avec l’Espagne, en faisant de ce traité un pacte national, en en retranchant toutes les stipulations inutiles et offensives, et en priant le roi d’ordonner à ses ministres de négocier le renouvellement du traité, d’après les bases qui auront reçu votre approbation. Ici, Messieurs, l’intérêt de l’Espagne sera d’accord avec le vôtre. Qu’est -ce qu’un pacte de ca ¬ binet à cabinet? Un ministre l’a fait, un ministre peut le détruire. L’ambition l’a conçu, la rivalité peut l’anéantir. Souvent l’intérêt personnel d’un monarque l’a seul dicté, et la nation, qui en est l’unique garant, n’y prend aucune part. Il n’en serait pas ainsi d’un pacte vraiment national, qui assermenterait, en quelque sorte, les deux pays l’un à l’autre, qui réunirait tout à la fois de grands intérêts et de puissants efforts. Ce pacte seul lie chaque individu par la volonté générale, produit une alliance indissoluble, et a pour base inébranlable la foi publique et la conscience des nations. Tel est le résultat du travail de votre comité. 11 renferme trois points distincts l’un de l’autre, quoiqu’invisibles, comme vous le voyez: Le développement des deux principes qui doivent être la base de votre système politique, une décision qui conserve une alliance utile en assurant le roi d’Espagne que nous remplirons nos engagements, la demande d’un décret qui charge votre comité des modifications qu’exige cette alliance, lorsqu’il faudra la renouveler. Mais cette détermination, si vous l’adoptez, indique nécessairement d’autres mesures. Le maintien de notre alliance avec l’Espagne serait illusoire, si même au sein de la paix et en nous bornant à ajouter tout le poids de notre influence aux négociations qui doivent assurer le repos d’une partie de l’Europe, nous n’augmentions pas nos armements dans la même proportion que ceux de nos voisins. Ce n’est pas lorsqu’on a des possessions éloignées ; ce n’est pas lorsque l’on veut avoir de grandes richesses à une grande distance, qu’on peut se résoudre à ne prendre les armes qu’au moment même de l’agression. Le commerce a besoin d’être garanti non seulement des dangers réels, mais de la crainte des dangers ; et il n’a jamais été plus important d’apprendre à nos Colonies qü’ellês seront protégées. Voilà, Mes-[2S août 1790.) sieurs, voilà les maux où conduit cette exécrable défiance, qui porte des peuples voisins à se surveiller, à se redouter, à se regarder comme ennemis. Pourquoi faut-il que la nécessité même d’assurer la paix, force les nations à se ruiner en préparatifs de défense ? Puisse cette affreuse politique être bientôt en horreur sur toute la terre ! C’est pour réunir les différents objets annoncés dans son rapport, que votre comité vous propose le décret suivant, comme le plus propre à remplir vos engagements sans imprudence, à changer l’ancien système sans secousses, à éviter là guerre sans faiblesse. « L’Assemblée nationale décrète : « 1° Que tous les traités précédemment conclus continueront à être respectés parla nation française, jusqu’au moment où elle aura revu ou modifié ces divers actes, d’après le travail qui sera fait à cet égard, et les instructions que le roi sera prié de donner à ses agents auprès des puissances de l’Europe. « 2° Que préliminairement à ce travail et à l’examen approfondi des traités que la nation croira devoir conserver ou changer, le roi sera prié de faire connaître à toutes les puissances avec lesquelles la France a des engagements, que la justice et l'amour de la paix étant la base de la Constitution française, la nation ne peut en aucun cas reconnaître, dans les traités, que les stipulations purement défensives et commerciales. « Décrété, en conséquence, que le roi sera prié de faire connaître à Sa Majesté Catholique, que la nation française, en prenant toutes les mesures propres à maintenir la paix, observera les engagements que son gouvernement a précédemment contractés avec l’Espagne. « Décrète, en outre, que le roi sera prié de faire immédiatement négocier avec les ministres de Sa Majesté Catholique à l’effet de resserrer et perpétuer, par un traité, des liens utiles aux deux nations, et de fixer avec précision et clarté toute stipulation qui ne serait pas entièrement conforme aux vues de paix générale et aux principes de justice qui seront à jamais la politique des Français. « Au surplus, l’Assemblée nationale prenant en considération h s armements des différentes nations de l’Europe, leur accroissement progressif, la sûreté des colonies françaises et du commerce national, « Décrète que le roi sera prié de donner des ordres pour que les escadres françaises en commission soient portées à 30 vaisseaux de ligne avec un nombre proportionné de Irégates et autres bâtiments. » M. Rewbell. Ce n’est que sur l’initiative du roi que l’Assembloe doit délibérer. M. d’André. Le projet provisoire, présenté par le comité diplomatique, me paraît on ne peut plus pressant : il ne confirme pas les traités existants, mais il charge le roi de négocier pour les rendre nationaux. Je demande qu’il suit mis aux voix. M. Régouen. J’ai reçu une lettre de la municipalité du Havre, portant la déclaration d’un capitaine arrivant des colonies ; il a passé auprès de la flots e anglaise, composée de 31 vaisseaux de ligne et de plusieurs autres bâtiments de guerre. j’ai communiqué cette lettre au ministre, qui m’a dit avoir déjà reçu pareil avis. Je me crois donc ARCftîVÉS Parlementaires. [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [25 août 1790.] fondé à demander que la partie du décret rela-tiveà l’armement soit décrétée. M. Fréteau. Pour répondre à M. Rewbell, il suffit de rappeler que c’est par le roi que vous avez eu connaissance de la lettre de M. Fernand Nunez, de la demande de la régence d'Alger, etc. Tous ces objets jettent dans les esprits une telle agitation, que plusieurs municipalités maritimes ont mis en délibération d'armer les vaisseaux de l’État, sans attendre vos décrets; certainement cette conduite aurait été blâmée. Le projet qui en a été formé prouve combien il est nécessaire de prendre sur-le-champ un parti. M. Robespierre. Il n’y a jamais de circonstances as-ez urgentes pour forcer une Assemblée, qui délibère sur l’intérêt national, à décréter sans avoir approfondi la matière soumise à sa délibération. Il est certain que celle dont il s’agit maintenant est une des plus importantes qui puissent jamais vous occuper. A-t-on bien senti ce que c’est que de décréter tout d’un coup toutes sortes d’aii-liauces, de rétablir des traités que l’Assemblée ne connaît pas, qui n’ont jamais été examinés ni consentis par la nation ? M. l’abbé iMaury. Je demande que la discussion soit ouverte. M. de Mirabeau. J’allais faire cette demande, par cela même que la matière est également importante et pressante, et que c’est au moins un point de décence, que de n’en pas précipiter la détermination. La discussion peut donc être ouverte et continuée à demain. (On applaudit.) M. l’abbé Maury. Ce que je veux dire est fort court et peut rapprocher tous les esprits. Il y a dans le projet deux parties essentiellement distinctes; Tune tient à la Constitution, l’autre à l’administration du royaume. L’une est très urgente, tout ajournement serait dangereux; l’autre n’est pas aussi pressante; c’est donc la division que je vous demande. Pour rassurer votre allié sur les traités qui vous lient à lui, pour rassurer votre commerce, il faut décréter à l’instant l’observation provisoire des traités, et l’armement de 30 vaisseaux de de ligne. Si vous mêlez à cette disposition des articles constitutionnels, vous infirmerez la confiance de votre allié, en annonçant que vos délibérations rendront vos traités avec lui très contingents, très incertains. Remettez donc les articles constitution nels à un autre décret, pour que l’Europe n’apprenne pas le même jour, et que vous armez pour vos allié-, et que vous examinez leurs traités. Il est une réflexion que je n’ai pas encore vu faire dans cette Assemblée; on aura sans doute éprouvé de la surprise que M. Montmorin n’ait pas demandé aux Anglais les motifs de leur armement : les Anglais pourraient se taire, il est vrai, mais nous interpréterions leur silence. L’ambassadeur ale droit de demander officiellement que le cabinet s’explique.’ Je demande doue que le ministre de affaires étrangères soit invité à prendre ces informations; que les deux articles que j’ai présentés soient décrétés, et que les deux autres soient ajournés à un jour très prochain, que l’on pourrait indiquer dès à présent. M. Regnaud, (de Saint-Jean-d’Angély.)l\ est impossible de décréter la demande aujourd’hui et les motifs demain. J'appuie la proposition 287 faite par M. le rapporteur d’ouvrir la discussion et d'ajourner à la prochaine séance. M. du Châtelet. L’Angleterre avait Une querelle avec l’Espagne ; l’Espagne continuait d’armer, l’Angleterre ne pouvait cesser ses armements. Aux termes des traités elle vous a prévenus ; ainsi la surprise de M. l’abbé Maury n’est pas fondée. Quant à ce qui vous regarde, il est indispensable d’augmenter vos armements, puisque l’Angleterre et l’Espagne ne veulent désarmer que quand la question au fond sera décidée. Je conclus à ce que le décret proposé soit adopté sur-le-champ. (L’Assemblée délibère et la discussion est ajournée à demain.) M. de Broglie. Je suis chargé par les comités militaire, des rapports et des recherchas, de vous faire connaître la déclaration du régiment du roi , revenu à résipiscence. M. de Broglie lit cette déclaration, dont voici l’extrait : elle est datée du 20 août. — Nous soussignés, grenadiers, chasseurs et soldats du régiment du roi, ayant reçu une députation en forme de la garde nationale de Nancy, laquelle nous a représenté les suites fâcheuses dans lesquelles nous aurions pu tomber, supplions l’Assemblée nationale, le roi et nos chefs, d’oublier les fautes que nous avons pu commettre. Nous promettons obéissance à la discipline et à nos chefs respect et soumission aux décrets de l'Assemblée nationale, acceptés et sanctionnés par le roi. Nous prions la garde nationale de réclamer nos députés �arrêtés à Paris, et de demander à l’Assemblée nationale et au roi indulgence pour nous et pour eux. (Voy. aux Annexes de la séance la réponse des o f /iciers du régiment du roi au mémoire des soldats de ce régiment.) M. de Broglie. Les trois comités ont cru nécessaire de communiquer cette déclaration aux députés du régiment du roi, retenus aux Invalides; ces soldats ayant adhéré formellement, les comités me chargent de vous proposer d’ordonner l’impression de cette déclaration pour le bon exemple de l’armée. M. de Murinais. Il est nécessaire d’observer un usage fâcheux du comité. Le ministre désapprouve la conduite des soldats. Le comité militaire applaudit à leur conduite, ainsi on favorise les mouvements de l’armée. M. de Menou. Je déclare que ce que vient de dire le préopinant est une inculpation de toute fausseté. M. de iYoailles. Je ne pense pas que M. de Murinais ait parlé sans preuve. Alors le comité militaire mérite qu’on lui substitue d’autres membres. Je prie donc M. de Murinais d’administrer au moment même les preuves de ce qu’il vient de dire. M. de Murinais. Je n’ai d’autres preuves que la notoriété publique. Les soldats du régiment du roi, députés à Paris, sont une preuve pour moi. Le ministre 1rs envoie en prison, le comité les fait transférer aux Invalides. M. de Brogliè. J’avais l’honneur de présider les trois comités réunis. Les soldats avaient été arrêtés par les ordres de M. Bailly et conduits à Sa prison de l’abbaye Saint-Germain. M. Bailly