[Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [28 octobre 1789.] $93 tion delà plus haute importance et de faire connaître quelles ont été ses intentions. •s 2° Des contrées séparées de la métropole par de grandes distances, exigent encore plus que les provinces du royaume qu’il soit pourvu aux objets d’utilité publique et urgents par des règlements provisoires. Le Roi a reconnu depuis longtemps qu’il ne pouvait exercer par lui-même ce pouvoir ; des lois anciennes et revêtues de toutes les formes judiciaires l’ont conféré aux . deux administrateurs. r Dans quelque main qu’on crût devoir le placer désormais, il importe qu’il réside au sein de la colonie même ; et il serait du plus grand danger que l’exercice en restât un seul instant entièrement suspendu. Entre beaucoup de raisons qui pourraient être alléguées à l’appui de cette assertion, on se bornera à exposer quelques-unes de celles qui p sont les plus puissantes, et qui dérivent de la disparité même des colonies aux provinces du royaume. Des fléaux imprévus et dont en France on se forme à peine une idée (des tremblements de terre, des ouragans) ravagent trop fréquemment et en peu d’instants ces riches contrées ; elles ont été plus d’une fois menacées de la guerre et même attaquées par l’ennemi avant qu’on fût instruit en Europe de leur danger. 11 paraît indispensable que des remèdes prompts puissent toujours être apportés à des maux urgents ; qu’il existe des moyens d’établir l’ordre en ces moments critiques, d’appeler les secours nécessaires, de subvenir aux besoins, ou de pourvoir à la sûreté des citoyens et des esclaves. 11 serait funeste aux colonies et à la métropole elle-même, que qui que *ce soit ne fût autorisé à rendre sur-le-champ les règlements provisoires que nécessitent de telles circonstances. 3° Quant à l’ordre judiciaire, les appels des jugements du tribunal terrier supprimé en 1787, et ceux des ordonnances rendues par les administrateurs devaient être portés au conseil du Roi ; beaucoup de causes de ce genre y sont pendantes en ce moment, mais on pense que les décrets de l’Assemblée nationale autorisent provisoirement „ le conseil de Sa Majesté à connaître de ces affaires contentieuses. Un membre propose de renvoyer le mémoire des ministres au comité du commerce où seront admis les députés des colonies. Cette motion est adoptée. M. Moreau de Saint-Méry a demandé la �parole pour rendre compte d’un fait qui avait donné lieu à M. de Clermont-Tonnerre de dénoncer le district de Saint-Martin-des-Champs. Cet honorable membre a dit : Vendredi dernier un particulier du district de Saint-Martin fit la motion expresse de protester contre la loi martiale; un autre proposa, comme amendement, de quitter l’habit uuiforme de garde ►national, sous peine d’être salué parles fenêtres. La motion et l'amendement échauffèrent les têtes ; il fut impossible aux bons citoyens de lutter contre l’ascendant et l’impression qu’ils firent dans les premiers moments ; il fut d’autant moins facile aux officiers du district de résister, que les propos, les gestes et les menaces annonçaient qu’on n’avait pas encore bien pesé la sagesse et la nécessité de la loi martiale. Tout ee * que purent gagner le président et les secrétaires fut de sommer l’auteur de la motion et de l’amen-lra Sé rie, T. IX. dement de les signer, ou d’improuver un tel acte en ne le signant pas. Je suis chargé, de la part des bons citoyens de ce district, de vous dire que le bataillon de ce district envoya après cette belle protestation vers M. le commandant, pour lui promettre de soutenir les décrets de l’Assemblée nationale, et notamment la loi martiale, jusqu’à la dernière goutte de sang. D’où je conclus, a dit M. Moreau de Saint-Méry, que la loi martiale ne déplaît qu’à ceux qui la craignent. Les auteurs de la motion et de l’amendement incendiaires ont été emprisonnés. Le district de Saint-Jacques du Haut-Pas donne une adhésion formelle: les deux districts de la cité montrent un pareil dévouement. L’Assemblée se retire dans les bureaux pour nommer un président. ASSEMBLÉE NATIONALE. PRÉSIDENCE DE M. CAMUS. Séance du mercredi 28 octobre 1789 (1). M. Fréteau, ancien président, ouvre la séance, et dit que du relevé du troisième scrutin fait hier, et dont, suivant le règlement, les suffrages ne pouvaient se partager qu’entre MM. Emmery et Camus , il résultait que M. Camus ayant eu la pluralité de six voix, il le proclamait président de l’Assemblée nationale. M. Fréteau, avant de se retirer, a dit : Permettez, Messieurs, qu’avant de quitter le poste honorable auquel votre confiance et vos bontés m’ont appelé, et que ces mêmes bontés m’ont rendu si facile et si précieux, je vous renouvelle l’expression demavive reconnaissance; elle n’a d’égal, Messieurs, que mon dévouement à votre gloire et à vos intérêts, qui se lient plus que jamais à l’intérêt et à la gloire de l’Etat, et mon zèle pour le prompt résultat de vos nobles travaux; travaux importants, Messieurs, dont le succès et la conclusion sont si vivement sollicités . et par le besoin instant des peuples qui vous ont confié leurs destinées, et par te désir d’un Roi citoyen, qui est pressé de goûter le fruit de ses sentiments et de ses généreux sacrifices, et par l’impatience de tout ce que vous avez de plus cher, de vos femmes, de vos enfants, de vos frères, dont le repos, l’existence et la vie tiennent à l’accélération de vos décrets sur les municipalités, et sur les autres institutions qui peuvent seules ramener la paix publique. M. Camus, président, a dit ensuite : Les marques signalées de confiance dont vous n’avez cessé de m’honorer avaient comblé mes désirs, et porté mon bonheur au delà de mes espérances. Je ne devais plus avoir d’ambition ; je n’en avais plus : vous m’élevez aujourd’hui, Messieurs, à une dignité éminente. Les paroles me manquent pour exprimer tous les sentiments qui pénètrent mon âme ; il ne m’en reste que pour vous présenter l’hommage de mon profond respect et de ma soumission à vos ordres, pour solliciter Il Cette séance est incomplète au Moniteur. 38 594 [Assemblée nationale.} ARCHIVES PARLEMENTAIRES. votre indulgence en vous remerciant de vos faveurs. L’Assemblée a décrété qu’il serait fait des remerciements à M. Fréteau de Saint-Just. M. le Président a lu un billet de M. Paris, inspecteur de l’hôtel des Menus-Plaisirs du Roi, qni certifie que les tribunes de la salle� des séances de l’Assemblée nationale, à l’archevêché, sont rétablies très-solidement, et que le public peut y être admis. M. Colbert de Seignelay, et M. Salle , que l’Assemblée avait priés de visiter les membres qui ont été blessés, ont dit qu’un des membres, M. Viard, souffrait toujours beaucoup, et que les autres étaient aussi bien que leur situation le permettait. Un des MM. les secrétaires a fait lecture du procès-verbal de la veille, et des adresses de vingt-sept communautés, portant remerciement et adhésion aux décrets de l’Assemblée nationale et mentionnés ci -après ; savoir: Adresse et délibération de l’lsle-en-Dodon en Comminges, contenant l’expression de félicitations et de respects, et ses plaintes contre les vexations qu’elle éprouve depuis vingt ans le la part des agents du domaine. Procès-verbal de l’assemblée des électeurs unis du bailliage de Château-Thierry, contenant remerciements à l’Assemblée pour son décret relativement aux passe-ports à donner à MM. les députés; de très -instantes supplications pour qu’elle s’occupe sans interruption de l’organisation des municipalités et assemblées provinciales; enfin une assurance formelle de contribuer, tant par leurs exhortations que par leur exemple, à faire effectuer dans l’étendue du bailliage le payement de toutes les impositions que l’Assemblée nationale aura décrétées. Délibération de l’assemblée générale des habitants de Genlis et Vichy, où se sont trouvés les échevins et députés de vingt-sept communautés, tant du bailliage de Dijon que de celui d’Auxonne, contenant remerciements et adhésion aux décrets de l’Assemblée nationale. Cependant ces communautés ont arrêté qu’elles ne donneraient le quart de leurs revenus à l’Etat que lorsque la constitution du royaume sera achevée et promulguée d’une manière légale, pure et simple, ainsi que les décrets du 4 août dernier et des jours suivants. Délibération de l’assemblée des représentants de la commune de Montpellier, par laquelle ils adhèrent à tous les décrets de l’Assemblée nationale et surtout à celui relatif à la contribution du quart du revenu. Adresse d’adhésion de la ville d’Ussel en Limousin, qui demande une justice royale. Adresse de la ville de Hagetmau, en la sénéchaussée de Saint-Sever, contenant félicitations, remerciements, et adhésion aux arrêtés de l’Assemblée des 4 août dernier et jours suivants, notamment à l’article 10, qui contient le sacrifice de tous privilèges particuliers des provinces, villes et communautés; à l’article 17, qui proclame Louis XVlrestaurateurdelaliberté française. Délibération et adresse du même genre, de la ville de Sainte-Marie en Béarn. Adresse de félicitations, remerciements et adhésion des habitants du hameau de Pouilly, paroisse de Fontenay en Nivernais. Ils se plaignent de l’envahissement de leurs bois communaux, contenant 158 arpents, fait par leurs seigneurs, et en demandent la restitution. [28 octobre 1789.] Adresse de la ville de Saint-Genest de Ridevol en Rouergue, où elle présente à l’Assemblée un nouvel hommage de respect et d’admiration, demande un bailliage national et une juridiction1 consulaire; se plaint de ce que, dans la convocation des députés à l’Assemblée nationale, le nombre de ses électeurs ait été réduit à quatre, et en réclame un plus grand nombre pour l’avenir. M. le Président. Plusieurs membres ont demandé la parole hors de l’ordre du jour ; je propose que désormais les objets de ces sortes de demandes ne soient traités qu’à deux heures. Cette proposition est adoptée. M. Se Président. La seconde partie de la motion de M. de Mirabeau, qui se trouve à l’ordre du jour, consiste à décider si les enfants des faillis seront exclus de V éligibilité. M. Mougins de Roquefort. Il serait injuste de prononcer l’exclusion contre les enfants qui n’auraient rien reçu de leur père mort en faillite, et sil’article était rédigé comme je vais le proposer, on éviterait cette injustice. Il en est de même des enfants qui, s’étant rendus héritiers de leur père failli, n’en auraient pas acquitté les dettes à concurrence de leur portion virile; et de ceux qui, ayant reçu des dons de leur père failli, les conserveraient au préjudice des créanciers. M. Prieur. Celte rédaction consacre le principe incontestable que les fautes ne sont pas personnelles. La disposition qu’elle présente estconforme aux sentiments de tous les juriconsultes, qui regardent le débiteur avec lequel les créanciers ont traité comme non libéré au for intérieur, s’il revient à meilleure fortune. M. de Dleuzie.Laloi, pour être plus complète, doit s’étendre aux enfants des faillis qui héritent en vertu d’une substitution. M. Martineau. Les mœurs publiques gagneront sûrement à la loi proposée par M. de Mirabeau. La piété filiale est une des vertus les plus utiles à la société, et un citoyen manquerait essentiellement à cette vertu, s’il ne se croyait pas obligé de payer les dettes que son père a contractées. Lorsque nos mœurs étaient plus pures, on regardait comme un déshonneur de renoncer à la succession d’un père, à celle d’un époux. Vous consacrerez donc les principes de la plus ■ saine morale, en adoptant la motion de M. de Mirabeau, et en présentant cette espèce de responsabilité comme un devoir de l’honneur et de la nature. Je demande cependant que l’Assemblée ajourne celte question, pour ne pas s’écarter de la Constitution. M. Blin. L’article est presque entièrement discuté, et l’ajourner ce serait perdre le temps qui y a été employé. Je ne pense pas qu’il soit nécessaire d’y renfermer une disposition relative aux substitutions, qui seront probablement abolies. L’ajournement est rejeté. La question sur les substitutions est ajournée. M. le marquis de Monspey fait la motion