[Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [12 novembre 1789.] 31 N° 1 bis. Etat des farines exportées des ports de France aux îles de V Amérique pendant l'annee 1787. Extrait des états envoyés par les commissaires des ports. Barils. A Saint-Domingue .................... 199,236 Aux îles du Vent et Cayenne .......... 71,205 Total .......... 270,441 Extrait des comptes de la balance du commerce. Barils. A Saint-Domingue .................... 170,162 Aux îles du Vent et Cayenne .......... 66,825 Total .......... 236,987 dants des colonies. Barils. A Saint-Domingue ................... 151,411 Aux îles du Vent et de Cayenne ....... 59,053 Total .......... 210,464 Certifié véritable : La Luzerne. N° 1 ter. Etat des farines exportées des ports de France à Saint-Domingue, pendant les années 1784, 1785, 1786, 1787 et 1788, tiré des états envoyés par les ports de France. Barils. Tous les calculs ont été faits d’après ces états où l’évaluation de la quantité de farines portées annuellement à Saint-Domingue et aux îles du Vent, est plus forte que dans ceux donnés par le bureau de la balance du commerce, et dans ceux qui sont extraits des déclarations faites lors du débarquement dans les colonies Certifié véritable : LA LUZERNE. N° IL RÉFLEXIONS Sur les deux états ou tableaux joints à la lettre de M. le marquis du Chilleau, en date du 7 septembre 1789. Le premier état sommaire désignant la quantité des farines importées par les capitaines des différents navires d’Europe, pendant les six premiers mois de 1788, et pendant les six premiers de 1789, donne d’abord lieu à une réflexion très-frappante, et qui rend nécessairement cet état suspect. Le receveur de l’octroi au Port-au-Prince assure qu’il est entré dans ce port pendant les six premiers mois de 1788 : 36,770 barils de farine, mais en cette année il n’a pu être importé que de la farine de France. S’il en fût entré d’étrangère, c’eût été illicitement, secrètement, en petite quantité. On se serait d’ailleurs bien gardé d’en donner connaissance et d’en faire déclaration. Or, les états des farines exportées cette année des ports de France à Saint-Domingue, prouvent qu’il n’est entré dans toute la colonie pendant l’année dernière de 1788, que 142,388 barils de cette denrée. Il paraît très-invraisemblable que sur cette quantité il en ait été introduit 36,770 barils pendant six mois dans un seul des dix ports où il y a des receveurs d’octrois. Car la même proportion induirait à croire que le Port-au-Prince en aurait reçu pendant les douze mois de 1788, 73,540 barils, c’est-à-dire plus que tous les autres ports de la colonie pris ensemble. Une telle conséquence est absurde, et rend très-suspect le certificat donné par le receveur de l’octroi. Sur le second tableau des farines françaises et étrangères importées à Saint-Domingue depuis le premier avril 1789, et celles qui y existaient aux époques des procès-verbaux qui le constatent, fournis à M. le marquis du Chilleau (1), à son départ pour la France, il est plusieurs remarques intéressantes à faire. 1° En supposant l’état parfaitement exact, et qu’il soit entré pendant ces trois mois 34,430 barils de farine, j’observerai que cette quantité est moindre, mais ne diffère que peu de celle que reçoit communément Saint-Domingue pendant chaque trimestre. Par un relevé fait sur les cinq années de paix 1784, 1785, 1786, 1787 et 1788, l’importation annuelle des farines dans cette colonie est, par un calcul moyen, de 150,003 barils; il n’en a même été introduit, en 1788, que 142,388 barils. Il a donc été importé pendant chacun des quatre trimestres de l’année dernière pris l’un dans l’autre, 35,597 barils, et on doit regarder l’importation commune par trimestre, comme devant être de 37,500 barils. Cette quantité ne donne pas un onzième de différence, étant comparée à 34,430 barils de farine importés pendant le second trimestre de 1789. (1) M. le marquis du Chilleau étant parti le 10 juillet, ce tableau comprend l’introduction pendant trois mois tout au plus; car il a fallu le temps de dresser les états dans les divers lieux de la colonie, et de les lui envoyer. 32 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [12 novembre 1789.] Mais dans le même état, à la colonne Observations , on assure des faits, on présente des évaluations qui paraissent incroyables. Si le Cap consommait par jour 120 barils de farine, si le Port-au-Prince supposé en fournir à une autre juridiction, en consommait 300, il résulterait que trois juridictions seules consommeraient par an 153,300 barils de farine, c’est-à-dire plus qu’il n’en est entré communément pour la subsistance de la colonie entière, en comparant toutes les années depuis la paix. Comment vivraient sept autres juridictions? Est-il croyable qu’elles se passent de farine, que personne n’y mange de pain? Mon devoir ne me permet pas de dissimuler combien les assertions que présente cet état me paraissent étranges, ainsi que les calculs qui en dérivent. Il est fort à craindre qu’on ait induit en erreur M. le marquis du Chilleau sur cet objet important; qu’il n’ait pas reconnu l’inexactitude évidente des états qu’on lui a donnés et qu’il m’a transmis. 11 n’a point passé sept mois dans la colonie; il y a eu des démêlés très-vifs avec l’intendant; il attribue à ces débats son rappel (1), quoiqu’ils n’en soient cause en aucune manière. Toutes les lois coloniales et ses instructions l’obligeaient de ne rien faire en matière de commerce étranger et de haute police, sans le concours du co-administrateur. C’est toujours (2) conjointement que les deux administrateurs (lorsqu’on craint la disette d’une denrée) font faire les procès-verbaux de visite, les recherches, demandent les avis des colons et des commerçants. Il importe que dans les différents lieux de la colonie, ce soin soit confié par eux au représentant du gouverneur général, et à celui de l’intendant (3) qui doivent aussi y procéder ensemble. (1) Le rappel de M. le marquis du Chilleau a été décidé au Conseil d’Etat le 28 juin 1789. Le motif en a été l’ordonnance rendue par ce gouverneur général le 9 mai précédent. On a considéré qu’il avait outre-passé ses pouvoirs, contrevenu aux lois coloniales et à ses instructions. Il est vrai qu’un des objets où il a paru répréhensible, est d’avoir promulgué un règlement en matière de commerce étranger, seul, et même contre la réclamation de l’intendant, sans lequel il n’avait pas le droit d’exercer le pouvoir législatif. Mais ce motif d’incompétence n’a pas déterminé le conseil de Sa Majesté. L’ordonnance permettait pendant 5 ans entiers l’introduction des noirs de traite étrangère dans la partie du sud, sans nécessité urgente, quoiqu’on pût demander l’aveu du Roi et recevoir réponse en 3 ou 4 mois. On autorisait les colons à fournir en payement toutes les denrées coloniales qui, d’après nos lois commerciales, ne doivent parvenir que dans les ports du royaume. Le gouverneur général donnait un exemple bien dangereux, en établissant de sa seule autorité des taxes nouvelles sur l’introduction de quelques denrées. Il en abrogeait ou modérait d’autres qui existaient en vertu de lois émanées du souverain. Telles sont les principales causes qui ont depuis excité les réclamations des places maritimes du royaume, et déterminé Sa Majesté à nommer sur-le-champ un autre gouverneur général. (2) 11 leur est expressément enjoint de faire ces vérifications, et d’y procéder conjointement, par la lettre que le ministre a écrite de la part du Roi aux administrateurs de toutes les colonies, le 13 novembre 1784 ; lettre à laquelle les instructions de M. du Chilleau lui ont encore spécialement prescrit de se conformer. (3) M. le marquis du Chilleau a entre les mains beaucoup de procès-verbaux qu’il m’a lus, mais dont il ne m’a point remis copie. Ces pièces sont signées et attestées par des juges, par des receveurs, par des officiers Plus il y avait d’animosité personnelle, et à raison même de ce que l’intendant n’avait pas cru l’introduction des farines étrangères aussi nécessaire qu’elle l’avait paru au gouverneur général, celui-ci devait se regarder comme encore plus astreint d’appeler son collègue à témoin de toutes les recherches et vérifications qu’il n’était, en aucun cas, autorisé à faire sans lui. On n'aurait pas présenté à un magistrat qui administre la colonie depuis quatre ans, des états aussi invraisemblables; il aurait reconnu l’erreur, si elle existe; il l’aurait fait corriger, ou aurait transmis ses observations en France. Je n’ai aucune lettre de lui à ce sujet. Lui a-t-on fait part des recherches ou des résultats? Lui en a-t-on soustrait la connaissance, quoiqu’elle lui appartînt de droit ? Il m’est impossible de rien assurer à cet égard. Je n’entends point m’écarter de l’impartialité exacte que j’ai toujours observée entre ces deux administrateurs divisés ; mais, en matière aussi importante, mon devoir est d’exposer ce que je sais, ce que j’ignore, mes doutes, et les motifs sur lesquels ils sont fondés. Enfin, deux autres soupçons graves s’élèvent sur ce second tableau, relativement à l’importation des farines nationales. 1° Il y est annoncé qu’il n’en est entré au Gap, en avril, mai et juin, que 1,480 barils. Mais l’extrait des registres de la chambre d’agriculture du Cap, du 2 juillet 1789, assure que du 7 avril au 22 mai, il est entré 7,371 barils de farine française, et explique que tel est le résultat des recherches faites au greffe de l’amirauté de cette ville; en sorte qu’il n’est point fait mention de ce qui en a été introduit par les neuf autres ports d’amirauté. 2° Gomment est-il possible qu’en avril, mai et juin, il ne soit entré dans toute la colonie de Saint-Domingue, que 7,332 barils de farine venant de nos ports, tandis que par les déclarations faites dans ces mêmes ports, il en est sorti pour nos colonies occidentales, en février, mars et avril, 24,518 barils, et que Saint-Domingue reçoit constamment plus des deux tiers de ce qui est envoyé auxdites colonies ? Pour prouver ceci jusqu’à l’évidence, je joins l’état: 1° des farines envoyées des ports de France pendant chacun des six premiers mois de 1789, à toutes les Iles du Vent et Sous-le-Vent; 2° de la quantité de ces mêmes farines qui a été adressée directement à Saint-Domingue. Il est à remarquer que la colonie a dû en recevoir plus que ladite quantité, car plusieurs des navires qui se déclarent expédiés pour la Martinique ou pour la Guadeloupe, après y avoir fait escale, portent le reste de leurs cargaisons à Saint-Domingue : mais aucun de ceux qui touchent d’abord à Saint-Domingue, ne remonte aux îles du Vent, à raison de la difficulté et de la longueur de cette navigation. Versailles, le 19 octobre 1789. Signé : La LUZERNE. militaires, presque tous ayant des possessions dans la colonie, et pouvant, à raison de leur intérêt, être regardés comme partiaux. L’intendant a-t-il eu connaissance de ces recherches ? a-t-on appelé les officiers d’administration, ses représentants? Rien ne m’a été communiqué, qui le prouve. Pourquoi aurait-on laissé ignorer ces perquisitions à ceux qui, par leur état, sont le plus instruits de l’entrée et de la sortie des diverses denrées ?