[Assemblée nationale.) ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [13 février 1790.1 585 proposé par la prochaine assemblée du département. » M. le Président met aux voix le décret qui est adopté. M. le baron de Cernon propose un autre décret relatif au district de Bourboune. Il dit que le député du district de Bourbonne, qui fait partie du département de Chaumont, a fait valoir auprès du comité que ce district n’a pas l’étendue voulue par les décrets, et qu’il y a lieu de réviser les limites. Le comité de constitution pense que la plainte est fondée et propose le décret suivant : Département de Chaumont. « L’Assemblée nationale décrète que les limites entre le district de Bourmont et ceux de Chaumont, Langres et Bourbonne seront déterminées par la prochaine assemblée du département. » Les députés des autres districts réclament l’exécution des démarcations signées entre eux et déposées au comité. Le réclamant observe qu’il est le seul représentant du district de Bourbonne contre douze représentants pour les autres districts; il persiste à réclamer la réparation de l’injustice qui a été commise. M. le marquis d’Estourmel appuie le renvoi de la décision à l’assemblée du département. D'autres membres proposent la question préalable sur le décret. M. Gaultier de Rinuzat. La division déjà faite ne peut être opposée au réclamant puisqu’il l’a combattue et qu’il s’est trouvé seul contre douze adversaires. Si le district est inférieur en étendue et en population à tous les autres, rien n’empêche d’approcher davantage de l’égalité; je conclus donc à l’adoption du décret et je demande qu’il obtienne la priorité. M. le Président met le décret aux voix, il est adopté. M. le baron de Cernon propose un troisième projet de décret pour laisser à la vallée de Barcelonnette la faculté de se déterminer à la prochaine législature sur sa réunion à la Provence ou au Dauphiné. M. Delley d’Agler. Vous ne pouvez changer vos décrets toutes les vingt-quatre heures. Dimanche dernier vous avez décrété que Barcelonnette serait le chef-lieu d’un district du département de la Provence, vous ne devez pas vous déjuger à si courte date. M. Bouche. La vallée de Barcelonnette ne réclame pas; en conséquence, je propose de décider qu’il n’y a pas lieu à délibérer. La motion de M. Bouche est mise aux voix et adoptée. M. le Président. L’ordre du jour appelle la discussion sur celte question : Les ordres religieux seront-ils abolis ? Y aura-t-il des exceptions? M. Roger. L’Assemblée nationale doit-elle supprimer les ordres religieux? Gomment doit-elle le faire? Doit-elle ne conserver aucun des établissements ecclésiastiques ? Vous pouvez supprimer les ordres religieux, si vous le devez : vous le devez, s’ils n’ont plus d’objets d’utilité. Nos champs sont défrichés; l’imprimerie a conservé et propagé les lumières ; les établissements publics de charité rempliront mieux que les ordres religieux les devoirs de la société. Les ordres religieux sont donc inutiles ? Etant inutiles, ils ne peuvent être que nuisibles. Vous devez donc les supprimer; vous le pouvez donc? Mais les religieux ont des droits à ce qu’ils ont possédé. Nous ne pouvons être à leur égard ni injustes, ni économes ; la mesure de leurs possessions est celle de leurs droits ; elle doit donner la proportion de leurs pensions. J’adopte l’affirmative de la question présentée à la discussion, et je propose, en amendement de conserver uniquement la congrégation de Saint-Maur, parce qu’elle a bien mérité de l'Etat par ses vertus et par son amour pour les lettres. M. l’abbé d’Eymar, député du clergé de la Basse-Alsace {[). Messieurs, combien il serait heureux et avantageux, peut-être, pour la chose publique, que la grande majorité de cette Assemblée eût éprouvé, en écoutant hier et avant-hier le rapport du comité ecclésiastique, la même impression d’assentiment qui l’a affectée, lorsqu’elle a entendu, lundi dernier, celui de votre comité féodal ! C’est le propre de ce qui est vraiment juste et utile de captiver rapidement; ainsi, l’universalité des suffrages, en dépit des préventions et de l’intérêt, tandis que ce qui n’est pas marqué à ces grands caractères n’a ni le même ascendant, ni la même prépondérance, et qu’il laisse à la variété des opinions la persuasion respective que chacun a la meilleure et qu’elle doit prévaloir. Puisque, tel est à mon grand regret et à celui de beaucoup d’autres, le sort de la question actuelle, essayons du moins de l’environner et de la frapper de tant de lumières que la conscience de chacun soit acquittée, et que votre jugement, quand il sera prononcé, n’ait imprimé et ne laisse aucune trace que celle de l’équité et du bien général. Vous avez fait hier, Messieurs, un acte réel de justice, quand vous avez prolongé la discussion qui nous est soumise, et que vous avez reculé la décision d’un problème aussi imposant que celui de savoir si l'Assemblée nationale supprimera en France l'ordre religieux en tout ou en partie ; car tel est le premier article auquel on a réduit la grande question qui nous occupe, et sur laquelle plusieurs orateurs vous out déjà exposé des idées et des senti-timents bien opposés ; cette opposition elle-même, et cette diversité prouvent, Messieurs, combien il est nécessaire de s’éclairer avant de prononcer. Si vous jetez un seul religieux hors de son état, vous avez le même droit contre tous. Si vous annulez un seul de ses vœux, vous avez le même pouvoir contre tous ses autres vœux. Ici le principe est si sévère, les conséquences sont tellement cohérentes, que tous les hommes et tous les vœux vous sont soumis, ou que vous êtes forcés de respecter également et tous les vœux et tous les hommes. Voilà l’étendue et la rigidité du droit qu’il s’agit de chercher, du droit sur lequel avant tout (1) L’opinion de M. l’abbé d’Eymar n’a pas été insérée au Moniteur.