SÉANCE DU 25 FRUCTIDOR AN II (11 SEPTEMBRE 1794) - N08 41-42 83 Citoyens représentans Sÿ les trahisons, sÿ les attentats a notre liberté et à nos droits sacrés sont des crimes qui méritent notre haine, votre sollicitude paternelle, votre bienfaisante et active surveillance méritent donc à leur tour, notre amour et notre reconnoissance. Ouÿ, dignes représentans, nous respirons encore l’air de la liberté mais c’est votre propre ouvrage c’est à votre sagesse, c’est à votre zèle infatiguable, c’est à votre courage héroïque que nous la devons. La société populaire de Côte-Libre serait donc la seule à négliger de vous témoigner sa gratitude. Non la dette est trop sacrée pour ne pas la payer. Et sÿ nous ne sommes pas environnés de lumières, si les expressions nous manquent, apprenés du moins que nous savons être sensibles et reconnaissants, et que nous estimons que le prix de la vertû ne serait pas connu sÿ les vues qui lui sont opposés ne se mettaient pas sÿ souvent en avance. Ouÿ, citoÿens représentants, ce sont les crimes des Danton, des Robespierre, des Cou-thon, des Saint-Just, et leurs complices, quÿ font ressortir l’éclat de votre héroique fermeté, et de la pureté de votre civisme : les monstres abominables ne nous avaient montré cette douce Hberté que nous savourons que pour nous en priver de suitte. Hipocrites ambitieux qÿ s’étaient attirés la confiance d’un peuple bon et crédulle pour nous perdre avec plus de facilité. Un esclavage honteux et avilissant pour des hommes libres allait devenir le prix de tant de victoires et de tant de sacrifices; les veilles et les fatigues de nos frères et de nos enfans voués à la déffense de la patrie n’auraient donc eu pour succès et pour récompense que ces memes chaines que nous avons brisé et peut être plus pesantes encore. Gloire immortelle aux braves et vertueux citoÿens de Paris quÿ, fidelles à la République, ont écouté la voix de leurs représentans et ont concourû à etouffer dans son berceau une conspiration quÿ entraînait la ruine de la République. Restés donc à votre poste, dignes représentans du peuple, continués a déjouer les complots des intriguants et à rompre le fil de leurs trames ourdies par l’orgueil ou la cupidité; Banissés de votre sein les membres gangrenés s’il en existe encore et démasqués les traitres et les conspirateurs, alors la loÿ sévira contre eux, alors le peuple français, quÿ flotte parfois entre la crainte et l’espérance sera rassuré et la République prendra une assiete durable. C’est à vous citoÿens représentans à nous diriger mais c’est à nous de combattre, ouÿ nous les combattrons les monstres que l’humanité a abhorre et guidés par votre sagesse, rechauffés par le feu sacré de l’amour de la patrie, nous vaincrons tous nos ennemis et deslors la République française ne sera plus qu’une société de frères et amis. Salut et Fraternité et vive la Montagne. Les président et secrétaires de la société populaire. Dupuy, président, Letelliey, Daus, secrétaires. 41 Celle die Louhans, département de Saône-et-Loire, se plaint de ce que les modérés critiquent les patriotes. Insertion au bulletin (79). 42 Le représentant du peuple Charlier, envoyé à Commune-Affranchie [ci-devant Lyon, département du Rhône], envoie des exemplaires d’une proclamation qu’il a faite. Insertion au bulletin et renvoi au comité de Salut public (80). [Les représentants du peuple Charlier et Po-cholle à la Convention nationale, s.d.] (81) Citoyens collègues, Nous vous adressons quelques exemplaires d’une proclamation que nous venons de publier à Commune-Affranchie. Quelques jours d’observations et les rensei-gnemens précieux qui nous ont été fournis par nos collègues Reverchon et Laporte, nous ont appris que, malgré l’égarement funeste dans laquelle cette commune fut entraînée, elle pouvait être rendue à la République, et se montrer digne de défendre la liberté et l’égalité dont de nombreux scélérats avaient voulu lui ravir les bienfaits. La masse du peuple nous y a paru excellente, pénétrée d’horreur contre les traîtres qui l’ont trompée et disposée, par un long repentir à ne plus écouter désormais que la voix des véritables amis de la patrie. Si ce vœux ne vous a pas été plus tôt manifesté, c’est qu’il était comprimé par un petit nombre de dominateurs qui, voyant dans les débris de cette cité opulente, qui tente tous les moyens d’assouvir leurs brutales passions, y faisaient régner un système de terreur universelle, et écrasaient sous le même joug le conspirateur et le citoyen dévoué aux intérêts de la République. Ces hommes sur qui Robespierre comp-toit sans doute pour l’accomplissement de ses projets liberticides, et avec lesquels trop de témoignages démontrent qu’il avoit d’intimes relations, occupoient toutes les places, usur-poient tous les pouvoirs, et bra voient même, avec l’audace la plus insultante, les représentans qui vouloient arrêter le cours de leurs brigandages. Nos collègues Reverchon et Laporte, peu de temps avant notre arrivée, en ont purgé les administrations, et les ont remplacés par des patriotes désintéressés et probes. Nous concevons les plus heureuses espé-(79) P.-V., XLV, 207. (80) P.-V., XLV, 207. (81) Bull., 26 fruct. Mentionné dans J. Perlet n° 719; M. U. XLIII, 410 et reproduit dans M. U., XLIII, 435; C. Eg., n° 756. J. Fr., n° 717. 84 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE rances de cette régénération qui a comblé le peuple de joie. Nous continuerons l’ouvrage qu’ils ont eu le courage de commencer, malgré toutes les manœuvres qu’on cherche à employer pour nous détourner du but et les dangers qu’on sembloit vouloir nous faire craindre. Nous savons que les brigands nous calomnient, qu’ils calomnient la Convention, qu’ils osent dire que la majorité est dans l’oppression ou corrompue; mais nous n’en continuerons pas moins notre carrière, avec fermeté, et nous saurons opposer votre union, votre force et la sévérité des lois révolutionnaires à ces vaines clameurs. Nous voyons trop d’analogies entre la conduite de ces hommes pervers et les projets des triumvirs, entre le langage qu’ils tiennent aujourd’hui et les traits lancés contre vous par l’aristocratie, entre la manière dont ils vous jugent et la proposition insensée qu’on a osé vous faire de votre renouvellement, pour n’avoir pas les yeux ouverts sur les détours de cette tactique infernale et, pour n’en pas déjouer toutes les trames. Salut et fraternité. Signé , Pocholle, Charlier. 43 Un secrétaire Ut successivement diverses lettres de représentants du peuple et différentes adresses des sociétés populaires et autres. Plusieurs de ces pièces, entre autres les adresses des sociétés populaires de Montpellier et de Grenoble, contiennent l’expression de vives alarmes sur l’audace du modérantisme et de l’aristocratie, qui partout disent-elles, lèvent la tête, persécutent les patriotes et les font incarcérer. Elles demandent que les patriotes soient vengés, que l’aristocrate et le modéré soient punis. [Ils insultent les patriotes sous prétexte qu’ils sont des continuateurs de Robespierre : elles ajoutent que les aristocrates cherchent à égarer les habitans des campagnes en leur faisant haïr la loi bienfaisante du maximum.] (82) L’adresse envoyée par la société populaire de Montpellier contient, entre autres faits, celui de l’assassinat d’un patriote du département de l’Aveyron, coupé par morceaux, à six lieux de Montpellier (83). La société populaire de Montpellier [département de l’Hérault] donne avis de l’assassinat d’un patriote, et se plaint de ce que l’aristocratie se montre (84). Il s’élève quelque discussion sur le fait énoncé dans l’adresse de Montpellier (85). (82) J. Fr. n° 717; J. Paris, n° 620. (83) Moniteur, XXI, 733. (84) P.-V, XLV, 207. (85) Moniteur, XXI, 733. [La société populaire de Montpellier dénonce les manœuvres employées par l’aristocratie et le modérantisme pour détruire la révolution. Elle instruit l’Assemblée que dans le département de l’Aveyron à six lieux de son arrondissement, on a assassiné trois commissaires de districts, chargés du recensement des grains et un patriote qui a été coupé en morceaux. Elle demande que l’Assemblée donne de l’énergie aux lois révolutionnaires et que l’aristocratie et le modérantisme soient réduits à trembler. Un membre : je dois rendre hommage à la vérité : le patriote qu’on dit assassiné est mon parent. J’ai reçu hier une lettre où l’on m’en instruit; voici le fait : Ce citoyen, chargé d’un achat de bœufs pour le compte de la République, a été attaqué [du coté d’Espalion] (86) par quatre scélérats au coin d’un bois, et dévalisé [lui ont volé 140 000 L, et, après avoir longtemps délibéré sur son sort, et feint d’aller à cet égard consulter leurs camarades qu’ils disaient au nombre de quatre-vingt, l’ont enfin relâché] (87); mais il est en bonne santé. LOUCHET qui avoit donné lecture de la dénonciation de la société populaire de Montpellier assure que le patriote dont il s’agit a été assassiné à 6 lieux de là et que celui dont parle le préoppinant l’a été à quarante lieux plus loin.] (88) [J’observe que l’assassinat dont il est question dans l’adresse peut fort bien n’être pas le même que celui dont il est question dans la lettre qu’on vient de lire. Je demande le renvoi de l’adresse au comité de Sûreté générale]. GOUPILLEAU (de Fontenay) : Il est constant qu’un individu a été assassiné. Que devez vous faire? vous devez charger le juge de paix du canton où cet assassinat a été commis d’en rechercher les auteurs et de les faire punir. Je demande donc l’ordre du jour, motivé sur ce que cette affaire est du ressort des tribunaux. CAMBOULAS : Cet assassinat peut fort bien n’être pas un crime ordinaire, mais tenir aux manœuvres de l’aristocratie. [Vous devez savoir que les patriotes sont assassinés dans les communes voisines du lieu de naissance de l’infâme Charrier] (89). Je demande en conséquence que la connaissance du fait soit, non seulement envoyée aux tribunaux, mais que de plus, on fasse parvenir une copie de l’adresse aux représentants du peuple Perrin et Goupilleau (de Montaigu), qui sont à Montpellier. Cette proposition est décrétée] (90). (86) M. U., XLIII, 411. (87) Moniteur, XXI, 733. (88) J. Perlet, n° 719. (89) J. Perlet, n° 719. (90) Moniteur, XXI, 733. J. Perlet, n° 719; Débats, n° 721, 414-415; Mess. Soir, n° 754; J. Mont., 135; M. U., XLIII, 411; Gazette Fr., n° 985; Rép., n° 266; J. Fr., n° 717. L’intervention attribuée à Camboulas pourrait être le fait de deux députés selon les Débats.