SÉANCE DU 15 BRUMAIRE AN III (5 NOVEMBRE 1794) - Nos 25-26 431 nos collègues qui y restent sont pénétrés des mêmes principes que nous, et qu’ils continueront de faire tout le bien que nous avions accoutumé de faire. (On applaudit vivement.) CLAUZEL : Une correspondance très sûre a appris au comité de Sûreté générale que les propositions de révolte qui ont été faites aux Jacobins ont été dictées par un comité d’émigrés qui se trouvent en Suisse (ah! ah! ah! s’écrie-t-on. Un grand silence succède.) On a oublié de vous instruire qu’un membre de cette Assemblée a dit, le lendemain du jour même où vous rendîtes le décrêt sur la police des sociétés populaires, qu’il fallait prendre les moyens de rendre ce décret nul, ou au moins de l’éluder... Beaucoup de voix : C’est Crassous! CLAUZEL : Nos collègues à Marseille ont déjoué la conspiration qui avait été ourdie dans la société populaire; ils nous ont écrit qu’ils avaient fait périr des individus de cette société, qui, en montant sur l’échafaud, ont crié : Vive l’Angleterre! Notre collègue à Dijon nous écrit qu’il a découvert dans cette commune des meneurs d’une armée révolutionnaire qu’il a cassée, et qui était en correspondance avec cette société. Je vous demande d’après cela si vos comités ne doivent pas s’empresser de vous proposer des mesures capables d’arrêter tous les maux qui pourraient provenir de pareilles causes? (On applaudit vivement.) Il est de la sagesse de la Convention de prévenir tous les reproches qu’on pourrait lui faire ; il est de sa sagesse de ne pas permettre que quatre ou cinq factieux de cette Assemblée aillent agiter le peuple et l’égarer dans les sociétés populaires. De quel droit punirait-elle une société qui se mettrait en révolte contre elle, si ceux qui l’y excitent avaient un brevet d’impunité? Il faut empêcher que le sang du peuple ne soit répandu; il faut empêcher que quatre ou cinq individus, car les autres ne sont qu’égarés, aillent porter le trouble et le désordre dans une société pour ensuite bouleverser la République entière. Je demande que les trois comités de gouvernement soient chargés de nous proposer des mesures qui empêchent aucun représentant du peuple de prêcher la révolte contre la Convention. (Vifs applaudissements. ) Cette proposition est décrétée au milieu des applaudissements. Un membre demande que le comité de Sûreté générale soit chargé de rendre compte à la Convention nationale des agitations et discours par lesquels on cher-cheroit à entraîner les sociétés populaires dans la révolte et l’insurrection, et de faire un rapport à la Convention lorsque des représentans du peuple seront prévenus d’en être auteurs ou complices. Cette proposition est renvoyée aux comités réunis de Sûreté générale, de Salut public et de Législation, pour présenter à la Convention les vues qu’il convient en ces circonstances (91). 25 On procède à l’appel nominal pour le renouvellement de trois membres du comité de Salut public. Les trois membres nommés sont : Cambacérès, Carnot, Pelet (de la Lozère) (92). La séance est levée (93). Signé , PRIEUR (de la Marne), président, GUIMBERTEAU, ESCHASSERIAUX jeune, ROISSY [d’ANGLAS], Pierre GUYOMAR, GOUJON, secrétaires. En vertu de la loi du 7 floréal, l’an III de la République française une et indivisible. Signé, GUILLEMARDET, J.-J. SERRES, BALMAIN, secrétaires (94). AFFAIRES NON MENTIONNÉES AU PROCÈS-VERBAL 26 Un pétitionnaire est introduit; il dit : Législateurs, C’est dans le temple de la liberté, dans le sanctuaire des lois; c’est au pied du tribunal suprême d’une nation belliqueuse et libre, qui va dicter des lois à l’Europe étonnée et vaincue, qu’un prisonnier de guerre vient dénoncer la conduite odieuse de l’Angleterre envers 3 000 (91) P.-V., XL VIII, 205. C 322, pl. 1368, p. 33, minute de la main de Bentabole, rapporteur anonyme selon C* II 21, p. 23. Moniteur, XXII, 436. Débats, n° 774, 657 ; Ann. R. F., n° 45; J. Mont., n° 23; J. Paris, n° 46; J. Univ., n° 1806; Ann. Patr., n° 674; C. Eg., n° 809; Mess. Soir, n° 810; J. Perlet, n° 773; J. Fr., n° 771; M. U., XLV, 256; Gazette Fr., n° 1039 ; F. de la Républ., n° 46 ; Rép., n° 46. (92) P.-V., XL VIII, 205. Rapporteur anonyme selon C* II 21, p. 23. Débats, n° 773, 645; Moniteur, XXII, 428 et 436, cette gazette précise que les membres sortants sont Laloy, Treilhard, Eschasseriaux. Ann. R. F., n° 46 ; J. Univ., n° 1805 ; Ann. Patr., n° 674; C. Eg., n° 809; Mess. Soir, n° 810 et 811 ; J. Perlet, n° 773; J. Fr., n° 771 et 773; M. U., XLV, 256; Gazette Fr., n° 1039 ; F. de la Républ., n° 47 ; Rép., n° 46 et 47 ; Bull., 16 brum. (93) P.-V., XLVIII, 205. (94) P.-V., XLVIII, 205. 432 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE de ses compagnons d’infortune au compte de cette puissance. Les premiers enfans de la liberté, vainqueurs à Arlon, armée de la Moselle, et bientôt après à Turcoin, Varwick, Menin et Marchienne, en l’armée du Nord, livrés dans cette dernière ville par le plus lâche des scélérats à 20000 satellites des tyrans coalisés, pendant une nuit, la plus affreuse et la plus obscure, abandonnés de presque tous leurs chefs, faits prisonniers de guerre après un combat de 6 heures, malgré la surprise, la trahison et l’inégalité du nombre; ces valeureux défenseurs des droits de l’homme gémissent depuis quarante décades sous le joug odieux de ces fiers insulaires. Une paye de six liards du pays par jour, quelquefois sans pain, souvent sans paille, presque toujours couverts de haillons, sans souliers et sans linge; des prisons obscures et infectes, pour casernes : voilà comment a été traitée la division de Marchienne, à la solde de l’Angleterre, jusqu’au moment où la horde coalisée, à l’aspect du drapeau tricolor, a fui dans les forteresses de la Hollande. Alors, les dignes commissaires du tyran de Londres, nous ont fait bivouaquer, sans paille et sans habits, dans des marais situés sur le bord du Rhin, jusqu’au premier vendémiaire, où le redoutable Jourdan les a forcés à mettre ce fleuve entre lui et nous. Plusieurs de mes malheureux frères d’armes ont péri dans ces marais, victimes de la faim, de la soif et de la nudité, et des autres, couverts de paralysie et de lèpre, ne doivent leur existence qu’aux soins fraternels du citoyen Cornet, officier de santé au sixième régiment de hussards, qui a refusé de l’or, un cheval et un moyen assuré de briser ses fers, pour donner ses soins à 400 malades. Ce sacrifice de la liberté à l’humanité souffrante mérite de figurer dans les fastes de la République. Législateurs, le coeur déchiré des souffrances de mes frères, j’ai échappé à la vigilance de ma garde, et suis venu de suite vous demander vengeance de pareils attentats aux droits de la guerre, et solliciter l’échange de ces martyrs de la liberté. Signé, Vinson, fourier au cent-deuxième régiment, ci-devant principal du collège de Saint-Jumin. La Convention décrète que cette pétition soit renvoyée au comité de Salut public; qu’il soit fait mention honorable du don fait par le pétitionnaire de la petite monnoie qu’il a apportée de sa prison d’Angleterre, et insertion au bulletin de correspondance (95). (95) Débats, n° 773, 644-645. J. Mont., n° 23 ; J. Paris, n° 46 ; Ann. Patr., n° 674; C. Eg., n° 809; Mess. Soir, n° 810; J. Perlet, n° 773 ; J. Fr., n° 771 et 773 ; M. U., XLV, 254 ; F. de la Républ., n° 47 ; Bull., 17 brum. 27 CLAUZEL, au nom du comité de Salut public, fait nommer le représentant du peuple Alquier, pour se transporter dans les départements des Vosges, du Haut et Bas-Rhin et du Mont-Terrible avec les mêmes pouvoirs accordés aux autres représentants du peuple en mission (96). On a d’abord demandé s’il y avoit trois mois qu’ Alquier étoit revenu de mission; le rapporteur du comité a dit qu’oui ; Garnier (de l’Aube) a soutenu que non, et il a pris là occasion de s’élever contre cette préférence marquée, accordée à certains députés. Il a trouvé fort mauvais que les grâces et les faveurs fussent le partage des mêmes personnes et que les comités du gouvernement eussent leurs mignons, comme l’ancienne cour. Il a conclu à ce que tous les membres de la Convention qui ont un droit égal à la confiance des comités, participassent également aux mêmes honneurs, et aux mêmes avantages. Avant de prononcer, la Convention a voulu être assurée que le représentant du peuple Alquier étoit depuis 3 mois dans le sein de la Convention et Clauzel est allé au comité des Procès-Verbaux vérifier le fait (97). 28 [Remise des récépissés des dons par le garde comptable de l’argenterie et des dépouilles des églises, Paris le 15 brumaire an III] (98) Le garde comptable de l’argenterie et des dépouilles des églises remet au citoyen Guimberteau représentant du peuple avec la lettre du citoyen Voisel, commissaire du district de Mons, le duplicata du récépissé des objets qui ont été déposés au magasin. Il est fera l’usage qu’il jugera convenable. Thevenet. Ce qui est contenu dans le récépissé ci-joint n’est qu’une partie des objets confiés au citoyen Voisel, les autres objets dont la Convention a été informés, ont été déposés à la Trésorerie (99). [Voisel, commissaire du district de Mons à la Convention nationale, s. d.] (100) (96) C. Eg., n° 809. (97) Mess. Soir, n° 810. F. de la Républ., n° 47 ; J. Fr., n° 771; C. Eg., n° 809; Ann. Patr., n° 674. (98) C 323, pl. 1379, p. 10. (99) L’écriture de cette note diffère de la précédente. (100) C 323, pl. 1379, p. 11. Bull., 20 brum. (suppl.).