65 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [14 novembre 1789.] pourrez tirer de l’utilité dans l’affaire gui est aujourd’hui soumise à votre considération; et attachés comme ils le sont à la chose publique par plusieurs intérêts, ils s’expliqueront, je le crois, avec beaucoup d’impartialité et de patriotisme. Je ne m’étendrai pas davantage, et j’attendrai de connaître les objections essentielles qui ont pu m’échapper, soit pour les discuter ensuite, soit pour être éclairé par elles ; on peut s’en fier aux lumières présentes et à l’activité ordinaire de la censure, que rien ne sera négligé. Je crois la critique facile, puisqu’à mes propres yeux tout se ressent, dans ce projet, de la désolante contrariété des circonstances ; mais je ne puis qu’employer mes efforts à en affaiblir les conséquences, et seul je suis confident de ce qu’il m’en coûte de peine pour vous proposer un moyen qui s’écarte des principes généraux d’administration, dont l’observation sévère m’a seule attaché jusques à présent au maniement des affaires publiques. Aussi je crois me soumettre à l’un des plus grands sacrifices, en soignant même à ce prix l’intérêt de l’Etat. Je demande cependant, Messieurs, qu’après avoir fait part sans aucune réserve de toutes mes réflexions, on considère leur résultat comme une simple opinion, comme une simple déférence de ma part. Examinez, approfondissez par vous-mêmes une si importante question ; aidez-vous, je vous prie, de la comparaison et des lumières de tous ceux que vous jugerez à propos de consulter, car je n’accepterais point que vous vous en rapportassiez à moi par un sentiment de confiance ; je n’ai point décliné cette forme pour la contribution patriotique, parce que tout était simple dans une pareille affaire ; mais quand il s’agit d’une disposition aussi grave que compliquée, d’une disposition susceptible d’interprétations diverses ; enfin quand toutes sortes de motifs, toutes sortes d’intérêts et de passions viennent se mêler à présent au jugement qu’on porte des opérations de finance, je ne dois pas rester seul à répondre du succès ou des événement : c’est assez de vivre d’inquiétudes pour étudier, pour chercher, pour trouver le mieux ; c’est assez d’user toutes les facultés de sa pensée, toute la puissance de son âme, pour prévenir, pour éloigner, pour adoucir les malheurs de tout genre, dont j’aperçois à chaque instant le spectacle autour de la grande administration qui m’est confiée ; c’est assez, je le puis dire, d’aller en dépérissant sous l’immense fardeau dont je suis chargé, ét de le soutenir sans un moment de relâche, sans une minute de distraction ; enfin c’est assez d’avoir à se livrer à tant de peines par la seule loi d’un dévouement libre à vos intérêts. Je crois qu’il est de toute justice, Messieurs, que vous vous associiez à cette tâche, et que vous le fassiez, comme je vous en prie, simplement et généreusement, et de la manière qui convient aux représentants d’une grande nation , près desquels on ne verrait jamais aborder, sans douleur, aucune considération, aucune politique particulière, tant est superbe, auguste et supérieur à tout l’éminent intérêt qui vous rassemble. Pardonnez, Messieurs, si en vous parlant d’affaires j’y mêle souvent les sentiments de mon cœur; elles seraient insupportables, ces affaires, si rien de moral, si rien de sensible ne pouvait s’y réunir : et quel citoyen ne serait animé, quel homme ne serait agrandi par la contemplation du but auquel vous désirez d’arriver? vous ne rejetterez donc point l’hommage que l’on se plaît lre Série, T. X. à vous rendre de ses sentiments, de ses vœux et de ses pensées, et ce serait avec peine que je me soumettrais, si vous le vouliez, au sacrifice de tous les mouvements de mon cœur, et que je me réduirais à vous offrir, en tout temps, le langage de la simple raison ; mais cette raison n’est jamais complète lorsque le sentiment en est absolument séparé, parce que lui seul peut recueillir une infinité de vues qui échappent, même dans les affaires, aux efforts et aux atteintes de l’esprit. M. le Président. L’Assemblée nationale donnera aux vues que vous venez de présenter toute l’attention qu’elles méritent, à cause de l’importance de leur objet et à cause de la confiance que votre dévouement inspire à la nation. Un grand nombre de membres réclament l’impression du mémoire ; cette impression est ordonnée. Le ministre des finances se retire. L’Assemblée nationale décide le renvoi du mémoire au comité des finances. M. le comte de la Galissonnière insiste pour qu’on reprenne la délibération sur l’affaire de la province d’Anjou, mais elle est renvoyée à lundi. M Brunet de Latuque. Je demande que l’Assemblée nationale ait une séance demain dimanche afin de s’occuper des nombreuses affaires particulières qui sont en souffrance. Cette proposition est rejetée. M. Brunet de Latuque. Je fais la motion expresse qu’il y ait à l’avenir trois séances du soir par semaine pour expédier une multitude d’affaires qui concernent les provinces. M. Dubois deCraneé développe avec force les motifs qui doivent faire adopter les séances du soir. M. Fréteau dit que la nécessité de ces séances est prouvée par les rapports que les différents comités demandent inutilement à faire depuis plusieurs jours. M. l’abbé Haury. Ni à Londres, ni à Varsovie, ni à Stockholm, où il y a des Assemblées nationales, on ne s’assemble deux fois par jour. Notre temps appartient sans doute au royaume; mais si nous avons deux séances, il sera impossible de préparer aucune matière. La raison était différente lorsque nous tenions deux séances par jour à Versailles; d’ailleurs, les distances sont longues ici et les retraites difficiles. Il faudrait consacrer le commencement et la fin de nos réunions aux affaires particulières. Il est dangereux d’en traiter d’importantes à la fin d’une séance. M. Barnave. Si nous n’avons point des Assemblées en Europe qui tiennent deux séances par jour, c’est qu’elles ne travaillent nulle part à faire des constitutions. C’est chercher à retarder l’ouvrage important dont nous sommes chargés que de s’opposer à ce que l’Assemblée s’occupe dans des séances du soir, d’affaires qui, pour être moins importantes que la Constitution, sont cependant du plus grand intérêt pour la chose publique. On va aux voix selon la méthode accoutumée sur la motion de M. Brunet de Latuque. L’épreuve paraît douteuse. 5