[Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Annexes.] chargé de surveiller le service de santé de tous les hôpitaux de la marine et des colonies, et d’éclairer le ministre sur toutes les demandes qui peuvent lui être faites, ainsi que sur tout ce qui peut améliorer ce service. Vos comités se sont aussi occupés du service de santé des armées navales. L’expérience de la dernière guerre leur a démontré la nécessité d’établir, à la suite des armées navales, un vaisseau-hôpital, afin de débarrasser les vaisseaux de l’armée de leurs malades, d’attacher à l’armée navale un officier de santé supérieur, qui ait le titre de médecin en chef, à qui sera confiée la direction de ce service. Si ce que vos comités vous proposent aujourd’hui avait eu lieu pendant la dernière guerre, l’escadre de M. d’Orvillers, qui croisait sur Ouessant, n’aurait pas été obligée de quitter sa croisière et de rentrer à Brest (1), pour y déposer ses malades. S’il y avait eu un vaisseau-hôpital, à la suite de l’armée, et un médecin en chef, à qui tous les officiers de santé des vaisseaux eussent rendu compte de la situation des malades à bord de leurs vaisseaux, on aurait transporté les malades sur le vaisseau-hôpital, qui serait venu les déposer à Brest; et l’armée navale aurait continué sa mission. Tant qu’on n'aura pas l’attention de débarrasser les vaisseaux de leurs malades, on aura toujours des épidémies dans les armées navales, parce qu’il n’est point de cause plus manifeste de contagion, que d'avoir entassé dans un même lieu, des individus sains avec des individus malades ; et les hommes moissonnés par le canon, ne sont rien en comparaison de ceux qui le sont par les maladies. Nous pouvons, à l’àppüi de ce que nous avançons, citer toutes les puissances maritimes qui ont eu de grandes flottes, et qui n’ont point eu de vaisseau-hôpital. L’armée navale anglaise croisant sur les îles d’Hyères, en 1744, fut obligée de rentrer à Mahon, à cause de la grande quamité de ses malades. La même cause, il y a 2 ans, obligea l’escadre russe, dans la mer Noire, de rentrer dans le port. On y envoya, mais trop tard, un médecin en chef, pour diriger le service de santé de cette armée. Le traitement des officiers de santé de la marine avait été jusqu’à ce jour si modique, eu égard à la nature de leur service , que nous avons cru prévenir vos désirs en l’augmentant, ainsi que vous l’avez déjà fait pour tous les autres employés à ce département. Le métier de marin ne peut être comparé à aucun autre. Tout le monde sait que les hommes qui s’y livrent, s’usent et deviennent vieux de bonne heure. Les retraites, pour ceux qui ne seront point employés en ce moment, devraient être un peu plus avantageuses; parce que J’homme qu’on renvoie, doit être mieux traité que celui qui demande à s’en aller ; mais pour l’avenir, nous avons suivi scrupuleusement les décrets que vous avez rendus à l’égard des officiers militaires, attendu que les officiers de santé sont, ainsi que les militaires, exposés dans les combats, et qu’ils le sont infiniment davantage dans les épidémies. Nous ne fatiguerons pas plus longtemps votre attention; et si vous voulez le permettre, nous (1) Ce fait, et ceux qui suivent, nous ont été communiqués et certifiés par M. Coulomb, médecin en chef de l’hôpital de la marine de Toulon, qui, employé dans la dernière guerre, a rendu de grands services, et qui, adjoint au comité de salubrité, nous a donné les renseignements les plus étendus sur cet objet. 715 passerons de suite aüx articles du décret qui doit faire la base du service de santé des hôpitaux de la marine et de l’armée navale; en attendant qu’on vous présente les règlements qui doivent être une conséquence nécessaire de l’exécution du projet de décret que je vais vous soumettre (t). TITRE 1er. Bases générales du service de santé des hôpitaux de la marine, des colonies et de V armée navale , et de leur division en hôpitaux de première et de seconde classe. Art. 1er. « Tous les marins employés au service de l’Etat, seront traités, dans leurs maladies, aux frais du Trésor public. Art. 2. « Tous les établissements de santé de la marine, des colonies et des armées navales seront sous la direction immédiate du ministre de la marine, et sous la surveillance d’un directoire central, établi près de lui et sous ses ordres. Art. 3. « Il y aura toujours, à la suite de chaque armée navale, un vaisseau-hôpital. Art. 4. « Il sera attaché, pour le service des armées navales, un officier de santé supérieur, sous le titre de médecin en chef, auquel sera confiée la direction dtl service de santé des escadres. Ce médecin sera nommé par le roi, et pris parmi les médecins en chef des grands ports, qui auront navigué. Art. 5. « Toutes les fois qu’il y aura des projets d’armement, le directoire central mettra sous les yeux du ministre l’état des officiers de santé nécessaires à l’armement, et de tous les objets relatifs à la salubrité. Art. 6. « Les hôpitaux de la marine seront divisés en hôpitaux de première et de seconde classe. Art. 7. « Les hôpitaux de la première classe seront ceux où il y aura enseignement. Ils seront au nombre de 3, savoir : Brest, Toulon et Rochefort. Art. 8. « Les hôpitaux de seconde classe seront ceux établis dans les ports du second ordre, dans les colonies et dans les échelles du Levant. Art. 9. « Les médicaments seront toujours de qualité supérieure. La fourniture en sera mise en régie, et ne pourra jamais être donnée à l’entreprise. (1) Tous les règlements relatifs au service de santé de la marine ont été préparés par le comité de salubrité, et seront remis par lui au directoire central des hôpitaux de la marine, si l’Assemblée nationale décrète cet établissement. Celui-ci le cohiinu'niqlierâ âu ministre, qui le soumettra à la législature. 716 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Annexes.] TITRE II. Des officiers de santé , du mode de leur avancement et de leur admission. Art. 1er. « II y aura, pour le service de santé des armées navales, et des hôpitaux le la marine et des colonies, 3 classes d’officiers de santé, employés et appointés par l’Etat, savoir : des médecins "de la marine, des aides et des sous-aides. Art. 2. « Outre les sous-aides appointés, il y aura des sous-aides surnuméraires, qui seront employés à toutes les fonctions manuelles et de détail, qui serviront sans appointements, dans les hôpitaux civils, militaires et de la marine. Art. 3. « Toutes les places de sous-aides appointés seront données au concours, auquel seront seuls admis les sous-aides surnuméraires. Art. 4. « Tout sous-aide appointé qui aura servi 10 ans sans avancer en grade, et qui aura échoué dans 3 concours, sera remplacé. Art. 5. « Les places d’aides seront pareillement données au concours, auquel on admettra tous les sous-aides appointés ayant servi pendant 12 mois sur les vaisseaux de l’Etat ou 18 mois sur les vaisseaux du commerce. Les médecins légalement reçus qui prouveront avoir fait le même temps de navigation, seront admis à ce concours. Art. 6. « Les aides, légalement reçus médecins, pourront seuls remplir les places de médecins de la marine qui viendront à vaquer. Art. 7. « Nul ne sera employé en chef sur les vaisseaux de l’Etat, ou sur les vaisseaux du commerce, dans les voyages de long cours, soit aux Iodes, soit à la côte d’Afrique, armés de 20 hommes d’équipages, et au-dessus, s’il n’a été reçu médecin et s’il n’a le temps de navigation énoncé en l’article 5 ; tous les bâtiments, dans les cas spécifiés ci-dessus, seront tenus d’avoir un médecin à leur bord. Art. 8. « Toutes les places de médecin de la marine à résidence, soit en France, soit dans les colonies, ne pourront être données qu’aux médecins de la marine. Art. 9. « Un tiers des places sera au choix du roi ; les deux autres tiers seiont réservés à l’ancienneté, exceptant néanmoins celles auxquelles sont attachées des fonctions de professeurs, qui seront données au concours, auquel seront seuls admis les médecins de la marine. Art. 10. « Les pharmaciens attachés au service de la marine seront aussi divisés en trois classes, savoir : des pharmaciens en chef, des aides-pharmaciens et des sous-aides. Art. 11. « Les places de sous-aides-pharmaciens appointés seront données au concours, auquel seront seuls admis les sous-aides-pharmaciens surnuméraires. Art. 12. « Les places d’aides -pharmaciens seront également données au concours entre les aides appointés ayant deux ans de service en cette qualité dans les hôpitaux de la marine. Les pharmaciens, légalement reçus, seront aussi admis à ce concours. Art. 13. « Toutes les places de pharmaciens en chef seront données aux aides qui auront été légalement reçus pharmaciens; un tiers des places sera au choix du roi; les deux autres tiers seront réservées à l’ancienneté, exceptant néanmoins celles auxquelles seront attachées des fonctions de professeurs, qui seront données au concours. Art. 14. « Les règles d’admission aux examens pour le titre de sous-aide surnuméraire, soit en médecine, soit en pharmacie, et le mode de concours pour les places de sous-aides appointés et d’aides pour les places de médecins de la marine ou de pharmaciens, auxquelles sont attachées des fonctions de professeurs, seront déterminées par un règlement particulier. TITRE III. Du service et du nombre des officiers de santé de la marine. Art. 1er. « La médecine, la chirurgie et la pharmacie seront exercées dans les hôpitaux, par des personnes spécialement attachées aux fonctions qu’elles exigent. Art. 2 « Dans chacun des hôpitaux de première classe, il y aura 6 médecins en chef, dont 3 attachés au traitement des maladies externes, un pharmacien en chef et un jardinier botaniste. Art. 3. « Indépendamment du service des malades, les officiers de santé ci-dessus désignés seront chargés des diverses parties de l’enseignement, ainsi qu’il sera fixé par un règlement particulier. Art. 4. « Le nombre des officiers de santé nécessaire dans les hôpitaux de la seconde classe, et tous les détails du service de santé et de l’administration alimentaire des hôpitaux à terre ou à la mer, seront déterminés par un règlement. Art. 5. « Il sera entretenu, pour le service des armées navales, 60 médecins ordinaires de la marine, 60 aides et 60 sous-aides, qui seiont répartis dans les trois grands ports, de la manière suivante : [Annexes.] 717 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. Département île Brest : Art. 6. « Les officiers de santé, désignés ci-dessus, s’embarqueront à tour de rôle, et rempliront dans les ports, soit dans les hôpitaux, soit dans u s casernes des soldats, dans les bagnes, soit auprès des entretenus et ouvriers malades, etc., les fonctions qui leur seront indiquées par le règlement particulier. TITRE IV. De la direction générale et particulière de tous les établissements de santé de la marine , des colonies et des armées navales. Art. 1er. « Il sera établi, auprès du ministre de la marine, et sous ses ordres, un directoire central, chargé do la surveillance de tous les établissements de santé attachés à ce département, y compris les lazarets. Art. 2. « Il sera pareillement établi, dans chaque hôpital de la marine et des colonies, et dans les armées navales, un directoire particulier. Art. 3. « Le directoire central sera composé de 2 médecins et d’un pharmacien, ayant servi en chef dans les grands hôpitaux de la marine ou sur les vaisseaux de l’Etat. Il sera attaché à ce directoire, un secrétaire médecin. « Les membres de ce directoire seront nommés par le roi. Art. 4. « Le directoire particulier de chaque hôpital, sous les ordres de i’ordonnateur, sera composé des officiers de santé en chef de l’hôpital, du chef d’administration et d’un officier de la marine. Art. 5. « Le directoire de santé d’une armée navale sera composé du chef d’administration de l’armée, du major général et du médecin en chef, sous les ordres du général. Art. 6. « Les fonctions du directoire central seront d’entretenir une correspondance active et suivie avec tous les directoires particuliers des hôpitaux de la marine et des colonies et des armées navales, sur tous les objets relatifs à la salubrité, ainsi qu’avec les établissements des lazarets. • Art. 7. « Le directoire central formera des tableaux de la situation physique et économique des hôpitaux de la marine, des colonies, des vaisseaux de l’Etat et des lazarets. Art. 8. « Les états du directoire central seront rendus publics à la fin de chaque année. Ils formeront un tableau comparatif du nombre des malades, de ia nature et de la durée des maladies, des guéris et des morts. Ce tableau sera présenté chaque année, par le ministre, à la législature. Art. 9. « Dans tous les cas extraordinaires, et surtout lorsque les armées de terie et de mm* seront combinées, le directoire central des hôpitaux de la marine se réunira à celui des hôpitaux militaires, pour concerter ies mesures les plus promptes et les plus convenables à ces services réunis. Art. 10. « Le directoire central sera spécialement chargé de tenir des notes sur les services de chacun des employés, notamment sur les preuves de capacité qu’ils auront données dans les différents concours. Art. 11. « Il sera chargé de composer, dans le plus court délai, un formulaire de prescriptions habituelles ; et en conséquence, les approvisionnements de drogues simples seront ordonnés sur la demande de l'ordonnateur du port, d’après l’avis du directoire particulier, vérifié par le directoire central. Art. 12. « Les membres du directoire central qui seront chargés, d’après les ordres du ministre, d’inspec-ter les établissements de santé du département de la marine, seront indemnisés des frais déroute, d’après un règlement fixe, déterminé suivant la distance des lieux. « Ils feront leurs rapports au ministre, et remettront les procès-verbaux d’inspection au directoire central. Cette inspection aura lieu une fois tous les ans. Art. 13. « Les deux médecins, membres du directoire, central, jouiront chacun d’un traitement de six mille livres, ce qui fait, pour deux, 12,000 livres. <« Le pharmacien de quatre mille huit cents livres, ci ...... 4,800 « Le secrétaire de trois mille livres, ci ...................... 3,000 Total ........ 19,800 livres. TITRE V. Des traitements et retraites des officiers de santé de la marine. Art. 1er. « Les officiers de santé, chargés de l’enseignement, ainsi que du service des hôpitaux de la 718 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. première classe, jouiront des traitements suivants : « Le premier médecin en chef, chargé du traitement des maladies internes ........ 4,800 liv. « Le deuxième médecin .......... 3,600 « Le troisième médecin ........... 2,400 « Le premier médecin en chef, chargé du traitement des maladies externes 4,800 « Le deuxième médecin ........... 3,800 « Le troisième médecin ........... 2,400 t Le pharmacien en chef ......... 2,400 « Le jardinier botaniste .......... 1,200 Art. 2. « Les officiers de santé de la marine, lorsqu'ils seront employés sur les vaisseaux de l’Etat, auront le traitement suivant, savoir : « Le médecin en chef des armées navales, ci. .................... . ........... 6,000 liv. « Les médecins ordinaires de Ja marine ............................... 2,400 <* Les aides ................. . ..... 1,600 « Les sous-aides ............. ..... 1,200 « Ce traitement sera diminué d’un quart, lorsqu’ils seront à terre. Art. 3. « Les aides et sous-aides-pharmaciens, lorsqu’ils seront employés, auront le traitement suivant, savoir : « Les aides-pharmaciens .......... 1,200 liv. « Les sous-aides ................. 600 Art. 4. « Les retraites des officiers de santé de la marine seront fixées d’après la quotité de leurs appointements, de la même manière .et aux mêmes époques que celles des officiers militaires de ce département. Le temps de leur service commencera du moment qu’ils seront employés, soit dans les hôpitaux, soit sur les vaisseaux de l’Etat ou du commerce. Art. 5. « Les officiers de santé des hôpitaux de la seconde classe continueront à jouir de leur traitement actuel, jusqu’à ce que l’Asssmblée nationale ait statué sur le mode d’organisation de ces hôpitaux. TITRE VI. Application actuelle du décret ci-dessus, et des retraites qui seront accordées , pour ce moment , aux officiers de santé qui ne seront pas employés. Art. 1er. « Les 3 membres du directoire central seront [Annexes.] nommés par le roi, et choisis parmi les inspecteurs actuels ou les médecins et pharmaciens servant en chef dans les hôpitaux de la première classe, ou sur les vaisseaux de l’Etat. Art. 2. « Les médecins, chirurgiens et pharmaciens actuellement attachés au service de trois grands hôpitaux, seront nommés, pour cette fois seulement, aux places de médecin et de pharmacien en chef des hôpitaux de première classe. Art. 3. « Les chirurgiens-majors des vaisseaux et les élèves-médecins seront nommés aux places de médecins ordinaires, les seconds chirurgiens aux places d’aides-médecins, les aides-chirurgiens aux places de sous-aides-médecins. Les élèves-chirurgiens seront tenus de concourir pour passer au grade de sous-aide-médecin. Ceux qui ne seront pas placés en cette qualité continueront de jouir de leur traitement sous le titre de sous-aides surnuméraires. Ils seront obligés de faire le service. Art. 4. « Les officiers de santé actuellement employés au service de la marine, qui ne seront pas compris dans la nouvelle formation ou qui désireront leur retraite, l’obtiendront, ppur cette fois seulement, sur les fonds de la marine, de la manière suivante : « 1° Les officiers de santé employés au service de la marine sous les noms d’inspecteurs, de médecins, de chirurgiens, de pharmaciens, qui auront 60 ans d’âge et 30 ans de service, jouiront de la totalité de leur traitement actuel; « 2° Ceux qui sont âgés de 50 ans, et qui sont au service depuis 20 ans, auront les deux tiers de leur traitement ; « 3° Ceux qui sont âgés de 40 ans et qui sont au service depuis 10 ans, auront un tiers de leur traitement. Art. 5, « Les retraites déjà accordées seront conservées. Art. 6. « Au moment de l’exécution du présent décret, qui aura lieu au 1er janvier de l’année 1792, toutes les lois, ordonnances et règlements concernant le service de santé de la marine, seront abrogés. »