[Assemblée nationale.] ARCHIVES PA1 ces provinces, un reste d’attachement à quelques préjugés anciens, l’influence d’un clergé riche, puissant et nombreux, l’exemple des Brabançons leurs voisins, dont les principes de liberté sont si opposés aux nôtres ; toutes ces causes, et peut-être d’autres encore, ont pu retenir pendant quelque temps les élans de leur patriotisme. C’est sans doute alors qu’on a tenté de vous le rendre suspect; mais, Messieurs, si l’adresse du conseil général de la commune de Lille, du 27 février dernier, si celles des villes de Dunkerque, Saint-Omer, Arras, Douai, Marchiennes, Hazebrouck, Bailleul et autres, que vous avez daigné applaudir; si près de 50 millions de biens nationaux, pris par les municipalités de ces départements, ne parlaient pas assez en faveur de leur patriotisme, vous les mettrez certainement au nombre de ceux sur lesquels vous pouvez le plus compter pour le soutien de la Constitution, lorsque les députés extraordinaires qui sont envoyés vers vous, Messieurs, par la municipalité de Lille, vous auront fait lecture du procès-verbal de la cérémonie auguste, imposante et attendrissante du serment fédératif des trois départements du Nord, du Pas-de-Calais et de la Somme, et des quatre régiments composant la garnison de Lille, qui a eu lieu dans cette ville le 6 de ce mois. Je n’anticiperai pas sur les détails que ces députés auront à vous faire des fêtes superbes qui ont été données à cette occasion ; je me bornerai à vous faire lecture du serment qui a été prononcé à la face de l’autel, dressé au Champ -de-Mars, par plus de 80,000 citoyens, qui ont réuni leurs cœurs et leurs bras pour la défense de la patrie, et pour confondre les dernières espérances des ennemis du bien public. Voici, Messieurs, ce serment : « Nous, citoyens-soldats et soldats-citoyens, jurons sur l’autel de la patrie, en présence du Dieu des armées et sur nos armes, d’être fidèles à la nation, à la loi et au roi, de maintenir de tout notre pouvoir la Constitution acceptée par le roi, ainsi que tous les décrets de l’Assemblée nationale, sanctionnés par Sa Majesté. Nous jurons aussi de rester à jamais unis et de nous prêter réciproquement les secours qu’exige la fraternité, ainsi qu’à tous nos frères de l’Empire français, dés que nous en serons requis légalement. » M. l’abbé Davin réclame contre ce qui a-été dit par M. d’Elbecq, au sujet de plusieurs villes du Midi. M. Bouche. Rien dans les expressions de M. d’Elbecq ne peut affliger le patriotisme des habitants de nos contrées. Je saisis cette occasion pour faire connaître à l’Assemblée un fait qu’elle n’apprendra pas sans intérêt. Sur la fin du mois dernier, le régiment de Vexin, qu’un grand nombre de vagabonds étrangers suivaient, est venu à Aix pour demander raison au régiment de Roval-Ma-rine d’une injure qu’il disait lui avoir été faite. Les deux troupes étaient en présence; le combat allait s’engager, lorsque M. Chérin, maire de la ville d’Aix, et commissaire du roi pour la formation des départements, se jette entre les deux régiments : ses prières sont inutiles. « Eh bien! mes amis, leur dit-il, tirez d’abord sur moi; je ne veux pas être témoin des crimes que vous allez commettre. » Les soldats se jettent à ses pieds : il les oblige à s’embrasser; il les emmène dans la ville, et ces régiments aident les citoyens à chasser les brigands qui s’étaient répandus dans tous les quartiers, et qui commençaient à semer le désordre. Ainsi, par son dévouement héroïque, iEMENTAIRES. [11 juin 1790.] 165 M. Chérin a sauvé sa patrie de toutes les horreurs du pillage. Ses concitoyens s’occupent en ce moment à lui élever un monument. Sans doute, que l’Assemblée s’empressera de lui témoigner sa satisfaction, quand le comité des rapports aura rendu compte de cet événement. {On applaudit de toutes parts.) M. d’Elbecq propose de répéter ce qu’il a dit, afin de prouver ainsi que les réclamations qui se sont élevées ne sont pas fondées. (On demande à passer à l’ordre du jour.) M. Vernier, membre du comité des finances , donne lecture de quinze projets de décrets d’intérêt local, qui, successivement, sont adoptés ainsi qu’il suit : Premier décret. « Sur le rapport de son comité des finances, l’Assemblée nationale autorise les officiers muni-paux de la ville du Mur-de-Barrès à toucher entre les mains du correspondant de l’administration rovinciale de Haute-Guienne, la somme de ,000 livres accordée à ladite ville pour la construction d’une fontaine, à charge de remplacer ladite somme suivant sa destination. Lorsqu’on travaillera à ladite fontaine, l’emploi de ces deniers sera fait conformément à la délibération prise en conseil général le 6 avril 1790, et notamment pour l’atelier de charité, destiué aux fouilles nécessaires à la découverte des eaux. » Second décret. « L’Assemblée nationale, sur le rapport de son comité des finances, ayant égard aux délibérations prises en conseil général de la ville et commune de Montpellier les 27 mars et 13 avril derniers, au consentement donné par le sous-fermier des droits de l’Equivalent, et par l’une de ses cautions, le 27 mai, autorise les officiers municipaux de ladite ville à remplacer les droits perçus sur les boucheries, pour une année seulement, à compter du 24 juin courant, par une taxe personnelle, en sus du rôle de la capitation; laquelle taxe ne sera supportée que par ceux qui payent 3 livres et au-dessus, pour cette espèce d’imposition, la classe indigente en demeurant affranchie; réservé néanmoins que la présente autorisation ne pourra rien préjuger sur la masse des impositions qui devra être supportée, à l’avenir, par la ville de Montpellier. » Troisième décret. « L’Assemblée nationale, sur le rapport de son comité des finances, d’après la délibération prise en conseil général de la ville de Yalentine, diocèse de Comminges, le 25 avril dernier, autorise les officiers municipaux à imposer la somme de 500 livres par eux empruntée pour l’établissement de vingt-quatre métiers d'étoffe, et, de plus, à retirer des mains du receveur de la province la somme de 3,383 livres 4 sols déposée en vertu de différents arrêts du conseil, laquelle somme sera employée à l’établissement de douze autres métiers pour faire subsister la classe indigente, à charge de la remplacer lors que les ouvrages auxquels elle était destinée seront exécutés. » 166 {Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. {1! juin 1790.] Quatrième décret. « L’Assemblée nationale, sur le rapport de son comité des finances, autorise les officiers municipaux de Nègrepelisse à emprunter la somme de 2,000 livres dont le remboursement sera fait sur le produit de l’imposition des privilégiés pour les six derniers mois de 1789, après la fixation et répartition qui aura lieu dans le département ; et, en cas d’insuffisance, par voie d’imposition au marc la livre sur tous les contribuables. » Cinquième décret. « L’Assemblée nationale, ouï le rapport de son comité des finances, d’après la délibération prise par les officiers municipaux et notables de la communauté de Catalans, le 6 avril dernier, autorise lesdits officiers municipaux à emprunter la somme de 500 livres pour subvenir au soulagement de leurs pauvres ; à charge de rembourser ladite somme en principal et en intérêts par la voie de l’imposition, dans l’espace de deux années. * Sixième décret . « L’Assemblée nationale, ouï le rapport de son comité des finances, sur la délibération prise par les officiers municipaux et notables de la commune de Chaloraine, le 6 mai de l’an courant, décrète que les officiers municipaux sont autorisés à faire un emprunt de 6,000 livres pour être employé en achat de grains, et le montant en être remboursé par la vente desdits grains ; à charge et condition qu’en cas de déficit, la somme nécessaire pour compléter le remboursement sera ncessamment remboursée par la voie de l’imposition, ensuite de compte rendu, et de faire approuver le mode de l’imposition par le district et département. » Septième décret. « L’Assemblée nationale, sur le rapport de son comité des finances, vu la délibération prise en conseil général de la ville et commune de Mire-poix, autorise les officiers municipaux à imposer la somme de 2,000 livres sur la capitation; ladite somme à répartir sur tous ceux qui sont imposés à 4 livres et au-dessus, dans ledit rôle, pour être employée à continuer l’atelier de charité, et aux besoins urgents de la commune. » Huitième décret . « D’après l’adresse des habitants de Chapet, réunis aux officiers municipaux, l’Assemblée nationale, sur le rapport de son comité des finances, les autorise à un emprunt de 300 livres, pour remplacer les vases sacrés de leur église, qui oat été volés dans le courant d’avril, à charge de rembourser ladite somme sur le bénéfice de l’imposition des privilégiés, après que la division et le partage en auront été faits dans le département. •> Neuvième décret. Sur le rapport du comité de3 finances, l’Assemblée nationale ayant égard aux motifs retracés dans la délibération générale de la commune de Fontenay-sous-Mailly-le-Château, en date du 13 mai, autorise les officiers municipaux à faire un emprunt de 800 livres pour subvenir à leurs différents besoins, notamment au soulagement des pauvres, à charge de rembourser ladite somme sur la vente d’une partie de leur quart de réserve, si elle leur est accordée, et, à ce défaut, par la voie d’imposition ; et, en outre, à charge de faire approuver ledit emprunt par le district et département. » Dixième décret. « L’Assemblée nationale, sur le rapport de son comité des finances, et d’après les délibérations et adresses du conseil général de la ville et commune de Moissac, autorise les officiers municipaux à imposer la somme de 3,000 livres, au parc la livre de la capitation, sur tous ceux qui étaient imposés pour cet objet à 6 livres et au-dessus, à charge d’employer ladite somme à occuper les pauvres valides et à secourir ceux qui sont dans l’impuissance de travailler. * Onzième décret. « Sur l’adresse du conseil général de la ville de Saint-Yrieux, l’Assemblée nationale, d’après le rapport de son comité des finances, autorise les officiers municipaux à imposer la somme de 3,000 livres sur tous leurs contribuables pour continuer leur établissement de charité, à charge de pourvoir incessamment au remboursement, » Douzième décret. « Sur l’adresse des officiers municipaux et notables de la commune de Troux, près Ohevreuse, ouï le rapport du comité des finances, l’Assem-b lée nationale autorise lesdi ts officiers mun icipaux à imposer la somme de 500 livres sur tous ceux qui, dans leurs rôles, payent au-dessus de 10 livres de toutes tailles pour ladite somme être employéeau soulagement des pauvres; et, attendu le besoin urgent, les autorise à emprunter ladite somme jusqu’au recouvrement du rôle. » Treizième décret. « L’Assemblée nationale, ouï le rapport de son comité des finances, sur les délibérations prises en conseil général de la ville de Salins, le 20 octobre 1789 et le 30 mai 1790, autorise les officiers municipaux de ladite ville à imposer la somme de 4,000 livres en deux ans, sur tous les habitants qui payent 4 livres et au-dessus d’impositions directes, pour parvenir au soulagement de la classe indigente, sauf auxdits officiers municipaux à se procurer ladite somme par la voie d’emprunt, A quoi ils demeurent, dès à présent, autorisés. » Quatorzième décret. « Ouï le rapport du comité des finances, sur la délibération prise en conseil général de la com-mune de la ville de Ghevreuse, l’Assemblée nationale autorise les officiers municipaux àimposer la somme de 4,000 livres et par quart, dans le cours de quatre années prochaines, sur tous les contribuables qui payent au-dessus de cinq livres [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [11 juin 1790.] de toute espèce d’impositions, pour ladite somme, ou celle qui sera procurée par un emprunt, jusqu’au� recouvrement des rôles, être employée au soulagement des pauvres et au paiement des dettes urgentes. » Quinzième décret . » Ouï le rapport du comité des finances sur la délibération prise par les officiers municipaux et notables de la ville de Nontron, le 9 avril, l’Assemblée nationale autorise lesdits officiers municipaux à imposer dans leurs rôles la somme de 2,400 livres en prenant pour base de cette imposition le taux des vingtièmes, pour ladite somme être employée en ateliers de charité et au soulagement des pauvres. » M. Bouche. Messieurs, je viens au nom du comité de vérification des pouvoirs vous rendre compte du nouvel examen auquel il s'est livré, par votre ordre, sur les titres que présentent MM. César et Constantin de Faucher pour établir leur qualité de députés, en remplacement du MM.de Saint-Sauveur évêque de Bazas, etdePiis, tous les deux démissionnaires. — Le comité a entendu les députés de la circonscription de Bazas et, après un mur examen, il a reconnu à l’unanimité que les pouvoirs de MM. de Faucher étaient insuffisants. En conséquence, nous vous proposons un projet de décret pour ajourner l’admission de ces deux députés. M. Regnaud (de Saint-Jean-d' Angely). Il y a eu dans la décision de l’Assemblée une erreur de fait dans la capacité des personnes. Il n’y a pas lieu, par conséquent, de prononcer l’ajournement, il ne reste qu’à déclarer que le décret rendu précédemment est nul et de nul effet. On demande la priorité pour la motion de M. Regnaud, elle est accordée et le décret suivant est rendu: « L’Assemblée nationale, ouï le rapport de son comité de vérification des pouvoirs, a décrété et décrète qu’il y a eu erreur de fait dans le décret qui a admis les sieurs César et Constantin de Faucher en qualité de députés suppléants du Bazadais, et qu’en conséquence ledit décret sera considéré comme non avenu. » M. Ce Chapelier. Une société des amis de la Constitution, qui s’est formée à Tulle, se plaint, dans une adresse du 3 juin, de la lenteur des commissaires nommés par le roi pour la formation du département. Le jour de l’assemblée des électeurs n’est pas encore fixé ; on dit même que l'administration ne sera pas organisée avant le mois de juillet. L’adresse se termine ainsi : « Baignez donc, Nosseigneurs, interposer votre autorité pour que l’assemblée des électeurs du département de la Corrèze se tienne au plus tôt. Veuillez bien considérer l’humble pétition que nous vous adressons comme une preuve de notre profond respect pour les pères de la patrie, et de l’ardent désir que nous avons de concourir de toutes nos forces au bien public. » Le comité de constitution, dont je suis l’organe me charge de vous présenter un projet de décret. M. Canjuînais. Comme les inexactitudes qu’on vous signale dans le département de la Corrèze, peuvent se présenter dans d’autres provinces, je demande que le décret soit rendu général . M. Cudïère. J’appuie la motion d’un décret général parce qu’il importe d’activer la formation des départements, mais je demande qu’il ne soit fait aucune mention des commissaires du roi en Bas-Limousin, parce que les faits qu’on vous dénonce ne sont pas prouvés. M. Malès. Comme député de la Corrèze, j’insiste pour que les commissaires soient désignés dans le décret, attendu que non seulement ils mettent des retards affectés dans les convocations, mais que même ils se permettent d’interpréter vos décrets. J’ai reçu, à cet égard, des pièces qui justifient mon dire. M. Delort de Pnymalie. Si les renseignements dont parle notre collègue lui ont été fournis par le sieur Brival, qui est en ce moment à Paris, et qui est sans doute l’instigateur de la pétition du club des amis de la Constitution de Tulle, ils méritent peu de créance. (On demande de toute part la clôture de la discussion.) La clôture est prononcée et le projet du comité est adopté en ces termes : « L’Assemblée nationale décrète que son président se retirera vers le roi, pour le prier d’ordonner à ses commissaires pour l’établissement des assemblées administratives des départements, et notamment du département de la Corrèze, de suivre leurs opérations avec exactitude, de les accélérer le plus qu’il sera possible, en exécutant exactement les décrets, et d instruire l’Assemblée nationale de la suite de leur travail. » M. l’abbé Gouttes. Le comité des finances s’est occupé de la mission que vous lui avez donnée par le décret rendu samedi dernier, sur les indemnités à accorder aux citoyens qui ont souffert dans la Révolution, et particulièrement aux veuves et aux enfants des vainqueurs de la Bastille. (On demande l’ajournement à une séance du soir.) M. l*e Chapelier. On perd beaucoup de temps en ajournements. Voilà un an que de braves citoyens ont pris la Bastille, sans que vous vous soyez occupés de leur sort. M. Cabbé Gouttes. Le comité demande seulement que l’Aesemblée ordonne qu’il lui soit rendu compte des pertes, malheurs et dommages éprouvés par quelques citoyens, à l’occasion de la Ré-» volution, et que le comité propose des indemnités convenables à mesure que les faits seront constatés. M. Camus. Le comité des pensions doit vous proposer de fixer la quotité des pensions et des gratifications qui pourront être accordées, et de déterminer une somme pour donner des secoure à ceux qui ont souffertdans la Révolution. Le co»- mité présentera ce travail quand l’Assemblée le trouvera convenable. Il me paraît à propos d’attendre pour prendre cet objet en son entier, M. lie Chapelier. Un décret général serait inutile ou dangereux. Je croyais qu’il s’agissait uniquement des vainqueurs de la Bastille. Je demande qu’il soit incessamment présenté un projet de décret sur cet objet particulier.