280 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [27 septembre 1790.] cun autre plan, et que l’absence ou la diminution des inconvénients dont les autres plans sont remplis, ont totalement décidé mon opinion. S’il reste encore des craintes, on peut borner l’émission des assignats à une somme de 800 millions ; cette mesure de prudence n’est pas incompatible avec mon plan, et j’en ai fait les huit articles de mon décret. Il ne me reste plus qu’à vous en présenter le projet; quelques clauses additionnelles, qui ne seraient que le développement, les corollaires de ce plan, répondraient parfaitement en détail au petit nombre d’objections qu’il m’a paru possible de faire, mais dont la discussion n’eût fait qu’allonger encore l’opinion que mon respect pour le temps de l’Assemblée et ma défiance pour mes forces, auraient peut-être dû abréger, si j’avais pu considérer autre chose que l’importance et la grandeur du sujet. PROJET DE DÉCRET. Art. 1er. La dette exigible sera remboursée à la volonté des créanciers, soit en assignats, soit en quittances de finance, soit en contrats de constitution. Art. 2. L’assignat fera fonction de monnaie, et sera reçu comme telle à la vente des biens nationaux, dans tous les échanges et dans tous les payements. Art. 3. Les quittances de finance seront reçues à la vente de biens nationaux, et en remboursement de capitaux ; elles porteront 3 0/0 d’intérêt; il sera tenu compte de 2 0/0 sur le capital lors de la vente des biens nationaux. Art. 4. Les contrats de constitution seront à 4 0/0 et seront admis à la vente des biens nationaux. Art. 5. Les porteurs de la dette constituée seront admis de gré à gré, à la liquidation de leur créance, mais le capital n’en sera estimé que sur la somme des intérêts dont ils jouissent actuellement. Art. 6. Les assignats, quittances de finance et contrats de constitution pourront être rapportés au Trésor national et changés les uns contre les autres, à la volonté des porteurs. Art. 7. Les 400 millions d’assignats décrétés précédemment cesseront de porter intérêt, à dater du premier janvier et les coupons d’intérêt seront rapportés et payés au Trésor national. Art. 8. L’émission dassignats ne pourra, dans aucun cas, excéder 800 millions en circulation. Opinion DE M. de la Rochefoucanld, député de Paris, sur la proposition d'une émission nouvelle d'assignats-monnaie (1). Messieurs, les travaux auxquels vous m’avez chargé de coopérer dans deux comités ne m’a-vaieDt pas laissé le loisir nécessaire pour rédiger par écrit une opinion sur la grande question qui vous occupe, et je comptais, profitant de la dis-(1) Inscrit hier pour la parole, mon tour n’est pas venu; je me suis fait inscrire de nouveau ce matin, mais le nombre de mes prédécesseurs dans la liste ne me laissant pas espérer que mon tour vienne avant la clôture de la discussion, je me hâte d’écrire quelques pages, et de les envoyer à l’impression, pour payer mon tribut à l’Assemblée nationale et à mes concitoyens, si je ne le puis pas à la tribune. (Note de M. de La Rochefoucauld.) cussion que vous avez sagement prolongée, et des nombreux écrits répandus dans le public, former en silence mon vœu réfléchi sur la grande et importante décision que vous allez rendre; mais quelque peu préparé que je sois à vous présenter mes idées, j’ai cru devoir, au moment où l’erreur d’un peuple trompé se manifestait à l’égard de ceux qui soutiennent une opinion qui est aussi la mienne, vaincre la timidité qui m’avait retenu, et montrer à ce même peuple que ses amis véritables, que les hommes vraiment attachés à ses intérêts, préfèrent le devoir de le servir, même avec le risque de lui déplaire, au vain plaisir de recevoir, en flattant ses désirs momentanés, des applaudissements que le vent emporte avec lui. À ce motif puissant s’en joint un autre personnel. J’ai parlé, le 15 avril, dans cette tribune, en faveur des 400 millions d’assignats-monnaie dont vous avez décrété la création, et je vous dois compte de la différence apparente entre mon avis de ce jour et celui d’aujourd’hui. Je dis apparente, parce que la question n’était point du tout la même, car il ne s’agissait point alors de l’émission de deux milliards de papier-monnaie ; je pourrais même dire que les assignats du 15 avril doivent, à l’intérêt dont ils sont accompagnés, un caractère qui les distingue de ce papier justement décrié dans l’opinion publique. Je ne lui comparerai pas non plus absolument les assignats nombreux que l’on vous propose de créer aujourd’hui : ils en approchent davantage, puisqu’ils sont dénués de tout intérêt, mais ils ont une hypothèque solide qui établit en leur faveur une nuance que leurs partisans vantent trop, mais que je me garderai de méconnaître. Ainsi, je ne m’écrierai pas avec quelques-uns des préopinants : « Ou veut renouveler le système « de Law, et les assignats-monnaie, représenta-« tifs des domaines nationaux, auront le sort <édes billets de banque dont l’hypothèque était « une chimère. » Non, Messieurs, cette assertion n’est pas vraie ; mais, sans produire peut-être des effets, aussi funestes que ceux dont l’histoire de la Régence nous a laissé le souvenir effrayant, l’opération que je combats causera de grands maux, et elle est injuste. Et d’abord, pour que les assignats ne fussent pas un véritable papier-monnaie, dans toute l’étendue de ce terme, il faudrait que leur somme fût évidemment inférieure à la valeur des domaines nationaux qui sont actuellement en. vente; et je ne vois pas qu’aucun des orateurs ait entrepris cette appréciation. Je crois que ces domaines vaudront beaucoup plus que ce à quoi je les entends communément estimer ; je doute cependant qu’en déduisant les réserves que vous avez faites, ceux vendables dans le moment équivalent à deux milliards ; mais je ne pousserai pas plus loin cet argument, puisque Fopinion contre laquelle il serait dirigé me paraît abandonnée, même par son auteur. Occupons-nous donc seulement de la valeur de l’assignat-inon-naie le mieux hypothéqué, comparativement avec la monnaie métallique, qui est le signe convenu de toutes les valeurs. S’il ne fallait chercher qu’un exemple, les assignats actuellement existants en fournissent un exempt de doute, puisque, malgré l’intérêt qu’ils portent avec eux, ils sonttombés considérablement au-dessous du pair; mais voyons si la nature des choses ne commande pas cette infériorité de valeur. Le papier n’en a aucune par lui-même ; et il n’en emprunte une idéale, que d’après la certi- 281 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [27 septembre 1790.] tude, qu’avait son possesseur, de pouvoir l’échanger contre d’autres valeurs. Il faut donc que toutes les personnes avec lesquelles il peut avoir des relations partagent cette certitude. Ainsi, la confiance générale est une donnée nécessaire, pour que le cours d’un papier puisse se soutenir; mais, en supposant même cette confiance, il n’est pas divisible en petites parties, comme la monnaie de métal, et il ne prête pas, comme elle, au payement exact de toutes les sommes dont on a besoin. Il faudrait donc qu’il pût, dans tous les temps et dans tous les lieux, être échangeable coutre elle; sinon, malgré la confiance même bien établie dans sa solidité, il manquera de ce caractère de commodité, et devra, par conséquent, être moins recherché qu’elle. Mais les assignats-monnaie, non seulement ne seront point échangeables à volonté contre de l’argent; ils ne le seront même pas du tout; et personne n’a imaginé de proposer à l’Assemblée nationale l’établissement de bureaux de change dont tout le monde sent l’impossibilité dans les circonstances actuelles. Ils ne seront donc en définitive échangeables que contre des portions de domaines nationaux ; mais, quelque bon que soit ce gage, il n’est pas aussi aisément amovible que la monnaie de métal; il faut quelques peines, quelques formalités, quelque temps pour procurer cet échange ; et c’est alors une cause qui doit tenir dans le commerce l’assignat-mon-naie au-dessous du pair. Il s’établira donc nécessairement une différence de prix entre l’assignat et l’argent; et plus il y aura d'assignats, plus cette différence sera sensible, puisque, dans tous les marchés, l’affluence d’une denrée la fait baisser. Il faudra donner une somme plus forte en assignats, pour avoir une somme moins forte en argent; et, de là, le désavantage de notre change avec l’étranger, sur lequel je ne m’arrêterai pas, parce qu’on vous en a démontré le mécanisme avec clarté. Mais ce désavantage existera aussi dans l’intérieur du royaume, tant pour les dépenses du gouvernement, que pour celles des particuliers. En effet, puisque les assignats auront une valeur inférieure à celle de l’argent, tous les gens qui auront des denrées à vendre exigeront une somme plus forte en assignats; et comme, leur cours étant forcé, ils devront toujours calculer d’après cette monnaie fictive, ils hausseront leurs prix jusqu’à un taux qui les mette à l’abri de la perte ; ils les hausseront même au delà, s’ils le peuvent, dans l’incertitude où ils seront de la valeur qu’aura, peu de jours après, l’assignat qu’il vont recevoir, car cette valeur ne sera pas toujours ni partout la même; elle variera selon l’abondance des assignats dans les marchés, et sans doute il y aura des spéculateurs qui tireront partie de cette espèce d’agiotage, plus funeste encore que celui dont on se plaint avec tant de raison. L’opération proposée aura donc pour effets certains le surhaussement de prix de toutes les denrées, et l’incertitude plus fâcheuse encore de ces mêmes prix, puisqu’ils seront réglés sur le taux toujours variable de celui des assignats. De là l’incertitude dans toutes les combinaisons du commerce, dans tous les calculs de l’industrie, dans toutes les transactions particulières, l’augmentation dans toutes les dépenses, et plus encore dans celles du gouvernement que dans toutes les autres, puisque, ne touchant ses revenus qu’en assignats, il sera obligé d’acheter de l’-argent fort cher pour un grand nombre de i payements, solde des troupes , payements d'ouvriers , etc.; qu’il ne peut pas effectuer en monnaie fictive, et puisque le prix de toutes les denrées s’étant élevé sans que la somme des contributions publiques participe à cette augmentation, il sera obligé de payer plus cher ses fournitures, ses salariés, et d’augmenter enfin le traitement des fonctionnaires publics, de qui la condition deviendrait sans cela trop malheureuse. Voilà donc cet espoir séduisant de la diminution des impôts qui s’évanouit, et l’accroissement des dépenses qui nécessite un accroissement de charges. Ce n’est cependant pas tout encore ; indépendamment de l’effet général que produira sur le prix des denrées la différence de prix entre les assignats et l’argent, elle en produira encore un particulier pour tous ceux qui auront besoin de les échanger immédiatement contre la monnaie métallique; et ceux-là seront en général de tous les possesseurs d’un assignat, tes moins aisés et ceux dont les besoins seront les plus urgents, deux raisons qui leur feront éprouver encore une perte plus considérable (1) ; et ne leur dites pas qu’ils pourront les échanger contre des portions de domaines nationaux, parce que les gens qui auront peu d’assignats et beaucoup de besoins, seront pressés de vendre, et ne seront point en état d’acheter. Les partisans de l’opération proposée ne se dissimulent pas ces vérités; mais ils croient y avoir répondu en disant que la vente ouverte des domaines nationaux soutiendra les assignats. Il faudrait donc pour cela qu’elle pût leur imprimer une valeur idéale plus forte que celle de la monnaie pour compenser l’infériorité de prix que leur défaut de divisibilité et la privation de l’échange à volonté doivent leur donner ; et je ne vois pas encore qu’aucun opinant nous en ait fourni le moyen ; car celui d’exclure l’argent des ventes ne peut pas être présenté comme praticable, il répugne trop à toutes les idées reçues, et même à toutes les notions saines d’économie politique, et d’ailleurs ce moyen et celui des primes tendraient à priver l’habitant des campagnes, étranger à toutes les spéculations, de prendre part aux adjudications, dont l’effet le plus heureux sans doute, serait la plus grande division possible des propriétés nationales entre des mains cultivatrices; le résultat de ces moyens serait donc un privilège pour les spéculateurs, contre ceux qui ne le seraient pas. Mais quelque active qu’on suppose la vente des domaines nationaux, elle ne peut jamais l’être assez pour absorber instantanément les assignats-monnaie ; ils se répandront donc dans le commerce et y porteront, en attendant, un tronble proportionné, non pas à la somme réelle en émission, mais à la masse dont la création aura été annoncée ; car l’opinion est prompte, et, prenant votre décret pour base, elle fondera tous les calculs sur la possibilité la plus étendue : ainsi, dans une opération dont la marche ne peut être soumise qu’à sa volonté, vous devez calculer comme elle, et redouter jusqu’aux effets de son égarement. J’ai dit que je ne comparais pas les assignats-monnaie avec les billets de Law ; mais permet-tez-moi de vous observer que l’éiat de fermentation inséparable d’une grande révolution ne permet pas de mesurer les effets qu’une cause (1) De là résulte le danger de faire de petits assignats, parce que, plus ils seront petits, plus la perte de cet échange immédiat tombera sur les pauvres. [Assemblée, nationale. J ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [27 septembre 1790.] moindre pourrait produire; et que si quelque chose pouvait mettre en danger la Constitution que nous établissons, ce serait le résultat malheureux d’une mesure plus que hardie. On dit encore que peu d’assignats resteront dans le commerce, parce que ce seront des capitaux que vous rembourserez; mais les 170 millions, que vous avez remboursés à la caisse d’escompte, et les 130 millions d’anticipations étaient aussi des capitaux, et cependant ils y sont entrés, et cependant, malgré l’intérêt attaché à ces premiers assignats, ils sont au-dessous du pair ; d’ailleurs, si ceux qu’on vous propose d’émettre encore devaient être gardés comme capitaux par ceux à qui vous les donnerez, ils se trouveraient privés de l’intérêt auquel ils ont droit, et s’ils les transmettent à d’autres, la perte qu’ils ne feront pas sera supportée par ceux qui les échangeront en définitive contre de -l’argent ; ainsi tout autre usage que l’acquisition immédiate des domaines nationaux fera éprouver une perte injuste aux possesseurs des assignats; il n’existe qu’un moyen d’éviter cette alternative, c’est de payer vos créanciers en délégation sur les domaines nationaux, en obligations nationales, comme M. Anson les a nommées, mais en obligations nationales portant l’intérêt commun. Plusieurs objections ont été faites contre cette mesure, et je ne me dissimule pas leur force; les créanciers de l’Etat seront lésés, dit-on ; cela est vrai, car les porteurs de créances exigibles, dont la somme au reste est beaucoup moins forte que plusieurs opinants ne l’ont calculée, auraient droit à un payement immédiat en argent; mais, de ce que la position actuelle des affaires vous met dans l’absolue impossibilité d’effectuer ce payement en espèces, devez-vous, en changeant l’injustice de place, la faire supporter aux autres citoyens, à ceux qui n’ont jamais fait d’affaires avec l’Etat; non, vous devez faire avec vos créanciers directs le meilleur arrangement possible, et il n’en est pas un plus juste que de leur dire : Voilà des biens que je vous abandonne ; allez avec votre titre vous en mettre en possession. Mais on craint, à la fois, ou que l’intérêt attribué aux obligations nationales n’engage les créanciers à les garder et ne les éloigne d’acquérir les biens nationaux, ou que ces obligations n’éprouvent une perte considérable lorsqu’un créancier voudra les transmettre au lieu de les employer en acquisitions territoriales; il faut cependant choisir entre les deux craintes, car elles ne peuvent pas subsister ensemble ; la dernière est la plus vraisemblable, au moins dans les commencements, mais je ne vois pas pourquoi la situation, malheureuse, sans doute, du créancier de l’Etat dans ce cas, serait une raison pour faire supporter ce malheur à ceux qui ne le sont pas. La vente des domaines nationaux sera encore le remède à ce mal, comme à celui de la perte des assignats, avec la différence cependant que les obligations nationales n’auront pas fait en chemin les mêmes ravages. Si donc vous supposez qu’elles perdent dans le commerce, elles se dirigeront vers les domaines nationaux, dont la vente s'accélérera de cette manière, tout autant qu’avec les assignats-monnaie , ainsi le mal sera moindre et le but sera rempli. Mais si, au contraire, les obligations nationales se soutenant au pair, les créanciers les gardaient pour en toucher les intérêts, je dis d’abord que ce serait le signe non équivoque d’une confiance qui produirait, à d’autres égards, des effets très heureux; je dirai ensuite que cette confiance même n’empêcherait pas la vente des biens nationaux ; car, croyez, Messieurs, que les propriétés territoriales ont toujours de l’attrait, et d’ailleurs, vos créanciers sentiraient alors que vous trouveriez, à la faveur d'une confiance si bien établie, le moyen de réduire, par des opérations très simples, le taux des intérêts dont l’Etat est chargé, et qu’ils préféreraient l’acquisition de vos domaines à la perspective de cette diminution. Pour moi je ne crois ni à l’une ni à l’autre de ces propositions extrêmes; les obligations nationales perdront d’abord, mais moins qu’on ne l’assure; et la vente des domaines nationaux, dont les opérations préliminaires, lentes à la vérité par les circonstances, sont cependant plus ou moins avancées dans tous les départements (1) relèvera bientôt leurs prix, sans le porter cependant, d’ici à un certain temps, à un temps qui puisse en rendre la conservation aussi précieuse. L’objection, la plus forte sans doute contre les obligations nationales, c’est la nécessité d’en payer les intérêts; mais premièrement, si c’est une justice, il n’y a point à balancer; et quant à l’accroissement d’impôt que cette nécessité pourrait exiger, il faut, pour l’apprécier, commencer par en déduire le revenu des domaines nationaux; ainsi, la somme nécessaire à ajouter à ce revenu, n’irait certainement pas à plus de cinquante millions; mais est-il indispensable de les imposer? Non, Messieurs, vous devez songer que quelque heureuse qu’ait été notre Révolution, le dérangement de beaucoup de fortunes, la stagnation du commerce et de l’industrie exigent des ménagements ; vous n’imposerez donc pas ces cinquante millions, vous les prendrez sur le prix des ventes que vous aurez faites, et quand, dans l’espace de deux ou trois années, les législateurs seraient dans le cas d’employer, en diminution des charges publiques, cent ou cinquante millions pris sur ces biens, ce serait encore, pour la nation, une excellente mesure. Après avoir pesé les inconvénients des deux partis entre lesquels nous balançons, si je les trouvais égaux, je croirais devoir vous dire, Messieurs, ne prenez pas celui dont un moment de méfiance, dont le moindre événement peuvent déjouer tout le succès; mais ici les inconvénients ne sont certainement pa3 compensés; le remboursement de la dette publique en obligations nationales est donc le seul parti que vous ayez à prendre le seul qui puisse assurer la vente des domaines nationaux et l’extinction d’une grande partie de vos charges, sans exposer l’Etat et les citoyens au péril d’une convulsion dont il serait impossible, quoi qu’on en puisse dire, de calculer les effets. Mais, me dira-t-on, il faudra bien créer des assignats pour le courant des dépenses publiques, jusqu’au moment où le recouvrement des impôts aura repris son activité. Eh bien ! tout cède à la nécessité, vous y céderez aussi, mais vous y céderez le moins possible; et comme toutes vos déterminations sont publiques, vous ne craindrez pas que l’opinion les amplifie, et qu’il se fasse des combinaisons sur des sommes plus fortes que celles que vous aurez décrétées : ainsi le prix des denrées n’éprouvera pas ces varia-(1) Les enchères sont ouvertes à Paris depuis trois semaines ; il y en a d’ouvertes aussi dans d’autres départements, et elles le seront incessamment dans tous* lAssemblée nationale.! ARCHIVES PARLEMENTAIRES. (28 septembre 1790.J 283 tions subites toujours funestes et les ventes en activité vous feront retirer, en peu de temps, une proportion d’assignats assez considérable pour que l’équilibre du commerce n’en soit pas dérangé; ainsi, vous arriverez sans secousse au temps où la France, heureuse par sa Constitution, verra refleurir toutes les branches de son économie politique. Je crois donc que l’on peut, sans crime , voter contre l’opération proposée; et je conclus, en conséquence, pour l'adoption du projet de décret qui vous a été présenté le 10 de ce mois par votre comité d’aliénation (I), en changeant leur titres de créances en obligation nationale , et en vous réservant de créer, à mecure des Oesoins publics, la quantité d’assignats-monnaie nécessaires pour y subvenir, sans qu’il puisse en être créé pour d’autres usages. ASSEMBLÉE NATIONALE. PRÉSIDENCE DE M. EMMERY. Séance du mardi 28 septembre 1790 (2) . La séance est ouverte à neuf heures du matin. M.Wernler, secrétaire , donne lecture du procès-verbal de la séance d’hier 27 septembre. Il est adopté. M. Vieillard {de Saint-Lô), secrétaire , donne lecture de la lettre suivante des membres du directoire du département de Seine-et-Oise : « Messieurs, « Vos cœurs seront sans doute aussi satisfaits que les nôtres l’ont été, en apprenant que ceux que l'on vous a présentés comme des brigands menaçant ie petit parc, le château et la ville de Versailles, ne sont autres que les habitants des campagnes voisines, induits en erreur, et auxquels il avait été publiquement annoncé que le roi avait permis de détruire tout le gibier du grand parc; et il est de fait que Sa Majesté avait ordonné qu’il fût tué pour être distribué aux pauvres . « Sur notre invitation, deux membres du district s’étant transportés sur les lieux, il résulte de leur procès-verbal que tous ces chasseurs, qui n’étaient pas à beaucoup près si nombreux qu’on s’est plu à vous le dénoncer, et parmi lesquels se trouvaient d’honnêtes citoyens également trompés, croyaient jouir in nocemment des bienfaits de Sa Majesté; nous vous laissons maintenant apprécier les craintes que l’on a réussi à inspirer à l’Assemblée nationale et à jeter dans le cœur du roi, et qui se sont répandues dans (1) Je dois observer que je ne parle point ici au nom du comité d’aliénation; j’ai été chargé parlai, le 10 de ce mois, d’un rapport sur le mode de payement des domaines nationaux; mais il m’a chargé aussi de dire (page 4 du rapport imprimé) qu'il imitait la sage retenue du comité des finances, en ne vous apportant point un avis sur une question que vous ne l’aviez point chargé d’examiner et d’ajouter que chacun de ses membres pourrait vous développer ses vues particulières ; c’est le devoir dont je m’acquitte en ce moment. {%) Cettq séance est incomplète au Moniteur % toute la France. L'amour de la paix nous fait un devoir de garder le silence sur un événement qui n’a pas produit tout l’effet qu’on pouvait en attendre; le calme est rétabli : voilà ce qui doit tranquilliser tous les bons citoyens et ce que nous nous empressons de faire savoir à l’Assemblée nationale ; heureux d’apprendre cette nouvelle satisfaisante la France entière et à son chef auguste dont il serait à désirer que l’on respectât le repos et que les ennemis du bien ublic rendent à l’envie le plus malheureux des ornmes, parce qu’il en est le meilleur. « Nous sommes avec respect, Messieurs, vos très humbles et obéissants serviteurs. « Les membres qui composent le directoire du département de Seine-et-Oise : « Signé ; Huet, Challar, Vaillant, ChÉRON, Durand, Hénin, Ghovot, Le Flamand. » M. Bouche. Je demande que cette lettre soit présentée au roi par M. le president. M. l’abbé Latyl. Je propose de la faire im-rimer afin de lui donner une plus grande pu-licité. (Ces deux motions sont adoptées.) Dom Gerle, député d'Auvergne , demande et obtient un congé de trois semaines pour affaires. M. Lefort, député d’Orléans , sollicite pour affaires domestiques un congé d’un mois qui lui est accordé. L’ordre du jour est la suite de la discussion sur le mode de liquidation de la dette publique. M. le Président fait lecture d’une lettre, par laquelle M. Duval, ci-devant d’Eprémesnil, demande à présenter un plan qui n’est ni celui des assignats, ni celui des quittances de finance, ni celui de deux opérations mêlées ensemble, mais un plan tout à fait nouveau et seul capable de rétablir la tranquillité publique. (On demande que M. Duval ne soit entendu qu’à son tour.) M. Goupilleau.L’ Assemblée doit montrer d’autant moins d’empressement à entendre M. d'Epré-mesnil, qu’il a dit qu’il ne paraîtrait plus que pour proposer une contre-révolution. M. Duval. Je n’ai point tenu un pareil propos, seulement j’ai bien pu dire en société que, s’il y avait une contre-révolution à proposer, je voudrais la proposer à la tribune même de l’Assemblée nationale : sans m’arrêter à ces réflexions puériles, jedemande que l’Assemblée veuille bien entendre la lecture de mon plan, après le discours de M. l’abbé Maury. (L'Assemblée décide qu’elle passera à l’ordre du jour.) M. Bergasse-Larizoule , député de Pa - miers{ 1). Messieurs, j’ai cru pendant quelque temps que ie projet de rembourser la dette prétendue exigible , en entier ou en partie, au moyen d’une émission de papier-monnaie, n’était point d’une réfutation sérieuse. J’avouerai même, puisque la (l) Le discours de M. Bergasse-Larizouje est incomplet au Moniteur ,