734 (Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [8 mars 1791.} <« L’Assemblée nationale déclare que, par le décret qui ordonne que les procédures prises à Aix, Marseille et Toulon, pour crimes de lèse-nation, lui seront envoyées, et que cependant il sera sursis à tout jugement, elle n’a pas entendu que les tribunaux (lussent refuser de statuer sur les requêtes des accusés, même sur les requêtes en élargissement provisoire. » (Ce décret est adopté.) M. l’abbé Gouttes. Messieurs, les commis avaient consenti à faire une caisse composée de sommes piises sur leurs appointements pour subvenir aux besoins de ceux d’entre eux que leur vieillesse ou leurs infirmités avaient mis hors de service. Ils se sont aperçus qu’on avait porté sur leur compte des personnes qui ne devaient pas y être. Ils vous demandent actuellement la permbsion de se pourvoir par devant les tribunaux pour se faire remettre les sommes. (L’Assemblée décrète l’ordre du jour.) M. l’abbé Gouttes. Je suis chargé également de vous faire le rapport de la pétition des invalides qui vous a été envoyée. Je n’ai pu prendre sur moi de vous donner mou avis là-dessus, parce que l’esprit est si fort monté, dans ces quartiers-là, que ces gens seraient capables de se lâcher contre celui qui leur aurait donné un conseil salutaire. (Rires.) (L’Assemblée passe à l’ordre du jour.) M. Merlin. J’ai demandé la parole pour présenter à l’Assemblée nationale J’ariêté du district de Bergues, département du Nord, qui parait mériter singulièrement l’attention de l’Assemblée. Pour avoir la clef de cet arrêté, il faut savoir que Bergues était ci-devaut dans le diocèse d’Ypres. Voici l’arrêté : « Le sieur Jean-Baptiste Legrand, curé de Saint-Martin-de-Bergues, s’est avisé de publier au prône, le dimanche 27 dudit mois de février, un mandement de l’évêque d’Ypres, pour le règlement du carême procbarn. La municipalité, ayant eu communication de cette publication, a résolu de faire appeler ledit sieur curé de Saint-Martin, pour prendre des informations à ce sujet; lequel ayant comparu a déclaré ne connaître, pour le présent, d’autre évêque diocésain que celui d’Ypres; que lui ayant demandé si l’évêque de Cambrai n’était point notre évêque diocésain, en conformité des décrets de l’As.- emblée nationale, il a fait réponse que l’Assemblée nationale ne pouvait pas nous donner d’évêque légitime, que son décret à cet égard était une loi abusive, et que ceux qui ne connaissent pas leur évêque légitime sont dans le schisme. « Considérant que les dispositions de l’article 4 du titre 1er du décret de l’Assemblée nationale du 12 juillet 1790, pour la constitution civile du clergé, sanctionné par le roi, par lequel il est défendu à toutes églises et paroisses de Fiance et à tous citoyens français, de reconnaître, dans aucun cas et sous quelque prétexte que ce soit, l’autorité d’un évêque ordinaire ou métropolitain dont le siège serait établi sous la nomination d’une puissance étrangère, ni celle de ses délégués résidant en France et ailleurs, le sieur curé de Saint-Martin a eu la coupable audace de publier le mandement fait à l’occasion du prochain carême par i'évêque d’Ypres, son ci-devant évêque, tandis que la loi lui ordonne de ne reconnaître pour son évêque que celui qui siège à Cambrai pour le département du Nord, dans l’étendue duquel se trouve la ville de Bergues; considérant que cette illégale publication n’a pu être faite qu’avec la plus criminelle intention d’ébranler b s bases tes (dus solides de notre admirable Constitution, et de transmettre dans l’esprit du peuple le mépris dont son auteur aveugle et insensé paraît être profondément pénétré, envers les lois qui ne tendent qu’à assurer l’exécution du dogme, à faire triompher la religion, et à opérer le bonheur et la gloire de l’Empire français: arrête que les dénonciations seront faites, tant à l’Assemblée nationale qu’au directoire du département, des faits dont ledit sieur curé est prévenu; en conséquence, que copie du procès-verbal ci-dessus sera envoyé à l’instant à M. le président de l’Assemblée nationale et au directoire du département du Nord, pour être pris en considération, et prononcé ce que de droit. » Messieurs, la nécessité de donner un grand exemple à cette partie de l'Empire dans laquelle le sieur curé de Bergues a trouvé beaucoup d’imitateurs et en trouvera encoie davantage si l’on n’y pourvoit promptement, impose à l’Assemblée le devoir de prendre de deux partis l’un, ou renvoyer à ses comités l’arrêté dont j’ai eu l’honneur de vous faire lecture, pour lui en être fait rapport incessamment, ou d’adopter un projet de décret tel que celui-ci : « L’Assemblée nationale, sur le compte qui lui a été rendu de l’arrêté pris par le diiectoire du district de Bergues, du 2 de ce mois, d’après le procès-verbal dressé par la municipalité de la même ville, le 28 février précédent, au sujet de la publication faite par le sieur Legrand, curé de la paroisse de Saint-Martin de ladite ville, d’un mandement de l’évêque d’Ypres, ci-devant diocésain du lieu ; « Décrète que le président se retirera dans le jour par devers le roi, pour prier Sa Maje>té de donner ordre au tribunal du district de Bergues, séant à Dunkerque, d’informer contre le sieur Legrand, pour le procès lui être fait, comme prévenu d’avoir1 troublé l’ordre public. « Décrète eu outre que le ministre de la justice sera tenu de rendre compte à l’Assemblée nationale, de huitaine en huitaine, de l’exécution du présent décret. » Plusieurs membres : C’est juste I Aux voix ! aux voix! (L’Assemblée adopte le décret.) M. Merlin. Les alarmes plus ou moins fondées qui se répandent sur les frontières m’obligent de vous présenter encore un autre projet de décret dont la seule lecture vous fera sentir la nécessité. Le voici : « L’Assemblée nationale décrète que le ministre de la guerre lui rendra compte, et que ses comités militaire, diplomatique et des recherches lui feront, dans la semaine, le rapport de la situation actuelle des fore-s militaires du royaume, de l’exécution qui a dû être donnée à ses décrets du 28 janvier dernier, ainsi que des mesures ultérieures qu’il pourrait y avoir lieu de prendre pour la défense de l’Etat. » (Ce décret est adopté.) M. Regnaud ( de Saint-Jean-d'Angèly). Je demande également qu’on ajoute à celte première disposition la disposition suivante : « L’Assemblée nationale décrète, en outre, que le ministre de la guerre iui rendra compte de l’état où se trouve l’organisation de la gendar- [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. (8 mars 1791.] merie nationale, et de ce que les corps administratifs, d’après les ordres du roi, ont fait pour mettre en action cette partie de la force publique, comme aussi que le même ministre rendra cumpie de ce qu’il a dû faire pour organiser l’armée auxiliaire, dont l’Assemblée a ordonné la formation. » (Ce décret est adopté.) M. Rœderer. Et moi je prie l’Assemblée d’ordonner à son comité d’agriculture et du commerce de lui faire incessamment son rapport sur les frais de régie nécessaires pour mettre en activité les employés des domaines; car il y a lieu de croire que lorsque ces employés seront établis sur les frontières, ils suffiront à eux seuls pour repousser l’armée du ci-deyant prince de Coudé. M. Merlin. Je dois faire observer à l’Assemblée, malgré la très agréable plaisanterie du préo-pinant, que ces bruits d’invasion d’une prétendue armée ennemie ne laissent pas que d’occasionner des alarmes sur les frontières, et de relarder la vente des domaines nationaux, même d’en diminuer le produit. Dans le département du Nord, les biens nationaux se sont vendus à très haut prix et maintenant le prix baisse tous les jours. Je demande que vous vous occupiez très incessamment de cet objet. (La motion de M. Rœderer est décrétée.) M. le Président. Je crois ne pas devoir différer de vous donner lecture d’une lettre que je viens de recevoir dans le moment. La voici : « Monsieur le Président, « J’ai l’honneur de vous envoyer copie du bulletin du roi. « Je suis avec respect, etc.... « Signé : Amédée de Durfort, ci-devant duc de Duras.' » Bulletin du roi. <• Depuis vendredi dernier, le roi s’est senti atteint d’un caiarrhe, avec des mouvements de frisson et de fièvre; elle s’est déclarée plus manifestement dimanche matin. La laugue chargée et le dégoût annonçaient des humeurs dans les premières voies que plusieurs digestions troublées devaient faire soupçonner. On a donné un vomitif dont l’effet a été facile et favorable; néanmoins la toux, l’enrouement et la lièvre ont continué. Ce matin les mêmes symptômes subsisteiit; le roi a toussé fréquemment pendant la nuit et a eu fort peu de sommeil. « Signé : Le Monnier, La Servolle, Vicq-Azir, Andouille. » M. l’abbé Massieu. Je fais la motion que l’Assemblée députe vers le roi pour s’informer de sa santé. (Cette motion est décrétée.) M. le Président. On demande que la députation aille tous les matins chez le roi jusqu’à son rétablissement et rende compte tous les jours de la sanié de Sa Majesté à l’ouverture de la séance; ce sera le moyen de la rendre complète. (Cette motion est décrétée à l’unanimité.) L’Assemblée nomme comme membres de la députation MM. l’abbé Massieu, évêque de Beauvais, 735 de Folleville, de La Roque-Mons, Darnaudat, Ulry et Maréchal. M. Rœderer, au nom du comité d'imposition. Messieurs, je viens vous présenter plusieurs articles additionnels au projet de décret sur la vente du sel et du tabac dont vous avez décrété samedi les trois premiers articles (1). 'tous avons considéré que, tant qu’il y aurait des entrepôts de sel et de tabac on ne pourrait pas obtenir de 1 1 ferme générale la liquidation de ses comptes. Nous avons pensé qu’il était extrêmement important pour le Trésor public, pour vos finances mêmes, que les comptes de la ferme générale soient incessamment liquidés, attendu que, par vos précédents décrets, vous payez l'intérêt à cinq pour cent à toutes les compagnies de finances, et à compter du premier janvier dernier, pour tous les fonds d’avance qu’elles ont versés dans les coffres du roi. Relativement au tabac, il est évident que le moment actuel est celui où vous pouvez vendre aux conditions les pdus avantageuses, parce que, dans uu an, il y aura plus de concurrence dans les vendeurs. Lue autre raison encore, Messieurs, c’est que vous avez cette année des besoins urgents, et qu’il est à peu près démontré, du moins à votre comité d’imposition qu’il serait impossible d’ajouter de nouveaux impôts, sans employer les moyens dont vous avez eu le bonheur de vous préserver jusqu’à présent. Voici les articles que nous proposons : Art. 4. Les fabriques de tabac dépendant de la ferme générale avec les ustensiles nécessaires à leurs exploitations, et les tabacs en fabrication à l’époque de l’inventaire seront laissés à bail au plus offrant et dernier enchérisseur par adjudication séparée et par les directoires de district. « Les salines de Lorraine et de Franche-Comté seroni aussi laissées à bail au plus offrant et dernier enchérisseur. Les comités d’imposition, des finances et des domaines réunis proposeront incessamment à i’Assemblée les conditions des baux et les modes d’adjudication. Art. 5. Les salines, marais salants et magasins dépendant de leur exploitation seront vendus comme les domaines nationaux. Les redevances en sel pourront êtie rachetées. « Seront aussi vendus les magasins, entrepôts, bâtiments, maisons dépendant de la ferme générale, et ne servant point à l'exploitation des fabriques des salines mentionnées en l’article 2 ou à l'exploitation des droits de traite. « Les baux de ceux qui sont tenus à bail seront résiliés, et le comité des finances proposera le moyen de pourvoir aux demandes des propriétaires s’il y a lieu. « Art. 6. Immédiatement après la promulgation du présent décret, les directoires de district, sur la surveillance des directoires de département, mettront en vente, au plus offrant et dernier enchérisseur, après deux affiches et publications faites deux dimanches consécutifs diris toutes les municipalités de leur ressort, les tabacs en feuilles et manufacturés qui se trouveront dans les entrepôts, magasins et bu-r aux dépendant de la ferme générale ; ils mettront pareillement en vente les sels autres que ceux existant dans les salines de Lorraine et de Franche-Comté. (ij Voyez ci-dessus, séance du 8 mars 1791, page 670.